J-05-178
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL – BAIL CONCLU PAR UNE SOCIÉTÉ D'ETAT – NATURE – BAIL COMMERCIAL (OUI) – LITIGE – COMPÉTENCE DES JURIDICTIONS DE DROIT COMMUN.
DROIT COMMERCIAL GÉNÉRAL – BAIL COMMERCIAL – RÉSOLUTION JUDICIAIRE – PREUVE.
– Le Port Autonome d'Abidjan, Société d'Etat, étant soumis au traité OHADA (art 1er Acte uniforme relatif aux Sociétés Commerciales et art 1er portant droit commercial général), le bail conclu est un bail commercial. Dès lors, les conflits qui en découlent relèvent de la compétence des juridictions de droit commun.
– Le contrat liant les parties ayant été judiciairement résolu, c'est à tort que le premier juge a dit que la preuve de la résolution n'était pas faite et a ordonné l'arrêt des travaux.
Article 1 AUSCGIE
Article 1 AUDCG
(Cour d'Appel d'Abidjan, Chambre Civile et Commerciale Arrêt N° 904 du 08 Juillet 2003 , Port autonome d’Abidjan c/ Société Trans-Ivoire, Le Juris Ohada n°4/2004, p. 51).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Vu l'arrêt avant-dire-droit n° 1266 du 17/12/2002 de la Cour d'Appel de céans;
Considérant que le Port Autonome d'Abidjan expose que suivant cahier des charges signé le 10 juin 1976, il avait autorisé la Société TRANS-IVOIRE à occuper le lot 212 de la zone des entrepôts de la digue de Vridi, moyennant redevance annuelle;
Que la Société Trans-ivoire s'est vue retirer, par décision du 04 mars 2002, l'autorisation d'occupation dudit lot pour non exploitation de !'entrepôt attribué et accumulation d'arriérés de redevance;
Qu'ayant entrepris des travaux' d'entretien et d'aménagement sur le lot 212, conformément à sa mission de gestion du domaine public portuaire concédé il a été assigné en référé pour voir lesdits travaux arrêtés sous astreints;
Que bien qu'ayant plaidé l'incompétence du juge des référés, celui-ci a rendu la décision attaquée;
Qu'il en demande l'infirmation;
Que pour y parvenir, l'appelante fait valoir d'une part la violation du principe du contradictoire;
Qu'à cet égard, il fait savoir que la Société TRANS-IVOIRE a déposé après la clôture des débats, une note en délibéré qui compte des moyens nouveaux qui n'ont pas été contradictoirement débattus à l'audience;
Que, d'autre part le Port Autonome d'Abidjan l'article 221 du code de procédure et commerciale dispose que les Tribunaux de Première Instance et leurs sections détachées (ou le juge des référé, administratives et fiscales pour lesquelles compétence n'est pas attribuées expressément à une autre juridiction en raison de la nature de l'affaire;
Qu'il ajoute que le décret-loi du 17 juin 1938, en son article 1er détermine expressément comme acte administratif, tout contrat comportant occupation du domaine public et le soumet à un régime juridique et contentieux de droit administratif;
Que tout contrat comme en l'espèce portant sur le domaine public est un contrat administratif par détermination de la loi;
Que les contrats administratifs ont des caractères propres qui écartent les principes du droit civil;
Que le juge des référés a fait une mauvaise interprétation du décret n° 2001-143 du 14 mars 2001;
Que selon le Port Autonome d'Abidjan, le décret n° 2001-143 du 14 mars 2001 approuvant les statuts du Port en son article 1er énoncé simplement que le Port Autonome d'Abidjan est spécifiquement régi en tant que société d'Etat par la loi n° 97-519 du 04 septembre 1997 et ses décrets d'application puis seulement en cas de besoin par les dispositions d'ordre général applicables aux sociétés commerciales qui ne sont pas contraires à celles de la loi n° 97-519 du 04 septembre 1997;
Qu'il ne s'est nullement agi de mettre une société d'Etat sous l'empire d'un texte relatif aux sociétés de commerce;
Qu'en ce qui concerne l'article 70 de l'Acte Uniforme relatif au droit commercial général, l'appelant fait valoir que son sens est de dire que les dispositions du bail commercial sont applicables aux personnes morales de droit public, à caractère industriel et commercial ainsi qu'aux sociétés de capitaux publics, lorsque bien entendu celles-ci sont propriétaires des immeubles rentrant dans les catégories de l'article 69 et qu'elles contractent conformément à l'article 71;
Que par contre dans le cadre d'une mission de service public, la personne morale publique conserve son droit d'user des prérogatives de puissance publique dans ses relations avec les particuliers, de sorte que le contrat conclu sera de type administratif, intéressant la justice administrative;
Que subsidiairement, l'appelant soutient que contrairement aux motifs de l'ordonnance attaquée, 1 a Société Trans-ivoire a expulsée par jugement contradictoire n° 88 du 27 mars 1995, rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan signifié le 19 septembre 1995;
Que ledit jugement avait au préalable ordonné la résolution judiciaire du contrat liant les parties;
Que la Société Trans-ivoire est donc une occupante sans titre;
Considérant que la Société Trans-ivoire concluant par Maître KAKOU DELPHINE explique que suivant autorisation du 10 juin 1976 du Port Autonome d'Abidjan, Société d'Etat, elle occupe un lot de 10.374 mètres carrés dans la zone des entrepôts de la digue de Vridi, contre paiement d'une redevance annuelle;
Que ce bail lui a été consentit pour une durée de 30 ans et prend fin en l'an 2006;
Qu'elle a érigé sur le lot, des entrepôts qui ont coûté plus de 300.000.000 de F/CFA;
Que par courrier n° 000507/DG/DD/DPF/SAF/AT/DMC du 04 mars 2002, le Port Autonome d'Abidjan lui a demandé de quitter les lieux et d'y enlever les ouvrages par elle bâtis, au motif qu'elle ne mènerait plus d'activités sur le lot depuis plusieurs années et qu'elle aurait accumulé des arriérés de loyers de 7.938.000 F/CFA;
Qu'elle s'est empressée, d'une part, de s'acquitter régulièrement de cette somme à elle réclamée par le Port Autonome d'Abidjan, bien que l'estimant injustifiée et d'autre part, elle a informé le Port Autonome d'Abidjan de ce qu'elle n'a jamais cessé d'utiliser le lot pour ses activités déclarées et connues;
Que de façon surprenante, par courrier n° 001811/DG/DD/DPF/SAF/DMC daté du 03 juillet 2002, le Port Autonome persévérait dans s,a volonté de la voir quitter les lieux en invoquant cette fois, une prétendue dette de 17.021.260 F/CFA;
Qu'en réponse à ce courrier, elle (l'intimée) faisait la preuve de ce qu'elle ne devait pas en ce montant;
Que suivant un troisième courrier n° 00/1939/DG/DD/DPF/SAF/AT/DMC daté du 16 juillet 2002, le Port Autonome d'Abidjan tout en invoquant cette fois-ci, des arriérés de 13.021.260 F/CFA et une utilisation de l'entrepôt de l'intimée par la SDV-CI eu du cahier de charges, persistant dans sa volonté de lui retirer le lot;
Que tout comme les premiers motifs qui n'ont pas prospéré, ces deux autres raisons sont non fondées;
Que la Société trans-ivoire en a informé le Port Autonome d'Abidjan;
Que mettant ses menaces à exécution, le Port Autonome d'Abidjan a entrepris des travaux sur les lieux occupés;
Qu'il s'agit 1à d'une véritable voie de fait commise par le Port Autonome d'Abidjan dont les conséquences seront dommageables aux intérêts de l'intimée;
Que c'est donc ces circonstances qu'elle a saisi la juridiction présidentielle qui a rendu la décision attaquée;
Considérant que les faits ainsi rappelés, la Société Trans-ivoire soutient que le principe du contradictoire n'a pas été violé;
Qu'elle fait savoir qu'elle n'a pas déposé de note de plaidoirie sinon une note en délibéré qui a été communiquée au Port Autonome d'Abidjan le 10 septembre 2002;
Que s'agissant de l'incompétence des tribunaux de droit commun, l'intimée soutient que ce moyen ne saurait prospérer car il s'agit d'un contrat qui relève de la matière civile et commerciale;
Qu'en l'espèce c'est le Traité de l'OHADA qui régit les rapports entre les deux parties;
Que s'agissant de traité, aucun décret ne peut y préjudicier sans porter atteinte à la hiérarchie des normes juridiques;
Que l'article 70 de l'Acte Uniforme OHADA portant sur le Droit Commercial Général dispose : «les dispositions du présent titre sont également applicables aux personnes morales de droit public à caractère industriel ou commercial, et aux sociétés à capitaux publics, qu'elles agissent en qualité de bailleur ou de preneur»;
Que cette disposition du Traité ne laisse aucun doute sur la compétence du juge de droit commun et sur l'application dudit traité en l'espèce;
Que dès lors, le Port Autonome d'Abidjan ne peut l'expulser en dehors de toute procédure sans violer les dispositions du Traité OHADA;
Qu'en conséquence l'intimée demande la confirmation de l'ordonnance querellée;
Considérant que le Ministère Public qu'a reçu communication du dossier conclut à la confirmation de l'ordonnance attaquée;
SUR CE
Sur le principe du contradictoire;
Considérant que le juge doit observer le principe de la contradiction et ne peut retenir dans sa décision que les explications qu'il a recueillies contradictoirement;
Considérant qu'il résulte de la note en cours de délibéré déposé par la Société Trans-Ivoire devant le premier juge qu'il s'agit de préciser les moyens déjà exposés
par le demandeur à l'audience du 02 septembre 2002
Que de surcroît cette note en cours de délibéré a été communiquée à la partie adverse, le Port Autonome d'Abidjan;
Que dès lors le moyen tiré de la violation du principe du contradictoire soulevé par le Port Autonome d'Abidjan ne saurait prospérer;
Sur la compétence des juridictions de droit commun;
Considérant que le Port Autonome d'Abidjan est une Société d'Etat ainsi qu'il en résulte de la loi n° 97-519 du 04 septembre 1997;
Qu'en tant que telle, le Port Autonome d'Abidjan est soumis au traité OHADA (sic) ainsi qu'il en résulte de l'article 1er de l'Acte Uniforme relatif aux Société Commerciales et Groupement d'intérêt économique et de l'article 1er de l'Acte Uniforme portant Droit Commercial Général;
Que dès lors le bail conclu par le Port Autonome d'Abidjan avec la Société Trans-Ivoire est un bail commercial et les conflits qui en découlent relèvent de la compétence des juridictions de droit commun;
Que cela est d'autant plus justifié que le Port Autonome d'Abidjan de Première Instance d'Abidjan qui a rendu le 27 mars 1995, le jugement N° 88;
Qu'il s'en suit que c'est à bon droit que la juridiction présidentielle du Tribunal d'Abidjan a retenu sa compétence;
Sur la résolution du bail liant les parties;
Considérant qu'il résulte des productions que par le jugement n° 88 du 27 mars 1995 signifié le 19 septembre 1995 à la société Trans-Ivoire liant les parties a été judiciairement résolu;
Considérant que la Société Trans-Ivoire ne nie pas cela et ne dit pas si ce jugement a été frappé d'appel;
Considérant que dans ces conditions c'est à tort que le premier juge a dit que le Port Autonome d'Abidjan ne fait pas la preuve de la résolution du contrat le liant à l’intimée et en tirant 1es conséquences a ordonné l'arrêt des travaux entrepris par le Port autonome d'Abidjan alors que cela ne constitue pas de voie de bail (fait ?);
Qu'il convient en conséquence de reformer la décision entreprise sur ce point
Sur les dépens;
Considérant que la Société Trans-ivoire qui succombe doit supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Vu l'arrêt avant dire droit n° 1266 du 17/12/2002 de la Cour d'Appel de céans;
Déclare partiellement fondé l'appel relevé par le Port Au de l'ordonnance de référé n° 4467 rendue le 13 septembre 2002 Présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
Reformant partiellement ladite ordonnance;
Dit que le contrat liant les parties a été judiciairement résolu;
En conséquence déboute la Société Trans-ivoire de sa demande de cessation de voie de fait;
La condamne aux dépens distraits au profit de Maître MATY FLORENCE HAMZA, Avocat aux offres de droit.
Présidente : Mme BLE SAKI IRENE