J-03-95
Sociétés commerciales – Procédures collectives – société dissoute par anticipation – liquidation amiable en cours – demande de conversion en liquidation des biens avant le terme de la liquidation amiable – conversion inopportune – rejet de la demande.
Article 223 AUSCGIE ET SUIVANTS
Une société d’économie mixte dont la dissolution anticipée a été décidée par l’Assemblée générale extraordinaire des actionnaires et placée en liquidation amiable ne peut, par la suite, à la demande de ses liquidateurs, être déclarée en liquidation des biens, au motif que lesdits liquidateurs seraient gênés dans leurs opérations de liquidation, par des actions intempestives de certains créanciers.
Ce n’est que lorsque la durée de la liquidation arrivée à son terme, sans que des opérations de liquidation aient été entamées ou soient achevées, que les liquidateurs amiables peuvent demander l’ouverture d’une liquidation des biens par voie judiciaire.
[Tribunal de grande instance de Ouagadougou, jugement n° 779 du 13 septembre 2000, sur requête des liquidateurs de la SONAPHARM].
Cour d’appel de Ouagadougou
Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou
N° 779/2000 du 13/09/2000
Le Tribunal de grande instance de Ouagadougou, statuant en matière commerciale sur requête et en premier ressort, en son audience du 13 septembre 2000 à laquelle siégeaient :
– Monsieur KONTOGOM Ouambi Daniel, Président du Tribunal; Président;
– Mesdames LORI Fatimata et DERME Maïmouna, Juges au Siège; Membres;
– Monsieur SAWADOGO Désiré, représentant le Ministère Public;
Avec l’assistance de Monsieur WANGRAWA Daniel, Greffier;
A rendu le jugement de requête aux fins d’admission au bénéfice de la liquidation judiciaire de la SONAPHARM, dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL,
Vu la requête aux fins admise au bénéfice de la liquidation judiciaire du Cabinet d’Expertise Comptable AMC./S.A. et Maître Franceline TOA-BOUDA, Liquidateurs de la SONAPHARM;
Vu les pièces du dossier;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions;
FAITS – PRÉTENTIONS – MOYENS - PROCÉDURE
La Société Nationale d’Approvisionnement Pharmaceutique (SONAPHARM), Société d’économie mixte en liquidation, dont le siège social est à Ouagadougou, agissant poursuites et diligences du Liquidateur, le Cabinet AMC/SA, représenté par Me Franceline TOE-BOUDA, Avocat à la Cour, demeurant à Ouagadougou, expose que les actionnaires ont décidé la dissolution anticipée de la société, suivant procès-verbal d’Assemblée Générale du 23 juillet 1999, lequel procès-verbal a été déposé au Greffe du Tribunal de Grande Instance de céans, suivant acte de dépôt N° 263 du 08 juillet 1999, ainsi que la décision de dissolution anticipée publiée dans les journaux d’annonces légales de la place; que tous les créanciers de produire leurs créances, suite à l’invitation qui leur en a été faite; elle soutient que néanmoins, des actions intempestives de certains créanciers ainsi que les comptes de la société n’ont pas permis aux Liquidateurs de mener à bien la tâche de liquidation amiable; qu’elle a déposé le bilan, conformément aux dispositions du Traité OHADA portant Droit des Sociétés Commerciales et GIE, et c’est pourquoi elle sollicite qu’il soit prononcé la liquidation judiciaire de la SONAPHARM;
La Société LIOH-INC, société canadienne, créancière de la SONAPHARM, représentée par Me KYELEM-TERRAH, Avocat à la Cour, conteste toute opportunité quant au jugement de mise en liquidation à intervenir, et s’inquiète du traitement de sa créance au cours de l’éventuelle liquidation judiciaire; elle soutient que la SONAPHARM a été dissoute et mise en liquidation amiable par les actionnaires, lesquels ont désigné les Liquidateurs qui ont statuts de la société et qu’une décision ordonnant la mise en liquidation judiciaire de la même société serait superfétatoire; en outre elle fait valoir que le jugement prononçant la liquidation reviendrait à donner quitus aux opérations faites au titre de la liquidation amiable alors que certains opérations seraient faites dans l’illégalité; que le jugement purgeait toutes les irrégularités commises au cours de la liquidation toutes les irrégularités commises au cours de la liquidation amiable et ferait obstacle à toute mises en cause de la responsabilité des Liquidateurs;
La société LIOH-INC allègue par ailleurs, qu’elle disposerait pour le paiement de sa créance d’un titre exécutoire, outre un règlement transactionnel intervenu avant la liquidation; que la liquidation s’opposerait à l’exécution du titre exécutoire qu’elle sollicite; qu’il soit fait exception à la Société LIOH-INC quant à la décision de suspension des poursuites individuelles;
Me Mamadou TRAORE, Avocat à la Cour, représentant la Société MEDIFA et Mission Pharma - autres créancières de la SONAPHARM - s’opposent également au dépôt de bilan par les liquidateurs amiables de la SONAPHARM aux motifs qu’on ne peut demander juridiquement la liquidation d’une société déjà en liquidation du fait de la dissolution anticipée décidée par les actionnaires et conclut à ce que la requête de la SONAPHARM soit rejetée;
MOTIFS DE LA DECISION
EN LA FORME :
Attendu qu’il est constant que tout commerçant qui cesse ses paiements peut obtenir le bénéfice de la liquidation judiciaire et ses biens sur requête présentée par le débiteur au Tribunal de son domicile siégeant en matière commerciale;
Attendu que la requète de la SONAPHAR a été présentée suite au dépôt du bilan par les Liquidateurs le 30 juin 2000; qu’elle est donc régulière et mérite d’être déclarée recevable;
AU FOND :
Attendu qu’au terme de l’article 201 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA du 17 avril 1997, « La dissolution de la société n’a d’effet à l’égard des tiers qu’à compter de sa publication au registre du commerce et du crédit mobilier; la dissolution de la société pluripersonnelle entraîne de plein droit sa mise en liquidation »;
Attendu en l’espèce que la SONAPHARM a été dissoute par décision des actionnaires au cours d’une assemblée générale tenue le 23 juillet 1999; que cette dissolution anticipée décidée par les actionnaires a eu pour effet d’entraîner sa liquidation; que c’est pourquoi du même coup, les Liquidateurs ont été désignés;
Attendu qu’il est constant que les Liquidateurs, en la personne du Cabinet AMC / SA et Me Franceline TOE – BOUDA ont entamé depuis lors les opérateurs de liquidation en ce sens que tous les créanciers ont produit leurs créances et que les Liquidateurs amiables ont également commencé les paiements et l’apurement du passif;
Attendu par ailleurs qu’au terme de l’article 204 de l’Acte Uniforme précité, « La Société est en liquidation dès l’instant de sa dissolution pour quelque cause que ce soit »;
Attendu en l’espèce qu’il est indéniable que la liquidation de la SONAPHARM décidée le 23 juillet 1999 s’exécutait effectivement; qu’elle a été ainsi décidée par la volonté des actionnaires et dans leur intérêt exclusif; qu’au surplus dans ce cas de la SONAPHARM la plupart de ses Administrateurs ne sont ni plus, ni moins que ses fournisseurs; qu’il va sans dire que la liquidation amiable doit s’opérer sans heurts et sans accros jusqu’à son terme;
Attendu que quant bien même la loi n’institue pas la règle d’une suspension des poursuites individuelle au profit des débiteurs il n’en demeure pas moins que les créanciers méritaient une protection résultant de l’action des Liquidateurs; que ces derniers, pour mener à bien les opérations de liquidation amiable devaient observer à ce moment les dispositions statutaires;
Attendu par ailleurs que la liquidation amiable n’est pas à son terme; qu’en effet c’est seulement dans ce cas et lorsque les opérations entamées ne sont pas achevées ou lorsqu’au bout de trois années, aucune opération n’a mêle débuté qu’il est permis que les Liquidateurs amiables pouvant être considérés comme toute intéressé ou le représentant du Ministère public peuvent saisir le Tribunal par requête aux fins d’obtenir qu’il soit prononcé la liquidation des biens par voie judiciaire;
Attendu en l’espèce que tel n’est pas le cas; qu’il y a lui de briser par toutes voies de droit les actions intempestives des créanciers et laisser suivre la liquidation amiable jusqu’à l’expiration du délai de trois ans, que dans le cas contraire les Liquidateurs de la SONAPHARM sont mal fondés à demander la conversion de la liquidation amiable en liquidation judiciaire avec toutes les conséquences que pourrait engendrer une telle décision; qu’il y a lieu de les débouter de leur demande et les condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort (après débats en Chambre de Conseil);
EN LA FORME :
– Déclare la SONAPHARM recevable en sa requête.
AU FOND :
– La déboute de sa demande mal fondée;
– La condamne au dépens
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou, les jour, mois et an ci-dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
Selon de TGI de Ouagadougou, une liquidation amiable d’une société ne saurait être interrompue et remplacée par des opérations de liquidation décidée judiciairement, tant que les opérations de la première liquidation se poursuivent normalement.
On peut regretter que la confusion se soit glissée dans l’écriture de cette décision, aussi bien quant à la terminologie employée (tantôt liquidation judiciaire, tantôt liquidation des biens; dispositions du Traité Ohada ou encore article 201 de l’Acte Uniforme du Traité Ohada, du 17 avril 1997…), que quant aux textes applicables (Acte Uniforme sur les sociétés ? Acte Uniforme sur les procédures collectives ?).
S’il s’agissait d’une demande de conversion d’une liquidation amiable en liquidation judiciaire, telle que prévue et organisée par les articles 223 et suivants de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales, il faut interroger l’article 223, qui détermine les cas et conditions dans lesquels la justice peut être saisie pour ordonner une liquidation judiciaire soumise aux articles précités. Nulle part, on n’aperçoit dans cet article, que les liquidateurs amiables (désormais seuls représentants légaux de la société dissoute), soient admis à demander cette conversion. Faut-il en déduire qu’ils ne le peuvent point ? Nous ne le pensons pas, le recours à la justice étant toujours possible pour résoudre un conflit. Y avait-il difficulté ou conflit en l’espèce ? Non, a répondu le tribunal, sans se prononcer sur les griefs avancés par les liquidateurs amiables (actions intempestives de certains créanciers, ainsi que les comptes de la société), se contentant d’affirmer que seule l’arrivée du terme de trois ans (article 216 AUSCGIE ?), sans que les opérations de liquidation aient été entreprises ou achevées, pouvait justifier le recours à une liquidation judiciaire.
S’il s’agissait d’une demande de conversion d’une liquidation amiable en une liquidation des biens, pour cause de cessation des paiements (comme le laisse supposer la phrase « qu’elle a déposé le bilan conformément aux dispositions du Traité Ohada (sic) portant droit ses sociétés commerciales et du GIE » et celle où il est dit que ce n’est qu’au terme de trois ans que les « liquidateurs amiables … ou le représentant du ministère public peuvent saisir le Tribunal par requête aux fins d’obtenir qu’il soit prononcé la liquidation des biens par voie judiciaire »), le tribunal aurait dû se prononcer sur le point de savoir s’il y avait ou non cessation des paiements et, dans l’affirmative, décider la liquidation des biens (en cas de défaut de propositions concordataires concomitantes ou postérieures au dépôt de bilan), en tant que procédure collective d’apurement du passif. Dans ce cas, c’est l’Acte Uniforme sur ces procédures collectives qui aurait dû s’appliquer.