J-02-04
I. TRAITE – ARTICLE 10 – PRINCIPE DE SUPRANATIONALITE DES ACTES UNIFORMES – ABROGATIONS DES DISPOSITIONS CONTRAIRES ANTERIEURES OU POSTERIEURES DE DROIT INTERNE PAR LES ACTES UNIFORMES – APPLICATION DIRECTE ET OBLIGATOIRE DES ACTES UNIFORMES DANS LES ETATS PARTIES.
II. ABROGATION PAR LES ACTES UNIFORMES DE TOUTE DISPOSITION CONTRAIRE OU IDENTIQUE D'UN TEXTE LEGISLATIF OU REGLEMENTAIRE DE DROIT INTERNE PRESENT OU A VENIR AYANT LE MEME OBJET – MAINTIEN DES DISPOSITIFS DE DROIT INTERNE NON CONTRAIRES (OUI).
III. DISPOSITION DE DROIT INTERNE – ARTICLE D'UN TEXTE (OUI) – ALINEA D'UN ARTICLE (OUI) – PHRASE D'UN ARTICLE (OUI).
IV. DISPOSITIONS ABROGATOIRES DES ACTES UNIFORMES – CONFORMITE AVEC L'ARTICLE 10 DU TRAITE – COMPETENCE ABROGATOIRE DES ACTES UNIFORMES (OUI) – NECESSITE DE DISPOSITIONS ABROGATOIRES EXPRESSES DU DROIT INTERNE POUR L'APPLICATION DES ACTES UNIFORMES (NON).
V. DROIT DES SURETES COMMERCIALES ET DU GROUPEMENT D'INTERET ECONOMIQUE – DISPOSITIONS ABROGATOIRES – LOIS CONTRAIRES ET DISPOSITIONS CONTRAIRES – FORMULES EQUIVALENTES (OUI).
VI. DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETES SOUMISES A UN REGIME PARTICULIER – SOCIETE EGALEMENT SOUMISES A L'AUSCGIE SAUF DISPOSITIONS LEGISLATIVES SPECIFIQUES.
VII. DISPOSITION CONTRAIRE – DEFINITION – DISPOSITION CONTREDISANT UNE DISPOSITION D'UN ACTE UNIFORME DANS LA FORME, LE FOND OU L'ESPRIT.
VIII. DROIT DES PROCEDURES COLLECTIVES – ARTICLE 257 AUPCAP – ABROGATION DES DISPOSITIONS CONTRAIRES ANTERIEURES DE DROIT INTERNE – INTERDICTION D'ADOPTER DES DISPOSITIONS CONTRAIRES POSTERIEURES.
IX. DROIT DE L'ARBITRAGE – ARTICLE 35 AUA – SUBSTITUTION DE L'ACTE UNIFORME AUX LOIS NATIONALES EXISTANTES.
X. DROIT FISCAL – MATIERE JURIDIQUE HORS DU CHAMP DE L'HARMONISATION DU DROIT DES AFFAIRES PAR L'OHADA – NECESSITE DU DROIT DE LA PROCEDURE FISCALE INTERNE DE SE CONFORMER AUX DISPOSITIONS DE L'AUPSRVE SI LES MESURES CONSERVATOIRES DE RECOUVREMENT ET D'EXECUTION FORCEE SONT CELLES DETERMINEES PAR LEDIT ACTE.
I L'acte 10 du traité de l'OHADA contient une règle de supranationalité puisqu'il prévoit l'application directe et obligatoire des Actes uniformes dans les Etats parties et leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures ou postérieures.
En vertu du principe de supranationalité, l'article 10 contient une règle relative à l'abrogation du droit interne par les actes uniformes.
II Sauf dérogation prévue par les actes uniformes eux-mêmes, l'effet abrogatoire de l'article 10 concerne l'abrogation de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne présent, ou l'interdiction de tout texte législatif ou réglementaire de droit intérieur à venir.
Cette abrogation concerne toute disposition de droit interne ayant le même objet que celles des actes uniformes, qu'elle soit contraire ou identique.
III Selon les cas d'espèce, la "disposition" peut désigner un article d'un texte, un alinéa de cet article ou une phrase de cet article.
IV Les dispositions abrogatives contenues dans les actes uniformes sont conformes à l'article 10 du Traité de l'OHADA.
L'effet abrogatoire du droit uniforme de l'OHADA découlant du Traité lui-même et les Actes uniformes découlant de celui-ci, il s'ensuit que les actes uniformes n'ont pas seuls compétence pour déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne.
Il se déduit également des dispositions impératives et suffisantes des articles 9 et 10 du Traité qui sont superfétatoires des textes d'abrogation expresse du droit interne que pourraient prendre les Etats parties pour l'application des Actes uniformes.
Selon les cas d'espèce, une loi contraire peut s'entendre aussi bien d'un texte de droit interne ayant le même objet qu'un Acte uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à celles d' un autre Acte uniforme, que d'une loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques unes de celles-ci sont contraires; dans ce dernier cas, les dispositions du droit interne non contraires à celles de l'Acte uniforme considéré demeurent applicables.
V Dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique, les formules "lois contraires" et "dispositions contraires" indifféremment employées sont équivalentes.
VI Les dispositions de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le GIE étant d'ordre public et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet, régissent des sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini. Toutefois, à l'égard de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte uniforme précité laisse subsister les dispositions législatives auxquelles lesdites sociétés sont soumises.
VII Les "dispositions contraires" s'entendent de tout texte législatif ou réglementaire contredisant dans la forme, le fond ou l'esprit, les dispositions d'un acte uniforme.
VIII La disposition abrogatoire de l'article 257 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif concerne aussi bien l'abrogation des dispositions antérieures contraires à celles de cet Acte uniforme que l'interdiction de l'adoption de dispositions contraires postérieures.
IX L'article 35 de l'Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage, selon lequel " le présent Acte uniforme tient lieu de loi à l'arbitrage dans tous les Etats parties" doit être interprété comme substituant cet Acte aux louis nationales existantes en la matière, sous réserve des dispositions non contraires susceptible d'exister en droit interne.
X Le droit fiscal ne fait pas encore partie des matières rentrant dans le domaine du droit des affaires à harmoniser, tel que défini par l'article 2 du Traité. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures à la date d'entrée en vigueur de l'Acte concerné mettent en œuvre des mesures conservatoires ou d'exécution forcée ou des procédures de recouvrement déterminées par ledit Acte uniforme, ces procédures fiscales doivent se conformer aux dispositions de celui-ci.
Article 10 TRAITE OHADA
Article 257 AUPCAP
Article 35 AUA
(CCJA, avis n° 1/2001/EP du 30 avril 2001, Recueil de jurisprudence CCJA, n° spécial, janvier 2003, p. 74).
Demande d'Avis de la République de COTE D'IVOIRE enregistrée au greffe sous le n° 002/2000/EP du 19 octobre 2000
AVIS N°001/2001/EP
Séance DU 30 AVRIL 2001
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, réunie en formation plénière à son siège,
Vu le Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, notamment en ses articles 10 et 14;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) notamment en ses articles 9, 53, 54, 55 et 58;
Vu la demande d'Avis consultatif de la République de COTE D'IVOIRE formulée par lettre n° 137/MJ/CAB-3/KK/MB en date du 11 octobre 2000 du Garde de Sceaux, Ministre de la Justice, enregistrée au Greffe de la Cour le 19 octobre 2000 et ainsi libellée :
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage peut être consultée sur toute question entrant dans le champ de l'article 13 du Traité de l'OHADA en dehors de tout contentieux déjà né entre les parties. A cet effet, elle peut être saisie par un Etat-partie ou par le Conseil des Ministres conformément aux articles 14 alinéa 2 du Traité et 53 et suivants du Règlement de procédure de la CCJA.
En application des dispositions citées ci-dessus, j'ai l'honneur de soumettre à la Cour, pour avis, au nom de l'Etat de COTE D'IVOIRE, l'interprétation des articles ci-dessous rappelés :
1. Article 10 du Traité de l'OHADA : "Les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure."
Question : Cette disposition contient-elle une règle de supranationalité?
Question : Cette disposition contient-elle une règle relative à l'abrogation du droit interne par les Actes Uniformes?
2. Si l'article 10 du Traité contient une règle relative à l'effet abrogatoire des Actes Uniformes sur le droit interne, comment faut-il l'interpréter :
Questions :
comme abrogeant tout texte législatif ou réglementaire de droit interne ayant le même objet que les Actes Uniformes?
Comme abrogeant uniquement les dispositions d'un texte législatif ou réglementaire de droit interne ayant le même objet que celle d'un Acte Uniforme et étant contraire à celles-ci?
Dans ce dernier cas, que faut-il entendre par disposition : un article d'un texte; un alinéa de cet article; une phrase de cet article?
Question : Les dispositions abrogatoires contenues dans les Actes Uniformes sont-elles conformes à l'article 10 du Traité?
3. Si l'article du traité ne contient pas une disposition relative à l'abrogation du droit interne par les Actes Uniformes :
Question : Cela signifie-t-il que les Actes Uniformes ont seuls compétence pour déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne?
Question : Les Etats peuvent-ils prendre des textes d'abrogation expresse?
4. Si l'effet abrogatoire du droit uniforme sur le droit interne ne peut être réglé que par les Actes Uniformes ou si cet effet est réglé par eux conformément à l'article 10 du Traité, voici les questions que cette situation suscite :
4-a) Article 1er alinéas 1er et 2 de l'Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général;
– Tout commerçant...est soumis aux dispositions du présent Acte Uniforme.
– En outre, tout commerçant demeure soumis aux lois non contraires au présent Acte Uniforme, qui sont applicables dans l'Etat-Partie où se situe établissement ou son siège social.
Question : Que faut-il entendre par la loi contraire : une loi ou un règlement ayant le même objet que l'Acte Uniforme et dont toutes les dispositions seraient contraires à cet Acte ou une loi ou un règlement dont seulement l'une de ces dispositions ou quelques unes de celles-ci seraient contraires?
4-b) Article 1er de l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique :
– Toute société commerciale...est soumise aux dispositions du présent Acte Uniforme ».
– Tout groupement d'intérêt économique est également soumis aux dispositions du présent Acte Uniforme ».
– En outre, les sociétés commerciales et les groupements d'intérêt économique demeurent soumis aux lois non contraires au présent Acte Uniforme qui sont applicables dans l'Etat-partie où se situe le siège social ».
Question : Que faut-il entendre par loi contraire : une loi ou un règlement ayant le même objet que l'Acte Uniforme et dont toutes les dispositions seraient contraires à cet Acte ou une loi ou règlement dont seulement l'une de ses dispositions ou quelques unes de celles-ci seraient contraires?
4-c) Article 919, alinéa 1er de l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique :
– Sont abrogées...toutes dispositions légales contraires aux dispositions du présent Acte Uniforme ».
Question : Cet article ayant le même objet que l'article 1er mais étant formulé différemment, faut-il comprendre que les formules " lois contraires " et " dispositions contraires " sont absolument équivalentes?
Dans le cas où elles ne le seraient pas, laquelle doit l'emporter dans cet Acte Uniforme?
4.d) Article 916, alinéa 1er :
– Le présent Acte Uniforme n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont soumises les sociétés soumises à un régime particulier ».
Question : Cette disposition signifie-t-elle que les sociétés autrefois soumises à un régime particulier (Sociétés d'Etat ou nationales, sociétés d'économie mixte, coopératives, mutuelles, sociétés de banque, d'assurance... restent soumises, d'une part au droit commun porté par l'Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et, d'autre part, par les règles particulières et/ou dérogatoires du régime particulier?
4-e) Article 150 de l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et 257 de l'Acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif :
« Sont abrogées toutes les dispositions antérieures contraires à celles du présent Actes Uniforme ».
Question : Cette abrogation concerne-t-elle aussi les dispositions postérieures? Que faut-il entendre par " disposition contraires "?
4-f) Article 35 de l'Acte Uniforme sur l'arbitrage :
– Le présent Acte Uniforme tient lieu de loi relative dans tous les Etat-partie ».
Question : Ce texte doit-il être interprété comme abrogeant complètement tout texte national relatif à l'arbitrage antérieur à cet Acte Uniforme dans un Etat-partie et rendant totalement impossible l'adoption d'un tel texte à l'avenir? Ou bien doit-il être interprété comme se substituant aux lois nationales existant déjà en la matière sous réserve des dispositions non contraires susceptibles d'exister en droit interne?
4-g) Article 336 de l'Acte Uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d'exécution : " Le présent Acte Uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etat-parties "
Question : " Quel est le sort des procédures fiscales contentieuses? "
Vu les observations de la République du CAMEROUN du 05 février 2001 enregistrées au greffe de la Cour le 06 février 2001;
Sur le rapport de Monsieur Boubacar DICKO, Juge;
EMET L'AVIS CI-APRES :
1- Sur la première question, en deux branches :
a) L'article 10 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique contient une règle de supranationalité parce qu'il prévoit l'application directe et obligatoire dans les Etats-Parties des Actes Uniformes et institue, par ailleurs, leur suprématie sur les dispositions de droit interne antérieures ou postérieures.
b) En vertu du principe de supranationalité qu'il consacre, l'article 10 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique qui prévoit l'application directe et obligatoire des Actes Uniformes dans les Etats-Partie nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure, contient bien une règle relative à l'abrogation du droit interne par les Actes Uniformes.
2- sur la deuxième question, en deux branches :
a) Sauf dérogations prévues par les Actes Uniformes eux-mêmes, l'effet abrogatoire de l'article 10 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique concerne l'abrogation de l'interdiction de l'adoption de toute disposition d'un texte législatif ou réglementaire de droit interne présent ou à venir ayant le même objet que les dispositions des Actes Uniforme et étant contraires à celles-ci. Il y a lieu d'ajouter que cette abrogation concerne également les dispositions du droit interne identiques à celles des Actes Uniformes.
Selon les cas d'espèce, " la disposition " peut désigner un article d'un texte, un alinéa de cet article ou une phrase de cet article.
b) Les dispositions abrogatoires contenues dans les Actes Uniformes sont conforme à l'article 10 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.
3- Sur la troisième question, en deux branches :
a) L'effet abrogatoire évoqué dans la question découlant du Traité lui-même d'une part, et les Actes Uniformes dérivant de celui-ci d'autre part, il s'en suit que les Actes Uniformes n'ont pas seuls compétence pour déterminer leur effet abrogatoire sur le droit interne.
b) Au regard des dispositions impératives et suffisantes des articles 9 et 10 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, sont superfétatoires les textes d'abrogation expresse du droit interne que pourraient prendre les Etats-Parties en application des Actes Uniformes.
4- Sur la quatrième question, en sept branches :
4-a) et 4-b) réunis en raison de leur identité : L'appréciation du caractère contraire d'une loi étant tributaire de la contexture juridique des cas d'espèce, il s'en suit qu'une loi contraire peut s'entendre aussi bien d'une loi ou d'un règlement de droit interne ayant le même objet qu'un Acte Uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à cet Acte Uniforme que d'une loi ou d'un règlement dont seulement l'une des dispositions ou quelques unes de celles-ci sont contraires. Dans ce dernier cas, les dispositions non contraires à celles de l'Acte Uniforme demeurent applicables.
4-c : Dans le cadre de l'Acte Uniforme sur le Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique, les formules " Lois contraires " et " Disposition contraires " indifféremment employées sont absolument équivalentes.
4-d : Les dispositions de l'Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d'Intérêt Economique étant d'ordre public et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme et quel que soit leur objet régissent les sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini. Toutefois, à l'égard de ces sociétés, l'article 916 alinéa 1er de l'Acte Uniforme précité laisse également subsister les dispositions législatives spécifiques auxquelles lesdites sociétés sont soumises.
4-e : Au regard de l'article 10 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique, la disposition abrogatoire de l'article 257 de l'Acte Uniforme sur les procédures collectives d'apurement du passif concerne aussi bien l'abrogation des dispositions antérieures contraires à celles de cet Acte Uniforme que l'interdiction de l'adoption de dispositions postérieures contraires.
Les " dispositions contraires " s'entendent de tout texte législatif ou réglementaire contredisant dans la forme, le fond et / ou l'esprit les dispositions d'un Acte Uniforme.
4-f : L'article 35 de l'Acte Uniforme relatif au Droit de l'arbitrage ayant édicté que " le présent Acte Uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans tous les Etats parties ", ce texte doit être interprété comme se substituant aux lois nationales existantes en la matière sous réserve des dispositions non contraires susceptibles d'exister en droit interne. .
4-g : Le Droit fiscal ne fait pas partie à ce jour des matières rentrant dans le domaine du droit de affaires harmonisé tel que défini par l'article 2 du Traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaire en Afrique. Toutefois, si les procédures fiscales postérieures à la date d'entrée en vigueur de l'Acte Uniforme concerné mettent en oeuvre des mesures conservatoires, mesures d'exécution forcée et procédures de recouvrement déterminées par ledit Acte Uniforme, ces procédures fiscales doivent se conformer aux dispositions de celui-ci.
Le présent Avis a été émis par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA en sa séance du 30 avril 2001 à laquelle étaient présents :
Messieurs
Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OIIVEIRA, Second Vice-président
João Aurigemrna CRUZ PINTO, Juge
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge-rapporteur
et Maître Pascal Édouard NGANGA,Greffier en Chef;
Le présent Avis a été signé par le Président et le Greffier en Chef.
Fait à Abidjan, le 30 avril 2001
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur, Consultant.1
I. A la demande de l'Etat ivoirien, la CCJA a rendu un avis sur une question essentielle : celle du principe et de la portée de l'effet abrogatoire des Actes uniformes sur le droit interne des Etats parties, question clé de tout l'édifice du droit uniforme des affaires de l'OHADA.
Aussi curieux que cela puisse paraître, le Traité OHADA ne contient aucune disposition expresse sur cette question. Seul, l'article 10 en vertu duquel : "Les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure" pouvait suggérer que le principe de l'abrogation était posé, mais en des termes qui, s'ils permettaient d'induire ce principe n'en précisaient pas la portée. (Sur toutes ces questions, voir Joseph ISSA-SAYEGH : "Quelques aspects techniques de l'intégration juridique : l'exemple des actes uniformes de l'OHADA, Revue de droit uniforme, UNIDROIT, 1999-1, p. 5 s.)
II. De l'article 10, on pouvait ne déduire que le principe selon lequel, afin d'y être appliqués et rendus obligatoires pour pénétrer en droit interne, les Actes uniformes ne nécessitaient aucune norme d'application de droit interne ("directement") et que nulle disposition antérieure ou postérieure ne pouvait s'y opposer ("nonobstant toute disposition contraire…"). A cet efft, attaché à la supranationalité (dont le mot n'est écrit nulle part dans le Traité), la CCJA en a ajouté un autre : l'abrogation de toute disposition de droit interne, antérieure ou postérieure aux Actes uniformes et contraire à ceux-ci. L'effet de supranationalité des normes uniformes est ainsi complet. (I.)
III. Il s'ensuit selon la Cour que les dispositions abrogatoires prévues par les Actes uniformes sont conformes à l'article 10 du Traité, même si elles ne sont pas rédigées dans les mêmes termes d'un Acte uniforme à l'autre. (IV.)
IV. La Cour fait bien également de préciser que l'effet abrogatoire des Actes uniformes sur le droit interne trouve sa source et son fondement dans les articles 9 et 10 du Traité dont les dispositions sont impératives et suffisantes, si bien qu'il n'est nullement nécessaire que les AU ou un texte de droit interne prévoient l'abrogation expresse d'un droit national ayant le même objet (V.)
On ne peut qu'approuver la CCJA, tout en faisant remarquer qu'il est tout de même plus commode pour un Etat de recenser les textes nationaux ayant le même objet que les AU pour les comparer, vérifier leur compatibilité ou leur contrariété, afin de faciliter la tâche des praticiens. C'est ce qua fait la Côte d'Ivoire, étant précisé que ce travail n'est pas revêtu de la chose jugée ou de l'imperium législatif ou administratif 2.
Précisément, cette tâche de comparaison sera plus aisée désormais puisque la CCJA a pris le soin de préciser la technique de comparaison des normes supranationales et internes et la portée de l'abrogation des secondes par les premières.
V. En premier lieu, sauf dispositions prévues par les Actes uniformes eux-mêmes, l'effet abrogatoire de l'article 10 concerne l'abolition de tout texte législatif ou réglementaire de droit interne déjà existant ou l'interdiction de tout texte de cette nature à venir dans le futur. (II.).
VI. Ensuite, la CCJA précise que par "disposition" il faut entendre un article d'un texte, un alinéa de cet article ou une phrase de et article (III.) et que la comparaison doit se faire entre les dispositions ayant le même objet, la norme uniforme l'emportant sur celle de droit interne, que celle-ci soit contraire ou identique (II.).
VII. Et la CCJA de préciser que, selon le cas d'espèce, une loi contraire peut s'entendre aussi bien d'un texte (législatif ou réglementaire) ayant le même objet qu'un Acte uniforme et dont toutes les dispositions sont contraires à ce texte que d'une loi ou d'un règlement dont seulement une ou quelques dispositions sont contraires; dans ce dernier cas, les dispositions de droit interne non contraires à celles de l'AU ayant le même objet demeurent applicables. Cela revient à dire que le fond du droit applicable à une situation juridique donnée peut être constitué du droit uniforme de l'OHADA et des dispositions survivantes du droit interne (IV.).
VIII. Enfin, la CCJA définit la notion de contrariété en précisant que par "dispositions contraires" il faut entendre tout texte législatif ou réglementaire contredisant dans la forme, le fond ou l'esprit des dispositions d'un Acte uniforme (VII). (Pour une application - discutable -de la contrariété, dans la lettre ou dans son esprit, d'une disposition de droit interne, voir Ohadata J-02-25).
Ayant posé et explicité ces principes, la CCJA entreprend l'examen des dispositions abrogatoires de certains Actes uniformes pour les éclairer, comme le lui demandait l'Etat ivoirien requérant.
IX. Dans l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales, les formules "lois contraires" et "dispositions contraires", indifféremment employées, sont équivalentes (V.). On doit en dire autant de ces formules utilisées dans l'Acte uniforme sur le droit commercial général.
X. Toujours à propos de l'AU sur les sociétés commerciales et le GIE, la CCJA affirme ou confirme que les dispositions de ce texte étant d'ordre public et s'appliquant à toutes les sociétés commerciales à raison de leur forme, quel que soit leur objet, régissent les sociétés soumises à un régime particulier entrant dans le cadre juridique ainsi défini, étant entendu qu'à l'égard de ces sociétés l'article 916, alinéa 1er de l'AU précité laisse subsister les dispositions législatives auxquelles lesdites sociétés sont soumises (VI). Cela revient à dire que l'AUSCGIE est le droit commun des sociétés commerciales et que les dispositions des textes qui confèrent un régime spécial à certaines sociétés viennent compléter ce droit commun ou se substituer à lui en leurs dispositions ayant le même objet si ces dispositions sont contraires à celles du droit commun.
XI. Toujours en application des principes abrogatoires posés par elle, en interprétation de l'article 10 du Traité, la CCJA estime que l'AU sur les procédures collectives d'apurement du passif emporte abrogation aussi bien des dispositions antérieures contraires à celles de l'AU que l'interdiction de l'adoption de dispositions postérieures contraires (VIII).
XII. Quant à l'article 35 de l'Acte uniforme sur le droit de l'arbitrage selon lequel "le présent AU tient lieu de loi à l'arbitrage dans tous les Etats parties", il n'apporte aucune altération aux principes abrogatoires dégagés par la CCJA. Il s'ensuit qu'il doit être interprété comme substituant cet Acte aux lois nationales existantes en la matière, sous réserve des dispositions non contraires susceptibles d'exister en droit interne.
XIII. Une dernière question avait été posée par l'Etat ivoirien sur l'article 336 de l'AU sur le recouvrement simplifié des créances et les voies d'exécution, qui dispose que cet Acte uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etats parties. A ce propos, la question était : "Quel est le sort des procédures fiscales contentieuses?"
La réponse de la CCJA, sur ce plan également, est claire et pertinente : ou bien la procédure de recouvrement des créances fiscales adopte les mesures de recouvrement, les mesures conservatoires et d'exécution de l'Acte uniforme et l'administration fiscale doit s'y conformer, ou bien elle utilise des procédures spéciales propres au droit fiscal et, dans ce cas, ces procédures particulières doivent être respectées.

1 Voir aussi le commentaire d'AGBOYIBOR Pascal, RDAI/IBLJ, n° 7, 2001, p. 914.

2 Ce travail est disponible sur le site à la page PAYS - COTE D'IVOIRE.