J-13-70
DROIT D’ARBITRAGE — CONTRAT DE MISE A DISPOSITION DE PERSONNEL — CLAUSE D’EXCLUSIVITE — RUPTURE DES RELATIONS CONTRACTUELLES — INSTANCE ARBITRALE — REQUETE AUX FINS DE DESIGNATION DES MEMBRES
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE — TENTATIVE DE REGLEMENT AMIABLE — ECHEC — VIOLATION DE LA CLAUSE D’ARRANGEMENT AMIABLE (NON) — CHOIX DE L’ARBITRE — DESACCORD — RECOURS AU JUGE — ACTION RECEVABLE (OUI)
CONSTITUTION DU TRIBUNAL ARBITRAL — CLAUSE COMPROMISSOIRE — FORMULATION — ARBITRE UNIQUE (OUI) — ARTICLE 5 ALINEA 2 — B AUA — DESIGNATION DE L’ARBITRE UNIQUE
Ayant en des termes si catégoriques opposé une fin de non-recevoir à toute tentative de règlement amiable du litige, la défenderesse ne peut pas valablement invoquer la violation d’une clause d’arrangement amiable, ni reprocher à la requérante de n’avoir pas fait recours aux bons offices d’un conciliateur encore que le contrat ne contient aucune disposition rendant obligatoire ce recours. En outre, le désaccord des parties sur le choix de l’arbitre rend nécessaire le recours au juge conformément à l’article 5 AUA, et par conséquent l’action de la requérante recevable.
Selon la clause compromissoire, « il sera recouru à l’arbitrage présidé par un juriste de droit congolais ». Il résulte de cette formulation que les parties ont opté pour un arbitre unique. En effet, le mot présidé ne peut à lui seul suffire pour inférer que les parties ont pensé à une formation collégiale de l’instance arbitrale... Dès lors, faute pour les parties d’avoir désigné l’arbitre unique devant connaître du litige qui les oppose, le juge, conformément à l’article 5 alinéa 2-b AUA, doit y procéder.
Article 5 AUA
(Tribunal de commerce de Pointe-Noire, Ordonnance de référé n° 007 du 8 janvier 2002, Société SONY SERVICES c/ Société UNIVERSAL SODEXHO)
L’an deux mille deux;
Et le huit du mois de janvier;
Par devant nous, … Président du Tribunal de commerce par intérim tenant audience publique des référés dans la salle ordinaire des audiences du palais de justice de Pointe-Noire;
A COMPARU : La société SONY SERVICES dont le siège social est à Pointe-Noire, BP 5782, ayant pour conseil le cabinet d’avocats OBONGUI NGUIE, Nadia MACOSSO et OKOKO Irène Josiane, BP 5137;
Laquelle nous a exposé qu’en date du 1er avril 1998, à Pointe-Noire, elle a conclu avec la société UNIVERSAL SODEXHO ex SOCOREST un contrat de mise à disposition du personnel;
Qu’entre autres clauses il a été convenu que : « la société SOCOREST fera appel en priorité pour ses besoins à SONY SERVICES avant de contracter avec un autre fournisseur autre que ses partenaires »;
Que cependant, à la faveur des changements politiques intervenus au Congo, l’exécution dudit contrat a été suspendu à la suite d’un fait de prince (du Gouvernement) qui aurait décidé de sa substitution par la société C.O.R.;
Que non satisfaite des prestations de la société COR, la société UNIVERSAL SODEXHO venait de rompre le contrat avec celle-ci;
Que cependant, au lieu de contracter avec elle en application de la clause visée ci-dessus, la société UNIVERSAL SODEXHO a conclu un contrat de même nature avec un tiers;
Que de ce fait un litige est né entre elle et la société susdite;
Que faute d’avoir, par la mise en demeure qu’elle lui a adressée obtenu de sa contractante le règlement amiable de ce litige, et en considération du désaccord persistant sur le choix des arbitres, elle se dit fondée à recourir à la justice et solliciter en application de la clause compromissoire contenue dans le contrat visé plus haut, que le juge de céans désigne YOBO Dieudonné, maître Irène Josiane OKOKO, Christophe MVOUMBI, respectivement président et membres du Tribunal arbitral, qui aura pour compétence de régler le litige qui l’oppose à la société UNIVERSAL SODHEXO;
A EGALEMENT COMPARU : La société UNIVERSAL SODEXHO ayant pour conseil maître Claude COELHO, avocat à la Cour, BP 430 Pointe-Noire;
Laquelle a, en défense, conclu à l’irrecevabilité de la demande de la requérante;
Qu’à cet effet elle a soutenu d’une part que la condition posée par l’article 5 de l’acte uniforme relatif au droit d’arbitrage, pour recourir au juge, a savoir la difficulté dans la constitution du Tribunal arbitral, n’est pas remplie;
Que d’autre part, la convention d’arbitrage contenue dans le contrat qui la lie à la requérante, prévoit un arbitre unique et non trois;
Qu’il revient donc à la requérante de lui proposer un acte de désignation d’un arbitre;
Attendu que répondant à ces allégations, la société SONY SERVICES dans ses conclusions en date du 29 novembre 2001, a fait valoir qu’il y a bien difficulté dans la constitution du Tribunal arbitral en ce que en date du 10 octobre 2001, il a vainement proposé à la défenderesse la désignation du président YOBO Dieudonné en qualité d’arbitre;
Qu’en outre a-t-elle poursuivi la convention d’arbitrage ne parle pas d’un seul arbitre;
Qu’il est plutôt indiqué que l’instance arbitrale sera présidée par un juriste, ce qui suppose, affirme-t-elle, que l’instance arbitrale pourrait être composée par des commerçants ou autres personnes à la seule condition d’être présidée par un juriste congolais;
Que c’est dans cette optique qu’elle a suggéré qu’elle soit présidée par le président YOBO assisté de maître MVOUMBI et maître OKOKO Irène Josiane;
Attendu que la société UNIVERSAL SODEXHO répondant en ces dernières écritures de la requérante a dans ses conclusions du 3 décembre 2001 reprécisé que la requérante ne peut recourir à l’arbitrage en ce qu’il n’a pas épuisé la procédure de règlement amiable dont l’échec doit être sanctionné par un procès-verbal de non conciliation avant de réitéré que la requête de celle-ci est irrecevable, la condition pour recevoir au juge à l’effet de designer l’instance arbitrale n’étant pas réunie;
SUR QUOI, NOUS JUGE DES REFERES
Attendu qu’il est justifié de l’urgence en ce que l’intérêt qu’à le requérant, vu les circonstances de l’espèce à voir ordonner la mesure sollicitée, serait compromis si l’on a recours à la procédure ordinaire;
Attendu que la société SONY SERVICES se fondant sur la clause compromissoire contenue dans le contrat le liant à la défenderesse, sollicite la constitution du Tribunal arbitral devant connaître du litige qui l’oppose à la société UNIVERSAL SODEXHO;
Attendu que celle-ci s’oppose à cette demande qu’elle estime irrecevable au motif que la requérante n’aurait pas épuisé la procédure préalable du règlement amiable et d’autre part que la condition prévue à l’article 5 de l’acte uniforme sur l’arbitrage pour recourir au juge à savoir la difficulté dans la constitution du Tribunal arbitral, n’est pas remplie;
Mais attendu qu’il est constant que répondant à la lettre du 21 août 2001 que lui a adressée le conseil de la société SONY SERVICES, la société UNIVERSAL SODEXHO par le biais de son conseil a écrit ce qui suit à la requérante dans sa lettre du 05 novembre 2001 : « je vous signale qu’au regard des circonstances ayant motivé la rupture des relations contractuelles entre les parties, aucune solution amiable ne peut être envisagée »;
Qu’il en résulte que, ayant en des termes si catégoriques, opposé une fin de non recevoir à toute tentative de règlement amiable du litige, la société UNIVERSAL SODEXHO, qui du reste dans le même courrier a invité la requérante à formuler une demande d’arbitrage, ne peut pas valablement invoquer la violation d’une clause d’arrangement amiable, ni reprocher à la requérante de n’avoir pas fait recours aux bons offices d’un conciliateur encore que le contrat ne contient aucune disposition rendant obligatoire le recours à un conciliateur;
Attendu que d’autre part, il est constant que par courrier du 10 octobre 2001 la société SONY SERVICES a proposé à la société UNIVERSAL SODEXHO la nomination du président YOBO Dieudonné, Président de la Chambre commerciale de la Cour d’appel pour présider l’instance arbitrale;
Que le silence gardé par la société UNIVERSAL SODEXHO fait non seulement présumer son refus mais caractérise le désaccord des parties sur le choix de l’arbitre rendant ainsi nécessaire le recours au juge conformément aux dispositions de l’article 5 de l’acte uniforme sur le droit d’arbitrage;
Qu’il suit de ce qui précède que la société SONY SERVICES est recevable en sa demande;
Attendu qu’en ce qui concerne le nombre d’arbitres les parties ont indiqué dans la clause compromissoire ce qui suit : « il sera recouru à l’arbitrage présidé par un juriste de droit congolais »;
Que de cette formulation et contrairement à ce qu’a soutenu la société SONY SERVICES, il résulte que les parties ont opté pour un arbitre unique;
Qu’en effet le mot présidé ne peut à lui seul suffire pour inférer que les parties ont pensé à une formation collégiale de l’instance arbitrale dont l’un serait le président, puisque même pour un Tribunal composé d’un seul arbitre ou d’une juridiction à juge unique, l’on peut toujours utiliser le verbe présider;
Attendu que faute par les parties d’avoir désigné l’arbitre unique devant connaître du litige qui les oppose, le juge de céans, conformément à l’article 5 alinéa 2-b de l’acte uniforme sur le droit d’arbitrage, doit y procéder ainsi qu’il sera dit dans le dispositif;
Attendu que les dépens doivent être mis à la charge des parties;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en référé et en premier ressort;
Au principal renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu’elles en aviseront;
Mais dès à présent vu l’urgence;
Déclarons la société SONY SERVICES recevable en son action;
Disons que les parties ont convenu d’un arbitrage par un arbitre unique, juriste de droit congolais;
Désignons monsieur BOUMBA Narcisse, Magistrat, Conseiller à la Cour d’appel de Pointe-Noire, arbitre unique pour connaître du litige opposant la société SONY SERVICES à la société UNIVERSAL SODEXHO;
Mettons les dépens à la charge des parties.