J-13-96
PROCEDURES COLLECTIVES ET D’APUREMENT DU PASSIF — TRIBUNAL DE TRAVAIL — DECISION DE PAIEMENT DE LA CREANCE — LIQUIDATION JUDICIAIRE — ORDONNANCE DE MISE EN LIQUIDATION — CREANCIER — PAIEMENT PARTIEL — SAISINE DU JUGE COMMISSAIRE — IRRECEVABILITE POUR FORCLUSION — ASSIGNATION EN PAIEMENT DES DROITS — DECISION DU TRIBUNAL DE TRAVAIL — AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE (OUI) — APPEL — ARRET CONFIRMATIF PARTIEL — POURVOI EN CASSATION — DECISION ATTAQUEE — ACTE DE NOTIFICATION — MENTIONS OBLIGATOIRES — DEFAUT D'INDICATION DU DELAI — NULLITE DE L’ACTE (OUI) — POURVOI RECEVABLE (OUI)
CONDITIONS DE FORME DE L'ARRET — MENTIONS OBLIGATOIRES — VIOLATION DE L'ARTICLE 51 CPCCAF (OUI)
SYNDICS LIQUIDATEURS — EXCEPTION D’IRRECEVABILITE DU CREANCIER — JUGES D'APPEL — DEFAUT DE REPONSE AUX CONCLUSIONS (NON)
PRODUCTION DES CREANCES — DELAI — DECISION DU TRIBUNAL DE TRAVAIL — SIGNIFICATION ANTERIEURE A LA LIQUIDATION — PRODUCTION TARDIVE (NON) — ADMISSION DANS LA MASSE DES CREANCIERS (OUI)
CASSATION ET ANNULATION DE L’ARRET — RENVOI
Les dispositions de l'ordonnance du 23 décembre 1958 prescrivent que le jugement prononçant la faillite emporte de plein droit suspension des poursuites. La loi impartit aux créanciers un délai de trois mois à compter de la décision judiciaire pour produire leur créance et intégrer la masse sous peine de forclusion.
En l’espèce, le créancier se prévaut d’un jugement du Tribunal du travail condamnant la Société M.C.C ex-Bata à lui payer diverses sommes d'argent, et la décision a été signifiée à ladite Société avant sa mise en liquidation judiciaire. Dans ces conditions, à la suite de sa mise en liquidation judiciaire, cette dernière, en application des règles régissant les procédures collectives notamment le dessaisissement de la Société concernée par la décision, devait remettre tout le contentieux existant aux syndics. Dès lors, les syndics et autres organes de la liquidation étaient saisis de la créance du défendeur au pourvoi et ne l'ignoraient plus. La preuve qu'il en a été ainsi en l'espèce est le fait que, avant la requête du créancier au juge commissaire, les syndics lui ont fait un règlement partiel.
L'argumentation tendant à conclure à l'irrecevabilité, pour forclusion, du créancier dans la masse des créanciers de la liquidation judiciaire de la Société M.C.C. Ex-Bata ne peut donc prospérer.
Article 51, 100, 101, 105, 106, 107, 108, 116, 117, 120 CPCCAF
ORDONNANCE DU 23 DECEMBRE 1958
(Cour suprême du Congo, Chambre commerciale, Arrêt n° 02/GCS.01 du 27 avril 2001, Syndics liquidateurs de la Société MANUFACTURE CONGOLAISE DE CHAUSSURES dite M.C.C. ex BATA c/ MBERI Pierre)
LA COUR SUPREME,
Chambre commerciale, statuant en son audience publique tenue au Palais de justice de Brazzaville, le vendredi vingt-sept avril deux mille un à dix heures;
Vidant son délibéré du vingt avril deux mille un;
A rendu l'arrêt suivant :
Sous la présidence et sur le rapport de monsieur Victor ONDZIE, Président de la Chambre commerciale de la Cour suprême et les conclusions écrites n° 27/RQ du 30 janvier 2000 de monsieur Michel MVOUO, avocat général près la Cour suprême;
Assistés de maître Gaston MOYI, greffier en chef de ladite Chambre;
Statuant sur le pourvoi en cassation formé le 29 mai 1998 par monsieur ELENGA Fernand et TCHICAMBOU Simon Yves, Syndics liquidateurs de la Société MANUFACTURE CONGOLAISE DE CHAUSSURES dite M.C.C. ex BATA, dont le siège social est sis à Pointe-Noire, B.P. 32, ayant pour conseils maîtres Nadia MACOSSO et Hervé OBONGUI-NGUIE, avocats à la Cour à Pointe-Noire, B.P. 5137 et y demeurant Avenue du Général DE GAULLE n° 112, contre l'arrêt n° 016 rendu le 9 juillet 1997 par la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Pointe-Noire, lequel arrêt a confirmé partiellement le jugement dont il était appelé en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle des syndics liquidateurs susnommés, l'a infirmé sur ses autres dispositions; statuant à nouveau, a déclaré recevable l'action de monsieur MBERI Pierre, a dit et jugé qu'il n'y a pas autorité de la chose jugée attachée au jugement du 14 juillet 1988; a cependant ordonné aux syndics liquidateurs susnommés de poursuivre l'exécution du jugement du 14 juillet 1989 et a condamné lesdits syndics aux dépens;
Vu la loi n° 51/83 du 21 avril 1983;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI EN CASSATION
EN LA FORME
Attendu que le délai de deux mois fixé par l'article 100 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière pour se pourvoir en cassation ne court à compter de la notification de la décision attaquée à personne ou à domicile qu'à la condition que l'acte de ladite notification soit régulier, c'est-à-dire contienne toutes les mentions exigées par l'article 101 du code susvisé, parmi lesquelles l'indication du délai;
Or attendu que l'acte de notification de l'arrêt en cause établi le 08 septembre 1997 par maître Alphonse KIBAKALA, huissier de justice à Pointe-Noire ne mentionne pas ce délai et est de ce fait nul;
Attendu que dans ces conditions, le pourvoi en cassation des syndics liquidateurs formalisé le 29 mai 1998 est régulier;
Attendu que la requête en cassation est dûment signée par le conseil des demandeurs, indique les noms et prénoms et domiciles des parties et de leurs conseils, contient un exposé sommaire des faits et des moyens de cassation invoqués, et est accompagnée d'une expédition de la décision attaquée et de copies en nombre nécessaire, ce qui satisfait aux dispositions des articles 105, 106 et 107 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière;
Attendu que les demandeurs ont consigné l'amende de 10.000 francs prévue à l'article 108 du code susvisé, ainsi que l'atteste le récépissé de consignation délivré par le greffier de la Cour suprême le 29 mai 1998;
Attendu, dès lors, que la requête en cassation des syndics liquidateurs de M.C.C. est recevable;
Attendu qu'en application des dispositions des articles 116 et 117 du code susvisé, la requête en cassation a été notifiée à monsieur MBERI Pierre par lettre n° 08/99 du 30 juin 1999 et qu'un délai de deux mois à compter de la réception lui a été imparti pour le dépôt de son mémoire en réponse;
Attendu qu'au total, l'affaire est en état en vertu des dispositions de l'article 120 du code susvisé;
AU FOND
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Attendu qu'il résulte de la requête en cassation que la Société M.C.C. Ex-Bata a été mise en liquidation judiciaire par ordonnance du Président du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire du 09 septembre 1992;
Qu'alors que la loi impartit aux créanciers un délai de trois mois à compter de la décision judiciaire pour produire leur créance et intégrer la masse sous peine de forclusion, monsieur MBERI Pierre n'a saisi le juge commissaire que le 15 février 1995 pour obtenir le règlement de ses droits, alors qu'il se prévaut d'un jugement du 14 juillet 1989;
Qu'à titre purement humanitaire tenant compte du caractère social de cette ancienne créance, les syndics lui ont consenti un paiement de la somme de F. CFA 1.000.000, alors qu'il n'y avait aucune obligation légale pour eux;
Attendu que néanmoins, monsieur pierre MBERI a saisi le Tribunal de commerce de Pointe-Noire en paiement des droits;
Que le Tribunal a rendu le 24 avril 1996 un jugement constatant l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Tribunal de travail en date du 14 juillet 1989 qui a condamné la Société BATA de nos jours M.C.C. en liquidation à payer à monsieur Pierre MBRI la somme de F.CFA 11.900.673;
Attendu que sur appel des demandeurs au pourvoi, la Cour d’appel de Pointe-­Noire a rendu l'arrêt présentement attaqué;
EXAMEN DES MOYENS INVOQUES
Attendu qu'au soutien de leur pourvoi en cassation, messieurs Fernand ELENGA et Simon Yves TCHICAMBOU ont invoqué trois moyens.
Premier moyen de cassation, tiré de la violation de la loi, article 51 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, en ce que la décision querellée ne mentionne ni les noms et prénoms des syndics liquidateurs, appelants dans ce dossier, ni leurs adresses, ni celles de leurs mandataires;
Attendu que les demandeurs soutiennent que les seconds juges ont ainsi méconnu les conditions de forme du jugement et ont exposé leur arrêt à la cassation;
Attendu que l'article 51 de la loi n° 51/83 du 21 avril 1983 dispose que le jugement contient indication, des noms et prénoms des parties et de leurs domiciles et le cas échéant de ceux de leurs avocats ou mandataires;
Attendu que la lecture des qualités de l'arrêt attaqué permet de lire ce qui suit : « ENTRE : Syndics de liquidation M.C.C. Ex-Bata ayant pour conseils maîtres Hervé OBONGUI-NGUIE et Nadia MACOSSO, avocats à la Cour, B.P. 5137 Pointe-Noire »;
Attendu que les noms et prénoms et domiciles des syndics liquidateurs ne sont pas indiqués;
Attendu que la violation invoquée est établie et le moyen pertinent;
Qu'en conséquence l'arrêt attaqué sera cassé radicalement de ce chef;
Deuxième moyen de cassation : violation des formes substantielles de la procédure, en ce qu'il n'a pas été répondu à leurs conclusions tendant à l'irrecevabilité de monsieur Pierre MBERI dans la masse pour production tardive;
Attendu qu'à l'appui du moyen ci-dessus, les demandeurs font remarquer que leurs arguments ont été repris in extenso dans l'exposé des faits de l'arrêt en cause en pages 3 et 4;
Qu'ils estiment que ce défaut de réponse aux conclusions constitue une violation des règles de la procédure pour laquelle l'arrêt encourt cassation;
Attendu que ce moyen n'est pas bien fondé;
Attendu en effet que la lecture de l'arrêt attaqué permet de constater que les juges d'appel ont abondamment répondu aux conclusions des demandeurs tendant à l'irrecevabilité de monsieur Pierre MBERI dans la masse des créanciers de la liquidation de la Société M.C.C. Ex-Bata;
Qu'à l'argumentation développée par les appelants, les juges d'appel ont opposé des éléments précis tel que le libellé de l'objet de la lettre adressée par les syndics à monsieur MBERI Pierre et le chèque à son profit;
Que le deuxième moyen de cassation des demandeurs sera écarté;
Troisième moyen de cassation, violation de la loi;
Attendu qu'à l'appui de ce moyen, les demandeurs font valoir qu'alors que les dispositions de l'ordonnance du 23 décembre 1958 prescrivent que le jugement prononçant la faillite emporte de plein droit suspension des poursuites et que la décision de liquidation a été rendue le 09 janvier 1992, la requête initiale de monsieur Pierre MBERI est datée du 16 novembre 1995, alors que le principe de la suspension des poursuites a pour corollaire de faire obstacle aux actions en justice des créanciers tendant à faire reconnaître leur créance et à en obtenir le paiement;
Qu'il leur est fait obligation par la loi de produire leurs créances dans la masse représentée par le syndic;
Que pour que la créance soit admise dans la masse et vérifiée, un délai de trois mois est accordé aux créanciers à compter de la date du jugement de mise en faillite;
Que passé ce délai, le créancier ne peut plus être admis dans la réparation;
Que monsieur MBERI Pierre a saisi le juge commissaire le 15 février 1995;
Que le délai qui lui était imparti pour produire sa créance était largement dépassé;
Attendu que toute l'argumentation développée ci-dessus tend à conclure à l'irrecevabilité, pour forclusion, de monsieur MBERI Pierre dans la masse des créanciers de la liquidation judiciaire de la Société M.C.C. Ex- Bata;
Attendu que les demandeurs invoquent le fait que monsieur Pierre MBERI n'aurait pas produit sa créance dans les trois mois qui ont suivi l'ordonnance de mise en liquidation judiciaire de la Société M.C.C. Ex-Bata; Attendu qu'il est constant que le jugement du Tribunal du travail condamnant la Société M.C.C ex-Bata à payer diverses sommes d'argent à monsieur Pierre MBERI a été signifié à la Société susnommée le 19 novembre 1990;
Que, dans ces conditions, à la suite de la mise en liquidation judiciaire de la Société débitrice, le 9 janvier 1992, cette dernière, en application des règles régissant les procédures collectives notamment le dessaisissement de la Société concernée par la décision, devait remettre tout le contentieux existant aux syndics;
Que dès lors, les organes de la liquidation, notamment les syndics, étaient saisis de la créance de monsieur Pierre MBERI et ne l'ignoraient plus;
Attendu que tel est l'objectif visé par la production, savoir porter l'existence des créances à la connaissance des syndics et autres organes de la liquidation;
Attendu que la preuve qu'il en a été ainsi en l'espèce est le fait que les syndics ont remis à monsieur Pierre MBERI, le 7 décembre 1993, donc avant la requête de ce dernier au juge commissaire, un chèque d'un montant de F.CFA. 1.000.000 et qu'ils tentent vainement de faire passer aujourd'hui pour un altruisme;
Attendu qu'il résulte de l'analyse qui précède que monsieur Pierre MBERI fait partie de la masse des créanciers de la liquidation de la Société M.C.C. Ex-Bata, sans qu'il soit besoin de se référer au jugement du 24 avril 1996 qui est superflu;
Attendu qu'il apparaît que le troisième moyen de cassation est mal fondé et sera écarté;
Attendu cependant que le pourvoi en cassation de messieurs Fernand ELENGA et Simon Yves TCHICAMBOU est bien fondé dans son premier moyen tiré d'une violation de forme;
Qu'il s'ensuit que l'arrêt attaqué sera radicalement cassé;
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclare recevable le pourvoi en cassation formé le 29 mai 1998 par messieurs Fernand ELENGA et Simon Yves TCHICAMBOU, syndics liquidateurs de la Société M.C.C. ex-Bata;
Au fond
Casse et annule en toutes ses dispositions l'arrêt n° 018 rendu le 09 juillet 1997 par la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Pointe-Noire;
Renvoie la cause et les parties, pour être conformément à la loi, devant la même Juridiction autrement composée;
Ordonne la restitution de la somme de 10.000 francs CFA consignée le 29 mai 1998 par le greffe de la Cour suprême;
Ordonne la transmission du présent arrêt au greffe de la Cour d’appel de Pointe-Noire pour la transcription d'usage;
Condamne pierre MBERI aux dépens.