J-13-79
DROIT COMMERCIAL GENERAL — BAIL — CONTRAT DE BAIL A USAGE PROFESSIONNEL — LOYERS ECHUS IMPAYES — BAILLEUR — MISE EN DEMEURE — REQUETE AUX FINS D'EXPULSION —
EXCEPTION D'INCOMPETENCE — JUGE DES REFERES — DECISION RENDUE — ORDONNANCE DE REFERE — RESILIATION JUDICIAIRE DU BAIL — ARTICLE 101 ALINEA 5 AUDCG — MENTION DU TERME « JUGEMENT » — SENS RESTRICTIF (NON) — NOTION GENERALE DE DECISION DE JUSTICE (OUI)
OBLIGATIONS DU PRENEUR — LOYERS — DEFAUT DE PAIEMENT — PRESCRIPTIONS DE L'ARTICLE 101 AUDCG — DISPOSITIONS D'ORDRE PUBLIC — CONDITIONS REMPLIES (OUI) — CONSTAT DE RESILIATION DE JURE DU BAIL — COMPETENCE DU JUGE DES REFERES (OUI) — DECISION D’EXPULSION DU PRENEUR
Selon un avis de la CCJA, le terme jugement est utilisé à l'alinéa 5 de l'article
101 AUDCG dans son sens générique et désigne toute décision de justice. C’est-à-dire qu’il désigne aussi bien le jugement d'un tribunal que l'ordonnance rendue par un juge des référés.
Le juge des référés, juge de l'urgence mais aussi juge de l'évidence et de l'incontestable, attaché et lié par les dispositions de l'article 207 CPCCAF peut, sans outrepasser ses pouvoirs et méconnaître sa compétence, constater la résiliation du bail et ordonner l'expulsion du preneur dès l'instant où le bailleur a respecté les formalités prescrites par l'article 101 précité. Et selon les dispositions de cet article qui sont d'ordre public, le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail. A défaut de paiement du loyer ou en cas d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra demander la résiliation judiciaire du bail et l'expulsion du preneur…, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d'avoir à respecter les clauses et conditions du bail…
En la cause, il n'est pas contesté par le preneur qu'il est redevable des loyers échus impayés au bailleur qui lui a servi une mise en demeure demeurée infructueuse plus d'un mois pour compter de sa notification. Dès lors, le juge des référés se borne donc à constater que les conditions prescrites par l'article 101 précité sont réunies, et il conclut que le bail liant les parties est résilié de plein droit.
Article 101,
102 AUDCG DE 1997
Article 57, 181, 207, 214, 215 CPCCAF
(Tribunal de commerce de Brazzaville, Jugement n° 007 du 28 janvier 2011, Société SDV-Congo C/ Société THANRY-Congo)
LE TRIBUNAL
FAITS MOYENS ET PRETENTIONS DES PLAIDEURS
Il résulte de la requête introductive d'instance et de la plaidoirie développée oralement par maître Rock Nicaise ITOUA LEBO que la société THANRY CONGO avait pris à bail un appartement, situé au 1er étage de l'immeuble SDV-CONGO sis Avenue Félix EBOUE, centre-ville Brazzaville, à usage professionnel;
Cependant, le preneur ne s'acquitte pas régulièrement des loyers qu'elle est restée redevable de la somme de 9.031.644 francs CFA aussi la SDV-CONGO l'a-t-elle servi une mise en demeure de payer en date du 13 août 2010 restée infructueuse et ce, conformément aux dispositions de l'article 101 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général.
Or, il s'est écoulé plus d'un mois depuis la notification de cette mise en demeure jusqu'à la présente procédure et les loyers n'ont pas été payés de telle sorte que la dette des loyers ne fera que croître si le preneur demeure dans les lieux loués;
Aussi la requérante est-elle obligée de solliciter l'expulsion immédiate et sans condition de la société THANRY-CONGO et celle de tous occupants de son chef des lieux loués;
De son côté, la société THANRY-CONGO soulève l'incompétence rationae materiae du juge des référés d'ordonner l'expulsion d'un preneur muni d'un constant de bail en cours;
Elle soutient que l'article 207 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière qui encadre la compétence du juge des référés ne donne pas à ce dernier le pouvoir de préjudicier le fond du litige, sa compétence étant limitée à la prescription des mesures provisoires dans tous les cas où il y a urgence, péril en demeure ou difficulté sérieuse d'exécution d'un arrêt, d'un jugement ou de tout autre titre exécutoire;
L'expulsion sollicitée par la SDV préjudice au fond du litige notamment les effets du contrat de bail;
D'ailleurs l'article 101 alinéa 2 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général dispose qu' « à défaut de paiement du loyer ou en cas d'inexécution d'une clause de bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l'expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d'avoir à respecter les clauses et conditions du contrat »;
Le dernier alinéa du même article dispose que « le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la demande aux créanciers inscrits »;
Il est clair que le juge des référés n'est pas la juridiction compétence en matière de résiliation du bail et d'expulsion en ce qu'il rend des jugements;
Elle conclut que le juge de céans devra se déclarer incompétent et renvoyer la SDV à mieux se pourvoir;
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que pour faire échec à la mesure d'expulsion sollicitée par la SDV-CONGO la société THANRY Congo, partie défenderesse au procès soulève l'incompétence du juge des référé de céans, motif pris de ce que, d'une part, le juge de céans juge du provisoire à la compétence restreinte ne peut ordonner l'expulsion d'un preneur muni d'un contrat de bail en cours sans préjudicier le fond du litige et, d'autre part, l'article 101 alinéa 5 de l'acte uniforme relatif au droit commercial général qui règlemente la résiliation doit intervenir par « jugement », ce qui exclut la compétence du juge des référé qui ne rend pas des jugements mais plutôt des « ordonnances »;
Attendu cependant qu'il est impérieux de rappeler avant tout que le terme jugement mentionné à l'alinéa 5 de l'article 101 de l'acte uniforme précité ne peut faire l'objet d’interprétation restrictive de la part des plaideurs;
Qu'en effet, à la demande de la république du Sénégal, la Cour commune de justice d’arbitrage de l'OHADA réunie en formation plénière a précisé dans un avis n° 01 du 04 juin 2003 que « le terme jugement est utilisé à l'alinéa 5 dudit article dans son sens générique et désigne toute décision de justice »;
Qu'il en découle que le terme jugement utilisé à l'alinéa 5 de l'article 101 précité renvoi à la notion générale de décision de justice par opposition à son sens restrictif et désigne aussi bien le jugement d'un Tribunal que l'ordonnance rendue par un juge des référés; Que cette précision ayant été apportée pour des besoins de clarté, tait ce débat qui doit être clos à ce propos;
Qu’au demeurant, il sied de relever que le juge des référés est compétent pour constater la résiliation de jure et ordonner l'expulsion du preneur dès lors que les conditions prescrites par l'article 101 sus-indiqué sont remplies;
Attendu que selon les dispositions de l'article 101 précité, le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail;
Qu'à défaut de paiement du loyer ou en cas d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l'expulsion du preneur, et de tous occupants de son chef après avoir fait délivrer, par acte extrajudiciaire, une mise en demeure d'avoir à respecter les clauses et conditions du bail;
Que cette mise en demeure doit reproduire, sous peine de nullité, les termes du présent article et informer le preneur qu'à défaut de paiement ou de non-respect des clauses et conditions du bail dans un délai d'un mois, la résiliation sera poursuivie;
Que le bailleur qui entend poursuivre la résiliation du bail dans lequel est exploité un fonds de commerce doit notifier sa demande aux créanciers inscrits;
Que le jugement prononçant la résiliation ne peut intervenir qu'après l'expiration d'un délai d'un mois suivant la notification de la demande aux créanciers;
Attendu que les dispositions de l'article 101 dudit acte sont d'ordre public et ce, conformément à l'article 102 du même Acte uniforme;
Que l'office du juge des référés se borne donc à constater que les conditions prescrites par l'article 101 précité sont réunies et de conclure que le bail liant les parties est résilié de plein droit et d'ordonner par conséquent l'expulsion du preneur qui devient dans ces conditions un occupant sans droit ni titre;
Que le juge des référés, juge de l'urgence, du péril en la demeure mais aussi juge de l'évidence et de l'incontestable, attaché et lié par les dispositions de l'article 207 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière peut, sans outrepasser ses pouvoirs et méconnaître sa compétence, constater la résiliation du bail et ordonner l'expulsion du preneur dès l'instant où le bailleur a respecté les formalités prescrites par l'article 101 sus indiqué;
Attendu qu'en la cause qu'il n'est pas contesté par la société THANRY-CONGO qu'elle est redevable d'une somme de 9.031.644 F.CFA au titre des loyers échus impayés à la SDV-CONGO, et qu'en date du 13 août 2010 son bailleur, demanderesse au procès lui a servi une mise en demeure par acte extrajudiciaire dûment versé aux débats reproduisant les dispositions de l'article 101 de l'Acte uniforme précité et demeurée infructueuse plus d'un mois pour compter de sa notification;
Que ce constat qui tient de l'évidence induit que le juge des référés de céans devra tirer toutes les conséquences juridiques et constater la résiliation de jure du contrat de bail;
Attendu par ailleurs que la société THANRY-CONGO défenderesse au procès n'a pas conclu au fond, articulant ses moyens de défenses uniquement sur la question de l'incompétence du juge saisi;
Que les dispositions de l'article 181 du code de procédure civile précité aux termes duquel le juge peut dans un même jugement, mais par des dispositions distinctes se déclarer compétent et statuer sur le fond du litige, sauf à mettre préalablement les parties en demeure de conclure sur le fond ne peut s'appliquer en l'espèce, en enjoignant à la défenderesse de conclure au fond;
Qu'en réalité, la disposition sus indiquée qui figure dans le chapitre III du titre VII consacrés aux règles communes applicables aux juridictions du fond ne peut être appliquée par le juge des référés, cette possibilité étant réservée au juge du fond;
Qu'au regard de tout ce qui précède, il sied de constater la résiliation du bail de jure et d'ordonner l'expulsion de la société THANRY-CONGO et de tous occupants de son chef de l'appartement sis immeuble SDV-CONGO, Avenue Félix EBOUE Centre-ville Brazzaville étant précisé que cette expulsion se fera au besoin avec l'assistance de la force publique;
Qu'in fine, les parties doivent s'en tenir à l'exécution de la présente décision qui est exécutoire de plein droit, par provision sans caution nonobstant toutes voies de recours et ce, conformément aux dispositions des articles 214 et 215 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière;
Qu'ayant succombé à la présente procédure, il échet de mettre les dépens à la charge de la société THANRY-CONGO, conformément à l'article 57 du code de procédure civile suscité;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en référé et en premier ressort;
Au principal
Tous moyens de fait et de droit des parties réservés pour la saisine de la juridiction compétente;
Mais dès à présent, vu l'urgence;
Retenons notre compétence;
Constatons que le contrat de bail liant les parties est résilié de plein droit par application de l'article 101 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général;
En conséquence
Ordonnons l'expulsion de la société THANRY-CONGO et tous occupants de son chef de l'appartement situé au 1er étage de l'immeuble SDV-CONGO sis avenue Félix EBOUE, centre-ville Brazzaville;
Disons que cette expulsion se fera au besoin avec le concours de la force publique;
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision sans caution nonobstant appel et qu'il nous en sera référé en cas de difficultés;
Mettons les dépens à la charge de la société THANRY-CONGO.