J-13-83
DROIT COMMERCIAL GENERAL — BAIL — BAIL D’UN IMMEUBLE A USAGE COMMERCIAL — CONTRAT A DUREE DETERMINEE — PRIX DU LOYER — AUGMENTATION — DEFAUT D’ACCORD — REQUETE AUX FINS D’EXPULSION — EXCEPTION D’INCOMPETENCE — JUGE DES REFERES COMMERCIAUX — COMPETENCE (OUI) — ORDONNANCE D’EXPULSION — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
FIN DU BAIL — BAILLEUR — VOLONTE DE NON RENOUVELLEMENT DU CONTRAT — MODIFICATION DE L’ETAT DES LIEUX — LITIGE SUR LE PRIX DU BAIL (NON) — INEXECUTION D’UNE CLAUSE DU CONTRAT (NON) — PARTIES EN LITIGE (NON) — EXPULSION — COMPETENCE DU JUGE DE FOND (NON) — CONFIRMATION DE L’ORDONNANCE
Aux termes de l’article
101 AUDCG, l’expulsion du preneur est ordonnée en cas de résiliation judiciaire du contrat de bail, en cas le litige sur le prix de celui-ci, ou en cas d’inexécution d’une clause du contrat.
En l’espèce, il n’y a ni litige sur le prix du bail, ni sur l’inexécution d’une clause du contrat. Simplement, le bailleur n’entend plus renouveler le contrat pour cause des travaux. Les parties n’étaient pas en litige, la saisine du juge de fond n’est pas justifiée. Par conséquent, les locataires étant commerçants, le juge de référés commerciaux était compétent pour ordonner la mesure d’expulsion sollicitée.
Article 89, 90 ET SUIVANTS, 216 CPCCAF
Article 105 LOI 19-99 DU 15 AOUT 1999
Article 26 DECRET DU 30 SEPTEMBRE 1953
Article 101 AUDCG DE 1997
(Cour d’appel de Pointe-Noire, Arrêt n° 010 du 28 septembre 2007, KEBE et SUMATE c/ MAKANGA Ghislain)
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï, monsieur Dieudonné YOBO, Président de la Deuxième Chambre civile de la Cour d’appel, en son rapport;
Ouï, les parties en leurs conclusions respectives;
Ouï, le Ministère public en ses réquisitions;
Après avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que KEBE et SOUMARE sont appelants d’une ordonnance rendue par le juge des référés commerciaux, le 07 juin 2007 dans la cause les opposant à MAKANGA Ghislain aux fins d’expulsion et dont le dispositif suit :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort;
Nous déclarons compétent;
Déclarons recevable l’action de monsieur Ghislain MAKANGA;
Ordonnons l’expulsion de messieurs KEBE et SOUMARE des locaux sis Avenue Moe Pratt;
Déboutons messieurs KEBE et SOUMARE de leur demande reconventionnelle;
Les condamnons aux dépens »;
EN LA FORME
Considérant qu’appel de ladite ordonnance étant intervenu le 11 juin 2007 dans la forme et délai prévus à l’article 216 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière doit être déclaré régulier donc recevable;
AU FOND
Considérant qu’en cause d’appel, KEBE et SOUMARE font observer qu’ils occupent les locaux à usage commercial depuis plus de trente ans;
Que depuis le mois de janvier 2007, ils sont en litige suite à la volonté de bailleur de modifier ou de leur imposer l’augmentation du prix du loyer;
Que se fondant sur ce litige MAKANGA Ghislain leur bailleur a saisi le Président du Tribunal de commercial de Pointe-Noire aux fins d’obtenir leur expulsion;
Que le Tribunal de commerce a rendu l’ordonnance dont appel;
Que la Cour d’appel infirmera l’ordonnance incriminée en toutes ses dispositions et déclarera bien fondée en leur demande de maintien sur les lieux et pour cause;
Considérant qu’aux termes de l’article 105 de la loi 19-99 du 15 août 1999 : « Le Tribunal commerce connaît en premier ressort et à charge d’appel de toutes les actions commerciales dont le montant en capital est supérieur à un million de francs et 300.000 francs en revenu, rente ou prix du bail »;
Que cet article consacre la compétence du Tribunal et non celle du juge des référés;
Que la compétence du Président du Tribunal de commerce statuant en référé n’est pas justifiée;
Qu’en outre, l’ordonnance attaquée pour ordonner la mesure d’expulsion retient que les parties ne seraient plus liées par un contrat aux motifs que eux n’avaient pas contesté le préavis à eux donné, lequel aurait expiré depuis le 31 décembre 2006;
Que cette constatation procède d’une affirmation gratuite;
Que pour mettre fin au bail, le congé est donné par extrajudiciaire au moins 6 mois à l’avance;
Qu’en l’espèce, il n’a pas été produit un dossier aucun acte attestant l’existence d’un congé en vue de mettre fin à leurs contrats de bail;
Que pourtant, il ressort de l’ordonnance attaquée qu’il existe au dossier un procès-verbal du conseil de famille des enfants MAKANGA en date du 21 janvier 2007 qui déclaré que le locataire n’acceptant pas que sa boutique soit modifiée devra payer en contrepartie la somme de 300.000 Francs CFA;
Qu’enfin pour rejeter leur demande de maintien sur les lieux, l’ordonnance attaquée retient successivement que :
– Il n’existerait pas à proprement parler un litige sur le prix du loyer;
– L’agrandissement des lieux ne serait pas le motif de la mesure d’expulsion mais l’expiration du bail;
– Il ne saurait dénier aux enfants MAKANGA leurs droits de propriétaire incluant entre autres leur liberté de décider d’une quelconque modification des lieux;
Qu’il s’en suit que non seulement, le défaut d’accord sur le prix ne peut être un motif de cassation du contrat de bail à usage commercial mais encore en cas de litige, il est soumis à l’appréciation du juge compétent;
Que pour avoir décidé autrement, l’ordonnance attaquée devra être infirmée en toutes ses dispositions;
Les déclarer bien fondés en leur appel;
Infirmer en toutes ses dispositions l’ordonnance entreprise;
Déclarer les concluants bien fondés en leur demande de maintien dur les lieux;
Condamne MAKANGA Ghislain aux dépens.
Considérant que répondant aux conclusions des appelants MAKANGA Ghislain concluant à la confirmation de l’ordonnance du 07 juin 2007 conformément à sa requête introductive d’instance en date à Pointe-Noire du 18 avril 2007 dans laquelle, il soutient que le préavis donné à ses locataires a expiré depuis le 31 décembre 31 et qu’il n’entendait plus renouveler le contrat de bail;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant qu’il est reproché à l’ordonnance attaquée d’avoir ordonné l’expulsion des appelants en violation de l’article 26 du décret du 30 septembre 1953, l’article 105 de la loi n° 19-99 du 15 août 1999 et l’article 101 de l’Acte uniforme portant droit commercial général;
Considérant que feu MAKANGA Philippe avait conclu un contrat de bail d’un immeuble à usage commercial;
Que feu MAKANGA Philippe étant décédé, l’exécution du contrat s’est poursuivie avec ses ayants droits;
Que le 31 décembre 2006, ledit contrat est arrivé à expiration;
Qu’un conseil de famille s’est tenu au cours duquel des modifications devaient être apportées à l’immeuble pour en arriver à cinq boutiques;
Que les ayants droit exprimaient à leurs locataires leur intentions de ne plus renouveler leur bail pour cause de travaux;
Que les locataires jusqu’à ce jour s’obstinent à ne pas libérer les lieux;
Que le juge des référés n’est pas compétent à la matière s’appuyant sur le fait que l’expulsion est de la compétence du juge du fond;
Mais considérant que l’article 101 de l’Acte uniforme portant droit commercial général dispose que l’expulsion est ordonnée en cas de résiliation judiciaire du contrat de bail, en cas de litige sur le prix de celui-ci, ou en cas d’inexécution d’une clause du contrat;
Considérant qu’en l’espèce, il n’y a ni litige sur le prix du bail ni sur l’inexécution d’une clause du contrat;
Que simplement le bailleur n’entend plus renouveler le contrat pour cause des travaux;
Que la saisine du juge de fond n’est pas justifiée les parties n’étaient pas en litige;
Que de ce qui précède, le juge de référés commerciaux était compétent pour ordonner la mesure sollicitée, les locataires étant commerçants;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale
Et en dernier ressort;
En la forme
Reçoit l’appel;
Au fond
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance attaquée;
Condamne les appelants aux dépens.