J-13-116
SURETES — DECLARATION DE RECETTE — CESSION — REMBOURSEMENT DE LA CREANCE — DEFAUT DE REGLEMENT — ASSIGNATION EN PAIEMENT — HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE — REQUETE EN ANNULATION — JONCTION DES DEUX PROCEDURES — ANNULATION DE L’HYPOTHEQUE — ACTION MAL FONDEE — PAIEMENT DE LA CREANCE (OUI) — RESISTANCE ABUSIVE ET VEXATOIRE — DOMMAGES ET INTERETS (OUI) — DEFAUT DE PAIEMENT — IMMEUBLE BATI — TRANSFERT DEFINITIF DE LA PROPRIETE AU CREANCIER (OUI) — DEMANDE DE DELAIS DE GRACE — REFUS — EXECUTION PROVISOIRE — APPEL — ARRET CONFIRMATIF — POURVOI EN CASSATION — REQUETE AUX FINS DE SURSIS A EXECUTION — RECEVABILITE (OUI)
DISPOSITIF DU JUGEMENT — MENTION DE LA MATIERE — DEFAUT D’INDICATION — ERREUR MATERIELLE — POUVOIR DE CORRECTION (OUI) — CONTRARIETE ENTRE LES MOTIFS ET LE DISPOSITIF (NON)
CONTRAT DE CESSION CONVENTIONNELLE — QUALIFICATION — DONATION (NON) — VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 648 CFC (NON) — DISPOSITIONS APPLICABLES — DEFAUT DE BASE LEGALE
CONTRAT D’HYPOTHEQUE CONVENTIONNELLE — QUALIFICATION — VENTE — DEFAUT DE VICES — VIOLATION DE L'ARTICLE 1582 CODE CIVIL (NON) — RESCISION DE LA VENTE — CAUSE DE LESION — ABSENCE DE DEMANDE — NON — APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1674 CODE CIVIL (OUI) — REJET DU POURVOI
En l’espèce, outre la cession d’une déclaration de recette, l’emprunteur a cédé son immeuble pour garantir le remboursement de sa dette assorti d’un échéancier pour ledit remboursement. N'ayant pas pu faire face au remboursement de la créance, il est condamné au remboursement du principal et à des dommages intérêts pour résistance abusive et vexatoire. Et à défaut de règlement de ces sommes, la propriété de son immeuble sera définitivement acquise au créancier conformément à la convention d'hypothèque.
Donation ou vente, c’est en vain que le demandeur au pourvoi ne peut trouver des dispositions légales applicables dans la présente espèce. Son pourvoi doit donc être rejeté.
Article 648 CODE DE LA FAMILLE CONGOLAIS (CFC)
Article 1582, 1674, 2048 CODE CIVIL
(Cour suprême du Congo, Chambre Commerciale, Arrêt N° 08/Gcs-2004 Du 25 Juin 2004, Mavoungou-Bayonne Jean Claude C/ Wally Diawara)
LA COUR SUPREME,
Statuant en sa Chambre commerciale, à son audience publique du 25 juin 2004, tenue au palais de justice de Brazzaville, pour vider son délibéré du 21 mai 2004, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi et la requête spéciale formés par monsieur MAVOUNGOU-BAYONNE Jean Claude, commerçant, domicilié à Pointe-Noire, B.P. 273, ayant pour conseil maîtres Gilles PENAPITRA, Anatole ELENGA et Gérard DEVILLERS, avocats au barreau de Pointe-Noire pour les deux premiers, y demeurant, B.P. 5456 et au barreau de Brazzaville pour le deuxième, y demeurant, immeuble TEK, face Ambassade de la RDC, B.P. 1211; demandeur;
En cassation et aux fins de sursis à exécution de l'arrêt n° 032 rendu le 27 avril 2001 par la Chambre commerciale de la Cour d'appel de Pointe-Noire dans la cause qui l'oppose à monsieur WALLY DIAWARA, commerçant, domicilié à Pointe-Noire, B.P. 2254, ayant pour conseil maître Gaston MOSSA, avocat au barreau de Pointe-Noire, y demeurant, B.P. 1970; défendeur;
Le demandeur au pourvoi a invoqué six (6) moyens de cassation; le défendeur a produit ses mémoires en réponse les 15 janvier et 17 mai 2002 tendant au rejet du pourvoi;
Sur quoi, la Cour suprême, statuant à son audience publique du 25 juin 2004 où siégeaient messieurs : Victor ONDZIE, Président de ladite Chambre, Président, Alphonse POPOSSI-MANZIMBA et Grégoire BOUNTSANA, juges; monsieur Thaddée NDAYI, avocat général près la Cour suprême tenant le siège du ministère public; Daniel ISSAKA, greffier;
Sur le rapport de monsieur Victor ONDZIE, les conclusions écrites n° 058/RQ-04 de monsieur l'avocat général Thaddée NDAYI auxquelles il s'est rapporté dans ses observations orales, ainsi que sur celles de maître Gérard DEVILLERS pour le compte du demandeur au pourvoi; et après en avoir délibéré conformément à la loi;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi en cassation et la requête spéciale de MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude sont réguliers et recevables comme ayant été faits dans les formes et délais de la loi;
Sur la requête aux fins de sursis à exécution
Attendu que l'instruction du pourvoi étant terminée, il y a lieu de joindre la requête aux fins de sursis à exécution au fond pour être statué par une seule décision;
AU FOND
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (C.A. de Pointe-Noire, Chambre commerciale, n° 032, 27/04/01) qu’en 1998, MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude a cédé une déclaration de recette (en abrégé DR) d'un montant de deux cent millions (200.000.000) francs CFA à WALLY DIAWARA au prix de cent soixante-quinze millions (175.000.000) francs CFA; que pour garantir le remboursement de ces sommes d'argent, le même MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude a cédé son terrain bâti référencé n° 09, section R, Bloc 48 sis au quartier Centre abritant la pharmacie dite FORUM SANTE et a signé un échéancier pour le remboursement; que suite, selon le demandeur, aux difficultés économiques qu'a connues le Congo du fait de la guerre de 1997, l'emprunteur, ayant été victime des pillages et destruction de ses fonds de commerce à Brazzaville et Dolisie, n'a pu faire face au remboursement de la créance du défendeur; que c'est dans ces conditions que monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude a été attrait devant le Tribunal de commerce de Pointe-Noire par son créancier par requête du 2 septembre 1998; qu'à son tour, monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude saisissait le même Tribunal par requête du 16 octobre 1998 pour obtenir l'annulation de l'hypothèque conventionnelle, lequel Tribunal, après jonction des deux procédures, a dit monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude mal fondé en son action et l'en a débouté; a déclaré par contre monsieur WALLY DIAWARA bien-fondé et a fait droit à sa demande par jugement contradictoire du 17 mars 1999 ayant condamné MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude à payer à WALLY DIAWARA la somme de cent trente millions Francs CFA en principal et celle de quinze millions Francs CFA de dommages intérêts pour résistance abusive et vexatoire, et a dit qu'à défaut de règlement de ces sommes la propriété de l'immeuble bâti référencé parcelle n° 9 section R bloc 48, objet du permis d'occuper n° 202-R- du 21 juin 1994 sera définitivement acquise à monsieur WALLY DIAWARA en application de l'article 5 de la convention signée des parties; a ordonné l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant toutes voies de recours et sans caution; a débouté WALLY DIAWARA du surplus de sa demande; a mis les dépens à la charge de MAVOUNGOU BAYONNE; que sur appel de monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude, la Cour d'appel de Pointe-Noire, en sa Chambre commerciale, a confirmé le jugement entrepris par l'arrêt présentement déféré devant la Cour suprême;
Attendu qu'au soutien de son pourvoi, monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude a soulevé au total six moyens de cassation;
Sur le premier moyen de cassation (requête du 11 juin 2001) pris du défaut des premiers juges de n'avoir pas indiqué dans le dispositif de la décision la compétence rationae materiae par laquelle il a été statué
Attendu qu'à l'appui de ce moyen, le demandeur reproche aux juges d'appel d'avoir confirmé dans leur arrêt le jugement dont il était appelé devant eux, alors que, selon lui, ledit jugement comporte un dispositif dépourvu de la mention expresse tenant à la matière en laquelle il a été statué en première instance;
Mais attendu que s'il est vrai que le dispositif du jugement du Tribunal de commerce de Pointe-Noire du 17 mars 1999 est dépourvu de la mention de la matière sur laquelle il a été statué, les qualités dudit jugement comportent les mentions suivantes : « Rôle commerciale n° 285 année 1998 Audience commerciale du dix-sept mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf... ». Qu'il en résulte clairement que le jugement a été rendu en matière commerciale; que l'omission commise au niveau du dispositif ne constitue donc qu'une erreur matérielle que le Tribunal aurait pu corriger à la requête d'une partie ou du ministère public; d'où le moyen manque de sérieux et doit être rejeté;
Sur le deuxième moyen de cassation (soutenu dans le mémoire en cassation du 11 juin 2001) pris de la contrariété entre les motifs et le dispositif de l'arrêt
Attendu qu'à cet égard, monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude fait grief aux juges d'appel d'avoir jugé comme ils l'ont fait dans l'arrêt attaqué alors que, selon lui, les mêmes juges, dans leurs motifs, auraient pris le contre-pied des premiers juges aussi bien en ce qui concerne le montant de la créance de monsieur WALLY DIAWARA qu'en ce qui concerne sa demande des délais de grâce;
Mais attendu qu'il apparaît que les énonciations que monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude impute aux juges d'appel et qui seraient contraires au dispositif de leur arrêt leur sont totalement étrangères;
Qu'en effet, la lecture de l'arrêt en cause permet de constater que la motivation développée par les seconds juges au soutien de leur décision est la suivante :
« Sur la réalité de la créance totale de WALLY DIAWARA;
Considérant que MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude affirme que la non-utilisation intégralement de la déclaration de recette est le fait du Gouvernement, donc non imputable à lui;
Mais par contre, suite aux difficultés d'utilisation de cette déclaration de recette par WALLY DIAWARA, MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude a passé une convention en date du 18 mai 1998 par laquelle il reconnaît dans les motifs de la Convention en son alinéa 3 être débiteur de la somme de 90 millions de francs et sollicite de WALLY DIAWARA qui l'accepte un prêt, soit la somme de 40 millions;
Qu'à l'article 2 de la convention, l'emprunteur, c'est-à-dire MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude reconnaît être redevable de son prêteur WALLY DIAWARA de la somme de 90 millions de francs au titre du crédit sur douane et de 40 millions de francs au titre d'un prêt soit la somme totale de 130 millions;
Qu'à l'article 4 de la Convention précitée et parlant du remboursement; L'emprunteur s'engage à rembourser la somme totale de 130 millions suivant un échéancier mensuel de 10 millions de francs allant du 31 août 1998 au 31 août 1999;
Qu'en définitive, à l'article 5, il est stipulé que le défaut de paiement d'une seule échéance ne saurait entraîner ni de report ni de majoration avec une autre échéance;
Que pour couronner le tout, un tel défaut entraînera de plein droit transfert définitif de la propriété au profit du prêteur;
Que l'argument de MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude qui consiste à reconnaître qu'une créance de 40 millions ne saurait prospérer;
Que cette créance qui est fondée en son principe, est réelle, certaine et surtout exigible doit être fixée à la somme de 130 millions de francs; »
Que s'agissant du refus des délais de grâce, les juges d'appel, dans les mêmes motifs, ont relevé que devant les premiers juges monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude n'avait pu faire la preuve de ses allégations, justifiant ainsi le refus des délais sollicités; que cette motivation est en parfaite harmonie avec le dispositif de l'arrêt; d'où le moyen doit être rejeté;
Sur le troisième moyen de cassation (soutenu dans le mémoire additionnel du 13 juillet 2001) à multiples branches tirées de la convention du 18 mai 1998 qualifiée de cession ou d'hypothèque conventionnelle
Sur la première branche tirée de la qualification du contrat de cession conventionnelle
Attendu qu'à l'appui de cette branche, le demandeur dénonce le fait que la cession n'aurait été passée ni devant notaire, ni devant un Tribunal d'instance comme l'édicterait l'article 648 du code de la famille congolais;
Mais attendu que les dispositions de l'article 648 qui seraient violées sont les suivantes : « Tout contrat portant donation d’immeuble ou de droits immobiliers doit être passé devant le notaire ou devant le Président du Tribunal populaire de village-centre ou de quartier du lieu de passation du contrat »; que la convention passée entre MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude et WALLY DIAWARA n'étant pas une donation, il ne peut pas être fait application des dispositions ci-dessus mentionnées; il s'ensuit que cette branche du moyen n'est pas fondée;
Sur la deuxième branche tirée de la qualification du contrat d'hypothèque conventionnelle
Attendu qu'à l'appui de cette branche, le demandeur invoque à la fois la violation de l'article 648 du code de la famille congolais, l'Acte uniforme de l'OHADA et l'article 2048 du code civil;
Mais attendu qu'aucun des textes invoqués ne peut trouver application en la présente espèce; que la démonstration en a été faite en ce qui concerne l'article 648 du code de la famille congolais lors de l'examen de la première branche; que s'agissant de l'Acte uniforme de l'OHADA, la compétence de la Cour suprême a été démontrée dans la présente cause; qu'or, cette juridiction ne peut statuer sur un Acte uniforme; et qu'enfin l'article 2048 du code civil traite du champ d'application de la renonciation aux droits, actions et prétentions en matière de transaction, ce qui n'a absolument rien à voir avec la présente cause; d'où cette branche doit être rejetée;
Sur le quatrième moyen de cassation du pourvoi (soutenu dans le mémoire complémentaire du 28 juillet 2003) pris de l'absence de motif
Attendu que ce moyen reprend les mêmes motifs que le deuxième moyen pris de la contrariété entre les motifs et le dispositif, lequel a été rejeté comme non établi; qu'il y a simplement lieu de s'y référer;
Sur le cinquième moyen de cassation du pourvoi (soutenu dans le mémoire complémentaire du 28 juillet 2003) pris de la violation des dispositions de l'article 1582 du code civil sur la nature juridique de la vente
Attendu qu'à cet égard, monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude fait grief aux juges d'appel de Pointe-Noire d'avoir analysé la convention passée le 18 mai 1998 par lui-même et monsieur WALLY DIAWARA comme étant une vente, les parties n'ayant pas, selon lui, antérieurement à ladite convention et notamment lors de la cession par lui à son adversaire de sa déclaration de recettes le 21 juillet 1997, envisagé la cession de l'immeuble en cause; que les juges d'appel ont fait une application erronée de la loi;
Mais attendu que l'interprétation des conventions est une question de fait dévolue à la compétence des juges des faits et ne saurait faire l'objet d'un contrôle par la Cour suprême juge de droit; que par ailleurs quand bien même il aurait été indûment retenu la qualification de vente pour la convention litigieuse, le demandeur au pourvoi n'a invoqué ni un vice de consentement, ni une atteinte à l'ordre public, ni l'illégalité, ni l'illicéité ni moins encore l'absence d'obligations réciproques à la charge des parties de telle sorte que l'article 1582 du code civil ou les dispositions générales attachées aux conventions synallagmatiques fussent violées; d'où le moyen doit être rejeté;
Sur le sixième moyen de cassation (soutenu dans le mémoire complémentaire du 28 juillet 2003) tiré de la violation des dispositions de l'article 1674 du code civil sur la lésion, insuffisance de motif
Attendu qu'à l'appui de ce moyen, MAVOUNGOUBAYONNE Jean Claude reproche aux juges d'appel, qui ont qualifié de vente la convention du 18 mai 1998 passée entre lui et WALLY DIAWARA, de n'avoir pas relevé que ladite vente était viciée pour cause de lésion, son immeuble ayant au moment de la convention, une valeur de 583. 899.500 francs CFA;
Mais attendu que la lésion, en ce qu'elle tend à protéger la partie qui s'en prévaut, constitue une cause de nullité relative qui ne peut être soulevée d'office par le juge; qu'or, MAVOUNGOU-BAYONNE Jean Claude n'allègue pas avoir demandé la rescision de la vente pour cause de lésion; qu'il ne peut donc reprocher à la Cour d'appel la non-application des dispositions de l'article 1674 du code civil; d'où le caractère mal fondé de ce dernier moyen;
PAR CES MOTIFS
En la forme
Déclare recevables le pourvoi en cassation et la requête spéciale aux fins de sursis à exécution formés par monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude le 15 juin 2001 contre l'arrêt n° 032 rendu le 27 avril 2001 dans la cause entre lui-même et monsieur WALLY DIAWARA;
Au fond
y joignant la requête aux fins de sursis à exécution;
Rejette ledit pourvoi;
Ordonne que l'arrêt attaqué produira ses pleins et entiers effets;
Ordonne la confiscation de la somme de 10.000 francs F.CFA consignée au greffe de la Cour suprême le 15 juin 2001 et la déclare acquise au trésor à titre d'amende;
Condamne monsieur MAVOUNGOU BAYONNE Jean Claude aux dépens.