J-05-346
ARBITRAGE – SENTENCE ARBITRALE – EXECUTION FORCEE – EXEQUATUR – JUGE COMPETENT POUR PRONONCER L’EXEQUATUR.
La juridiction compétente pour prononcer l’exequatur d’une sentence arbitrale est la Cour commune de justice et d’arbitrage et non le tribunal d’Abidjan.
Article 25 DU TRAITE OHADA
Cour d’appel d’Abidjan, arrêt n° 741 du 2 juillet 2004, Plaza-Center c/ société de coordination et d’ordonnancement Afrique de l’ouest, Actualités juridiques n° 48, 2005, p. 124, note Komoin François. Actualités Juridiques 2005 N° 48
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les Parties en leurs conclusions;
Ouï le Ministère Public en ses écritures du 08 Mai 2004 concluant à l’incompétence du Tribunal d’Abidjan;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que suivant exploit en date du 14 mai 2003, la société Civile Immobilière PLAZA – CENTER représentée par son directeur général NEDJAR Gibert et ayant pour conseil Maître MOHAMED LAMINE FAYE, Avocat à la Cour a relevé appel du jugement civil n° 1411 rendu le 31 juillet 2002 par la 3è Chambre Civile du n° 1411 rendu le 31 juillet 2002 par la 3è chambre Civile du Tribunal de Première Instance d’Abidjan dont le dispositif est ainsi conçu :
"Déclare la société de coordination et d’Ordonnancement d’Afrique de l’ouest "dite SCO" recevable en son action;
"L’y dit partiellement fondée;
Déclare exécutoire la sentence arbitrage rendue le 26 avril 2001 par Monsieur BAMBA Moussa;
"Déboute la SCO du surplus de ses prétentions;
"Condamne la SCI FLAZA CENTER aux dépens."
Considérant qu’aux termes de son acte d’appel valant premières conclusions, la SCI PLAZA CENTER expose que par lettre n° 970214 en date du 02 avril 1997, le Ministère du Logement lui a accordé une parcelle de terrain d’une superficie de 2416 M2 sise au plateau objet du titre foncier n° 18501 en vue de la réalisation d’un centre commercial et ce, avec promesse de bail emphytéotique;
Que c’est en exécution de cette attribution, qu’elle a entrepris de constituer le dossier technique préalablement requis pour l’obtention de l’arrêté de concession provisoire avant d’entamer la réalisation de l’opération;
Que s’agissant du dossier technique confié à la société S.CO.A.D. suivant convention en date du 17 juillet 1998, elle a réglé dès la présentation de la première facture un acompte de 18 millions; que la S.C.O. n’ignore pas qu’à ce jour aucune pièce technique ne lui a été remise, ni que l’opération n’a pu être entamée faute d’autorisation administrative préalable; qu’ainsi elle aura déboursé à ce jour 18 millions, en ce qui concerne seulement les études techniques pour une opération dont la réalisation est encore incertaine; que se référant aux articles 11 et 14 de leur convention du 17 juillet 1998, la S.C.O. a requis un arbitrage alors que les conditions requises à cet effet n’étaient pas réunis; que cependant le Tribunal d’Abidjan malgré l’exception d’incompétence par elle soulevée, a rendu par le jugement querellé, exécutoire la sentence arbitrale;
Qu’en effet l’arbitrage 25 du traité OHADA énonce en son alinéa 2 que la Cour commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) a seule compétence pour rendre la décision d’exequatur;
Considérant qu’en réplique la société de coordination d’ordonnancement Afrique de l’ouest dite S.C.O.A.O conclut par le canal de son conseil Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour à la confirmation de la décision querellée; au rejet de l’exception d’incompétence soulevée par l’appelante; et à la validité de la sentence arbitrale en ce qu’elle a précisé les règles de forme et de fond qui la sous-tendent;
Que s’agissant de la procédure d’exequatur, elle est diligentée par voie d’assignation selon les règles de droit commun devant le Tribunal du domicile ou de la résidence du défendeur en Côte-d’Ivoire ou à défaut celui du lieu de l’exécution; Que le siège de la SCI PLAZA CENTER étant au plateau, le Tribunal du plateau est naturellement comptent;
Qu’en ce qui concerne la nullité de la sentence arbitrage en ce qu’elle n’a pas indiqué les règles de procédure et de fond sur lesquelles s’est fondé l’arbitre, elle demande le rejet de cet argument; qu’en effet il ressort de la sentence que l’arbitre a respecté toutes les mentions légales devant y figurer;
Considérant que toutes les parties ont conclu; qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l’appel de la SCI PLAZA CENTER intervenu dans les forme et délai légaux doit être déclaré recevable;
Sur l’exception d’incompétence
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier que l’appelante a excipé de l’incompétence du tribunal d’Abidjan à connaître de la procédure d’exequatur de la sentence arbitrale querellée;
Que devant une telle situation, le Tribunal d’Abidjan devait se déclarer incompétent conformément aux dispositions de l’article 23 du traité de l’OHADA relatif à l’arbitrage ainsi libellé "tout Tribunal d’un Etat partie saisi d’un litige que les parties étaient convenus de soumettre à l’arbitrage se déclarera incompétent si l’une des parties le demande et renverra, le cas échéant, à la procédure d’arbitrage prévue au présent traité;"
Que par ailleurs, aux termes de l’article 25 du même traité; les sentences arbitrales ne peuvent faire l’objet d’une exécution forcée qu’en vertu d’une décision d’exequatur dont a seule compétence la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A);
Qu’au regard de ce précède, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de dire que le tribunal d’Abidjan est incompétent pour connaître de la demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort;
Déclare l’appel de la SCI PLAZA CENTER recevable;
L’y dit bien fondé;
Infirme le jugement entrepris;
Statuant à nouveau
Dit que le Tribunal d’Abidjan est incompétent; Met les dépens à la charge de l’intimé.
Président : M. KOUAME Krah (Rapporteur)
Conseillers : M. DAFFOT Jonas
M. KOUASSI Kouakou
Greffier : Me OUATTARA Karim
Note
L’arrêt ci-dessus reproduit concerne la détermination du juge compétent pour connaître de l’exequatur d’une sentence arbitrale. L’une des parties, la SCI PLAZA CENTER estimait que cette compétence était exclusivement réservée par l’article 25 du traité OHADA à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage tandis que l’autre, la S.C.O.A. en attribuait la compétence du tribunal d’Abidjan, tribunal du domicile du défendeur. Pour les départager, la cour d’appel a épousé le point de vue de la SCI PLAZA center et attribué la connaissance de la procédure d’exequatur à la CCJA sur le fondement des articles 23 et 25 de l’Acte Uniforme relatif à l’arbitrage improprement appelé traité de l’OHADA relatif à l’Arbitrage.
Cette décision appelle les observations suivantes :
1 – les textes visés semblent erronés. En effet l’article 23 de l’acte Uniforme relatif à l’arbitrage avancé par la cour n’a pas le contenu qu’elle lui a prêté. Il est plutôt ainsi libellé «la sentence arbitrale a dès qu’elle est rendue l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche»… Il en va de même pour l’article 25 qui est plutôt relatif aux recours susceptibles d’être exercés à l’encontre de la sentence arbitrale. Les articles 23 et 25 visés par la Cour sont plutôt ceux contenus dans le traité instituant l’OHADA.
2 – la décision, au delà du caractère erroné de son fondement légal semble vouloir ne reconnaître qu’à la seule CCJA la compétence pour connaître des instances d’exequatur. Il convient de faire observer que si tel est le cas pour les sentences arbitrales rendues sous l’égide de cette haute juridiction, il n’en va ainsi pour les sentences rendues sous l’égide d’une institution nationale d’arbitrage ou suivant une procédure d’arbitrage ad hoc A l’égard de celle-ci, l’exequatur n’a pas été réservé à la CCJA.
Dr KOMOIN François
Magistrat