J-02-28
CCJA – COMPETENCE NON EXCLUSIVE EN CASSATION – VIOLATION D'UNE REGLE NATIONALE DE PROCEDURE ET D'UNE DISPOSITION D'UN ACTE UNIFORME – PREPONDERANCE DE LA VIOLATION DE LA LOI NATIONALE DE PROCEDURE – COMPETENCE DE LA COUR SUPREME NATIONALE DU NIGER – ARTICLE 18 DU TRAITE.
SOCIETES COMMERCIALES – CONVOCATION D'UNE ASSEMBLEE GENERALE – INCOMPETENCE DU JUGE DES REFERES EN RAISON D'UN PREJUDICE AU FOND.
Considérant l'article 18 du Traité OHADA aux termes duquel une partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que cette juridiction a, dans un litige, méconnu la compétence de la CCJA, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision attaquée, la compétence de la CCJA n'est pas exclusive de celle des juridictions nationales de cassation.
En outre, la CCJA n'étant compétente que pour l'interprétation et l'application des Actes uniformes, la Cour de suprême nationale saisie d'un pourvoi en cassation n'a pas à renvoyer ce pourvoi devant la CCJA si cette voie de recours est fondée, de façon prépondérante, non sur la violation des dispositions d'un Acte uniforme mais, comme en l'espèce, sur celle des règles du code civil et du code CIMA.
En l'état d'une augmentation de capital souscrite par des personnes non reconnues comme actionnaires par les dirigeants de la société, c'est à tort que la Cour d'appel de Niamey reconnaît aux souscripteurs la qualité d'associés pour recevoir, en référé, leur demande de désignation d'un administrateur provisoire pour convoquer une assemblée générale aux fins de valider leurs souscriptions et reconnaître la libération des nouvelles actions souscrites. Ce faisant, la Cour d'appel a préjugé le fond du litige et fait préjudice au principal, violant ainsi l'article 809 du code de procédure civile nigérien et son arrêt doit être cassé
(Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, arrêt n° 1-158/C du 16 août 2001, SNAR-LEYMA c/ Groupe Hima Souley).
Voir Ohadata J-02-36
Cour suprême du Niger (Chambre judiciaire)
Arrêt N°01-158/C du 16/08/01
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire statuant pour les affaires civiles en son audience du jeudi seize août deux mille un, tenue au palais de ladite Cour a rendu l’arrêt dont la teneur suit :
Entre :
SNAR LEYMA, Société Nigérienne d’Assurance et de Réassurances Leyma, représentée par son Directeur Général, assisté de Maîtres Manou Kimba et Souley Oumarou, avocats à la Cour Niamey;
D’UNE PART
Et :
Groupe Hima SOULEY, assisté de Maître Cissé Ibrahim, avocat à la Cour;
D’AUTRE PART
Après lecture du rapport de Monsieur Abdou Zakari, Conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant sur le pourvoi en cassation enregistré au greffe de la Cour d’appel le 29/05/2001 sous le n°35/2001 et formé par requête de Maître Manou Kimba, avocat à la Cour, conseil constitué de SNAR Leyma contre l’arrêt n° 81 du 23/05/2001 rendu par la Cour d’appel de Niamey qui a statué en ces termes :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort;
– Reçoit la SNAR Leyma en son appel régulier en la forme;
– Au fond, confirme l’ordonnance attaquée;
– Condamne SNAR Leyma aux dépens »;
Une assemblée générale tenue courant décembre 1999 décidait de la recapitalisation de la SNAR LEYMA par l'émission de 70 000 actions nouvelles;
L’assemblée générale décidait également d’ouvrir le capital social à de nouveaux partenaires. C’est dans cet ordre d’idées que le Groupe Hima SOULEY fit part de son intention de participer à cette recapitalisation par la souscription de quelques actions;
Pour la supervision de cette opération de recapitalisation un notaire en la personne de Maître Mayaki Oumarou a été choisi par la direction générale de la LEYMA avec pour mission de recevoir les souscriptions et les libérations qui seront effectuées, et de verser ces dernières dans le compte n° 251 110 10 551/12 ouvert à la SONIBANK;
Invoquant l’inertie du conseil d’administration ou son refus obstiné de convoquer une assemblée générale, le Groupe Hima SOULEY soutenant avoir libéré des actions va saisir le Président du Tribunal par requête en date du 20 avril 2001, tendant à la désignation d’un administrateur judiciaire qui aura pour mission de convoquer une assemblée générale des actionnaires avec comme ordre du jour :
– Situation des souscriptions et de libération par le notaire;
– Désignation des administrateurs;
– Questions diverses;
Par ordonnance n° 0352/PTR/NY en date du 23 avril 2001 satisfaction a été donnée à la requête du Groupe Hima Souley par la désignation de Maître Mayaki Oumarou, notaire à Niamey comme mandataire judiciaire;
Suivant acte en date du 27 avril 2001, la Société Nigérienne d’Assurance et de Réassurances Leyma (SNAR-LEYMA) saisissait le juge des référés aux fins d’obtenir la rétractation de l’ordonnance n° 352/PTR/NY/2001 en date du 23 avril 2001. Par ordonnance n° 89/TR/NY/2001 en date du 10 mai 2001 le juge des référés du Tribunal Régional de Niamey déboutait la LEYMA de sa demande. Sur appel de la SNAR-LEYMA, la Cour d’appel par arrêt n° 81 du 23 mai 2001 confirmait l’ordonnance attaquée et condamnait la SNAR-LEYMA aux dépens.
Maître Soulèye Oumarou, avocat à la Cour, agissant également pour le compte de la SNAR Leyma s’est joint au pourvoi et a déposé au greffe de la Cour d’appel de Niamey le 22/06/2001, une requête contenant quatre moyens de cassation qui viennent ainsi s’ajouter aux trois moyens invoqués par Maître Kimba Manou;
Sur la recevabilité du pourvoi
Le pourvoi étant intervenu dans les forme et délai prévus par la loi, il y a lieu de le déclarer recevable;
Sur les exceptions soulevées par le défendeur au pourvoi
A – Sur l’exception d’incompétence
Attendu que le Groupe Hima Souley assisté de Maître Cissé Ibrahim, avocat à la Cour, défendeur au pourvoi invoque l’incompétence de la Chambre Judiciaire de la Cour Suprême, en s’appuyant sur les dispositions de l’article 14 alinéa 3 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique;
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéa 3 du Traité susvisé : « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales »;
Mais attendu d’une part qu’il résulte aussi bien de l’article 14, que de l’article 15 du Traité créant l’OHADA, qu’il appartient aux parties demanderesses au pourvoi de saisir la Cour Commune;
Que si cela n’a pas été fait, la Cour Suprême Nationale saisie, peut elle même saisir la Cour Commune lorsqu’elle estime que la cause à elle soumise relève de la compétence de cette Cour;
Attendu d’autre part qu’aux termes de l’article 18 du Traité créant l’OHADA : « Toute partie qui, après avoir soulevé l’incompétence d’une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d’arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée »;
Attendu que l’examen de cet article permet de se rendre compte que la compétence de la Cour Commune n’est pas exclusive de la compétence des juridictions nationales des Etats parties au Traité; sauf la possibilité de recours ouverte à la partie ou aux parties ayant soulevé l’incompétence dans le délai prévu à l’article 18 du Traité précité;
Attendu enfin, qu’il résulte de la combinaison des articles précités que la Cour Commune n’est compétente que pour l’application des Actes Uniformes, qu’ainsi lorsque le pourvoi n’est pas exclusivement fondé sur les actes uniformes, comme c’est le cas en l’espèce où des dispositions du Code de Procédure Civile, du Code Civil et du Code Cima sont invoquées, il appartient à la Cour Suprême Nationale de saisir la Cour Commune des questions spécifiques aux actes uniformes;
Attendu qu’en ce cas elle ne peut d’ailleurs le faire que si l’application des actes uniformes a été prépondérante pour la prise de la décision attaquée, et que le pourvoi est surtout basé sur ces actes. Qu’en l’espèce le moyen mis en exergue est la violation de la procédure du référé;
Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède qu’il y a lieu pour la Cour de rejeter cette exception et de se déclarer compétente;
B – Sur la fin de non-recevoir pour non-inscription en faux contre la déclaration notariée de souscription et de versement
Attendu que ce moyen est inopérant car non étayé par des moyens juridiques; qu’il y a lieu également de le rejeter;
AU FOND
Sur le moyen pris de la violation de l’article 809 du Code de Procédure Civile
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche aux juges d’appel d’avoir reconnu la qualité d’actionnaire au Groupe Hima SOULEY, et ainsi d’avoir outrepassé leurs pouvoirs de juge des référés;
Attendu qu’aux termes de l’article 809 du Code de Procédure Civile : « les ordonnances sur référé ne feront aucun préjudice au principal »;
Attendu que les mesures susceptibles d’être ordonnées en référé sont des dispositions provisoires de nature à remédier à un état de crise conflictuelle sans pour autant trancher au fond le litige, ni fixer les droits des parties; qu’ainsi les mesures prises en référé ne doivent pas avoir un caractère irréversible qui serait incompatible avec la nature provisoire du référé;
Mais attendu en l’espèce que les dirigeants sociaux de la SNAR Leyma ne reconnaissent pas la qualité d’actionnaire au groupe Hima Souley; qu’en reconnaissant à celui-ci cette qualité, lui ouvrant ainsi droit à un certain nombre de prérogatives, le juge des référés a violé l’article 809 précité prenant ainsi une décision n’ayant pas un caractère provisoire et fixant les droits d’une partie; que sa décision encourt donc cassation de ce chef;
Sur le moyen relevé d’office tiré du non respect de la procédure de référé pour la désignation du mandataire judiciaire
Attendu que l’article 516 de l’Action Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales et du groupement d’intérêt économique invoqué par le Groupe « Hima Souley » pour obtenir la désignation du mandataire judiciaire spécifie que cette désignation ne peut intervenir que selon la procédure du bref délai et en cas d’urgence;
Attendu que le recours à ces notions de « bref délai » et « d’urgence » suffisent amplement à démontrer que seule la voie de référé, procédure contradictoire, est ouverte pour la désignation de ce mandataire; que cette procédure contradictoire a l’avantage d’une part de permettre au Président du tribunal de s’assurer que toutes les conditions posées par le texte sont réunies et d’autre part qu’il y a urgence nécessitant son intervention;
Mais attendu en l’espèce que le Président du Tribunal a statué par simple ordonnance sur requête; qu’en ne censurant pas une telle décision l’arrêt de la Cour d’appel a lui-même violé la loi; qu’il encourt cassation de ce chef;
Attendu que l’irrégularité de la procédure de la désignation du mandataire entraîne la nullité de toute la procédure subséquente ainsi que de tous les actes posés;
Attendu, et ce, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, qu’il y a lieu de casser et annuler l’arrêt n° 81 du 23 mai 2001 de la Cour d’appel de Niamey;
Attendu que cette cassation ne laissant rien à juger, il y a lieu de dire qu’elle sera faite sans renvoi, les parties demeurant à la situation antérieure à la désignation du mandataire judiciaire;
Attendu qu’il y a lieu de condamner le groupe Hima Souley aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Vu les textes susvisés;
Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour suprême;
EN LA FORME :
– reçoit le pourvoi de SNAR-Leyma;
– Rejette l’exception d’incompétence et de fin de non-recevoir;
AU FOND :
– Casse et annule l’arrêt n° 81 du 23 mai 2001 de la Cour d’appel de Niamey;
– Dit qu’il n’ y a pas lieu à renvoi, les parties demeurant à la situation antérieure à la désignation du mandataire judiciaire;
– Condamne le « groupe Hima Souley » aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations d'ABARCHI Djibil, Maître Assistant à la Faculté des Science économiques et juridiques de Niamey
On pouvait bien s’en douter, car le conflit était prévisible. La délimitation des compétences de la Cour commune de justice et d’arbitrage n’ira pas sans difficultés. Non pas parce que les dispositions des articles 14 et 15 du traité OHADA qui consacrent son domaine de compétences ne sont pas suffisamment claires pour lever toute équivoque, mais parce que le traité a occulté l’hypothèse la plus courante en pratique, celle qui consiste à envisager les solutions applicables lorsqu’un plaideur fonde son pourvoi en cassation à la fois sur le droit national et les actes uniformes ou encore le traité de l’OHADA. Certes le traité OHADA, comme nous l’avions relevé, prévoit implicitement la résistance éventuelle des juridictions nationales de cassation, face à des exceptions d’incompétence, soulevées de bonne foi ou dans un but purement dilatoire par des plaideurs : mais le texte n’épuise pas suffisamment la casuistique pour circonscrire les sources de conflits dans la répartition des compétences entre la CCJA et les juridictions suprêmes nationales. L’arrêt de la Cour suprême du Niger, qui est sans doute le premier du genre à soulever la question mérite toute l’attention. Plus qu’un cas d’espèce, on peut y voir un arrêt de principe, qui, jusqu’à ce que la CCJA en décide autrement, devrait orienter les plaideurs nigériens sur les conditions dans lesquelles ils peuvent porter leur pourvoi devant la Cour communautaire ou à l’inverse devant la Cour suprême du Niger, dans le domaine du droit des affaires.
Il n’est pas besoin de s’appesantir sur les faits qui sont clairement exposés au début de la décision rapportée ci-dessus. Tout comme il n’y a pas lieu de s’attarder sur certains moyens qui ne présentent pas d’intérêt particulier au regard de la question qui nous intéresse. Nous nous en tiendrons surtout à l’analyse de la réponse donnée par la Cour suprême du Niger pour réfuter l’exception d’incompétence soulevée d’une part, et à celle des deux questions de fond soumises à son examen, et qui ont trait à la procédure du référé dans l’application d’une disposition de l’acte uniforme sur les sociétés et groupement d’intérêt économique, en l’occurrence l’article 516 d’autre part. Bien que développés dans deux moyens différents, les deux questions ne sont pas moins liées.
I- La compétence de la CCJA battue en brèche
Aux termes de l’article 14 aliéna 3 du traité de l’OHADA, qui a servi de fondement à l’exception d’incompétence soulevée par le groupe Hima Souley devant la Cour suprême du Niger, la CCJA est compétente pour connaître des recours en cassation contre « les décisions rendues par les juridictions d’Appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au » traité de l’OHADA, « à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales ».
La première lecture de cette disposition laisse penser qu’il faut et il suffit dans une affaire, que les juridictions du fond aient fait application du droit uniforme, pour que la compétence de la CCJA s’établisse,en cas de recours en cassation. On ne manquera pas d’ajouter pour être plus précis, qu’il ne suffit pas que le contentieux touche au droit des affaires pour justifier la compétence de la Cour commune. Car, nous l’avions souligné, le champs de celui-ci est plus vaste que le droit uniforme posé actuellement. Il reste entendu que le traité lui même se propose de l’élargir au delà de la compréhension traditionnelle.
En visant « toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes… » les termes du traité permettent une large application de la compétence de la CCJA On serait légitimement porté à croire qu’il suffit dans un pourvoi, qu’un moyen au moins s’appuie sur les actes uniformes ou les règlements prévus au traité, pour que s’efface la compétence des juridictions nationales au profit de la CCJA. Le rôle et la raison d’être même de cette juridiction, il faut le rappeler, trouvent leur fondement dans la nécessité de sauvegarder l’uniformité d’interprétation du droit harmonisé et éviter ainsi toute disparité jurisprudentielle dans l’espace OHADA. Autrement, l’œuvre d’uniformisation du droit des affaires risque d’être compromise.
La Cour suprême du Niger ne partage pas cette compréhension. Elle n’y voit qu’une compétence résiduelle à la CCJA. Ses principaux points d’appui méritent d’être étayés.
En premier lieu, la Cour suprême voit dans la possibilité offerte aux parties qui ont soulevé sans succès l’exception d’incompétence d’une juridiction nationale de cassation, de saisir par la suite la CCJA, une consécration implicite par le traité d’un partage de compétences entre les deux juridictions de cassation. Sans que cela soit dit expressément, l’arrêt prône la résistance des juridictions nationales aux exceptions d’incompétence, et la liberté des plaideurs, mis devant le fait accompli, de saisir la CCJA ultérieurement.
Cette position extrême, voire extrémiste, est néanmoins atténuée par la suite. C’est ce que fait la Cour lorsqu’elle renvoi en seconde analyse, à la recherche de la substance de la décision attaquée et des moyens du pourvoi.
Ainsi, au sens de la Cour suprême, la CCJA est compétente dans les seuls litiges impliquant l’application des actes uniformes, et particulièrement lorsque le pourvoi est uniquement fondé sur les actes uniformes. Le pourvoi, dans le cas d’espèce, n’étant pas exclusivement fondé sur la violation d’un acte uniforme, mais prenant également appui sur des dispositions du code de procédure civile, du code civil et du code CIMA, la Cour estime sa compétence comme amplement justifiée. Néanmoins, la haute juridiction nigérienne semble bien ne pas se reconnaître compétente pour l’interprétation des actes uniformes. puisqu’elle suggère qu’à cette fin, il lui revient en pareil cas de saisir la CCJA. Sans doute le souci d’uniformité de compréhension du droit uniforme aura été ainsi satisfaite, mais on aura pas gagné en célérité.
Du reste, la saisine de la CCJA par une juridiction nationale de cassation pour en recueillir l’avis sur l’interprétation d’un acte uniforme ne peut se concevoir. Le traité OHADA prévoit certes la possibilité pour les juridictions nationales de solliciter l’avis consultatif de la CCJA. Mais la lecture combinée des articles 13 et 14 al .2 de ce texte révèle que seules les juridictions du fond sont concernées par cette possibilité. Pour les juridictions nationales de cassation dont la compétence est transférée à la CCJA, seul le dessaisissement doit être envisagé lorsqu’il se pose devant elles, la question de l’interprétation d’un acte uniforme.
L’article 51 du Règlement de procédure de la CCJA apporte à ce propos la précision qui manquait aux articles précités. Il n’envisage qu’une hypothèse à cet égard. : « Lorsque la Cour est saisie conformément aux articles 14 et 15 du traité par une juridiction nationale statuant en cassation qui lui renvoie le soin de juger une affaire soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes, cette juridiction est immédiatement dessaisi. Elle transmet à la Cour l’ensemble du dossier de l’affaire… »
Mais cette éventualité risque d’être exceptionnelle si l’on considère une condition supplémentaire avancée par la Cour suprême pour faire reculer toute perspective de compétence de la CCJA
En effet, si l’arrêt envisage la saisine de la CCJA par une Cour suprême nationale « pour l’examen des questions spécifiques aux actes uniformes » c’est seulement à la condition que l’application desdits actes soit « prépondérante pour la prise de la décision attaquée », et que le pourvoi soit « surtout basé sur ces actes ».
Dans le cas d’espèce, la Cour suprême du Niger considère que le moyen « mis en exergue » étant la méconnaissance de la procédure du référé, laquelle est essentiellement réglée par l’article 809 du code de procédure civile nigérien, sa compétence se trouve amplement justifiée.
En définitive, la Cour suprême émet deux conditions excluant la compétence de la CCJA lorsque dans une affaire il y a application concomitante du droit communautaire et du droit national.
La première tient en un dosage entre le droit uniforme et le droit national dans la prise de la décision attaquée et la seconde tend à mettre en avant la substance des moyens du pourvoi.
S’agissant du « dosage » entre le droit national et le droit uniforme, la Cour suggère que lorsque la juridiction dont la décision est attaquée n’a statué qu’en s’appuyant essentiellement sur le droit uniforme, le pourvoi doit être porté devant la CCJA. A l’inverse si les motifs (puisque c’est à ce niveau qu’il faut rechercher le point d’ancrage de la décision) révèlent que c’est le droit national qui a été déterminant dans la prise de la décision attaquée, la compétence de la Cour suprême nationale doit être retenue.
Ce raisonnement répond il est vrai à une certaine logique. La Cour suprême nationale doit être gardienne de l’harmonie du droit national, et la CCJA celle du droit communautaire. Mais quid des mesures qui seront utilisées pour l’appréciation de la prépondérance de l’un ou de l’autre des deux ordres juridiques. Dans le cas d’espèce, on peut relever que la décision attaquée fait plusieurs fois référence à certains articles de l ‘acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales. Au demeurant, on peut s’interroger sur la compétence à retenir lorsque le dosage entre le droit national et droit uniforme se trouve équilibré. Plus compliquée sera encore la solution lorsqu’il est invoquée une règle ne relevant ni de l’un ni de l’autre, car il faudra bien la ranger dans l’un des « plateaux » pour déterminer le côté où penche la balance. Ce fut le cas en l’espèce car, s’agissant d’une société d’assurance, les dispositions du code CIMA, ont été invoquées. Dans la mesure où on ne peut dans une même affaire décider que la juridiction nationale puisse trancher les questions relevant du droit national et la CCJA le droit uniforme, la distinction suggérée par l’arrêt de la Cour suprême laisse perplexe. Le traité OHADA n’a pas prévu de question préjudicielle entre les juridictions suprêmes et la CCJA pour résoudre pareille difficulté. On ne peut alors que partager le caractère énigmatique de la situation qu’entrevoyait le professeur ISSA SAYEGH, soulevant la même difficulté et qui y voyait là une question à laquelle la CCJA aura à répondre.
Mais auparavant, il conviendra déjà de préciser s’il appartiendra à la Cour suprême d’apprécier le dosage, auquel cas elle deviendra un passage obligé avant toute saisine de la CCJA, où s’il appartiendra aux plaideurs de scruter eux- mêmes les décisions attaquées pour faire leurs comptes et identifier la juridiction compétente. Sauront-ils le faire d’ailleurs, ils ne parviendront pas à la solution, puisque la Cour suprême du Niger impose une autre étape pour la détermination de la juridiction compétente. En effet, l’arrêt commande également de scruter le ou les moyens du pourvoi pour vérifier s’il est « surtout basé » sur les actes uniformes. Ce qui pourrait alors justifier le recours devant la CCJA. Dans le cas d’espèce les deux avocats de la LEYMA, demanderesse au pourvoi, ont développé chacun une requête à cette fin. Tous deux ont développé des moyens s’appuyant tantôt sur des articles de l’acte uniforme sur les sociétés, tantôt sur l’article 809 du code de procédure pénale, et parfois même sur la loi portant statut des notaires. Mais à tout prendre, il apparaît que le débat essentiel est né de l’application de l’article 516 de l’acte uniforme. Au surplus, si l’on doit tenir pour déterminant le poids des moyens, de quel côté de la « balance » faudrait-il placer les moyens relevés d’office par la Cour elle-même. Ce qui fut le cas en l’occurrence, puisqu’un moyen fondé sur l’article 516 de l’acte uniforme sur le droit des sociétés est relevé d’office par la Cour.
La violation de la procédure des référés, un des moyens du pourvoi, est mise en avant par l’arrêt, comme procédure relevant exclusivement du droit interne. Il est vrai que l’article 809 du code de procédure civile nigérien traite de la matière. Mais ce code est lui même largement entamé par le droit harmonisé du fait de nombreuses dispositions de l’acte uniforme sur les voies d’exécution qui l’abrogent dans plusieurs de ses dispositions. Quoi qu’il en soit,c’est l’article 516 de l’acte uniforme sur le droit des sociétés qui renvoie implicitement à la procédure des référés. Néanmoins, on peut concéder à la Cour, qu’en y renvoyant, le législateur OHADA a entendu par là même renvoyer au droit national pour toutes les règles et principes qui en découlent.
A les considérer comme cumulatives, les deux dernières exigences de la Cour peuvent d’ailleurs se révéler inconciliables. En effet il peut se trouver dans une affaire, que la place des actes uniformes ait été prépondérante dans la prise de la décision attaquée, et le pourvoi mettre l’accent sur le droit national. et vice versa.
On peut comprendre aisément le souci des hauts magistrats à travers la distinction qu’ils introduisent dans la détermination des compétences entre la juridiction communautaire et les juridictions nationales de cassation. Certains commentateurs l’ont relevé avant nous :les juridictions nationales de cassation sont gardiennes de la cohérence de l’ordre juridique interne et la CCJA de l’ordre juridique communautaire. Il est souhaitable que chacun reste dans son rôle. Les promoteurs de l’OHADA n’ont certes pas perdu de vue cette considération.. Mais les vicissitudes de la bataille juridique dans un procès sont ce qu’elles sont. On ne peut empêcher aux plaideurs de faire « feu de tout bois » en fondant leurs recours aussi bien sur l’ordre juridique interne que sur l’ordre juridique communautaire, lorsque les circonstances l’exigent. Mais les mécanismes actuels prévus par le traité excluent le distinguo introduit par la Cour suprême
II- L’ordonnance sur requête n’est pas exclue en tant que procédure d’urgence pour la désignation du mandataire judiciaire envisagé à l’article 516 de l’acte uniforme sur les sociétés .
L’article 516 de l’acte uniforme (3è) qui est rédigé à l’identique dans la loi française du 26 juillet 1966 sur les sociétés commerciales est au centre de la discussion qui porte à première lecture sur un vice dont serait entaché la procédure des référés utilisée. Cet article envisage l’hypothèse où le Conseil d’administration s’abstiendrait ou refuserait simplement de convoquer de l’assemblée générale. Pour éviter ainsi le blocage du fonctionnement de la société au détriment des sociétaires, ou des tiers justifiant d’un intérêt à voir l’assemblée générale se tenir, il est prévu plusieurs palliatifs, selon les circonstances. Ainsi, l’acte uniforme dispose que : » L’assemblée des actionnaires est convoquée par le conseil d’administration ou par l’administrateur général, selon le cas.
A défaut, elle peut être convoquée :
2°)- par un mandataire désigné par le Président de la juridiction compétente, statuant à bref délai, à la demande soit de tout intéressé en cas d’urgence, soit d’un ou de plusieurs actionnaires représentant au moins le 10° du capital social s’il s’agit d’une assemblée générale ou le dixième des actions de la catégorie intéressée s’il s’agit d’une assemblée spéciale;
Dans l’hypothèse envisagée, la mise en œuvre de l’article 516 de l’acte uniforme exige du juge des référés (référés ou ordonnance sur requête) qu’il constate que le demandeur justifie d’un intérêt. « Pas d’intérêt pas d’action » a t-on coutume de dire. En vérité, ce n’est pas tant les dispositions de l’article 516 qui imposent au juge cette démarche, mais les principes élémentaires de toute action en justice. N’importe qui ne pouvant saisir la justice pour n’importe quoi, « nul ne plaide par procureur », il faut bien que le demandeur justifie d’une qualité et d’un intérêt pour saisir valablement le juge, fut-il le juge des référés. Et cette qualité, le juge se doit de la vérifier avant même d’examiner la fin pour laquelle il est saisi. L’exigence vaut, même si cette demande tend à envisager une mesure provisoire, qui ne doit pas préjudicier au principal, comme c’est le cas du référé; lequel doit être bien distingué de l’ordonnance sur requête.
Dans le cas d’espèce, l’arrêt ne met pas suffisamment en exergue laquelle des deux hypothèses prévues à l’article 516 (3è) est mise en œuvre, car ce texte envisage deux situations qu’il y a lieu de distinguer.
A lire l’articulation des deux moyens examinés au fond, l’on est conduit même à considérer que la Cour n’y opère aucune distinction, ce qui complique notre analyse.
2-1- Il s’agit en premier lieu de la saisine du Président du tribunal par tout intéressé, pour obtenir la désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’assemblée générale au lieu et place du Conseil d’administration défaillant ou réticent.
Cette hypothèse, comme le relève si bien l’arrêt, suppose l’urgence Et lorsque l’acte uniforme dispose que le président de la juridiction saisie doit statuer à bref délai, tout donne à penser que le législateur renvoie soit à la procédure des référés soit à l’ordonnance sur requête, qui sont les deux procédures d’urgence visées à l’article 809 du code de procédure civile nigérien. La procédure d’urgence devant « le président de la juridiction compétente » pour reprendre les termes de l’acte uniforme, peut donc être soit le référé soit l’ordonnance sur requête.
Dans le cas d’espèce, les requérants ont emprunté la voie de l’ordonnance sur requête. Ce que la Cour considère comme non conforme à la nature de la question à trancher, à savoir la désignation d’un mandataire judiciaire pour convoquer l’assemblée générale aux fins de statuer sur les trois points de l’ordre du jour qui sont : la situation des souscriptions et la libération du capital dressée par le notaire, la désignation des administrateurs; et les questions diverses.
L’argument fondamental mis en avant pour repousser une telle procédure tient au fait que les juges du fond ont reconnu la qualité d’associé au requérant, et rendu ainsi une décision au fond; ce qui n’est pas dans les pouvoirs du président du tribunal, agissant dans le cadre des deux procédures d’urgence, qui n’autorisent que des décisions provisoires.
Même si la compréhension qu’il faut avoir du terme « tout intéressé », qui n’est pas synonyme de « n’importe qui » mais de toute personne justifiant d’un intérêt à saisir le juge, et qui en apportera la preuve devant lui, (en l’occurrence ce peut être un actionnaire, un obligataire, un créancier ordinaire) les demandeurs au pourvoi ne semblent pas se placer dans cette hypothèse. C’est plutôt la seconde qui semble être privilégiée, si l’on tient compte du débat sur la qualité d’actionnaire. Car à s’en tenir à la première, un tel débat serait sans objet, dès lors que même s'il n'est pas actionnaire, le souscripteur d’une action dans une société en recapitalisation justifie amplement d’un intérêt à saisir le juge pour obtenir la désignation d’un mandataire qui suppléera à la carence du Conseil d’administration pour la convocation d’une assemblée générale. Et c’est à l’occasion de l’analyse de la seconde hypothèse qu’il faudra donc réserver notre commentaire sur la question essentielle qui est au centre du débat qui domine les deux moyens au fond, à savoir, le président du tribunal régional, peut t-il dans le cadre d’une procédure de référé, reconnaître la qualité d’actionnaire au requérant, qui le saisit à fin de désignation d’un mandataire, dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 516 de l’acte uniforme sur les sociétés ?
2-2- En second lieu, il s’agit de la saisine par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le dixième du capital.
A première lecture cette procédure prévue à l’article 516 (2è)- n’est pas nécessairement diligentée suivant les procédures d’urgence. Cela ressort de la rédaction même de l’article. L’exigence de l’urgence semble plutôt concerner l’hypothèse de saisine par tout intéressé. Cependant, l’exigence d’une décision intervenant à bref délai est exprimée tant à propos de la saisine par tout intéressé qu’à propos de la saisine du président du tribunal par un ou plusieurs actionnaires représentant au moins un dixième du capital . Toutefois, le renvoi à la compétence du Président de la juridiction laisse nécessairement penser qu’il s’agit de l’une ou l’autre des procédures.
L’arrêt exclut la possibilité de recourir à l’ordonnance sur requête dans la mise en œuvre de l’article 516 de l’acte uniforme. Le motif est pris de ce que cette procédure ne satisfait pas la règle du débat contradictoire; lequel s’imposerait en l’occurrence. L’exigence est tirée de ce que la Cour considère que les juges du fond ont reconnu la qualité d’actionnaire au groupe HIMA SOULEY, ce qui constitue une question de fond que le juge des référés ne saurait trancher sans enfreindre la règle qui lui prescrit de s’en tenir à des mesures provisoires qui ne sauraient préjudicier au fond.
Or la constatation de la qualité d’actionnaire par le juge des référés ne viole pas l’interdiction de statuer au fond et le caractère provisoire de la décision.
Peu importe la procédure, ordonnance sur requête ou référé, la reconnaissance préalable de la qualité d’associé s’imposait . L’article 516 n’ouvre le droit de saisir le président du tribunal qu’à des personnes remplissant cette qualité, et le juge se doit de l’établir avant toute désignation d’un mandataire. Celle-ci découle des constations authentiques d’un notaire et du document de souscription. Le juge ne confère pas la qualité d’actionnaire, il la constate. Il ne la juge pas, il prend acte de son existence. Les constatations du notaire désigné dans le cadre des opérations de recapitalisation sont, jusqu’à inscription de faux, suffisantes comme instrument de preuve, pour lier le juge. Et cela même s’il y a un débat sur la compatibilité entre la fonction de notaire et celle de mandataire judiciaire.
Si d’aventure une contestation devrait être élevée sur la pertinence des constatations du notaire, elle ne saurait intervenir dans le cadre de la procédure objet de l’arrêt de la Cour, mais suivant la procédure spéciale d’inscription de faux .
Le juge des référés aurait pu surseoir à statuer si la LEYMA justifiait de l’introduction régulière d’une procédure d’inscription de faux contre les certifications du notaire. A défaut, il devrait tenir pour établie la qualité d’actionnaire et déclarer irrecevable tout recours en rétractation de l’ordonnance fondé sur le défaut de qualité d’actionnaire.
Cet argument devrait permettre de faire l’économie de toute analyse fondée la violation de la règle du contradictoire .
En vérité la procédure d’ordonnance sur requête, malgré son caractère unilatéral, ne fait pas fondamentalement entorse au principe du contradictoire.
L’ordonnance sur requête, . jusqu’à ce qu’elle intervienne, n’implique pas, il est vrai, la partie éventuellement intéressée dans la procédure.Le débat contradictoire n’est donc pas de son essence à ce stade . Mais il est prévu a posteriori, dans la mesure où le recours en rétractation reste ouvert devant le juge ayant rendu la décision. Dès lors, le principe du contradictoire est rétabli.
Au demeurant pour rester dans le contexte spécial du débat soulevé, la disposition de l’article 516 de l’acte uniforme objet de la discussion figure à l’identique dans le droit français des sociétés Elle est consacrée à l’article 158 de la loi du 26 juillet 1966 sur les sociétés commerciales (J.O R.F 26 juillet p.6402). Or, la lecture de la jurisprudence française révèle que des mandataires judiciaires ont pu être désignés par voie d’ordonnance sur requête. Que la Cour suprême du Niger, ait une autre lecture de la portée du texte, cela est concevable si l’on s’en tient au seul principe de sa souveraineté. Qu’on puisse trouver des arguments fondés sur l’article 516 de l’acte uniforme, cela est moins facile.
On voit mal d’ailleurs comment sa mise en œuvre constitue une occasion d’un débat sur le fond, appelant nécessairement un débat contradictoire. Il ne s’agit ni plus ni moins que de l’exercice par le juge du droit qui lui est reconnu de pallier au disfonctionnement d’un organe de la société, le conseil d’administration, pour permettre à un autre organe de décision, l’assemblée générale de se réunir.
Qu’il puisse à cette occasion apprécier l’opportunité de cette désignation, cela devrait faire partie de ses prérogatives- même s’il est seulement juge de l’urgence. Mais cette désignation passe nécessairement par la vérification préalable de la validité de sa saisine, laquelle suppose celle de la qualité du requérant. Le passage est obligé.
Conclusion
A la suite du Professeur ISSA-SAYEGH, il faut déplorer l’absence dans la procédure devant la CCJA du pourvoi dans l’intérêt de la loi. Ce qui aurait permis de remettre de l’ordre dans les interprétations audacieuses des dispositions du traité et des actes uniforme. C’est une condition essentielle pour préserver l’harmonie du droit harmonisé. Mais il faut bien relever que l’institution d’une telle procédure elle même ne va pas sans soulever d’autres questions. Quelle autorité, au niveau de chaque Etat doit suivre les procédures judiciaires au niveau de chaque juridiction de cassation pour relever les pourvois où la compétence de la CCJA a pu être méconnue, et entachés surtout d’une interprétation jugée erronée du droit harmonisé. On pense tout de suite au Parquet général parce qu’il est détenteur habituel de cette prérogative à l’échelle nationale. Mais si cette solution a l’avantage de garantir l’uniformité d’interprétation du droit uniforme, elle ne comporte pas moins un risque de conflit et de frustration devant la propension des juridictions nationales à défendre à tort ou à raison leur compétence dans les affaires impliquant l’application du droit uniforme, et des plaideurs, de bonne ou de mauvaise foi à invoquer, voire préférer, selon les circonstances, la compétence des juridictions suprêmes nationales ou de la CCJA. Dans la mesure où la préoccupation essentielle reste l’harmonie du droit harmonisé, il faut plutôt souhaiter une autre voie, un recours plus fréquent des juridictions du fond à la procédure d’avis consultatif de la CCJA. Sous réserve des cas où le deuxième degré de juridiction est assuré à un autre niveau, les cours d’appel sont bien indiquées pour recourir à cette procédure, étant donné leur situation intermédiaire entre la première instance et la cassation. Ceci pour éviter l’encombrement de la CCJA. A cela il faut ajouter une condition sous forme de vœux que nous formulons, une plus grande circulation de l’information sur les décisions et avis de la CCJA à tous les échelons de la hiérarchie judiciaire.
1 Notre article sur la « la supra nationalité de l’OHADA, revue Burkinabée de Droit n°37 1
er semestre 2000
2 Cf article 2 du traité et nos développements dans l’article précité. A titre d’exemple, le droit des effets de commerce, bien que faisant partie du droit des affaires, n’est pas inclus dans le droit harmonisé des affaires
3 Un délai de deux mois, pour contester la décision ainsi rendue est imparti au défendeur.
4 - Conférence Internationale pour le Marché d’Assurance »
5 Les articles 607, 551, 520 et 572 de l’acte uniforme sont cités dans la décision de la Cour d’appel.
6 Quelques aspects techniques de l’intégration juridique, l’exemple des actes uniformes de l’OHADA, in Revue de droit uniforme 1999-1-p.28
7 - La Cour n’ayant pas jugé opportun de répondre o tous les moyens du pourvoi, l’arrêt n’en fait pas mention.
8 - Cela découle du renvoi à des décisions rendues à bref délai, à l’évocation de l’urgence, et à la compétence « du président de la juridiction ».
9 Sur la distinction entre les deux procédures voir Jean VINCENT et Serge GINCHARD Précis Dalloz 23è édit.1994, Procédure civile édit. DalloZ spécialement p. 514 et s.
10 L’acte uniforme de l’OHADA sur les sociétés, tout comme les autres, parle toujours de juridiction compétente. Pour avoir participé aux discussions des commissions nationales sur la question, notamment la rencontre de finalisation de Dakar, nous savons que cette imprécision est volontaire. Tous les Etats membres n’ayant pas la même organisation judiciaire, il fallait s’en remettre pour la précision à la loi nationale. Au Niger il s’agit du Président du tribunal régional, nouvelle appellation des tribunaux de première instance.
11 En ce sens G. Ripert et R. ROBLOT, Traité de droit commercial t.1 16è édit. LGDJ 1996 p.877
12 Ce débat est élevé dans l’une des requête à fin de pourvoi. Mais la Cour n’a pas jugé opportun de répondre à ce moyen. On pourrait d’ailleurs discuter là aussi sur la question de savoir s’il est de la compétence du juge des référés de trancher cette question.
13 Ainsi que le notent les Professeurs THERY et PERROT, Procédure civile et voie d’exécution, précité, « le juge des référés est investi d’une compétence générale, en marge de toute disposition particulière, dès lors qu’il y a urgence et que l’efficacité de la mesure implique qu’elle soit ordonnée à l’insu de celui qui devra la subir » p 280 n°266
14 Dans le même sens la note de Dominique SCHIMIDT,sous CA DOUAI 11 février 1972 Dalloz- Sirey 1972 p. 280 qui considère que s’agissant « de convoquer une assemblée générale par suite de carence « des administrateurs, « il n’y a pas à s’interroger sur l’opportunité de la demande en désignation d’un mandataire, ni à débattre » Il en va ainsi lorsqu’un « évènement, une situation irrégulière font obstacle au bon fonctionnement des mécanismes sociaux : le fait s’impose au juge, qui doit ordonner la mesure sollicitée propre à faire disparaître le trouble ». L’auteur justifiait ainsi la prise de ces mesures par voie » d’ordonnance sur requête sans débat contradictoire »