J-13-111
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GIE — EXPLOITATION D'UNE CARRIERE — ACCORD DE PARTENARIAT — AVENANT — PRODUCTION AU M3 — AVANCE SUR LE PRIX — VOLUME DE PRODUCTION — CONTESTATION — ORDONNANCE DE SUSPENSION DES ACTIVITES D'EXPLOITATION — ASSIGNATION AUX FINS DE RETRACTATION
SAISINE DE LA JURIDICTION — REQUERANTE — SOCIETE ETRANGERE — SIEGE SOCIAL A L'ETRANGER — IMPLANTATION DANS L'ESPACE OHADA — SUCCURSALE — ARTICLE 117 AUSCGIE — ABSENCE DE PERSONNALITE JURIDIQUE — FILIALE — IMMATRICULATION — DEFAUT D’INDICATION — DEFAUT D’IMMATRICULATION — EFFETS — ARTICLE 98 AUSCGIE — DEFAUT DE PERSONNALITE JURIDIQUE — CAPACITE D'ESTER EN JUSTICE (NON) — ARTICLE 39 AUDCG — SOUMISSION AUX OBLIGATIONS DU COMMERCANT (OUI) — ACTION EN RETRACTATION IRRECEVABLE (OUI) — EXECUTION PROVISOIRE
Les sujets de droit sont les personnes physiques d'une part et les personnes morales d'autre part.
En l’espèce, une société commerciale dont le siège social est situé à l’étranger a saisi le juge commercial des référés aux fins de rétractation de l'ordonnance qui prescrit la suspension de toutes ses activités d'exploitation des carrières du domaine foncier d’un village du Congo.
Mais ayant son siège en Chine, une société commerciale ne peut opérer dans un pays membre de l'OHADA, que soit en y implantant une succursale, soit par le moyen d'une filiale. Quoique devant être immatriculée au RCCM, la succursale est dépourvue de la personnalité juridique (art. 117 AUSCGIE). Contrairement à elle, la filiale est immatriculée au RCCM en tant que véritable société, et se distingue par son indépendance juridique complète de la société mère. Et pour toutes les sociétés assujetties à l'immatriculation, c'est celle-ci qui confère la personnalité morale.
A l'analyse, la société requérante exerçant au Congo sous l'autorité d'un DG qui dispose d'un pouvoir de conclure des contrats, et qui a son siège au site du chantier de l'Aéroport international Maya-Maya, est une filiale de la société étrangère dont le siège se situe en Chine.
Conformément à l'article 98 AUSCGIE « toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, à moins que le présent Acte uniforme en dispose autrement ». Dès lors, faute de s'être immatriculée, la société requérante implantée au Congo est dépourvue de personnalité juridique. Elle n'est donc pas apte à saisir une juridiction quelle qu'elle soit, même civile, pour faire valoir ses moyens et prétentions. Son action en rétractation de l'ordonnance doit donc être déclarée irrecevable.
Article 207, 214, 481 CPCCAF
Article 3, 39 AUDCG DE 1997
Article 24, 98, 115, 117, 864, 865 AUSCGIE DE 1997
(Tribunal de commerce de Brazzaville, Ordonnance De Référé N° 065 Du 28 Octobre 2011, Société Générale Wietc Company Ltd C/ La Société Braël-Congo Sarl)
Par devant nous…, Président du Tribunal de Commerce de Brazzaville, juge des référés;
FAITS, MOYENS ET PRETENTIONS DES PLAIDEURS
Il résulte autant de la requête introductive d'instance que de toutes les autres écritures produites au débat que monsieur BASSINGA Raphaël, agissant pour le compte de la société BRAËL Congo et ayant reçu mandat de tous les autres carriers exerçant sur les terres appelées MPOUKOU MAMPALA, a conclu un contrat d'exploitation et de transformation de toute espèce de pierre, avec la société générale WIETC Company, qui a en charge la réfection de l'Aéroport international de Maya - Maya et la construction de deux cent ( 200) logements :
C'est ainsi qu'un accord de partenariat a été signé entre WIETC et monsieur BASSINGA Raphaël qui assura son partenaire qu'il est le gérant de toutes les carrières et est à même de procurer à WIETC toutes sortes de pierres;
C'est à partir de la signature de l'avenant n° 1 daté du 09 octobre 2009 et conclu entre les deux parties que WIETC versera entre les mains de monsieur BASSINGA Raphaël la somme de francs CFA 50.000.000 correspondant à 25.000 m3 de pierre comme prévu à l'article 1 de l'avenant n° 1;
Mais, monsieur BASSINGA réclamant continuellement des sommes d'argent et ayant découvert les manœuvres dolosives de celui-ci, la société WIETC cessa tout contact avec monsieur BASSINGA qui, mécontent, saisi la juridiction commerciale des requêtes qui a rendu l'ordonnance actuellement querellée;
Cette ordonnance présidentielle du 28 octobre 2010 répertoriée sous le numéro 168 doit être rétractée en toutes ses dispositions pour des motifs ci-après :
Premièrement, si la société BRAEL Congo Sarl reconnaît avoir été mandaté par le collectif des carriers groupés à MPOUKOU-MAMPALA, il s'ensuit qu'elle ne saurait ester en justice à son nom propre, car elle n'est qu'un intermédiaire de l'ensemble des carriers;
L'action de BRAEL Congo est affectée par le défaut de qualité en vertu de quoi le juge de céans devra rétracter l'ordonnance querellée;
II n'y a aucun défaut de qualité répond la société BRAEL Congo dans la mesure où l'article 1 de l'accord de partenariat conclu le 22 novembre 2008 précise bien que « le présent accord de partenariat a pour objet l'exploitation de la carrière par la Société générale WIETC Company Ltd en partenariat avec la société BRAEL Congo TRADING Sarl (...) »;
Cet accord spécifie la qualité et l'intérêt à agir de la société BRAEL Congo conformément à l'article 481 du code de procédure civile;
S'agissant toujours de la qualité pour agir, monsieur MBOUNGOU MAMPOUYA Samuel, ayant fait une intervention volontaire suivant requête du 11 mars 2011, explique que c'est lui, qui en sa qualité de propriétaire des terres où se situe la carrière, a donné mandat à MONSIEUR BASSINGA Raphaël qui, curieusement s'est permis d'engager une procédure, sans au préalable obtenir une autorisation de son mandant;
C'est ainsi que monsieur MBOUNGOU MAMPOUYA a révoqué, en date du 09 juin 2010 le mandat confié à monsieur BASSINGA comme en fait foi l'exploit de remise de la révocation dressé par maître MAHOUNGOU huissier de justice;
Monsieur BASSINGA a été remplacé par monsieur BOUITY Jacques le nouveau mandataire;
Monsieur BASSINGA Raphaël n'a donc pas qualité de suspendre les activités de la société WIETC, le juge de céans devra ordonner la rétractation de l'ordonnance du 28 octobre 2010;
Monsieur KANZA André qui lui aussi a fait une intervention volontaire suivant requête du 12 octobre 2009, conteste toute qualité à monsieur MBOUNGOU MAMPOUYA qui, si l'on s'en tient à l'arbre généalogique de la famille KIDOUNGA-NTSEMBO, n'apparaît nul part;
Par contre monsieur KANZA André se réclame être de la famille qui est propriétaire des terres de MPOUKOU-MAMPALA;
A la suite de monsieur KANZA André, Messieurs MBEMBA Maurice, KIAKOUAMA Pierre et BADILA Daniel contestent la qualité de membre de famille, propriétaire foncier du domaine MPOUKOU MAMPALA, à monsieur MBOUNGOU MAMPOUYA;
En deuxième lieu, la société WIETC, poursuivant ses arguments aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance querellée, fait valoir que monsieur BASSINGA Raphaël soutient à la fois être partenaire de la société WIETC et représentant des carriers auprès d'icelle, sans définir son rôle;
Troisièmement, le juge commercial devra se déclarer incompétent au profit du juge civil, motif pris de ce que seule la société WIETC a la qualité de commerçant, les carriers eux, ne sont pas commerçants; il s'ensuit que dans les relations liant les deux parties les actes qui en découlent n'ont aucun caractère commercial;
En raison de cette incompétence, le juge commercial devra rétracter en toutes ses dispositions l'ordonnance querellée;
Ce moyen d'incompétence ne saurait emporter la conviction du juge de céans, répond la société BRAEL Congo, dès lors que le présent litige est relatif à l'exploitation d'une carrière et, à propos, l'article 3 de l'Acte uniforme relatif au droit commercial général retient que « l'exploitation industrielle des mines, carrières et de tout gisement de ressources naturelles » ont le caractère d'actes de commerce;
Or la juridiction commerciale est compétente pour connaître de tout litige relatif aux actes de commerce, opposant toute personne;
Répliquant à cet argument, la société WIETC soutient que ce n'est pas tant l'exploitation de la carrière qui est en cause, mais plutôt l'exécution du contrat de partenariat conclu le 22 novembre 2008 entre les parties, à en croire la société BRAËL CONGO Sarl dans ses conclusions du 18 février 2011;
Pour la société BRAEL Congo, tous les moyens développés par elles inclineront le juge de céans à maintenir l'ordonnance prescrivant la suspension de toutes les activités d'exploitation des carrières de MPOUKOU-MAMPALA par la société WIETC, en attendant le règlement du litige né de l'interprétation et de l'exécution de l'accord de partenariat;
L'ordonnance querellée ne saurait être maintenue clame la société WIETC, car la créance dont se prévalent les carriers n'est pas justifiée, car une somme de francs CFA 50.000.000 a été payée « au titre d'avance sur le prix de la production équivalent à 25.000 m3 du produit fini » comme l'atteste l'avenant du 09 octobre 2009;
Sauf pour les carriers à démontrer que la production de la société WIETC a dépassé le volume de 25.000 m3, les sommes sollicitées par les carriers et qui oscillent tantôt à francs CFA 105.189.000 (facture n° 001 du 17 juin 2010), tantôt à francs CFA 63.787.000 (facture n° 003 du 25 juin 2010) ne sont nullement justifiées;
Sur ce point la société BRAEL CONGO relève que la société WIETC viole l'article 4 de l'Accord de partenariat du 22 novembre 2008, en ce qu'elle interdit aux agents de BRAEL CONGO, l'accès sur le site pour procéder au contrôle de la production;
Or la société WIETC exploite nuit et jour la pierre, sans aucun pointage et a dépassé le volume de 25.000 m3 prévu à l'article 1 de l'avenant n° 1 du 09 octobre 2009;
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que la société dénommée société générale WIETC Company Ltd dont le siège social est sis n° 16 Avenue Tongy-Weihai, province du Shandong en Chine, a cru devoir saisir le juge commercial des référés aux fins de s'entendre rétracter l'ordonnance rendue sur pied de requête en date du 28 octobre 2010, ayant prescrit la suspension de toutes ses activités d'exploitation des carrières du domaine foncier appelé MPOUKOU-MAMPALA sis à Kombé village;
Mais attendu qu'avant d'examiner les moyens exposés par les plaideurs et liés au fond du droit, une fine analyse des éléments de la cause permet d'établir que la société WIETC, n'a aucune capacité juridique à pouvoir saisir la juridiction commerciale, ni même toute autre juridiction, quelle qu'elle soit;
Qu'en effet la société WIETC Company Ltd affirme avoir son siège en Chine, c'est-à-dire dans un pays ne faisant pas partie de l'espace OHADA, et dans le même temps WIETC Company Ltd dit être représenté par un Directeur général nommé BI JIAN ZHONG « domicilié site du chantier de l'aéroport international Maya-Maya »;
Que le chantier de l'aéroport international de Maya-Maya n'étant pas le domicile privé de monsieur BI JIAN ZHONG, il apparaît donc que ce site est le deuxième siège de la même société WIETC; ce qui, bien évidemment, est illégal, puisque selon l'article 24 de l'Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique « le siège social doit être fixé, au choix des associés, soit au lieu du principal établissement de la société, soit à son centre de direction administrative et financière »;
Que néanmoins s'agissant d'une société étrangère dont le siège se situe à l'étranger comme c'est le cas de la société générale WIETC Company Ltd, elle ne peut opérer dans un pays hôte, en l'occurrence la République du Congo, pays membre de l'OHADA, que soit en y implantant une succursale, soit par le moyen d'une filiale;
Que la succursale, n'est qu'une extension géographique de la société mère, un simple établissement secondaire, ayant à sa tête un préposé, un gérant attaché par un lien de subordination à la société mère; la succursale est dépourvue de la personnalité juridique autonome, distincte de celle de la société propriétaire, comme le précisent les dispositions de l'article 117 de l'Acte uniforme précité; quoiqu'elle doit être immatriculée au registre de commerce et du crédit mobilier;
Que par contre la filiale se distingue par son indépendance juridique complète de la société mère qui, pour se réclamer de la filiale doit y posséder plus de la moitié du capital;
Que les dirigeants sociaux d'une filiale accomplissent leurs charges sociales inhérentes aux statuts en toute autonomie par rapport à la société mère;
Que la filiale peut avoir une forme, un objet et une nationalité différents de la société mère;
Que contrairement à la succursale, la filiale est immatriculée au registre de commerce et du crédit mobilier en tant que véritable société;
Que pour toutes les sociétés assujetties à l'immatriculation, c'est cette immatriculation qui confère la personnalité morale;
Attendu qu'exerçant au Congo sous l'autorité d'un Directeur général qui dispose d'un pouvoir de conclure les conventions (en l'espèce l'Accord de partenariat du 22 novembre 2008), la société WIETC, qui a son siège au site du chantier de l'Aéroport international Maya-Maya, est une filiale de la société WIETC Company Ltd dont le siège se situe en Chine, si l'on s'en tient à l'analyse qui précède et portant sur les notions de succursale et de filiale;
Attendu cependant que WIETC Company implanté au Congo, n'est pas immatriculée au Registre de commerce et du crédit mobilier tenu au greffe du Tribunal de commerce de Brazzaville;
Que néanmoins aucune indication relative à son immatriculation n'a été portée tant dans sa requête introductive d'instance que dans ses autres écritures versées dans le dossier de la procédure;
Que faute de s'être immatriculée la société WIETC est dépourvue de personnalité juridique, car comme l'affirment les dispositions de l'article 98 de l'Acte uniforme ci-dessus rappelé « toute société jouit de la personnalité juridique à compter de son immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier, à moins que le présent Acte uniforme en dispose autrement »;
Que la conséquence logique de ce manque de personnalité juridique est le défaut de capacité d'ester en justice;
Que les sujets de droit sont les personnes physiques d'une part et les personnes morales d'autre part;
Attendu que la société WIETC qui exerce au Congo est soit une société créée de fait, soit une société de fait, selon que ses statuts ne sont pas établis par écrit, et que de ce fait la société ne peut être immatriculée, ou alors les personnes physiques ou morales qui composent WIETC se comportent comme des associés sans avoir constitué entre elles l'une des sociétés reconnues par le droit OHADA ou encore et enfin, une société reconnue par le droit OHADA a été fondée par les propriétaires de WIETC qui n'ont pas, cependant, accompli les formalités nécessaires constitutives de la société;
Que telles sont les dispositions des articles 115, 864 et 865 du même Acte uniforme ci-dessus cité;
Qu'en toute hypothèse, dépourvue de capacité, la société WIETC n'est pas apte à saisir une juridiction quelle qu'elle soit, même civile, pour faire valoir ses moyens et prétentions, mis à part une saisine pouvant être faite par les membres de la société pris individuellement;
Que quoique dépourvue de la personnalité juridique, WIETC Company ne saurait se soustraire aux responsabilités et aux obligations inhérentes à la qualité de commerçant ce, conformément à l'article 39, alinéa 2 de l'Acte uniforme sur le droit commercial général;
Attendu que l'action en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 28 octobre 2010, introduite par la société WIETC Company est irrecevable;
Que telle est la mesure qui, en raison de l'urgence, préserve les intérêts des parties qui doivent, pour s'entendre statuer au principal de leur litige, se pourvoir devant la juridiction compétente et ce conformément dispositions de l'article 207 du code de procédure civile, commerciale et financière;
Que conformément aux dispositions de l'article 214 du même code procédure ci-dessus rappelé, la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit, sans caution, nonobstant appel;
Que la société WIETC Company Ltd ayant succombé au procès, il sied de mettre les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en référé et en premier ressort;
Au principal
Réservons tous moyens et prétentions à faire valoir devant le juge du fond compétent;
Renvoyons les plaideurs à s'y pourvoir ainsi qu'ils aviseront;
Néanmoins, par provision, vu l'urgence
Constatons que la société générale WIETC Company Ltd exerçant au Congo n'est pas immatriculée au registre du commerce et du crédit mobilier;
Disons que cette société est dépourvue de la personnalité morale et, par conséquent, de la capacité d'ester en justice;
Déclarons irrecevable l'action en rétractation de l'ordonnance présidentielle du 28 octobre 2010, introduite par la société générale WIETC Company Ltd;
Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision, sans caution, nonobstant appel;
Mettons les dépens à la charge de la société générale WIETC Company Ltd.