J-13-92
DROIT COMMERCIAL GENERAL — VENTE DE MATERIAUX DE CONSTRUCTION — LIVRAISON — PAIEMENT DU PRIX — INEXECUTION — ASSIGNATION EN PAIEMENT — ACTION BIEN FONDEE — PAIEMENT DE LA CREANCE (OUI) — INTERETS DE DROIT — DOMMAGES — INTERETS — APPEL — ARRET CONFIRMATIF — APPEL ABUSIF — DROIT A REPARATION (OUI) — POURVOI EN CASSATION — REQUETE AUX FINS DE SURSIS A EXECUTION — RECEVABILITE (OUI)
CREANCE — REQUETE EN PAIEMENT — DELAI DE PRESCRIPTION — CORRESPONDANCES ECHANGEES — SUSPENSION DU DELAI (NON) — CAS INTERRUPTIFS — ACTION EN JUSTICE (OUI) — VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 189 BIS CODE DE COMMERCE — FORCLUSION (OUI) — CASSATION ET ANNULATION DE L’ARRET — RENVOI (NON)
Il résulte de l'article 189 bis du code de commerce que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Il est de doctrine et de jurisprudence constante que cette prescription décennale ne peut être interrompue ou suspendue que par une citation en justice, un commandement par huissier, ou une saisie. Ne peuvent donc être interruptifs du délai de prescription que les seules actions témoignant clairement de la volonté d'agir en justice. Tel n'est pas le cas d'un échange officieux de correspondances en vue du paiement de la créance litigieuse.
Article 100, 106, 107, 108 CPCCAF
Article 189 BIS CODE COMMERCE DE 1807
(Cour Supreme du Congo, Chambre commerciale, Arrêt n° 004/GCS.2000 du 19 mai 2000, Société d'entreprises du Congo (SOCOFRAN) c/ Etablissements NKOUNKOU FILS)
LA COUR SUPREME,
Statuant en sa Chambre commerciale, à l'audience publique du vendredi dix-neuf mai deux mille, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé le 30 Septembre 1998 par la société d'entreprises du Congo dite SOCOFRAN, société anonyme dont le siège social est à Pointe-Noire B.P. 1148, représentée par maître Joseph BRUDEY, avocat au barreau de Brazzaville;
En cassation de l'arrêt n° 76 rendu le 26 août 1998 par la Cour d’appel de Brazzaville, Chambre commerciale dans la cause qui l'oppose aux Etablissements NKOUNKOU FILS dont le siège est à Brazzaville 101 rue Lamotte-Plateau centre-ville, représentés par maître Félix NKOUKA, avocat au barreau de Brazzaville, défendeur à la cassation;
La société SOCOFRAN a invoqué deux moyens de cassation formulés dans une requête de pourvoi en cassation reçue au greffe de la Cour le 30 Septembre 1998. Un mémoire en défense a été produit le 12 octobre 1999; Le pourvoi a été assorti d'une requête spéciale aux fins de sursis à exécution;
Sur quoi, la Cour suprême statuant en sa Chambre commerciale à l'audience publique du vendredi 19 mai 2000 où étaient présents messieurs :
Henri BOUKA, Vice-président de la Cour suprême, Président;
Victor ONDZIE, Président de la Chambre commerciale et Georges SOUMBOU­TCHICAYA, juges, Michel MVOUO, avocat Général tenant le siège du Ministère Public, Patrice MAMPOUYA, greffier;
Sur le rapport de monsieur Henri BOUKA, les observations de maître Joseph BRUDEY pour le compte de la société SOCOFRAN, les conclusions de monsieur Michel MVOUO, avocat Général et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Sur la recevabilite de la requête de pourvoi en cassation et de la requête spéciale aux fins de sursis à exécution
Attendu que l'arrêt attaqué (Cour d’appel de Brazzaville, 26 août 1998) a été notifié à la société SOCOFRAN le 16 septembre 1998 par acte d'huissier de justice; que le pourvoi en cassation formé le 30 septembre 1998 satisfait aux exigences des articles 100, 106, 107 et 108 de la loi n° 51/83 du 21 avril 1983 et doit être déclaré régulier et recevable; qu'il en est de même de la requête spéciale aux fins de sursis à exécution dont il est assorti;
Sur le mérite au fond de la requête spéciale aux fins de sursis a exécution
Attendu que l'instruction du pourvoi en cassation est terminée; que dans ces conditions, l'examen séparé de la requête spéciale aux fins de sursis à exécution devient sans intérêt; qu'il y a donc lieu de la joindre au fond;
Sur le premier moyen de cassation
Vu l'article 189 bis du code de commerce;
Attendu qu'il résulte de ce texte que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes;
Attendu, selon les énonciations des juges du fond que par une requête en date du 10 août 1992, les établissements NKOUNKOU Fils ont assigné la société SOCOFRAN devant le Tribunal de grande instance de Brazzaville en paiement de la somme de 5.500.000 frs représentant le prix non payé de matériaux de construction livrés courant 1982 ainsi que celles de 3.500.000 francs à titre de dommages-intérêts; que par un jugement du 23 mai 1995, le Tribunal de grande instance de Brazzaville condamnait la société SOCOFRAN à payer aux établissements NKOUNKOU FILS, la somme de 5.280.924 frs en principal majorée des intérêts de droit au taux légal de 6% à compter du 10 août 1992 ainsi que celle de 1.500.000 frs à titre de dommages et intérêts; que sur l'appel formé par la société SOCOFRAN, la Cour d’appel de Brazzaville par un arrêt du 26 août 1998 confirmait en toutes ses dispositions le jugement entrepris et condamnait par ailleurs la société SOCOFRAN à payer aux établissements NKOUNKOU FILS la somme de 1.500.000 frs pour appel abusif;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Cour d’appel de Brazzaville, 26 août 1998), d'avoir admis que la prescription décennale instituée par l'article 189 bis du code de commerce relative aux obligations nées entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants à l'occasion de leur commerce peut être suspendue par de simples pourparlers alors qu'il est de doctrine et de jurisprudence constantes que cette prescription ne peut être interrompue ou suspendue que par une citation en justice, un commandement par huissier, une saisie;
Attendu qu'en retenant que la créance dont le paiement est poursuivi trouve son origine dans la fourniture de matériaux de construction effectuée depuis 1982 et concerne des opérations commerciales entre deux entreprises commerciales, la société SOCOFRAN et les Etablissements NKOUNKOU FILS, et que la requête en paiement a été introduite le 10 août 1992 soit plus de dix ans après la naissance de la créance d'une part et en jugeant cependant que les correspondances échangées entre les parties les 15 janvier, 20 janvier et 6 mai 1988 en vue du paiement de cette créance avaient suspendu les délais de prescription lesquels n'ont repris à courir que pour compter de la dernière correspondance adressée en mai 1988 d'autre part, la Cour d’appel a violé par mauvaise interprétation, les dispositions de l'article 189 bis du code de commerce;
Attendu en effet, que la prescription de 10 ans instituée par l'article 189 bis du code de commerce pour assurer la sécurité des transactions commerciales et inciter le créancier de sommes d'argent dues à raison de celles-ci à agir vite est le délai à l'expiration duquel le créancier défaillant ne peut plus engager d'action en justice contre le débiteur récalcitrant; que la notion de prescription implique celle d'action en justice; que dans ces conditions, ne peuvent être interruptifs du délai de prescription que les seules actions témoignant clairement de la volonté d'agir en justice; que tel n'est pas le cas d'un échange officieux de correspondances; d'où il suit que le moyen est fondé;
Et attendu que dès lors, il ne reste plus rien à juger;
PAR CES MOTIFS
et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen devenu sans intérêt;
En la forme
Déclare recevables la requête de pourvoi en cassation ainsi que la requête spéciale aux fins de sursis à exécution formés contre l'arrêt n° 076 rendu le 26 août 1998 par la Cour d’appel de Brazzaville, entre la société SOCOFRAN et les Etablissements NKOUNKOU FILS;
Au fond
Joignant la requête spéciale aux fins de sursis à exécution au fond, casse et annule dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 26 août 1998 entre les parties par la Cour d’appel de Brazzaville, et, constatant qu'il n'y a plus rien à juger, dit n'y avoir lieu à renvoi;
Ordonne la restitution de l’amende consignée;
Met les dépends à la charge des Etablissements NKOUNKOU FILS.