J-03-195
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE (CCJA) – recours en annulation contre une décision rendue par une juridiction nationale incompétente – condition de recevabilité – incompétence préalablement soulevée devant la juridiction nationale – observation (non) – Irrecevabilité.
Le recours en annulation devant la CCJA contre une décision rendue par une juridiction nationale incompétente doit être déclaré irrecevable, dès lors qu’en application de l’article 18 du Traité OHADA, l’incompétence de la juridiction nationale n’a pas été soulevée au préalable devant celle-ci.
Article 18 DU TRAITE
[CCJA, arrêt n° 009/2003 du 24 avril 2003 (H. C. / D.), Le Juris-Ohada, n° 2/2003, avril-juin 2003, p. 29, note anonyme.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° 1, janvier-juin 2003, p. 7].
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 24 avril 2003, où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président, rapporteur
Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
Et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef.
Sur le recours en date du 04 septembre 2002, enregistré à la Cour de céans le 05 du même mois et de la même année, sous le N° 044/2002/PC, formé par Maître NGUETTA N.J. Gérard, Avocat à la Cour, y demeurant 55, Boulevard Clozel, immeuble SCI La Réserve, 16 BP 666 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte de H., industriel demeurant à Marcory Résidentiel, dans une affaire l’opposant à D. et Madame D. née F., demeurant à Abidjan Marcory, ayant pour Conseil Maître OUANGUI Agnès, Avocat à la Cour, en annulation de l’arrêt N° 589/2002 du 11 juillet 2002 rendu par la Chambre Civile, formation civile de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, dont le dispositif est le suivant :
– « Déclare irrecevable le pourvoi formé par H.;
– Rejette le pourvoi en cassation formé par H. contre l'Arrêt N° 1080 en date du 27 juillet 2001 de la Cour d'appel d'Abidjan Chambre civile;
– Laisse les dépens à la charge du Trésor public ».
Le requérant invoque à l'appui de son recours, le moyen unique tel qu'il figure à la requête annexée au présent arrêt :
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-Président :
Vu le Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Sur la recevabilité du recours en annulation
Vu l'article 18 du Traité susvisé;
Attendu que les défendeurs, dans leur mémoire en réponse, demandent à la Cour de céans de déclarer irrecevable le recours exercé par Monsieur H., au motif que la voie de recours prévue à l'article 18 susvisé n'est ouverte qu'à la partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que , malgré l'exception soulevée, la juridiction nationale a statué en méconnaissance de la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'aux termes de l'article 18 du Traité susvisé, « Toute partie qui, après avoir
soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que cette
juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de
Justice et d'Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la
notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu'elle notifie tant aux parties qu'à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s'est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ».
Attendu qu'il résulte de l'analyse des dispositions sus-énoncées, que la Cour de céans ne peut être saisie d'un recours dirigé contre une décision rendue par une juridiction nationale statuant en cassation, en application de l'article 18 susvisé, qu'à la condition que l'incompétence de ladite juridiction nationale ait été soulevée au préalable devant celle-ci;
Attendu qu'en l'espèce, le requérant a formé un recours en annulation contre l'arrêt précité, devant la Cour de céans, sur le fondement de l'article 18 susvisé du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, sans avoir au préalable soulevé l’incompétence de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire; qu’il s’ensuit que son recours doit être déclaré irrecevable;
Attendu que Monsieur H. ayant succombé, doit être condamné aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– Déclare irrecevable le recours en annulation formé par H. contre l’arrêt N° 589/2002 rendu le 11 juillet 2002 par la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire.
– Président : M. Seydou BA.
Note
Quelles sont les conditions du recours en annulation devant la CCJA ?
Il s’agit des conditions d’application de l’article 18 du Traité OHADA.
L’hypothèse étant celle dans laquelle une juridiction nationale de cassation a méconnu la compétence de la CCJA et a statué, le recours en annulation devant la CCJA n’est recevable que si l’incompétence de la juridiction nationale a été soulevée devant elle.
Ainsi, il faut au préalable soulever l’incompétence de la juridiction nationale au cours du procès où elle méconnaît elle-même la compétence de la CCJA.
A défaut, le recours est déclaré irrecevable.
C’est le préalable que rappelle fort utilement la CCJA (pour le recours, cf. Ohadata D-03-19, I, C.).