J-04-90
CCJA – VOIES D’EXECUTION – APPLICATION DISPOSITIONS ACTE UNIFORME – CONFLIT DE COMPETENCE – SAISINE D’UNE JURIDICTION NATIONALE – COMPETENCE CCJA (Oui).
PREUVE – VALEUR ET PORTEE DES ELEMENTS – JUGE DU FOND – POUVOIR SOUVERAIN D’APPRECIATION (Oui).
I - Aux termes de l’article 14 du Traité OHADA, la CCJA est compétente pour se prononcer sur l’appréciation du caractère probant des pièces produites devant les juridictions nationales, dès lors que c’est en application des dispositions d’un Acte uniforme que le juge national a été saisi.
II - On ne peut reprocher à une cour d’appel d’avoir fait une mauvaise application de l’article 140 AUPSRVE dès lors que cette cour d’appel n’a fait qu’user de son pouvoir souverain d’appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve produits après avoir relevé que lesdits éléments n’étaient pas « suffisamment probants ».
Article 14 TRAITE OHADA
Article 140 AUPSRVE
(CCJA Arrêt n° 006/2004 du 8 janvier 2004, WALLEY Goly Kouamé Clément c/ KOAUDIOAmana Monique). Le Juris Ohada, n° 1/2004, janvier-mars 2004, p. 35, note Brou Kouakou Mathurin. – Recueil de jurisprudence, n° 3, janvier-juin 2004, p. 56).
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D'ARBITRAGE (C.C.J.A.)
Audience Publique du 08ianvier 2004
Pourvoi : n° 056/2003/PC du 23 juin 2003
Affaire : W ALLEY Goly Kouamé Clément
(Conseil : Maître BLESSY Chrysostome, Avocat à la Cour)
Contre
KOUADIO Amana Monique
(Conseil : Maître COULIBAL Soungalo, Avocat à la Cour)
ARRET N°006/2004 du 08 janvier 2004
La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (C.C.J.A.) de l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l'Arrêt suivant en son audience publique du 08 janvier 2004 où étaient présents :
Messieurs Seydou BA, Président
Jacques M'BOSSO, Premier Vice-président
Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice-président, rapporteur Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge
Maïnassara MAIDAGI, Juge
Boubacar DICKO, Juge
Biquezi1 NAMBAK, Juge
et Maître Pascal Edouard NGANGA, Greffier en chef;
Sur le pourvoi en date du 20 juin 2003 et enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 056/2003/PC du 23 juin 2003, formé par Maître BLESSY Chrysostome, Avocat près la Cour d'appel d'Abidjan, agissant au nom et pour le compte de Monsieur W ALLEY Go1y Kouamé Clément, demeurant à Abidjan Deux Plateaux, quartier Attoban, villa 82, dans le litige qui l' oppose ~Madame KOUADIO Amana Monique, demeurant à Abidjan, quartier Attoban, 06 B.P. 797 Abidjan 06, représentée par Maître COULIBAL Soungalo, Avocat à LA COUR,
en cassation de l'Arrêt no3l6 rendu le 21 mars 2003 par la Chambre civile et commerciale de la Cour d'appel d'Abidjan, République de Côte d'Ivoire, et dont le dispositif est ainsi libellé :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale en appel et en dernier ressort;
En la forme :
Reçoit M. W ALLEY Goly Kouamé Clément et Madame KOUADIO Amana Monique en leurs appels principal et incident;
Au fond :
Déclare W ALLEY Goly Kouamé Clément mal fondé;
Déclare par contre Madame KOUADIO Amana Monique bien fondée;
Réforme l'ordonnance attaquée et statuant à nouveau;
Condamne M. WALLEY Goly à payer à Madame KOUADIO Amana Monique la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive;
Confirme pour le surplus;
Condamne W ALLEY Goly aux dépens »
Le requérant invoque à l'appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu'il figure à l'acte de pourvoi annexé au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice- Président;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu, selon les pièces du dossier de la procédure, que par exploit en date du 20 juin 2000, Madame KOUADIO Amana Monique a pratiqué une saisie-vente des biens trouvés au domicile de M. W ALLEY Goly Kouamé Clément en vertu de l'Arrêt civil n° 395/99 du 16 décembre 1999 de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire ayant condamné ce dernier à lui payer diverses sommes d'argent;
Qu'à la suite du rejet d'une demande en distraction des biens saisis formulée par des tiers devant le juge des référés par application de l'article 141 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, Monsieur W ALLEY Goly Clément a introduit, auprès du même juge, sur le fondement de l'article 140 du même Acte uniforme, une demande en nullité de ladite saisie;
Que par Ordonnance n° 207/03 du 16 janvier 2003, le Président du Tribunal de première instance d'Abidjan, statuant en matière de référé l'a débouté de sa demande sus-rappelée;
Que sur appel interjeté de ladite décision, la Cour d'appel d'Abidjan a, par Arrêt n° 316 du 21 mars 2003 dont pourvoi, considéré que :
« Monsieur W ALLEY Goly Kouamé Clément sollicite que la saisie vente des biens soit déclarée nulle au motif que les biens saisis ne sont pas sa propriété;
Cependant, les pièces produites par lui ne sont pas suffisamment probantes;
Dès lors, c'est à bon droit que le premier Juge l'a débouté de sa demande »;
Sur l'exception d'incompétence soulevée in limine litis par la partie défenderesse
Attendu que la partie défenderesse demande, in limine litis, en application de l'article 32.2 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA, le rejet par voie d'ordonnance du recours au motif que celui-ci tend à soumettre à cette juridiction la question relative à l'appréciation du « caractère probant des pièces produites devant les juridictions ivoiriennes », laquelle ne relève pas de la compétence de ladite Cour;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 14 susvisé, la Cour de céans se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties, dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes; qu'il résulte des pièces du dossier de la procédure que c'est par application de l'article 140 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution que le juge de fond a été appelé à apprécier les éléments sur lesquels Monsieur W ALLEY Goly Kouamé Clément entendait prouver qu'il n'était pas le propriétaire des biens saisis; que dès lors la Cour de céans étant compétente, il y a lieu de rejeter l'exception d'incompétence;
Sur le moyen unique
Vu l'article 140 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Attendu que le requérant reproche à l'arrêt attaqué d'avoir « fait une mauvaise application de l'article 140 de 1'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution en ne donnant pas de base légale à sa décision dénuée de tous motifs ou à tout le moins insuffisants » en ce qu'il l'a débouté de sa demande en nullité de la saisie- vente, motif pris de ce que les pièces produites ne sont pas suffisamment probantes alors qu'en vertu de l'article 140 susvisé « le débiteur peut demander la nullité de la saisie portant sur un bien dont il n'est pas propriétaire »;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les pièces produites par l'appelant n'étaient pas « suffisamment probantes » pour établir qu'il n'était pas propriétaire des biens faisant l'objet de la saisie-vente dont il avait demandé la nullité, l'arrêt a retenu que « dès lors c'est à bon droit que le premier juge l'a débouté de sa demande »; que par ces énonciations, la Cour d'appel d'Abidjan, qui n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits, a justifié sa décision au regard de l'article 140 de l'Acte uniforme susvisé; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé;
Attendu que le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette l'exception d'incompétence;
Rejette le pourvoi
Condamne le requérant aux dépens.
Le Président Le Greffier en chef
Note
Après avoir précisé la sphère de sa compétence, ce qui ne fait que conforter sa position, en la matière (voy-Juris ohada N°2/03 p.2; Juris ohada N° 1/02 p.8 et 11) 1, la CCJA, rappelle que la contestation de la propriété des biens saisis par le débiteur, conformément à l'article 140 de l'Acte uniforme portant voies d'exécution, ne peut aboutir que si le débiteur saisi démontre qu'il n'est pas le propriétaire desdits biens.
Et il en est ainsi lorsque les pièces produites ne sont pas suffisamment probantes.
En exécution d'une décision de condamnation de la Cour suprême en date du 16 décembre 1999, le défendeur au pourvoi a entrepris le recouvrement de diverses sommes d'argent au préjudice du requérant, en faisant pratiquer une saisie-vente le 20 juin 2000, sur les biens trouvés au domicile du débiteur.
Suite au refus d'une demande en distraction de biens saisis, formulée par des tiers prétendant être propriétaire desdits biens, le débiteur saisi initia une demande en nullité de la saisie, arguments pris de ce qu'il n'était pas propriétaire des biens saisis, en application de l'article 140 de l’Acte uniforme précité.
Déboute par le Président du tribunal, la Cour d'appel, saisie en appel, confirma l'ordonnance.
Le requérant reproche à la Cour d'appel d'avoir fait une mauvaise application de l'article 140, en le déboutant de sa demande au motif que les pièces produites (pour attester qu'il n'est pas propriétaire des biens saisis) ne sont pas suffisamment probantes.
Pour rejeter le pourvoi, la CCJA a fait allusion au pourvoi souverain des juges d'appel qui en ont usé pour apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits, éléments qui datent d'avant la saisie vente, suite à des cessions de biens opérés par le requérant dont il était propriétaire, en tout cas devant toute la durée du procès qui a abouti à l'arrêt de condamnation de la Cour suprême.
Dès lors, on peut se demander le pourquoi de ces cessions par le requérant, si ce n'est pour dissimuler son patrimoine afin de faire échec à l'exécution de la décision, qu'il savait ne pas être en sa faveur, avant l'arrêt même de condamnation.
Le caractère non probant des actes de cession, du côté du requérant, ne procède-t-il pas du but non avoué des dites cessions.
Sans apparaître clairement, le caractère non probant pourrait trouver explication de ce côté là.
BROU Kouakou Mathurin

1 Ohadata D-03-19; Ohadata J-02-05; Ohadata J-02-07.