J-02-161
saisie conservatoire – créance du saisissant constituée par des loyers versés par le preneur à un séquestre régulièrement désigné – absence de menace de péril sur la créance – article 54 auPSRve.
mainlevée de la saisie conservatoire obtenue par rétractation de l’ordonnance autorisant la saisie – arrêt de la cour d’appel infirmant la rétractation – cassation de l’arrêt infirmatif – évocation du fond par la CCJA – article 14, ALINEA 5 du traité OHADA.
litige relatif à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire – compétence du juge des référés (oui) – article 49 AUPSRVE – article 62 aupsrve.
assignation en mainlevée de saisie conservatoire – exception d’irrecevabilité soulevée tardivement – exception irrecevable.
saisine du juge des référés pour statuer sur le bien-fondé d’une ordonnance de saisie conservatoire – article 54 auve – incompétence du juge pour statuer sur la régularité des opérations de saisie (article 64 auve).
astreinte prononcée par le juge des référés ayant rétracté l’ordonnance de saisie conservatoire – point de départ DE L’ASTREINTE fixé à la date de l’ordonnance entreprise – reformation – point de départ fixé à la date de la notification de l’arrêt de cassation.
Le versement des loyers par le preneur à un séquestre désigné pour les recevoir jusqu’au règlement définitif du litige sur la propriété de l’immeuble loué, ne constitue pas une menace pour la créance du bailleur, selon l’article 54 AUPSRVE.
Dès lors, c’est à bon droit que le juge des référés a ordonné la rétractation d’une ordonnance autorisant la saisie conservatoire sur les biens meubles du preneur, à la demande du bailleur, et c’est à tort que la Cour d’Appel a rendu un arrêt infirmatif de la seconde ordonnance. Cet arrêt doit donc être cassé et, par évocation, la CCJA doit statuer en appel contre l’ordonnance de rétractation.
Aux termes des articles 49 et 62 combinés de l’AUPSRVE, le juge des référés est compétent pour statuer sur toute demande relative à une mesure d’exécution à une saisie conservatoire telle qu’une demande de mainlevée de saisie.
L’exception d’irrecevabilité soulevée contre l’exploit d’assignation en mainlevée de la saisie conservatoire doit être rejetée si elle est présentée tardivement (par une note en cours de délibéré), alors surtout qu’elle n’est pas fondée.
Le juge des référés saisi du seul examen du bien-fondé de l’ordonnance ayant autorisé la saisie conservatoire sur la base de l’article 54 AUPSRVE ne peut se prononcer sur la régularité des opérations de saisie telle que décrite par l’article 64 du même Acte uniforme.
L’ordonnance de mainlevée ayant prononcé une astreinte à compter de sa date pour contraindre le bailleur à restituer les meubles saisis du preneur, il apparaît juste et équitable d’en fixer le point de départ à la date de la notification de l’arrêt de cassation et d’évocation.
Article 14 Traité OHADA
Article 49 AUPSRVE
Article 54 AUPSRVE
Article 62 AUPSRVE
(CCJA, arrêt n° 6/2002 du 21 mars 2002, Michel NGMAKO c/ Guy DEUMANY MBOUWOUA, Le Juris Ohada, n° 4/2002, octobre – décembre 2002, p. 12, note anonyme.- Recueil de jurisprudence Ohada, n° spécial, janvier 2003, p. 42).
Organisation pour l’harmonisation en afrique
du droit des affaires (OHADA)
Cour commune de justice et d’arbitrage (C.C.J.A.)
Audience Publique du 21 mars 2002
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 21 mars 2002, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M’BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le pourvoi formé le 21 janvier 1999 par Maître Zacharie WOAPPI, Avocat au Barreau du Cameroun - B.P.1215 Douala, agissant au nom et pour le compte de Michel NGAMAKO, B.P. 263 Douala et ayant pour domicile élu le cabinet de Maître FLAN GOUEU G. Lambert, Avocat à la Cour, 05 B.P. 735 Abidjan 05, dans la cause l'opposant à Guy DEUMANY MBOUWOUA, BP. 263 Douala, représenté par Maître Félicité FENKAM TCHEMTCHOUA, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 12363 Douala, et ayant pour domicile élu le cabinet de Maître Henri Michel KOKRA, Avocat à la Cour, 01 BP.7352 Abidjan 01;
En cassation de l’arrêt n° 08/REF de la Cour d’Appel de Douala en date du 08 novembre 2000, dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière civile et commerciale, en appel et en dernier ressort;
– Reçoit l’appel;
– Infirme l'ordonnance entreprise;
Statuant à nouveau, déboute NGAMAKO Michel de ses dépens à sa charge distraits au profit de Maître FENKAM, Avocat aux offres de droit »;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi, trois moyens principaux et deux moyens subsidiaires de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, second vice-Président;
Vu les dispositions des articles 10, 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure que Guy DEUMANY MBOUWOUA a acquis un immeuble à usage commercial objet du titre foncier n° 24847/Wouri qu'occupait avant cette acquisition en qualité de locataire, Michel NGAMAKO; qu’en vertu d'u nouveau bail conclu entre les parties, le bailleur a pratiqué le 27 janvier 1999, en exécution de l'ordonnance sur requête n° 897 du 22 janvier 1999 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, saisie conservatoire sur les meubles meublants appartenant au locataire pour sûreté et avoir paiement de la somme de 2.900.000 FCFA correspondant au montant des loyers échus; qu’en vertu d'une décision judiciaire antérieurement prise dans un litige foncier relatif à la propriété de l'immeuble et qui avait désigné un séquestre à l’effet d’en percevoir les revenus locatifs, Michel NGAMAKO a continué de déposer les loyers entre les mains dudit séquestre; que 1'ordonnance n° 897 du 22 janvier 1999 était rétractée par l'ordonnance de référé n° 720 du 22 mars 1999 rendue à la demande de Michel NGAMAKO par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala; que, sur appel de Guy DEUMANY MBOUWOUA, cette ordonnance était infirmée par l’arrêt n° 08/REF du 08 novembre 2000 de la Cour d'Appel de Douala, dont pourvoi;
Sur le premier moyen.
Vu l'article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Attendu qu'il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l'article 54 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que la Cour d’Appel a infirmé l'ordonnance de référé n° 720 du 22 mars 1999 rétractant l'ordonnance sur requête n° 897 du 22 janvier 1999 et donnant mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 27 janvier 1999, en vertu de ladite ordonnance, alors que les conditions cumulatives prévues à l'article 54, à savoir l’existence d'une créance fondée en son principe et la justification de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance, n’étaient pas réunies en l'espèce, car « les loyers, cause de la saisie querellée, étaient régulièrement versés par le requérant entre les mains du séquestre, qui les restituera à qui de droit, et que le requérant ayant versé les loyers entre les mains du séquestre, s’est légalement libéré de son obligation de paiement » et qu'il n'existerait dès lors aucune menace pesant sur le recouvrement de la créance;
Attendu qu'aux termes de l’article 54 de l’Acte uniforme susvisé, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement. »;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le requérant a versé les loyers dont il était redevable entre les mains du séquestre régulièrement désigné par l'ordonnance de référé n° 763 du 14 mai 1997; qu’au surplus, le versement au séquestre d'une partie des loyers est attesté par le contrat de bail en date du 18 mai 1998 liant les parties; que rien ne permettait, dès lors, nonobstant les affirmations de la Cour d'Appel concernant l’expulsion du requérant de l'immeuble loué et l'opposition de celui-ci à la levée du séquestre, de dire que le recouvrement était menacé; qu’il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être cassé pour violation de l'article 54 de 1’Acte uniforme susvisé, sans qu'il soit besoin d’examiner les autres moyens, et d’évoquer.
SUR L'EVOCATION
Attendu que par requête en date du 24 mars 1999, Guy DEUMANY MBOUWOUA a interjeté appel de l’ordonnance n° 720 du 22 mars 1999 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à mieux se pourvoir;
Dès à présent :
– Nous déclarons compétent;
– Déclarons recevable l'action de GNAMAKO Michel;
– Rejetons comme tardive l’exception d’irrecevabilité de l’exploit d'assignation en mainlevée de saisie conservatoire du 09 mars 1999;
– Constatons que le recouvrement de la créance de DEUMANY MBOUWOUA Guy n'est pas menacé;
En conséquence :
Vu l'article 54 de l’Acte uniforme de l'OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
– Rétractons l'ordonnance n° 897 rendue le 22 janvier 1999 par Monsieur le Président du Tribunal de céans;
– Donnons mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 27 janvier 1999 par les soins de Maître ATANGANA Basile, huissier de justice à Douala;
– Ordonnons en outre la restitution des effets saisis suivant procès-verbal du 27 janvier 1999, ce sous astreinte de 300.000 francs par jour de retard à compter de la notification de la présente décision;
– Déboutons DEUMANY de sa demande reconventionnelle en changement de gardien;
– Autorisons l'exécution sur minute et avant enregistrement de la présente ordonnance;
– Condamnons DEUMANY MBOUWOUA Guy aux dépens distraits au profit de Maîtres KAMKUI et TCHAKOUTIO Nicole, Avocats aux offres de droit ».
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Attendu que Guy DEUMANY MBOUWOUA, appelant, reproche d’une part, au juge des référés de s’être déclaré compétent alors que les moyens présentés devant lui, par Michel NGAMAKO, intimé, tendant à la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire et à l'inexistence des conditions de validité de l'autorisation de saisie exigées par l’article 54 de l’Acte uniforme précité, se rapportent au fond du litige et ne relèvent pas des attributions du juge de l'urgence; d'autre part, d'avoir accueilli l’exploit d’assignation en date du 09 mars 1999 en mainlevée de la saisie conservatoire, alors que le texte de cet acte de procédure n’était pas contenu dans la requête « chapeautant » l’Ordonnance n° 1210 du 08 mars 1999 ainsi que l’exigent les usages en matière de référé à bref délai, et enfin, d'avoir, en violation de l’article 54 de l’Acte uniforme précité, déclaré que le recouvrement de la créance n'était pas menacé, alors que l'expulsion par voie de justice du preneur qui donne à celui-ci la possibilité de disposer des meubles meublants aux dépens du bailleur, ainsi que son opposition, sans raison aucune, à la levée du séquestre sont des faits de nature à compromettre la rentrée des loyers; qu’il demande en conséquence de déclarer irrecevable l'exploit d'assignation en date du 09 mars 1999, d’infirmer l'ordonnance de référé n° 720 du 22 mars 1999 qui a rétracté l'ordonnance sur requête n° 897 du 22 janvier 1999, de débouter Michel NGAMAKO de toutes ses demandes et de le condamner aux dépens;
Attendu que Michel NGAMAKO, intimé, conclut, d'une part, à la compétence du juge des référés, en application de l'article 49 de l'Acte uniforme précité, duquel il résulte que le juge de l’urgence est compétent pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d’exécution forcée ou une saisie conservatoire, d'autre part, au rejet de l'exception d'irrecevabilité de l'exploit d'assignation pour défaut de fondement légal; qu'il sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, au motif que le recouvrement de la créance alléguée n’était pas menacée, dans la mesure où il avait rapporté la preuve du versement des loyers entre les mains du séquestre judiciaire qui s'obligeait à les restituer à qui appartiendra l'immeuble objet du contrat de bail; qu'enfin, il demande l’annulation de la saisie conservatoire pour cause de nullité du procès-verbal de saisie rédigé en violation de l'article 64 de l'Acte uniforme suscité.
DISCUSSION
Sur la compétence du juge des référés.
Attendu qu'aux termes, d'une part, de l'article 49 de l'Acte uniforme précité, « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou le magistrat délégué par lui. » et, d'autre part, l’article 62 du même Acte uniforme : « même lorsqu'une autorisation préalable n'est pas requise, la juridiction compétente peut, à tout moment, sur la demande du débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire, si le saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites par les articles 54, 55, 59, 60 et 61 ci-dessus sont réunies »;
Attendu qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le juge de l'urgence, saisi par le débiteur d’une demande de mainlevée de saisie conservatoire, est compétent pour constater l'irrégularité de l'autorisation judiciaire préalable de pratiquer ladite saisie et d'en ordonner la mainlevée;
Qu'en conséquence, n'excède pas ses pouvoirs, le juge des référés du Tribunal de Première Instance de Douala qui, après avoir relevé que la nullité du procès-verbal de saisie « ne saurait avoir d'incidence sur l’ordonnance d'autorisation », et constaté que Guy DEUMANY MBOUWOUA n’a pas rapporté la preuve de l'existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance litigieuse, ainsi qu'il est prescrit à l'article 54 de l'Acte uniforme précité, a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire demandée par Michel NGAMAKO.
Sur l'exception d'irrecevabilité de l'exploit d’assignation en mainlevée de saisie conservatoire en date du 09 mars 1999.
Attendu que pour rejeter l’exception d’irrecevabilité de l’exploit d'assignation en mainlevée de la saisie conservatoire, le juge des référés a, à juste titre, relevé qu'elle avait « été soulevée par une note en délibéré, et donc tardive, mais en plus elle n'est pas fondée, dès lors que NGAMAKO a été autorisé à assigner en rétractation et que l'objet de l'assignation est identique à celui de l'autorisation, que le principe de la conformité des deux objets n'exclut ni la modification des causes ni la formulation des demandes additionnelles qui présentent un lien avec l'objet initial. »; qu'il y a lieu, en raison de la pertinence des motifs relevés ci-dessus, de confirmer l’ordonnance entreprise à cet égard.
Sur la nullité du procès-verbal de saisie conservatoire.
Attendu qu'il était soumis à l’examen du juge des référés l’ordonnance n° 897 du 22 juin 1999 ayant autorisé la saisie conservatoire; qu'en conséquence, il lui revenait de se prononcer uniquement sur les conditions de validité de cette mesure, conformément à l'article 54 de l'Acte uniforme précité et non sur la régularité des opérations de saisie qui, elles, sont prévues par l'article 64 de l' Acte uniforme précité; d'où il suit que le moyen invoqué est inopérant.
Sur la menace pesant sur le recouvrement de la créance.
Attendu qu'aux termes de l'article 54 de 1'Acte uniforme précité, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement. »;
Attendu qu'il est constant, comme résultant des pièces du dossier de la procédure, que Michel NGAMAKO s’est acquitté des loyers échus entre les mains du séquestre judiciaire tenu légalement de les restituer à la personne en faveur de laquelle se prononcera, le cas échéant, la décision ordonnant la mainlevée de la mesure de séquestre; que dès lors, aucune menace ne pèse sur le recouvrement de la créance.
Sur l'astreinte.
Attendu qu'une astreinte d'un montant de 300.000 francs par jour de retard a été prononcée au profit de Michel NGAMAKO en vue d’assurer la restitution des effets saisis par Guy DEUMANY MBOUWOUA; que le point de départ de cette astreinte ayant été fixé à la date de l’ordonnance entreprise, il apparaît juste et équitable, compte tenu des circonstances de la cause, de le fixer à la date de la notification du présent arrêt.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
– Casse l'arrêt n° 08/REF rendu le 08 novembre 2000 par la Cour d'Appel de Douala (République du Cameroun);
Evoquant et statuant sur le fond :
– Confirme l'ordonnance n° 720 du 22 mars 1999 dont appel, rendue par le Président du Tribunal de Première Instance de Douala, sauf en ce qui concerne le cours de l’astreinte dont le point de départ a été fixé à la date de la notification de ladite ordonnance;
– La réformant de ce seul chef, dit que l'astreinte court à compter de la date de la notification du présent arrêt;
– Condamne Guy DEUMANY MBOUWOUA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier en chef.
Note
A quelles conditions une mesure conservatoire est-elle valable? La saisie conservatoire ayant uniquement pour but de rendre indisponible les biens saisis, l'Acte uniforme portant voies d'exécution exige une créance fondée en son principe et l'existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance.
Y avait-il en l'espèce menace sur le recouvrement de la créance au moment ou le créancier pratiquait la saisie conservatoire?
Par ailleurs, le juge des référés est-il compétent pour prononcer la main levée de la saisie conservatoire?
Tels sont les problèmes essentiels soumis à la CCJA.
1/ Faits et Procédure
Pour sûreté et avoir paiement des arriérés de loyers, le bailleur a, en exécution d'une ordonnance sur requête, pratiqué saisie conservatoire sur les meubles meublants appartenant au locataire. En vertu d'une décision judiciaire antérieurement prise dans un litige foncier relatif à la propriété de l'immeuble et qui avait désigné un séquestre à l'effet d'en percevoir les loyers, le locataire a continué de déposer les loyers entre les mains dudit séquestre. Sur cette base, et à la demande du locataire, le juge des référés a rétracté l'ordonnance ayant servi de fondement à la saisie conservatoire. Sur appel du bailleur, l'ordonnance de référé a été infirmée par la Cour d'appel de Douala.
C’est cet arrêt qui est attaqué devant la CCJA Par le locataire pour violation des dispositions de l'article 54 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution; Argument que conteste le bailleur qui soutient l'incompétence du juge des référés qui a rétracté l'ordonnance ayant servi de base à la saisie.
En cassant l'arrêt attaqué, la CCJA constate que les conditions d'exercice de la saisie n'étaient pas réunies, notamment la menace pesant sur le recouvrement de la créance. Par ailleurs, elle décide que le juge des référés est compétent pour constater l'irrégularité de l'autorisation préalable de pratiquer saisie et donc, en le faisant, il n'excède pas ses pouvoirs
21 Le recouvrement de la créance était-il menacé ?
Aux termes de l'article 54 de l'Acte uniforme précité, "toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lien où demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie des circonstances de nature à en menacer le recouvrement ». Il en résulte que les conditions relatives à la créance doivent être réunies (Cf. Anne-Marie H. Assi Esso et Ndiaw Diouf, Le recouvrement des créances, Ed. Bruylant, Collection droit africain uniforme, p. 76, n° 130 et s .).
S'il ne se pose pas de problème pour l'exigence d'une créance fondée en son principe, dans la mesure où il s'agit de loyers échus, il n'en va plus de même pour la menace pesant sur le recouvrement de ladite créance.
En effet, existait-il au moment où la saisie était pratiquée par le bailleur un risque sérieux d'insolvabilité imminente du locataire ou connaissait-il de grosses difficultés financières, au point de ne plus payer ses loyers? Toutes choses qui sont de nature à rendre périlleuse le recouvrement de la créance du bailleur.
Or, il apparaît, et cela n'est nullement contesté par le bailleur, que les loyers dont le recouvrement est poursuivi ont été versés entre les mains du séquestre régulièrement désigné par ordonnance du juge de référé, à l'effet de percevoir les revenus locatifs de l'immeuble dont la propriété faisait l'objet d'un litige. Le bailleur n'ignorait donc pas l'existence du séquestre qui était légalement tenu de restituer les loyers payés à la personne en faveur de laquelle se prononcera, le moment venu, la décision ordonnant la main levée de la mesure de séquestre.
Par ailleurs, le versement des loyers échus trouve son fondement dans le contrat de bail qui a été passé entre les parties. Dès lors, y avait-il péril dans le recouvrement des loyers?
Non répond la CCJA, les loyers ayant été versés entre les mains du séquestre régulièrement désigné par décision de justice.
En décidant autrement, la Cour d'appel de Douala a violé les dispositions de l'article 54, en ce sens qu'aucune menace ne pesait sur le recouvrement de la créance du bailleur (C'est dans ce sens que s'est prononcée la Cour d'appel d'Abidjan : arrêt N° 690 du 30 mai 2000, in Juris-Ohada, n° 2/2002, p. 35. – Ohadata J-02-99).
3/ Le juge des référés et l'appréciation de l'irrégularité de l'autorisation préalable.
Avant de pratiquer la saisie, une autorisation judiciaire préalable est nécessaire pour le
créancier non muni d'un titre exécutoire.
Le bailleur reproche au juge des référés de s'être déclaré compétent pour apprécier la régularité de l'autorisation préalable à lui accordée, en la rétractant alors que l'action du locataire tendant à annuler le procès verbal de saisie, elle se rapportait au fond du litige et échappait à la compétence du juge de l'urgence. En le faisant, le juge des référés a excédé ses pouvoirs.
Dès lors, la question se posait de savoir si le juge des référés était compétent pour apprécier la régularité de l'autorisation judiciaire préalable. Autrement dit, est-il habilité à apprécier les conditions prescrites par l'Acte uniforme portant voies d'exécution, et à ordonner la main levée de la saisie si celles-ci ne sont pas réunies?
En répondant par l'affirmative, la CCJA donne compétence au juge des référés pour constater l'irrégularité de l'autorisation judiciaire préalable de pratiquer saisie et d'en ordonner la main levée, et ce, sur le fondement des articles 49 et 62 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, dès lors que, d'une part, compétence est donnée au Président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou au magistrat délégué par lui pour connaître de tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée ou à une saisie conservatoire et, d'autre part, la juridiction compétente peut donner, sur demande du débiteur, main levée de la mesure conservatoire si le saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites par les articles 54, 55, 59, 60 et 61 sont réunies.
Or, il apparaît en l'espèce qu'aucune menace ne pesait sur le recouvrement de la créance du bailleur. En conséquence, le juge des référés, saisi par le débiteur, en l'occurrence le locataire, avait compétence pour apprécier la régularité de l'autorisation préalable. C'est donc à bon droit qu'il a ordonné la main levée dès lors qu'il n'existe pas de péril sur le recouvrement des loyers échus. (dans ce sens, C.A. Abidjan, arrêt N° 690 du 30 mai 2000 précité).
L'ordonnance du Président du Tribunal de Première instance de Douala, mérite donc d'être confirmée. .