J-05-263
VOIES D’EXECUTION – PROCEDURE DE RECOUVREMENT ACCELERE DE CREANCE – ARRET RENDU EN CASSATION PAR LA COUR SUPREME – SAISIE SUR LA BASE DE CET ARRET – REGULARITE DES SAISIES (non).
Les saisies effectuées sur la base de décisions rendues par la Cour Suprême dans des matières relevant de la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage sont irrégulières car lesdites décisions sont juridiquement inexistantes.
(Cour d’Appel d’Abidjan Chambre Civile et Commerciale arrêt n° 617 du 08 juin 2004, CFAO (Mes FADIKA DELAFOSSE, K. FADIKA, C. KACOUTIE A. ANTHONY-DIOMANDE) c/ OUEDRAOGO BROUREIMA et autres).
LA COUR,
Oui le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 10 mars 2004 comportant ajournement au 23 mars 2004, la Compagnie Française de l'Afrique de l'Ouest dite CFAO, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal et ayant pour conseil maîtres M. FADIKA-DELAFOSSE, K. FADIKA, C. KACOUTIE, A. Anthony-DIOMANDE, Avocats à la Cour, a relevé appel de l'ordonnance de référé n° 1152 rendue le 27 février 2004 par la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan qui, en la cause, a statué ainsi qu'il suit :
"Statuant en audience publique, par décision contradictoire, en matière d'urgence et en premier ressort;
Rejetons l’exception d’irrecevabilité soulevée par le défendeur;
Recevons la demande de la CFAO;
Nous nous déclarons incompétent pour apprécier le régularité des décisions critiquées;
Donnons acte à OUEDRAOGO BOUREIMA de ce qu'il lève la main de la saisie pratiquée entre les mains, de la BICICI;
Cantonnons en conséquence la saisie -attribution à celle pratiquée les mains de le SGBCI;
Ordonnons l'exécution provisoire....";
Il ressort des énonciations de l'ordonnance entreprise que par exploit en date du 28 Janvier 2004, la CFAO a fait servir assignation à Mr. OUEDRAOGO BOUREIMA, à la SGBCI, à la BICICI d’avoir, à comparaître par devant la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan à l'effet de voir ordonner la discontinuation des poursuites engagées par Mr. OUEDRAOGO BOUREIMA;
Au soutien de son action la CFAO a expliqué que dans le cadre de leurs relations d'affaires, elle a vendu à Monsieur OUEDRAOGO BOUREIMA quatre Car pour lesquels il a effectué un Paiement d'acompte de 120.000.000 F en s'engageant à payer le reliquat soit 120.00O.000 F par quinze (15) traites d'un montant de 8.984.300 F chacune;
Cependant, a-t-elle, déclaré, seules cinq traites ont été honorées et par la suite, Mr. OUEDRAOGO a fait intervenir la Société PRNCI dont il est le créancier, laquelle a émis deux chèques d'un montant total de 2.000.000 F dont l'un est revenu impayé;
Finalement après plusieurs paiements effectués par la Société PRNCI, le solde reliquataire est revenu à 12.757.930 Francs que Mr. OUEDRAOGO se refuse à payer;
Elle a dû solliciter sa condamnation par ordonnance d'injonction de payer datée du 20 Juillet 2000 laquelle a été rétractée par jugement sur opposition du 14 Juin 2004; sur son appel la Cour d’Appel de DABOU, par arrêt n° 447/01 du 19/12/2001 a infirmé ledit jugement et a ramené le montant de la condamnation à la somme de 10.750.257 Francs;
Mr. OUEDRAOGO BOUREIMA, a poursuivi la demanderesse, a formé un pourvoi contre cet arrêt en sollicitant le sursis à son exécution; ce qui fait obtenir par ordonnance du Président de le Cour Suprême du 4 octobre 2002;
Mais le pourvoi de Mr. OUEDRAOGO BOUREIMA ayant été rejeté par arrêt du 14/11/2002, elle a entrepris l'exécution de l'arrêt de la Cour d'Appel, c'est alors que ce dernier va ressaisir la Cour Suprême d'une demande en rétractation de son arrêt du 14/11/20O2 avec le sursis à l’exécution entreprise;
Mais, a poursuivi la CFAO, sur le fondement de l'article 32 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution, elle a poursuivi l'exécution en signifiant à son débiteur un procès-verbail de saisie vente suivie d'ure sommation d'avoir à assister à la vente;
Suite à cette sommation M. OUEDRAOGO a saisi la juridiction Présidentielle d’une requête en date du 10 Avril 2002 aux fins de mainlevée de le saisie pratiquée et par ordonnance n° 036/03 du 16 Avril 2003 la Cour Suprême a annulé la sommation d'assister à la vente et ordonné la restitution des véhicules, alors même que, prétendait la CFAO elle n'était pas compétents à le faire;
Bien que les cars seront restitués le 18 Avril 2003 à M. OUEDRAOGO ce dernier, selon la CFAO, va de nouveau saisir la Cour Suprême en vue de la restitution desdits véhicules, ce à quoi la même Cour Suprême fera droit en annulant à nouveau la sommation d'assister à la vente et a ordonné la restitution des véhicules sous astreinte comminatoire de 2.000.000 F par jour de retard; laquelle astreinte sera liquidée à la somme de 20.000.000 Francs par ordonnance n° 117/2003 du 15/12/2003;
C'est en exécution de cette décision que les saisies litigieuses ont été pratiquées entre les mains de la SGBCI et de la BICICI, pour avoir Paiement de la somme de 23.182.484 francs;
Aussi, estiment que les sommes saisies entre les mains de la SGBCI suffisant à payer entièrement les sommes réclamées, la CFAO a soutenu que la saisie entre les mains de la BICICI n'est pas nécessaire et doit être en conséquence annulée;
La décision querellée après d'être déclarée incompétente pour apprécier la régularité de la décision rendue par la cour Suprême, a donné acte à Monsieur OUEDRAOGO BOUREIMA de ce qu'il procède à la mainlevée volontaire de la saisie entre les mains de la BICICI;
Au soutien de son appel, la CFAO qui reprend ses moyens développés devant le premier juge estime que les ordonnances rendues par la Cour Suprême l'ayant été en violation des dispositions de l'article 49 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d’exécution, sont nulles donc inexistantes et que, de ce fait, toute exécution fondée sur celle –ci est conséquemment nulle;
Ainsi la décision dont l'exécution est poursuivie étant fondée sur une ordonnance nulle, elle est aussi nulle et de nul effet et ne peut donc faire l'objet d'aucune exécution forcée;
La CFAO conclut donc à l'infirmation de l'ordonnance entreprise, et la discontinuation des poursuites entreprises;
L'intimée ne produit en cause d'appel ni pièces ni conclusions;
DES MOTIFS
Toutes les parties ayant comparu, il convient de statuer contradictoirement;
EN LA FORME
L'appel de la CFAO ayant été relevé conformément aux prescriptions légales, il convient de le déclarer recevable;
AU FOND
En l'espèce, la CFAO conteste les saisies -attributions pratiquées sur ses comptes à la SGBCI et à la BICICI en ce que ces saisies ont été pratiquées en, exécution de décisions de restitution de véhicules sous astreinte comminatoire et, conséquemment, de liquidation d'astreinte, illégalement rendues par la cour Suprême;
En effet, selon l’appelante, ces décisions intervenues en matière commerciale, sont de la compétence de la cour commune de justice et d’arbitrage;
Il n’est pas contesté que M. OUEDRAOGO BOUREIMA et la CFAO étaient liés par des relations d’affaires et que c’est à l’occasion de ces relations qu’est né le litige qui les oppose présentement;
Or conformément aux dispositions combinées des articles 2, 10, 14 du traité OHADA seule la Cour Commune de Justice et d’arbitrage est compétente, pour statuer sur pourvoi en cassation, dans les matières concernées par ledit traités;
Dès lors, toute décision rendue en cette matière par toute juridiction incompétente, fut-elle suprême, doit être considérée comme juridiquement inexistante;
C’est donc à tort que le premier juge s'est déclarée incompétent pour apprécier la régularité des décisions dont l'exécution est entreprise, alors que, compétent en application des dispositions de l'article 49 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution, la juridiction présidentielle pouvait, conformement à la jurisprudence constante de la Cour Commune de Justice et d'arbitrage, constater l'irrégularité de la décision de la Cour Suprême;
Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise et, statuer à nouveau, déclarer la juridiction Présidentielle compétente;
Sur les contestations soulevées, il convient de constater que la Cour Suprême n'a pu valablement prendre une décision dans une matière ne relevant pas de sa compétence; de sorte que cette décision inexistante en droit n'a pu produire aucun effet juridique;
Il échet en conséquence d'ordonner la main levée des saisies pratiquée en vertu de ces décisions;
L'intimé qui succombe en cause d'appel doit- être condamné aux dépens en application de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare recevable l'appel régulièrement relevé Par la CFAO-C :I de l’ordonnance de référé n° 1152/2004 rendue le 27/02/2004 par le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
AU FOND
L’y dit bien fondée;
Infime l’ordonnance entreprise;
Statuant à nouveau;