J-13-103
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES — INJONCTION DE PAYER — ORDONNANCE D'INJONCTION DE PAYER — PAIEMENT DES CAUSES DE LA SAISIE — DOMMAGES — INTERETS — ARTICLES 38, 156 ET 168 AUPSRVE — DECISION D’INJONCTION DE PAYER RENDUE SUR OPPOSITION — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
JUGEMENT DEVENU DEFINITIF — EXECUTION — SAISIE — ATTRIBUTION DE CREANCES — CERTIFICAT DE NON CONTESTATION — TIERS SAISI — CAUSES DE LA SAISIE — REFUS DE PAIEMENT — RECOURS A LA PROCEDURE D’INJONCTION DE PAYER — CREANCE — CONDITIONS DE CERTITUDE — NATURE CONTRACTUELLE — VIOLATION DES CONDITIONS DES ARTICLES 1 ET 2 AUPSRVE — VIOLATION DE L’ARTICLE 142 CPCCAF — ANNULATION DU JUGEMENT
OPPOSITION BIEN FONDEE — RETRACTATION DE L’ORDONNANCE (OUI)
Lorsque le créancier saisissant opte, comme en l’espèce, pour la procédure d’injonction de payer, le juge saisi ne peut faire droit à cette procédure que si elle remplit les conditions prévues par les articles 1 et 2 AUPSRVE. Et des dispositions combinées de ces deux articles, il résulte que pour qu’une procédure d’injonction de payer puisse être initiée par un créancier, il faut que la créance d’une part présente préalablement les trois conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité, et d’autre part ait soit une cause contractuelle, ou soit procède d’un engagement résultant de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante.
En l’espèce, la créance résulte de ce que l’appelante en sa qualité de tiers saisi, n’a pas déclaré l’étendue de ses obligations à l’égard de la débitrice saisie, et en outre a refusé de payer les sommes saisies comme le lui obligeaient respectivement les articles 156 et 168 AUPSRVE. Or, une telle créance dont l’existence souffre par principe de contestation tant que le tiers saisi n’a pas été jugé débiteur des causes de la saisie par la juridiction compétente, n’a pas le caractère certain exigé par l’article 1 AUPSRVE. En outre, de ce qu’elle procède d’un manquement du tiers saisi à une obligation légale, la créance dont s’agit n’a ni une cause contractuelle, ni sa source dans un engagement du tiers saisi…
Les premiers juges auraient dû faire application de l’article 142 alinéa 4 CPCCAF, relever d’office ce moyen de pur droit, et dire fondé et faire droit à l’opposition de l’appelante en rétractant l’ordonnance d’injonction de payer.
Article 57, 66, 67, 89, 90 ET SUIVANTS, 142 CPCCAF
Article 1 à 17, 38, 156, 164, 168 AUPSRVE
Article 1147, 1153 CODE CIVIL
Article 29 CODE DE SECURITE;
(Cour d’appel de Pointe-Noire, Arrêt n° 065 du 07 avril 2006, Société SCAB-CONGO c/ DARLEON Jacques-Georges)
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï, monsieur le Président de la Chambre commerciale Edouard TATY-MAKAYA en son rapport;
Ouï, maître Laurent NGOMBI, conseil de la société SCAB-CONGO en ses demandes, fins, moyens et conclusions;
Ouï, maître Fernand CARLE, conseil de DARLEON Jacques Georges en ses conclusions en réplique;
Ouï, le Ministère public entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que par acte à Pointe-Noire en date du 27 avril 2005, la société SCAB-CONGO SARL par le biais de son conseil maître Laurent NGOMBI, avocat à la Cour a relevé appel du jugement du 25 avril 2005 rendu par le Tribunal de grande instance de Pointe-Noire, dans la cause l’opposant à DARLEON Jacques-Georges, et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoire, en matière civile et en premier ressort;
Vu le procès-verbal de non conciliation en date à Pointe-Noire du 11 mai 2004;
En la forme
reçoit la société SCAB-CONGO en son opposition;
Au fond
l’en dit cependant mal fondée;
En Conséquence
la déboute de toutes ses demandes, fins et conclusions;
En revanche : condamne la société SCAB-CONGO à payer à DARLEON Jacques-Georges la somme de 15.133.678 F.CFA à titre principal et de 3.000.000 F.CFA à titre de dommages-intérêts;
Le déboute du surplus de sa demande;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement pour la somme de 15.133.678 F.CFA allouée à titre principal;
Dit que le présent jugement ne substitue à l’ordonnance d’injonction de payer du 24 mars 2004;
Met les dépens à la charge de la société SCAB-CONGO »;
EN LA FORME
Considérant que cet appel, ainsi qu’il résulte de l’expédition de l’acte versé au dossier, a été formé au greffé du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire qui a statué;
Qu’en outre ledit appel est intervenu dans le délai légal d’un mois, en ce que entre la date ou il a été formé (le 27 avril 2005) et la date du prononcé du jugement (le 23 avril 2005) il s’est écoulé moins d’un mois;
Que dès lors l’appel intervenu conformément aux articles 66 et 67 du code de la procédure civile, commerciale, administrative et financière est recevable;
AU FOND
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que DARLEON Jacques-Georges, ancien directeur adjoint de la société SCAB-CONGO a été admis à la retraite courant année 1999 avait sollicité et obtenu du Tribunal du travail de Pointe-Noire, le jugement du 23 mai 2003, condamnant la Caisse nationale de sécurité sociale en sigle CNSS à lui payer la somme de 12.756.600 F.CFA au principal et celle de 2.000.000 F.CFA à titre de dommages-intérêts;
Qu’en exécution de ce jugement devenu définitif, faute d’appel de la CNSS, il a, suivant exploit en date du 5 novembre 2003 de maître BASSINGA NGOMA, huissier de justice, fait pratiquer saisie attribution, entre les mains de la société SCAB-CONGO SA des créances de la CNSS sa débitrice;
Que après avoir dénoncé cette saisie attribution et s’être fait délivrer un certificat de non contestation, il sollicitait vainement de la tierce saisie la SCAB-CONGO SA, le paiement des sommes saisies attribuées;
Que pour vaincre ce refus de paiement par la tierce saisie, il sollicitait et obtenait sur le fondement des articles 156, 164, 168 de l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE) du Président du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire, une ordonnance datée du 24 mars 2004 faisant injonction à la société SCAB-CONGO SA d’avoir à lui payer la somme saisie de 15.133.678 F.CFA;
Que contestant le bien-fondé de cette injonction de payer en ce qu’elle n’était ni débitrice de la saisie ou du saisissant, la société SCAB-CONGO SA, par acte extrajudiciaire du 23 avril 2004 de maître Simone KIDZIE, huissier de justice formait opposition contre cette ordonnance, demande au Tribunal de grande instance de rétracter ladite ordonnance et de condamner le demandeur à l’injonction de payer aux dépens.
Que le Tribunal par jugement dont appel, déclarait mal fondée cette opposition et faisait droit à la demande en paiement de DARLEON Jacques-Georges;
Considérant qu’en cause d’appel, la société SCAB-CONGO, appelante, conclut à l’infirmation, en toute ses dispositions, du jugement entrepris; et demande à la Cour statuant à nouveau de faire droit aux moyens développés dans son opposition et de condamner l’intimé aux dépens;
Qu’à cet effet, la société SCAB-CONGO SA soutient que au contraire de ce qui ont retenu les premiers juges, elle avait satisfait aux prescriptions de l’article 156 de l’AUPSRVE, en ce que elle a bien fait sa déclaration à l’huissier instrumentaire en ces termes « les relations de travail avec le saisissant ont été interrompues courant année 1999, la SCAB CONGO ne se sent pas concernée par cette situation »;
Que de cette déclaration, affirme-t-elle, il se déduit qu’elle n’était pas débitrice de la CNSS la saisie, de sorte que la saisie attribution était infructueuse, et elle ne pouvait être condamnée au paiement de la cause de la saisie et des dommages-intérêts, les articles 1147 et 1153 du code civil s’y opposant;
Que en outre c’est aussi à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande de mise en cause de la CNSS;
Qu’en effet s’ils avaient ne serait-ce que entendu la CNSS, les premiers juges se seraient rendus compte de ce que les cotisations sociales dont les employeurs sont tenu de verser à la CNSS sont insaisissables en application de l’article 29 du code de sécurité;
Qu’il s’ensuit que la saisie pratiquée est importante et la SCAB CONGO, ne pouvait être condamnée au paiement des causes de la saisie;
Que par ailleurs par courrier du 5 juillet 2005, la CNSS lui a rappelé le caractère insaisissable des dites cotisations;
Considérant que DARLEON JACQUES GEORGE quoi que ayant constitué avocat en la personne de maître FERNANDCARLE, avocat, n’a pas conclu bien que son conseil susnommé a bénéficié de trois renvois (13 janvier, 27 janvier, 10 mars 2006);
Qu’il y a donc lieu de le constater et de statuer par arrêt réputé contradictoire en se référant à ses écritures prises en première instance;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que la société SCAB-CONGO SA pour obtenir l’infirmation, en toutes ses dispositions, du jugement attaqué fait grief audit jugement de ne pas avoir rétracter l’ordonnance d’injonction de payer, comme elle le sollicitait, et de l’avoir plutôt condamnée, sur le fondement de l’article 156 de l’AUPSRVE, au paiement des causes de la saisie et des dommages-intérêts, alors que selon elles, d’une part elle a bien fait sa déclaration, dans des termes non équivoques dont on devrait déduire qu’elle n’était pas débitrice de la CNSS, débitrice saisie, et la saisie était donc infructueuse, et d’autre part que le débiteur saisi jouissait d’une immunité d’exécution, rendant inopérante la saisie pratiquée;
Considérant que pour rejeter la demande de la société SCAB-CONGO appelante en rétractation de l’ordonnance d’injonction de payer, partant faire droit à la demande de DARLEON Jacques-Georges, ayant choisi de poursuivre le paiement des causes de la saisie l’appelante, tierce saisie suivant la procédure d’injonction de payer, prévue aux articles 1 à 17 de l’AUPSRVE, les premiers juges, ont retenus que l’appelante sus désignée, n’avait pas observé les dispositions de l’article 156 de l’AUPSRVE, mettant à sa charge, l’obligation de déclarer au créancier, l’étendue de ses obligations à l’égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter;
Considérant que certes, aux termes de l’article 156 de l’AUPSRVE, en cas de déclaration inexacte, incomplète, ou tardive le tiers saisi, s’expose a être condamnée au paiement des causes de la saisie;
Que cependant cette condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie et éventuellement des dommages intérêts ne peut être poursuivie en principe, que selon les voies de droit commun;
Que si le créancier saisissant opte, comme en l’espèce, pour la procédure d’injonction de payer, le juge saisie ne peut faire droit à sa demande que si elle remplit les conditions prévues par les articles 1 et 2 de l’AUPSRVE;
Considérant que les dispositions combinées de ces deux articles, il résulte que pour qu’une procédure d’injonction de payer puisse être initiée par un créancier, il faut que la créance d’une part présente préalablement les trois conditions de certitude, de liquidité et d’exigibilité, et d’autre part ait soit une cause contractuelle, ou soit procède d’un engagement résultant de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante;
Considérant qu’en l’espèce la créance invoquée par l’intimé à l’égard de l’appelante et pour le recouvrement de laquelle il a fait recours à la procédure d’injonction de payer, résulte de ce que cette dernière en sa qualité de tiers saisi, n’a pas déclaré l’étendue de ses obligations à l’égard de la CNSS (débitrice) saisie, et en outre refusé de payer les sommes saisies comme le lui obligeaient respectivement les articles 156 et 168 de l’AUPSRVE;
Que or, une telle créance dont l’existence, souffre par principe, de contestation tant que le tiers saisi n’a pas été jugé débiteur des causes de la saisie par la juridiction compétente, n’a pas le caractère certain exigé par l’article 1 de l’AUPSRVE;
Qu’en outre, de ce qu’elle procède d’un manquement du tiers saisi à l’obligation de que lui impose la loi, la créance dont s’agit n’a pas une cause contractuelle;
Qu’elle n’a non plus sa source dans un engagement du tiers saisi résultant soit de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante;
Qu’il suit de là que le recouvrement des causes de la saisie, poursuivi par l’intimé contre l’appelante tiers saisi, sur le fondement des articles 38, 156, 168 de l’AUPSRVE ne pouvait se faire suivant la procédure d’injonction de payer, les conditions prescrites aux articles 1 et 2 du l’Acte uniforme précité n’étant pas remplies;
Considérant que les premiers juges auraient dû faire application de l’article 142 alinéa 4 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière, relever d’office ce moyen de pur droit, et dire fondé et faire droit à l’opposition de l’appelante en rétractant l’ordonnance d’injonction de payer;
Que pour avoir statué autrement, ils ont violé l’article 142 alinéa 4 du code de procédure civile, commerciale administrative et financière et 1 et 2 de l’AUPSRVE;
Qu’il y a lieu d’annuler en toutes ses dispositions le jugement attaqué, d’évoquer et statuer à nouveau;
SUR L’EVOCATION
SUR LA RECEVABILITE DE L’OPPOSITION
Considérant qu’il est constant comme résultant des pièces du dossier que l’opposition de l’appelante a été faite par acte extrajudiciaire, (exploit de maître Benoit KIDZIE, huissier de justice daté du 23 avril 2004 soit moins de 15 jours près la signification de la décision d’injonction de payer le 20 avril 2004;
que dans cet exploit l’opposant, a, d’une part signifié son recours à toutes les parties et au greffe du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire, qui a rendu la décision d’injonction de payer et d’autre part, servi assignation à comparaître à l’intimé à la date fixe du 04 mai 2004 se situant dans le délai d’un mois à compter de l’opposition;
Que cette opposition a été faite;
SUR LE BIEN FONDE DE L’OPPOSITION
Considérant ainsi que précisé dans les motifs pour lesquelles le jugement attaqué a été annulé les conditions de certitude de la créance et de la nature contractuelle de celle-ci conditionnant le recours à la procédure d’injonction de payer, n’étaient pas réunis en l’espèce;
Que de sorte DARLEON Jacques-Georges ne pouvait recouvrir à cette procédure pour faire condamner la société SCAB CONGO, tierce saisie au paiement des causes de la saisie et des dommage-intérêts pour manquement à l’obligation de renseignement et de payer mise à sa charge par les articles 38, 156 et 168 de l’AUPSRVE;
Que dès lors, sur le fondement de ce moyen de pur droit, soulevé d’office et sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de l’appelante, il y a lieu de dire celui-ci fondé en son opposition, et de rétracter en toutes ses dispositions l’ordonnance d’injonction de payer du 24 mars 2004 rendue par le Président du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire;
Considérant que DARLEON Jacques-Georges ayant succombé, doit être condamné aux dépens en application de l’article 57 du code de procédure civile, commerciale, administrative et financière;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire à l’égard de la société SCAB-CONGO SA et réputé contradictoire à l’égard de DARLEON Jacques-Georges en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit l’appel;
AU FOND
Annule en toutes ses dispositions, le jugement attaqué;
Evoquant et statuant à nouveau :
Reçoit la société SCAB-CONGO SA en son opposition;
L’en dit bien fondé;
Rétracte l’ordonnance d’injonction de payer n° 463 rendue le 11 mars 2004 par le Président du Tribunal de grande instance Pointe-Noire;
Condamne DARLEON Jacques-Georges aux dépens.