J-05-188
C. C.J.A – RECOURS CONTRE UNE DÉCISION D'UNE JURIDICTION NATIONALE STATUANT EN CASSATION – CONDITION – INCOMPÉTENCE SOULEVÉE AU PRÉALABLE DEVANT LADITE JURIDICTION – OBSERVATION (NON) – IRRECEVABILITÉ.
Le recours, exercé devant la CCJA contre une décision d'une juridiction nationale statuant en cassation, doit être déclaré irrecevable dès lors que l'incompétence de ladite juridiction n'a pas, au préalable, été soulevée devant celle-ci.
(CCJA, ARRET No 06/2005 du 27 janvier 2005, Murielle Corinne Christèle KOFFI et Sahouot.Cédric KOFFI c/ La Société ECOBANK , Le Juris Ohada n° 1/2005, janvier-mars 2005, p. 16. – Recueil de jurisprudence, n° 5, janvier-juin 2005, volume 1, p. 8 ).
LA COUR,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour le 27 novembre 2002 et formé par M.C.C.K et S.C.K, enfants de feu V, lesquels élisent domicile au cabinet de Maître Georges Patrick VIEIRA, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan, Plateau Indénié, au 3, Rue des Fromagers, immeuble CAPSY, Indénié, 1er étage à gauche, 01 B.P. 159 Abidjan 01, dans la cause les opposant à la Société ECOBANK dont le siège est à Abidjan- Plateau, Avenue Terrassons de Fougères, 01 B.P. 4107 Abidjan 01 et ayant pour conseils la SCPA AHOUSSOU, KONAN et Associés, Avocats à la Cour y demeurant 19, Boulevard Angoulvant, Résidence «Neuilly>}, 1 er étage aile gauche 0 1 BP. 1366 Abidjan 01, en annulation de l'Arrêt n° 641 du 17 octobre 2002 de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire dont le dispositif est le suivant :
«Ordonne la discontinuation des poursuites contre la Société ECOBANK en vertu de l'Arrêt n° 1047 en date du 9 août 2002 rendu par la Cour d'appel d'Abidjan chambre civile;
Laisse les frais à la charge du Trésor Public»;
Les requérants invoquent à l'appui de leur pourvoi trois moyens d'annulation tels qu'ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 18 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA ,
Attendu que comme rappelé ci-dessus, Maître Georges Patrick VEIRA, Avocat à la Cour d'appel d'Abidjan a formé le 27 novembre 2002 au nom de M.C.C.K et S.C.K, ayants droit de feu V, un pourvoi en annulation de l'Arrêt n° 641 rendu le 17 novembre 2002 par la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE dans l'affaire opposant les susnommés à la Société ECOBANK S.A;
Attendu que par correspondance n° 007/2003/G du 10 janvier 2003, le Greffier en chef de la Cour a notifié le recours sus indiqué à la Société ECOBANK, défenderesse et lui a indiqué qu'elle disposait de 3 mois pour présenter un mémoire en réponse par l'entremise d'un avocat;
Attendu que le Greffier en chef de la Cour a notifié, par lettre n° 145/2003/0s au conseil des demandeurs le mémoire en réponse déposé le 14 avril 2003 par la SCPA AHOUSSOU,
KONAN et Associés, Avocats à la Cour d'appel d'Abidjan, pour le compte de la Société ECO BANK, S.A;
Attendu que Maître Georges Patrick VIEIRA, par lettre n° T134/VO/AB du 3 juin 2003, adressée au Greffier en chef de la Cour, a informé celui-ci de son déport dans ladite procédure, «parce que les demandeurs l'ont dessaisi de leurs dossiers»;
Attendu qu'à son tour, le Greffier en chef de la Cour a informé le 2 décembre 2003 les demandeurs au pourvoi du déport de leur conseil Maître Georges Patrick VIEIRA et les a invités à se constituer un autre conseil pour le suivi de l'affaire les opposant à la Société ECOBANK SA;
Attendu que suite à la correspondance qu'il a adressée aux défendeurs pour leur notifier le déport de Maître Georges Patrick VIEIRA, le Greffier en chef de la Cour a reçu le 4 décembre 2003 de Maître SONTE Emile, Avocat à la Cour d'appel d'Abidjan, une lettre l'informant de sa constitution au soutien des intérêts des ayants droit de feu V et invitant le Greffier en chef à lui communiquer le dossier de l'affaire «pour lui permettre de préserver efficacement les intérêts de ses clients »;
Attendu que par lettre n° 617/2003/G5 du 17 décembre 2003, le Greffier en chef a notifié son refus d'accéder à sa demande à l'Avocat et a prié ce dernier de s'adresser à son confrère maître Georges Patrick VIEIRA ou d'utiliser toute autre voie pour l'obtention des documents demandés;
Attendu que faute de réaction de Maître SONTE aux recommandations rapportées ci- dessus du Greffier en chef de la Cour, ce dernier a fait connaître à l'Avocat qu'il lui est à nouveau imparti un délai de 15 jours pour présenter d'éventuelles observations ou pour déposer toutes écritures pour le compte des demandeurs au pourvoi; que malgré cela, le conseil des ayants droit de feu V s'est contenté de réitérer sa demande initiale;
Attendu qu'il résulte de toutes les démarches ci-dessus rapportées du Greffier en chef de la Cour que le dossier est en état et que le principe du contradictoire a été respecté; qu'il y a donc lieu d'examiner le recours;
Sur la recevabilité du recours en annulation
Vu l'article 18 du Traité susvisé;
Attendu que la défenderesse, dans son mémoire en réponse, demande à la Cour de
céans de déclarer irrecevable le recours exercé par M.C.C.K et S.C.K, ayants droit de feu V au motif que la voie de recours prévue à l'article 18 susvisé n'est ouverte qu'à la partie qui après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation, estime que malgré l'exception soulevée, la juridiction nationale a statué en méconnaissance de la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'aux termes de l'article 18 du Traité susvisé, «Toute partie qui, après avoir soulevé l'incompétence d'une juridiction nationale statuant en cassation estime que cette juridiction a, dans un litige la concernant, méconnu la compétence de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage peut saisir cette dernière dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision contestée;
La Cour se prononce sur sa compétence par arrêt qu'elle notifie tant aux parties qu'à la juridiction en cause;
Si la Cour décide que cette juridiction s'est déclarée compétente à tort, la décision rendue par cette juridiction est réputée nulle et non avenue.»;
Attendu qu'il résulte de l'analyse des dispositions sus énoncées que la Cour de céans ne peut être saisie d'un recours dirigé contre une décision rendue par une juridiction nationale statuant en cassation, en application de l'article 18 susvisé" qu'à la condition que l'incompétence de ladite juridiction nationale ait été soulevée au préalable devant celle-ci;
Attendu qu'en l'espèce les requérants ont formé un recours en annulation de l'Arrêt précité devant la Cour de céans, sur le fondement de l'article 18 susvisé du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, sans avoir au préalable soulevé l'incompétence de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire; qu'il s'ensuit que leur recours doit être déclaré irrecevable;
Attendu que M.C.Ç.K et S.C.K ayant succombé, doivent être condamnés aux dépens; PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable le recours en annulation formé par M.C.C.K et S.C.K contre l'Arrêt n° 641 rendu le 17 octobre 2002 par la Cour Suprême de la République de Côte d'Ivoire;
Président : M. Antoine Joachim OLIVEIRA