J-04-70
POURVOI EN CASSATION FORME DEVANT UNE COUR SUPREME NATIONALE – POURVOI FORME DEVANT LA CCJA PAR LA PARTIE ADVERSE POUR SUSPENDRE LE POURVOI DEVANT LA COUR SUPREME EN RAISON DE L’INCOMPETENCE DE CELLE-CI – REJET DU POURVOI.
Il résulte de l’analyse des articles 14 alinéa 3 et 18 du Traité OHADA qu’en matière contentieuse, la CCJA ne peut être saisie, d’une part, que par la voie du recours en cassation exercé contre la décision d’une juridiction nationale statuant dans un contentieux relatif à l’application des actes uniformes ou des règlements prévus au traité susvisé et, d’autre part, par la voie du recours en annulation exercée contre la décision d’une juridiction nationale statuant en cassation qui a méconnu la compétence de ladite Cour.
La requête du requérant ne procédant d’aucun des modes de saisine précités, il s’ensuit que le recours est manifestement irrecevable et peut être rejeté par ordonnance en application de l’article 32, alinéa 2 du Règlement de procédure de la CCJA.
Article 32 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
(CCJA, ordonnance N° 01 / 2003 / CCJA, Cabinet ECTEET c/ GROUPE FOTSO, Recueil de Jurisprudence N° 1 / Janvier – Juin 2003, p.63).
(Article 32.2 du Règlement de procédure)
Dossier n° 007/2002/PC
Affaire : Cabinet ECTEET
c/
Groupe FOTSO
L'an deux mille trois et le quatre juin;
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA);
Vu le Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, notamment en ses articles 13 à 20;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Statuant en application des dispositions de l'article 32 alinéa 2 du Règlement susvisé, en séance plénière, en présence de Messieurs :
– Seydou BA, Président
– Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
– Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président
– Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
– Maïnassara MAIDAGAI, Juge
– Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
Et
– Maître Pascal Edouard N GANGA, Greffier en chef;
Attendu que par "requête aux fins de saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage" en date du 15 janvier 2002, reçue et enregistrée au greffe de la Cour de céans le 08 février 2002, sous le N° 007/2002/PC, Maître Théodore KAMKUI, Avocat au Barreau du Cameroun, a saisi ladite Cour “ du pourvoi en cassation introduit devant la Cour Suprême du Cameroun par le Groupe FOTSO, dans l'affaire qui l'oppose au Cabinet ECTEET représenté par Monsieur NJAMPOU Christophe ”, et dont il est le Conseil; que dans ladite requête, le requérant expose qu'en usant de la procédure d'injonction de payer, il a saisi le Président du Tribunal de Grande Instance de Douala, qui a rendu l'ordonnance N° 22/99-2000 enjoignant au Groupe FOTSO de lui payer la somme de 49.622.226 FCFA en principal et frais; que réagissant à la signification de cette ordonnance, le Groupe FOTSO a formé opposition à l'injonction de payer; que le juge de l'opposition, au lieu de statuer conformément aux dispositions des articles 12 et 14 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, a prononcé l'annulation de l'ordonnance d'injonction de payer précitée, sanction qui n'est pas prévue par ledit Acte uniforme; que sur son appel, le second juge a confirmé l'ordonnance portant injonction de payer en l'état; que c'est cet arrêt qui a été porté en cassation par le Groupe FOTSO devant la Cour Suprême du Cameroun, qu'il entend plutôt déférer devant la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, conformément à l'article 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Attendu que le requérant a également transmis à la Cour de céans un “ mémoire à l'appui de la requête introduite près la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage ”, en date du 28 avri12002, dans lequel il énonce notamment que “ la partie qui n'est pas la demanderesse au pourvoi en cassation, mais qui entend provoquer la saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, soit pour obtenir la suspension d'une procédure de cassation engagée par l'autre partie devant une juridiction nationale (article 16), soit pour voir déclarer une décision de compétence rendue par une juridiction nationale nulle et non avenue (article 18), doit saisir la Cour par requête, et celle-ci doit se prononcer sur sa compétence, conformément à l'article 16 alinéa 2;
Si la Cour s'estime compétente, elle doit réclamer les moyens portés par l'autre partie devant la juridiction nationale;
Si elle s'estime incompétente pour connaître de l'affaire, alors la procédure de cassation engagée devant la juridiction nationale par le demandeur au pourvoi peut donc reprendre, conformément à l'alinéa 2 de l'article 16 du Traité ”; que le requérant demande alors de :
“ - constater qu'aux termes de l'article 16 du Titre III du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, lorsqu'une partie au procès a engagé une procédure de cassation devant une juridiction nationale d'un Etat partie, l'autre partie au procès peut provoquer la suspension de cette procédure par la saisine de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, qui doit se prononcer sur sa compétence pour connaître de l'affaire, avant une éventuelle reprise de la procédure par la juridiction nationale saisie du pourvoi;
– constater que dans le cas de l'espèce, il a usé de cette faculté dont la conséquence est la suspension de la procédure de cassation engagée par le Groupe FOTSO devant la Cour Suprême du Cameroun;
– constater que le pourvoi engagé par le Groupe FOTSO devant la Cour Suprême du Cameroun vise l'interprétation des articles 12 et 14 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
– constater enfin, qu'aux termes de l'article 13 du Traité, “ le contentieux relatif à l'application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties ”, mais aux termes de l'article 14 alinéa 1 du Traité, seule la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage assure l'interprétation et l'application desdits Actes uniformes dans les Etats parties;
En conséquence :
– Déclarer le requérant recevable en sa requête;
– Déclarer la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage compétente pour connaître de l'affaire;
– Ordonner la production à la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage par le Groupe FOTSO, des moyens invoqués à l'appui de son pourvoi introduit devant la juridiction nationale;
– Réserver les dépens ”;
Attendu qu'il ressort des énonciations de la requête du Cabinet ECTEET et du mémoire à l'appui de ladite requête, que le requérant n'a pas saisi la Cour de céans d'un pourvoi en cassation formé contre une décision spécifique lui faisant grief; que l'objet de sa requête, selon ses propres termes, vise à déférer devant ladite Cour, le pourvoi en cassation qui serait initié par son adversaire, le Groupe FOTSO, devant la Cour Suprême du Cameroun et d'obtenir la suspension de cette procédure de cassation, parce qu'elle concernerait l'interprétation des articles 12 et 14 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Attendu que les articles 14 alinéas 3 et 4 et 18 du Traité de Port-Louis du 17 octobre 1993 relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, disposent respectivement que “ saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité, à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d'appel rendues par toute juridiction des Etats parties, dans les mêmes contentieux ”, et “ toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu'elle notifie tant aux parties qu'à la juridiction en cause.
Si la Cour décide que cette juridiction s'est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue ”;
Attendu qu'il résulte de l'analyse des dispositions précitées, qu'en matière contentieuse, la Cour de céans ne peut être saisie, d'une part, que par la voie du recours en cassation exercé contre la décision d'une juridiction nationale statuant dans un contentieux relatif à l'application des Actes uniformes ou des règlements prévus au Traité susvisé, et, d'autre part, par la voie du recours en annulation exercée contre la décision d'une juridiction nationale statuant en cassation, qui a méconnu la compétence de ladite Cour;
Attendu qu'en l'espèce, la requête du Cabinet ECTEET ne procède d'aucun des modes de saisine ci-dessus spécifiés de la Cour de céans; qu'il s'ensuit qu'elle n'est pas conforme aux dispositions sus-énoncées du Traité susvisé, et qu'elle est en conséquence manifestement irrecevable;
Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 32 alinéa 2 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, lorsque le recours est manifestement irrecevable, la Cour peut à tout moment le rejeter par voie d'ordonnance motivée;
PAR CES MOTIFS
– Rejette le recours introduit par Maître Théodore KAMKUI au nom et pour le compte du Cabinet ECTEET;
– Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi fait les jour, mois et an que dessus.
Le Président : Seydou BA.