J-05-361
VOIE D'EXECUTION – SAISIE VENTE – BIENS SAISIS – PROPRIETE DES TIERS – QUALITE DE TIERS – PREUVE DE LA PROPRIETE (OUI) – DISTRACTION DES BIENS SAISIS (OUI) – PROCEDURE – QUALITE DE TIERS – ELEMENTS.
Les demandeurs au pourvoi doivent être considérés comme des tiers par rapport à la procédure d’exécution forcée initiée par la partie saisissante dès lors qu’ils ne sont pas débiteurs de la créance réclamée.
Il y a lieu d’ordonner la distraction des biens saisis dès lors que le tiers revendiquant a rapporté la preuve que les biens saisis étaient sa propriété.
CCJA, 2ème chambre, arrêt n° 16 du 24 février 2005, Affaire : 1) SABBAH Affif Youssef; 2) MAHMOUD Mohamed Rozz; 3) SABBAH Abdallah; 4) SABBAH Akrah contre 1) Madame GUTTY née Karidjatou TASSABEDO; 2) Société DE COMMERCE GENERAL DU CENTRE, sarl dite CGC, Le Juris Ohada, n° 2/2005, p. 22.- Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 5, janvier-juin 2005, volume 2, p. 34).
LA COUR,
Sur le renvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l'affaire S.Y, M.M, S.A et S.A contre Madame G née K. T, par Arrêt n° 778/02 du 12 décembre 2002 de la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE, Chambre Judiciaire, Formation Civile, saisie d'un pourvoi formé le 30 août 2001 par les requérants désignés ci-dessus, ayant pour conseil Maître YOBOUET Konan Jacques, Avocat à la Cour, demeurant à Toumodi, B.P. 640,
en cassation de l'Arrêt no52 rendu le 21 mars 2001 par la Cour d'appel de Bouaké, Chambre civile et commerciale, au profit des défendeurs à la cassation désignés ci-dessus, et dont le dispositif est le suivant :
«Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort
Déclare les demandeurs recevables en leur action; Les y dit partiellement fondés;
Ordonne la distraction à leur profit des objets mobiliers ci-après
1 voiture de marque ACCOR immatriculé 1650 CK 01; 1 voiture de marque SUNNY immatriculé 2870 CA 01; 1 camion de marque DAF immatriculé 5519 AX 07; 2 congélateurs de marque GRAM;
5 chambres froides de marque BONNET;
Ordonne la continuation des poursuites en ce qui concerne les autres objets saisis Met les frais de la procédure à la charge des demandeurs »;
Les requérants invoquent à l'appui de leur pourvoi le moyen unique de cassation tel qu'il figure à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Président
Vu les dispositions des articles 13, 4 et 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu que Madame G née K. T, à qui le Greffier en chef de la Cour a notifié la lettre n° 209/2003/G du 2 mai 2003, l'informant de ce que, en application de l'article 23 du règlement de procédure susvisé, le ministère d'Avocat est obligatoire devant la Cour de céans, n'a pas constitué d'avocat d ans le délai d'un mois qui lui avait été imparti pour le faire;
Qu'il en est de même pour la Société de Commerce Général du Centre à laquelle avait été notifiée par le Greffier en chef, à la même date, la lettre n° 212/2003/G ayant la même teneur que celle visée ci-dessus; que toutes ces diligences prescrites ayant été accomplies, il y a lieu d'examiner le recours;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier de la procédure que Madame G née K. Ta, en vertu de l'Arrêt n° 25 du 02 février 2000, rendu en matière sociale par la Cour d'appel de Bouaké, infirmatif en partie du Jugement noS3 du 20 mai 1999, du Tribunal du Travail de Bouaké, ayant condamné la Société de Commerce Général du Centre à lui payer diverses sommes d'argent à la suite de son licenciement, fait procéder le 25 avril 2000 à une saisie vente des biens meubles corporels se trouvant dans les locaux occupés par ladite société; que par Jugement n° 151 du 16 novembre 2000, la Section du Tribunal de Toumodi, saisi d'une demande en distraction de biens saisis de la part des requérants, a ordonné la restitution à leur profit de certains biens ainsi que la continuation des poursuites sur les autres objets saisis; que sur les appels, principal de S. y et autres, et incident de Madame G née K. T, la Cour d'appel de Bouaké, par Arrêt n° 52 du 21 mars 2000, objet d u présent pourvoi en cassation, a infirmé en partie le Jugement n° 151 susvisé en ce qu'il a ordonné la distraction de certains biens, et statuant à nouveau, débouté S. y et autres de leur demande en distraction de biens saisis
Sur le moyen unique
Vu l'article 141, alinéa 1, de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Attendu qu'aux termes de cette disposition, «Le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander à la juridiction compétente d'en ordonner la distraction.»;
Attendu que le tiers visé par cette disposition s'entend de toute personne étrangère à la saisie vente;
Attendu que S. y et autres reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré mal fondée leur demande en distraction de biens saisis, au motif qu'ils n'étaient pas tiers au sens de l'article 141 de l'Acte uniforme susvisé, alors que «la Société C.G.C, étant une personne morale, les personnes physiques fissent-elles des associés, ont une personnalité juridique distincte. Qu'elles demeurent tiers à la personne morale pendant le temps que celle-ci existe»; qu'en statuant ainsi la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision;
Attendu, en l'espèce, que pour écarter l'action en distraction des biens formé par S. y et autres, la Cour d'Appel de Bouaké s'est bornée à relever « qu'en l'espèce aucun tiers n'a initié une telle action»; qu'en se déterminant ainsi sans rechercher si l'Arrêt no25 du 02 février 2000 constituant le titre exécutoire sur le fondement duquel Madame G née K. T a pratiqué la saisie vente à l'encontre de la Société C.G.C avait également condamné S.Y et autres au paiement de la créance, cause de la saisie, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision; qu'il y a lieu de casser l'arrêt attaqué et d'évoquer;
Sur l'évocation
Attendu que S. y et autres ont, le 13 décembre 2000, interjeté appel du Jugement civil contradictoire n° 151 rendu le 16 novembre 2000 par la Section du Tribunal de Toumodi et dont le dispositif est le suivant :
«Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort; Déclare les demandeurs recevables en leur action; Les y dit partiellement fondés;
Ordonne la distraction à leur profit des objets mobiliers ci-après : - 1 voiture de marque ACCOR immatriculé 1659 CK 01; - 1 voiture de marque SUNNY immatriculé 2870 CA 01; ~ 1 camion de marque DAF immatriculé 5519 AX 07; - 2 congélateurs de marque GRAM; - 05 chambres froides de marque BONNET;
Ordonne la continuation des poursuites en ce qui concerne les autres objets saisis; Met les frais de la procédure à la charge des demandeurs»;
Attendu que S. Y et autres, appelants à titre principal, poursuivent l'infirmation du jugement querellé sur le chef des dispositions ayant ordonné la distraction des biens saisis et demandent la distraction, à leur profit, de tous les biens saisis; qu'ils font valoir au soutien de leur appel que les biens sur lesquels a été ordonnée la continuation des poursuites ne font pas partie du fonds de commerce de la Société de Commerce Général du Centre; qu'ils ont été acquis par S. y et autres;
Attendu que Madame G née K.T, intimée et appelante incidente demande, dans ses conclusions du 2 février 2001, de condamner la Société C.G.C à lui payer des dommages- intérêts pour préjudices subis du fait de la mauvaise foi de ladite société, de débouter les appelants de toutes leurs prétentions, et d'ordonner la continuation des poursuites ainsi que l'exécution provisoire de la décision à intervenir;
Attendu qu'elle fait valoir au soutien de son appel incident que la demande de S. y et autres est dictée exclusivement par leur volonté de retarder la vente des objets saisis et qu'elle repose sur des titres de propriété et d!écrits qu'ils se sont empressés de réunir, de façon douteuse, pour les besoins de la cause et auxquels il ne peut, par conséquent, être accordé de crédit;
Sur la demande distraction de biens saisis
Attendu que l'Arrêt n° 25 du 02 février 2000 constituant le titre exécutoire en vertu duquel Madame G née K. T a pratiqué la saisie vente des biens a J'encontre de la Société C.G.C dispose que c'est cette dernière qui t;;st condamnée au paiement de la créance, cause de 1 adite mesure d'exécution forcée; qu'en l'absence, dans cette décision, de disposition condamnant S.Y et autres au paiement de la même créance, il y a lieu de les considérer comme étant des tiers par rapport à la procédure d'exécution forcée initiée par la partie saisissante susnommée, motif pris de ce qu'ils ne sont pas débiteurs de la créance réclamée;
Attendu que la distraction des biens saisis ne peut être ordonnée au profit du tiers revendiquant que si celui-ci rapporte la preuve que les biens saisis étaient sa propriété;
Attendu que S. y et autres ont produit des cartes grises attestant que des véhicules automobiles, dont ils réclament la distraction, sont immatriculés en leur nom;
Attendu qu'il y a lieu par conséquent d'ordonner d'une part au profit des susnommés la distraction des véhicules automobiles saisis, et d'autre part, la continuation des poursuites de la procédure de saisie vente sur les autres biens saisis;
Sur la demande de dommages-intérêts
Attendu que Madame G née K. T ne rapporte pas la preuve que l'action initiée par S. y et autres avait un objet autre que la distraction des biens saisis; qu'il y a lieu de la débouter de Sa demande de dommages-intérêts;
Attendu qu'il y a lieu, vu les circonstances de la cause, de laisser la charge des dépens à S. y et autres;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l'Arrêt n° 52 du 21 mars 2001par la cour d’appel de Bouaké, Chambre civile et commerciale
Evoquant et statuant sur le fond :
Infirme, mais seulement en ce qui concerne le chef du dispositif ayant pour objet la distraction des biens saisis, le Jugement n° 151 rendu le 16 novembre 2000 par la Section du Tribunal de Toumodi;
Ordonne en conséquence la distraction au profit de S. y autres des biens saisis ci-après :
1 voiture de marque ACCOR immatriculée 1659 CK 01 1 voiture de marque SUNNY immatriculée 2870 CA 01 1 camion de marque DAF immatriculé 5519 AX 07;
Ordonne la continuation des poursuites en ce qui concerne les autres biens saisis
Déboute madame G née K.T de sa demande de dommages-intérêts;
Condamne S.T et autres aux dépens.
Président : M. ANTOINE JOACHIM OLIVEIRA.