J-05-278
CCJA – POURVOI EN CASSATION – ARRET D’IRRECEVABILITE DU POURVOI – DEMANDE DE SUPSENSION DE L’ARRET D’IRRECEVABILITE JUSQU’AU JUGEMENT A RENDRE SUR OPPOSITION A UNE ORDONNANCE D’INJONCTION DE RESTITUER.
Les articles 46, 23 et 27 du Règlement de procédure, tout en admettant qu’une exécution forcée d’un arrêt de la CCJA ne peut être suspendue qu’en vertu d’une décision de cette haute juridiction, renvoient aux règles de procédure civile en vigueur dans l’Etat partie où une décision de la CCJA doit être exécutée; il résulte du droit interne de la procédure civile ivoirienne que le simple exercice d’une voie de recours ne saurait constituer, à lui seul, un motif de suspension de l’exécution d’un arrêt de la CCJA du 6 novembre 2003.
Article 23 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
Article 27 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
Article 46 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
Article 181 CODE DE PROCEDURE CIVILE IVOIRIEN
Article 214 CODE DE PROCEDURE CIVILE IVOIRIEN
(CCJA, ORDONNANCE N° 5/2004 DU 7 JUILLET 2004, Dramera Mamadou c/ Société générale de financement par crédit-bail (SOGEFIBAIL), Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 4, juillet-décembre 2004, p. 54; Jurisprudence commentée de la CCJA, Octobre 2005, n° 1, p. 46, note Félix Onana Etoundi).
Pourvoi n° 030/2004/PC du 08/03/2004
AFFAIRE : Monsieur DRAMERA Mamadou (Conseils : SCPANAMBEYA-DOGBEMIN & Associés, Avocats à la Cour) Contre Société Générale de Financement par Crédit-Bail dite SOGEFIBAIL (Conseils : Maîtres Charles DOGUE, Abbé YAO & Associés, Avocats à la Cour)
L'an deux mille quatre et le sept juillet
Nous, Seydou BA, Président de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA
Vu les dispositions de l'article 46 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitragedel'OHADA;
Vu la requête enregistrée le 08 mars 2004 au greffe de la Cour de céans sous le numéro 030/2004/PC par laquelle Monsieur DRAMERA Mamadou, ayant pour conseils la SCPA NAMBEYA-DOGBEMIN et Associés, sise à Abidjan-Cocody, cité des Arts 323 logements, Bâtiment Dl, 04 BP 968 Abidjan, 04, demande« la suspension de l'Arrêt» d'irrecevabilité n° 19/2003 rendu le 06 novembre 2003 jusqu'à ce qu'il soit statué sur le mérite d'une nouvelle opposition qu'il a initiée contre l'Ordonnance d'injonction no503/2000 rendue le 24 janvier 2000, par le Président du Tribunal de première instance d'Abidjan, lui faisant injonction de restituer divers matériels à la SOGEFIBAIL, laquelle ordonnance ayant été l'objet d'une précédente opposition déclarée irrecevable par jugement no 684 CIV2B du 31 juillet 2000 rendu par le Tribunal de première instance d'Abidjan qui a été infirmée par l'Arrêt no158 du 02 février 2001 rendu par la Cour d'appel d'Abidjan puis confirmé par Arrêt n° 19/2003 rendu par la Cour de céans après cassation par celle-ci de la décision d'appel sus indiquée;
Attendu que le requérant soutient qu'il a, par exploit en date du 07 novembre 2003, formé à nouveau opposition contre l'ordonnance d'injonction no503/2000 du 24 janvier 2000, qui est recevable et aura pour effet de voir annuler l'ordonnance de restituer querellée; qu'il est urgent et nécessaire, pour la sérénité des débats devant le Tribunal de première instance d'Abidjan à nouveau saisi, que la Cour de céans ordonne« la suspension de son Arrêt n° 19/2003 »;
Attendu que la SOGEFIBAIL soutient, d'une part que la requête introduite par Monsieur DRAMERA Mamadou ne remplit pas les conditions édictées par les articles 181, alinéa 3, et 214, alinéa 2, du code ivoirien de procédure civile aux termes desquels « la suspension de l'exécution d'une décision ne peut être ordonnée que si cette décision est de nature à troubler l'ordre public ou doit entraîner un préjudice irréparable ou des conséquences manifestement excessives », d'autre part, que de l'interprétation des dispositions précitées, le simple exercice d'une voie de recours, en l'espèce l'opposition ne saurait constituer une condition de suspension d'une décision de justice devenue définitive et exécutoire et enfin que ladite demande de suspension est manifestement dilatoire tant elle est irrecevable pour cause d'autorité de chose jugée;
Attendu qu'aux termes de l'article 46 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA :
« 1. L'exécution forcée des arrêts de la Cour est régie par les règles de procédures civiles en vigueur dans l'Etat sur le territoire duquel elle a lieu (...).
2. L'exécution forcée ne peut être suspendue qu'en vertu d'une décision de la Cour.
3. Toute demande tendant à surseoir à l'exécution forcée d'une décision de la Cour est présentée dans les conditions prévues aux articles 23 et 27 du présent Règlement. Elle est immédiatement signifiée aux autres parties, auxquelles le Président fixe un bref délai pour la présentation de leurs observations écrites ou orales.
Le président statue sur la demande par voie d'ordonnance motivée et non susceptible de recours. Cette ordonnance est immédiatement signifiée aux parties... »;
Attendu que l'exercice, par Monsieur DRAMERA Mamadou, d'une nouvelle opposition contre l'Ordonnance n° 503/2000 du 24 janvier 2000 ne saurait constituer à lui seul un motif de suspension de l'Arrêt n° 19/2003 rendu par la Cour de céans le 6 novembre 2003; qu'il y a lieu dès lors de rejeter la demande de Monsieur DRAMERA Mamadou;
PAR CES MOTIFS
Rejetons la requête introduite le 08 mars 2004 par Monsieur DRAMERA Mamadou;
Condamnons Monsieur DRAMERA Mamadou aux dépens.
Fait en notre cabinet les jour, mois et an que dessus.
Le Président
Seydou BA
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur
La compréhension de cette ordonnance n’est possible que si la procédure qui l’a précédée est décrite de façon précise.
Le sieur Dramera a fait l’objet d’une ordonnance d’injonction (du 20 janvier 2000) de restituer à la SOGEFIBAIL des biens meubles. Il forma contre cette injonction une opposition qui fut déclarée irrecevable par jugement du 31 juillet 2000 rendu par le Tribunal de première instance d’Abidjan. Ce jugement fut infirmé par arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan du 2 févier 2001. Sur pourvoi en cassation, la CCJA confirma, par arrêt n° 19/2003 du 6 novembre 2003 (Ohadata J-04-118), le jugement du TPI d’Abidjan, à savoir l’irrecevabilité de l’opposition. Après cassation le débiteur de l’obligation de restituer forma, auprès du Président de la CCJA, une demande de suspension de son arrêt d’irrecevabilité au motif qu’il avait introduit une nouvelle opposition à l’ordonnance d’injonction de restituer du 20 janvier 2000 devant le TPI d’Abidjan.
Face à cette demande curieuse, la SOGEFIBAIL faisait valoir que :
– selon le code de procédure civile ivoirien (articles 181, alinéa 3 et 214, alinéa 2), la suspension de l’exécution d’une décision ne peut être ordonnée que si cette décision est de nature à troubler l’ordre public ou à entraîner un préjudicie irréparable ou des conséquences manifestement excessives;
– le simple exercice d’une voie de recours ne saurait constituer une cause de suspension d’une décision de justice devenue définitive et exécutoire et que ladite demande de suspension est manifestement dilatoire et irrecevable pour cause d’autorité de chose jugée.
Le Président de la CCJA, invoquant les articles 46, 23 et 27 du Règlement régissant la procédure devant elle, rappelle que ces textes, tout en admettant qu’une exécution forcée ne peut être suspendue qu’en vertu d’une décision de la CCJA, renvoient aux règles de procédure civile en vigueur dans l’Etat partie où une décision de la CCJA doit être exécutée; il en tire la conclusion (en la puisant dans le droit interne de la procédure civile ivoirienne que le simple exercice d’une voie de recours ne saurait constituer, à lui seul, un motif de suspension de l’arrêt de la CCJA du 6 novembre 2003.
En fait, le juge retient un des arguments de SOGEFIBAIL mais un argument qui n’était q’une interprétation de sa part des textes ivoiriens; on peut s’en étonner dans la mesure où il n’est pas établi, ni par les plaideurs ni par le juge de la CCJA que cette interprétation est bien conforme au droit ivoirien et confirmé par une jurisprudence ou une doctrine dominante.
Pour notre part, nous aurions largement préféré l’argument selon lequel l’arrêt de la CCJA du 6 novembre 2003 avait acquis l’autorité de la chose jugée et conféré celle-ci au jugement du TPI d’Abidjan du 31 juillet 2000.