J-15-230
SAISIE-ATTRIBUTION DE CREANCE – SAISIE REALISEE SUR LE FONDEMENT D’UN TITRE EXECUTOIRE DELIVRE CONTRE UNE SOCIETE DISTINCTE DE LA DEBITRICE : ABSENCE DE TITRE EXECUTOIRE – MAINLEVEE DE LA SAISIE
Aux termes de l’article
153 de l’AUPSRVE, seul un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur pour se faire payer. C’est en violation de l’article
153 de l’AUPSRVE qu’une cour d’appel a infirmé l’ordonnance ayant déclaré nulle la saisie et ordonné sa mainlevée et son arrêt encourt la cassation, car le titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie a été pratiquée n’était pas délivré contre la société saisie à tort. Il en est ainsi dès lors que la saisie-attribution a été pratiquée sur les comptes de la société X. sur la base d’un arrêt rendu le 02 mars 2012, titre exécutoire au préjudice d’une société Y., non opposable à la société X. distincte de la société Y. tel qu’il apparaît d’un décret du 05 avril 2011 consacrant la dissolution de la société Y. et la reprise par l’État des dettes de l’ancienne société Y. Sur évocation, c’est à tort que la saisie a été initiée et sa mainlevée, justifiée, ayant été ordonnée, le son maintien sollicité par le demandeur doit être rejeté.
CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 140/2014 du 11 novembre 2014; Pourvoi n° 033/2013/ PC du 21/03/ 2013 : Société Nationale d’Électricité dite SNE c/ Monsieur ABDERAMANE SEID.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue à Libreville (Gabon) le 11 novembre 2014 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président
Madame Flora DALMEIDA MELE, Second Vice-président, Rapporteur
Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 21 mars 2013 sous le n°033/2013/ PC et formé par Maître SOBDIBE ZOUA, Avocat au barreau du Tchad, BP 6572 N’Djamena, agissant au nom et pour le compte de la Société Nationale d’Électricité dite SNE, ayant son siège à N’djaména, Avenue Colonel Largeau, BP 44, représentée par Monsieur MAHAMAT SENOUSSI CHERIF, dans la cause l’opposant à monsieur ABDERAMANE SEID,
en cassation de l’Arrêt n°003/2013, rendu le 15 janvier 2013 par la Cour d’appel de N’djaména et dont le dispositif est le suivant :
« Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile, en référé et en dernier ressort;
En la forme :
Reçoit l’appel de ABDERAMANE SEÏD;
AU FOND :
Infirme l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions.
Condamne la SNE aux dépens. »;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-présidente;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure qu’en exécution de l’Arrêt n°032/2012 rendu le 02 mars 2012 par la Cour d’appel de N’Djamena condamnant la STEE à lui payer une somme d’argent, Monsieur ABDERAMANE SEÏD pratiquait une saisie-attribution de créances sur les avoirs de la SNE entre les mains de United Bank of Africa ( UBA), saisie dénoncée suivant procès verbal n°262/012 REPT du 08 mai 2012 à « la SNE, ex STEE » à un agent de sécurité; qu’alléguant que le titre exécutoire était délivré contre la STEE, ancienne société de distribution d’eau et d’électricité en liquidation et dont le passif avait été transféré à l’État d’une part et, d’autre part, n’étant pas débitrice de Monsieur ABDERAMANE SEÏD, la SNE saisissait en contestation la Présidente du Tribunal de première instance de N’Djaména qui, par ordonnance n°1033/12 du 05 juillet 2012, déclarait nulle la saisie –attribution pratiquée le 11 avril 2012 et en ordonnait la mainlevée; que sur appel de Monsieur ABDERAMANE SEÏD, la Cour d’appel de N’djaména rendait l’arrêt dont pourvoi;
Attendu que malgré la lettre n°857/2013G2 en date du 18 décembre 2013 du Greffier en chef invitant le défendeur au pourvoi à présenter son mémoire en réponse et reçue le 10 janvier 2014, celui-ci n’a pas daigné répondre; que le principe du contradictoire étant respecté, il y a lieu de statuer en l’état;
Sur la deuxième branche du moyen unique
Vu l’article 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que pour infirmer l’ordonnance entreprise, il a considéré que la saisie a été pratiquée sur le fondement d’un titre exécutoire et est par conséquent régulière alors, selon le moyen, que tout créancier doit justifier d’un titre exécutoire pour opérer une saisie entre les mains d’un tiers et que le titre exécutoire dont se prévaut Monsieur ABDERAMANE SEÏD a été délivré non pas contre la SNE mais contre la STEE;
Attendu qu’aux termes de l’article 153 de l’Acte uniforme sus indiqué, seul un créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut saisir entre les mains d’un tiers, les créances de son débiteur pour se faire payer; que la saisie-attribution a été pratiquée sur les comptes de la SNE sur la base de l’Arrêt n°032/2012 rendu le 02 mars 2012, titre exécutoire au préjudice de la STEE, non opposable à la SNE distincte de la STEE tel qu’il apparaît du décret N°282/PR/PM/2011 du 05 avril 2011 consacrant la dissolution de la STEE et la reprise par l’État des dettes de l’ancienne STEE; que le titre exécutoire sur le fondement duquel la saisie a été pratiquée n’étant pas délivré contre la SNE, la Cour d’appel, en infirmant l’ordonnance ayant déclaré nulle la saisie et ordonné sa mainlevée, a violé l’article 153 de l’Acte uniforme sus visé et expose son arrêt à la cassation sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres branches du moyen unique;
Sur l’évocation
Attendu que par déclaration faite au greffe du Tribunal de première instance de N’Djaména, monsieur ABDERAMANE SEÏD a interjeté appel contre l’Ordonnance n°1033/2012 rendue 05 juillet 2012 par Madame la Présidente du Tribunal de première instance de N’Djaména et dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en référé et en premier ressort;
Déclarons l’assignation de la requérante recevable;
Disons que la saisie attribution pratiquée le 11 avril 2012 est nulle;
Ordonnons la mainlevée de la saisie attribution des créances pratiquées sur les comptes de la SNE;
Condamnons le requis aux dépens; »;
Attendu qu’à l’appui de son appel, monsieur ABDERAMANE SEÏD soutient que la SNE est la continuité de la STEE et sollicite que la saisie soit maintenue pour lui permettre de recouvrer son dû;
Attendu que la SNE soutient qu’elle est une nouvelle société distincte de la STEE, dissoute et que le titre exécutoire, fondement de la saisie, est opposable à la STEE contre qui une condamnation en paiement a été prononcée; que c’est à tort que monsieur ABDERAMANE SEÏD a initié la procédure de saisie-attribution contre elle et que sa demande en mainlevée de saisie se justifie;
Sur la mainlevée de la saisie-attribution de créances
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant prévalu à la cassation de l’arrêt attaqué, il y a lieu de confirmer l’ordonnance entreprise;
Sur la demande de monsieur ABDERAMANE SEÏD relative au maintien de la saisie
Attendu que la mainlevée de la saisie ayant été ordonnée, il convient de débouter monsieur ABDERAMANE SEÏD de sa demande relative au maintien de la saisie;
Attendu que monsieur ABDERAMANE SEÏD ayant succombé, il échet de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré
Casse l’Arrêt n°003/2013, rendu le 15 janvier 2013 par la Cour d’appel de N’Djaména;
Évoquant et statuant sur le fond,
Confirme l’Ordonnance n°1033/2012 rendue le 05 juillet 2012 par le Président du Tribunal de première instance de N’Djaména;
Déboute Monsieur ABDERAMANE SEÏD de sa demande en maintien de la saisie;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef
Pour expédition établie en cinq pages par Nous, Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef de ladite Cour.
Fait à Libreville, le 11 novembre 2014
Maître Paul LENDONGO