J-13-89
DROIT COMMERCIAL GENERAL — IMMATRICULATION AU RCCM — INSCRIPTIONS MODIFICATIVES — GERANCE DE L'ETABLISSEMENT — MESENTENTES — ASSIGNATION EN RADIATION DU RCCM —
SURSIS A STATUER — PLAINTE POUR ABUS DE CONFIANCE — SIMPLE SAISINE DU PROCUREUR — SAISINE DU JUGE REPRESSIF (NON) — DECISION DE REJET
EXCEPTION D’IRRECEVABILITE — FONDE DE POUVOIR — ACTION PERSONNELLE — DEFAUT DE QUALITE POUR AGIR (NON) — RECEVABILITE DE L'ACTION (OUI)
ACTION EN RADIATION — VIOLATION DES CONDITIONS DE ARTICLE 36 ALINEA 1er AUDCG — ACTION MAL FONDEE (OUI)
Le criminel tient le civil en l'état. Cependant en l'espèce, la simple saisine du Procureur de la République par une simple plainte ne peut permettre au juge du fond saisi d'une action civile ou commerciale de surseoir à statuer en application dudit principe, alors que le juge répressif n'est pas saisi.
L'action en radiation du RCCM du requérant est dirigée contre un Etablissement et son directeur gérant. Et il est constant qu’il n’a pas intenté cette action au nom et pour le compte dudit Etablissement. Il a donc qualité pour agir.
Aux termes de l'article 36 alinéa 1 AUDCG, « toute personne physique immatriculée doit, dans le délai d'un mois à compter de la cessation de son activité commerciale, demander sa radiation du registre du commerce et du crédit mobilier ». En l'espèce, aucune condition exigée par ledit article n'est établie pour justifier la radiation.
Article 57, 197, 481 CPCCAF
Article 36 AUDCG
(Tribunal de commerce de Pointe-Noire, Jugement n° 168 du 23 septembre 2009, Jacques Trésor MBOUNI c/ Aimé MISSOUANGA)
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier :
Ouï, monsieur Jacques Trésor MBOUNI, ayant pour conseil maître Germain KOCANI, avocat à la Cour, en sa demande;
Ouï, monsieur Aimé MISSOUANGA, ayant pour conseil maître Roger OKO, avocat à la Cour, en ses explications et moyens de défense;
Ouï, le Ministère public en ses réquisitions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par requête en date à Pointe-Noire du 3 juin 2008, monsieur Jacques Trésor MBOUNI a assigné par devant le présent Tribunal monsieur Aimé MISSOUANGA en radiation du registre du commerce et du crédit mobilier;
Qu'à l'appui de sa requête, il expose :
Qu'en date du 21 mars 2008, suite à une convenance entre monsieur MISSOUANGA Aimé et lui, ils ont obtenu l'immatriculation au RCCM de l'Etablissement JATREM-TRADING, portant les références ci-après RCCM Pointe-Noire n° CG/PNR/08A176 sans au préalable procéder à la radiation de l'ancien Etablissement JATREM RCCM n° 2001 A 451;
Que le fait d'avoir contribué à hauteur de 1.168.000 F.CFA pour venir en aide au requérant qui a une entreprise reconnue sous l'appellation de JATREM et qui est en plein chantier dans un quartier de Pointe-Noire, monsieur MISSOUANGA Aimé a commencé par lui demander de rendre compte du fonctionnement de l'Etablissement JATREM comme s'il est le Directeur gérant dudit établissement, alors qu'il doit attendre les marchés de JATREM-TRADING qui vient d'être inscrit, où il prétend partout être Directeur général;
Que devant cette confusion militante dans la tête de monsieur MISSOUANGA Aimé, et pour éviter toute altercation susceptible de nuire à l'un et l'autre, il s'estime bien fondé à s'adresser à justice pour aboutir à la radiation et à la dissolution de l'Etablissement JATREM-TRADING afin que chacun exerce librement;
Attendu par conclusions en date du 23 juin 2008, monsieur MISSOUANGA Aimé a sollicité qu'il soit sursis à statuer d'une part et soulevé l'irrecevabilité de l'action de monsieur MBOUNI Jacques Trésor d'autre part;
Qu'il rétorque que suite à un accord intervenu entre monsieur MBOUNI Jacques Trésor et lui, il est devenu le représentant légal de l'Etablissement JATREM-TRADING, à charge d'en gérer tant activement que passivement;
Que c'est à ce titre qu'il a investi d'importantes sommes d'argent dans le fonctionnement et l'organisation dudit établissement et notamment dans le préfinancement du marché conclu avec la Société PREZIOSO CONGO;
Que dans cette même optique, il a, des mois durant, payé les appointements et autres frais des ouvriers embauchés et même ceux de monsieur MBOUNI Jacques Trésor;
Que pendant toute cette longue période, monsieur MBOUNI Jacques Trésor s'est mal intentionnellement comporté en salarié consciencieux, obéissant et respectueux de la hiérarchie administrative;
Que contre toute attente, ce dernier s'est permis, de se faire établir, délivrer et payer un chèque d'une valeur de 2.165.037 F.CFA de la part de la Société PREZIOSO CONGO et ce, à l'insu de son employeur;
Que suite à ces agissements frauduleux d'une extrême gravité, il a engagé des poursuites pénales à son encontre, du chef d'abus de confiance;
Que ladite cause est pendante par devant le juge répressif;
Qu'en application de la règle le criminel tient le civil en l'état, il sollicite que le Tribunal de céans ordonne le sursis à statuer de la présente action jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours;
Que monsieur MBOUNI Jacques Trésor a été Directeur gérant de l'Etablissement JATREM immatriculé au RCCM suivant le n° 01A0451 du 25 mai 2001;
Qu'il en a été l'unique exploitant;
Qu'après les inscriptions modificatives intervenues courant mars 2008, le précédent établissement est devenu une nouvelle personne juridique dénommée Etablissement JATREM TRADING dont le numéro du RCCM est CG/PNR/08A176;
Que ce nouvel Etablissement commercial a désormais un seul exploitant en la personne de monsieur MISSOUANGA Aimé, dont monsieur MBOUNI Jacques Trésor n'est qu'un simple fondé de pouvoir;
Qu'or, un fondé de pouvoir est défini comme étant une personne liée à l'entreprise par un contrat de travail, mais ayant les pouvoirs d'un mandataire;
Que monsieur MBOUNI Jacques Trésor n'a pas qualité de solliciter la radiation de l'immatriculation de l'activité d'autrui qui, plus est, manifestement distincte de celle dont il a été le représentant légal;
Qu'il échet de le déclarer irrecevable en son action pour défaut de qualité en application de l'article 481 du code de procédure civile commerciale, administrative et financière;
Que l'action de monsieur MBOUNI est irrecevable au motif qu'elle ne remplit aucune condition de l'article 36 alinéa 1er de l'Acte uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général;
Attendu que dans ses conclusions en date du 24 septembre 2008, monsieur MBOUNI Jacques Trésor rappelle que le 3 mars 2008, il a introduit sa demande des prestations diverses auprès de la Société PREZIOSO CONGO, avec les statuts de JATREM et les documents officiels lui permettant d'exercer ses activités;
Qu'après étude du dossier, il a été convoqué par ladite société pour retirer le bon de commande au nom des Etablissements JATREM en sa qualité de gérant;
Qu'avant la prise dudit bon, le conducteur des travaux de la Société PREZIOSO CONGO a insisté à son endroit pour fournir un relevé d'identité bancaire en complément du dossier;
Que suite aux difficultés relatives à l'obtention d'un compte bancaire de JATREM du fait de l'invalidation de la carte d'identité du gérant par ECOBANK, monsieur MISSOUANGA Aimé lui a proposé de modifier le RCCM afin qu'il soit inscrit en son nom;
Que ce RCCM a été modifié le 21 mars 2008, sans avoir radié celui de JATREM n° 01A451 du 25 mai 2001;
Qu'il a remis à MISSOUANGA Aimé la somme de 50.000 F.CFA au titre des frais d'ouverture du compte à ECOBANK;
Que malheureusement ce dernier n'a pas ouvert ledit compte;
Qu'il n'y a pas eu un contrat quelconque signé entre eux, ni même une simple décharge pour passation de fond;
Que JATREM-TRADING est un établissement de fait pour permettre l'ouverture de compte qui n'a pas été effective;
Que monsieur MISSOUANGA n'a jamais payé les appointements et autres frais des ouvriers et pour lui;
Que celui-ci a apporté une aide en tenues, chaussures de travail et quelque matériel de chantier;
Que JATREM-TRADING n'a jamais obtenu aucun bon de commande ni un marché;
Que le chèque de PREZIOSO CONGO lui a été remis en sa qualité de gérant de JATREM;
Que JATREM-TRADING doit être radié pour le simple fait que MISSOUANGA Aimé ne peut pas créer un établissement et mettre un nom patronymique qui est égal à Jacques Trésor MBOUNI;
Que MISSOUANGA Aimé ne peut pas gérer un établissement qui porte le nom de son adversaire et pire encore, qu'il n'est pas le fondateur;
Qu'aucun justificatif de l'existence d'une procédure pénale n'est versé au dossier :
I) SUR LE SURSIS A STATUER
Attendu que monsieur MISSOUANGA Aimé a sollicité qu'il soit sursis à statuer à la présente procédure au motif qu'il a saisi le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Pointe-Noire d'une plainte pour abus de confiance contre le nommé MBOUNI Jacques Trésor;
Que s'il est vrai qu'en vertu du principe selon lequel le criminel tient le civil en l'état, le Tribunal civil saisi d'une action doit surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale en cours;
Qu'en l'espèce, la simple saisine du Procureur de la République par une simple plainte ne peut permettre au juge du fond saisi d'une action civile ou commerciale de surseoir à statuer en application dudit principe alors que le juge répressif n'est pas saisi;
Qu'il n'existe au dossier aucune pièce justifiant que le juge répressif est saisi;
Que dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'ordonner le sursis à statuer de la présente procédure;
II) SUR L'IRRECEVABILITE DE L'ACTION
Attendu que monsieur MISSOUANGA Aimé a soulevé l'irrecevabilité de l'action de monsieur MBOUNI Jacques Trésor pour défaut de qualité de ce dernier et violation de l'article 36 de l'Acte uniforme OHADA du 17 avril 1997 relatif au droit commercial général;
Qu'en la forme, il y a lieu de recevoir la fin de non-recevoir soulevée en ce que conformément aux dispositions de l'article 197 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, elle peut être proposée en tout état de cause;
Qu'au fond, monsieur MISSOUANGA Aimé a proposé l'irrecevabilité de l'action au motif que monsieur MBOUNI Jacques Trésor n'a pas qualité pour agir;
Que cependant il apparaît dans les conclusions de monsieur MISSOUANGA Aimé que monsieur MBOUNI Jacques Trésor est un fondé de pouvoir de l'ancien établissement JATREM devenu JATREM-TRADING;
Que l'action de monsieur MBOUNI Jacques Trésor est dirigée contre l'Etablissement JATREM-TRADING et monsieur MISSOUANGA Aimé son Directeur gérant;
Qu'il est constant qu'il n'a pas intenté cette action au nom et pour le compte de JATREM-TRADING;
Que dans ces conditions, il y a lieu de déclarer recevable l'action de monsieur MBOUNI Jacques Trésor;
III) SUR LA RADIATION
Attendu que monsieur MBOUNI Jacques Trésor a sollicité la radiation de l'Etablissement JATREM-TRADING du RCCM au motif qu'il s'agit d'un Etablissement de fait qui n'avait pour intérêt que de permettre l'ouverture d'un compte bancaire;
Attendu qu'aux termes de l'article 36 alinéa 1er de l'Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général : « Toute personne physique immatriculée doit, dans le délai d'un mois à compter de la cessation de son activité commerciale, demander sa radiation du registre du commerce et du crédit mobilier »;
Qu'en l'espèce, aucune condition exigée par ledit article n'est établie pour justifier la radiation;
Qu'un litige relatif à la gestion de l'Etablissement n'est pas une condition prévue pour la radiation au registre du commerce et du crédit mobilier;
Qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer monsieur MBOUNI Jacques Trésor mal fondé en son action;
IV) SUR LES DEPENS
Attendu qu'aux termes de l'article 57 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, la partie qui succombe est condamnée aux dépens. Si les parties ont succombé respectueusement sur quelques points, les dépens doivent être partagés;
Qu'en l'occurrence, monsieur MISSOUANGA Aimé a succombé sur le sursis à statuer et sur l'irrecevabilité et monsieur MBOUNI Jacques Trésor a succombé sur la radiation;
Que dans ces conditions, il y a lieu de partager les dépens entre les parties à raison de 2 /3 pour monsieur MISSOUANGA Aimé et de 1/3 pour monsieur MBOUNI Jacques Trésor;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort;
Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer en la présente procédure;
Déclare monsieur MBOUNI Jacques Trésor recevable en son action;
L'en dit mal fondé;
Partage les dépens entre les parties à raison de 2/3 pour monsieur MISSOUANGA Aimé et 1/3 pour monsieur MBOUNI Jacques Trésor.