J-06-06
CCJA – TIERCE OPPOSITION CONTRE UN ARRET DE LA CCJA – DEFAUT D’INTERET DU TIERS OPPOSANT – IRRECEVABILITE DE LA TIERCE OPPOSITION.
ARBITRAGE – SENTENCE NE CONCERNANT PAS LE TIERS AUTEUR DE LA TIERCE OPPOSITION.
Doit être déclaré irrecevable le recours en tierce opposition exercé par la STIL contre l’Arrêt no 010/2003 du 19 juin 2003 de la Cour de céans, lequel, pour se prononcer comme il l’a fait, s’est limité et ne pouvait se 1imiter qu’à l’examen de 1a mission des arbitres à la lumière de la convention des parties et du dispositif de la sentence arbitrale. L’arrêt n’a, à aucun moment, eu à se prononcer sur le fond du litige notamment sur le fait de savoir si la SOTACI devait payer aux époux DELPECH un complément de prix de cession des actions au regard des états comptables de la STIL. Il n’a pu, en conséquence, contrairement à ce que soutient la STIL, condamner la SOTACI à payer aux époux DELPECH la somme de 115.206.425 F CFA dont 100.209.189 FCFA au titre de complément de cession de leurs actions détenues dans la STIL et n’a pu, par conséquent, causer un quelconque préjudice à la STIL sur le point allégué par celle-ci.
Article 47-1 DU REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
CCJA, arrêt n 37 du 2 juin 2005, Société de transformation industrielle de Lomé dite STIL contre Société des tubes d’acier et d’aluminium dite SOTACI, Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 5, janvier- juin 2005, volume 1, p. 21; Le Juris-Ohada, n 4/2005, juillet- septembre 2005, p. 16.
Audience Publique du 02 juin 2005.
Pourvoi : n 81/2003/PC du 15 septembre 2003.
Affaire : Société de Transformation Industrielle de Lomé dite STIL.
(Conseil : Maître Alexis Coffi AQUEREBURU, Avocat à la Cour) contre.
1) Société des Tubes dl Acier et d’Aluminium dite SOTACI (Conseils : Maîtres Théodore HOEGAH et Michel ETTE, Avocats à la Cour).
2) Monsieur DELPECH Gérard.
3) Madame DELPECH Joëlle.
(Conseils : SCPAAHOUSSOU, KONAN &Associés, Avocats à la Cour).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première chambre, de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A),a rendu l’ arrêt suivant en son audience publique du 2 juin 2005 où étaient présents :
– Messieurs Jacques M’BOSSO, Président;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge rapporteur;
– Biquezil NAMBAK, Juge rapporteur Juge;
– et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier.
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n 081/2003/PC du 15 septembre 2003 et formé par Maître Alexis Coffi AQUEREBURU, Avocat à la Cour, demeurant 304, Boulevard du 13 janvier, immeuble TAP, BP 8989, Lomé, agissant au nom et pour le compte de la Société de Transformation Industrielle de Lomé (STIL), dans la cause l’opposant à la Société des Tubes d’Acier et d’Aluminium (SOTAÇI) ayant pour conseils Maîtres Théodore HOEGAH & Michel ETTE, Avocats associés à l~.Cour, demeurant rue A7 Pierre Sémar, villa NA2, 01BP 4053, Abidjan 01et aux époux DELPECH, ayant pour conseils la SCPA AHOUSSOU KONAN & Associés, Avocats à la Cour, demeurant 19, Boulevard Angoulevant, résidence Neuilly, 1er étage, 01BP 1366Abidjan 01, en tierce opposition à l’Arrêt no 10/2003 rendu le 19 juin 2003 par la Cour de céans dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’Arrêt n 456 du 27 avril 2001rendu par la Cour d’appel d’Abidjan.
Évoquant et statuant à nouveau.
Déclare recevable, en la forme, le recours en annulation formé par la SOTACI.
Rejette le recours en annulation de la sentence arbitrale n CACI/02/ ARB/99 en date du 27 avril 2000.
Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de la SOTACI tendant à la condamnation des époux DELPECH au paiement d’un trop perçu de francs CFA 63.984.l8l.
Condamne la SOTACI aux dépens ».
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’ Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’aux termes d’une « convention de cession de titres » conclue à Abidjan le 16 février 1998, les actionnaires de la Société de Transformation Industrielle de Lomé dite STIL, société de droit togolais dont le siège est à Lomé, tous représentés par Monsieur et Madame G. DELPECH, avaient cédé à la SOTACI la totalité des actions composant le capital social de la STIL; que le prix global de cession des actions avait été arrêté à la somme de huit cent cinquante millions (850 000 000) de francs CFA; que les parties à la convention avaient décidé de déduire de ce montant le passif net de la société provisoirement évalué à trois millions (3 000 000) de francs français, soit trois cent millions (300 000 000) de francs CFA de sorte que le prix net d’acquisition des actions s’était élevé à la somme de cinq millions cinq cent mille (5 500 000) francs français soit cinq cent cinquante millions (550 000 000) de francs CFA; que, tenant compte du caractère provisoire de l’évaluation du passif net au moment de la signature de la convention, l’article 3.1de ladite convention stipulait que « le prix net, ainsi que par voie de conséquence, les échéances stipulées sont susceptibles de variation en fonction de la situation réelle du passif au 28 février 1998 et qu’encas de variation du passif, celle-ci modifiera en priorité les échéances les plus éloignées »; qu’une fois la somme de cinq cent cinquante millions (550 000 000) de francs CFA acquittée, les époux DELPECH avaient estimé que la SOTACI restait leur devoir encore la somme de cent millions deux cent neuf mille cent quatre-vingt neuf(100 209 189) francs CFAcar, selon eux, le passif net de la STIL, tel qu’il apparaissait au bilan établi le 28 février 1998 par le cabinet Afrique Audit et Consulting, s’élèverait à la somme de cent quatre vingt dix neuf millions sept cent quatre vingt dix mille huit cent onze (199 790 811) francs CFA et qu’il conviendrait de déduire ce montant du passif net provisoirement arrêté au moment de la signature de la convention de cession à la somme de trois cent millions (300 000 000) de francs CFA.
Attendu qu’après plusieurs rencontres infructueuses à l’effet de trouver une solution amiable à leur différend, les époux DELPECH avaient saisi la Chambre d’Arbitrage de Côte d’Ivoire dite CACI d’une demande d’arbitrage aux fins de voir condamner la SOTACI à leur payer la somme de 100.209.189 F CFA à titre de complément de prix ainsi que des dommages et intérêts pour résistance abusive;’ que la SOTACI avait, pour sa part, sollicité à titre reconventionnel la condamnation des époux. DELPECH à lui payer la somme principale de soixante trois millions neuf cent quatre vingt quatre mille cent quatre vingt et un (63.984,181) francs CFA en application des dispositions de l’article 3.1de la convention de cession de titres en raison de l’alourdissement du passif net qui s’établissait à trois cent soixante trois millions neuf cent quatre vingt quatre mille cent quatre vingt et un (363.984,181) francs CFA et non à trois cent millions (300 000 000) de francs CFA comme estimé dans la convention de cession du 16 février 1998.
Attendu que par la Sentence arbitrale n CACI/02/ARB/99 en date du 27 avril 2000, le tribunal arbitral a fait droit à la demande des époux DELPECH en condamnant la SOTACI à :
– 100.209.189 F CFA au titre de complément de prix de cession des actions de la Société STIL;
– 8.603.616F CFA au titre des intérêts de retard conventionnels;
– 6.393.616 F CFA au titre de frais de procédure.
Attendu que sur le recours en annulation formé par la SOTACI contre la sentence arbitrale sus indiquée au motif que les arbitres n’avaient pas respecté leur mission, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 27 avril 2001l’Arrêt n 456 qui a notamment reçu la SOTACI en sa procédure en annulation, l’y a dit partiellement fondée, et a annulé la sentence dont s’agit, motif pris de ce que « manifestement les arbitres ne se sont pas conformés à leur mission en application de l’article 26 de l’Acte uniforme [relatif au droit de l’arbitrage] précité, leur sentence encourt l’annulation »; que sur pourvoi en cassation formé le 28 mars 2002 par les époux DELPECH et dirigé contre ledit arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan, la Cour de céans a rendu le 19 juin 2003 l’Arrêt n 10/2003 dont présent recours en tierce opposition.
Sur la recevabilité du recours en tierce opposition
Vu l’article 47-1du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’ Arbitrage de l’OHADA.
Attendu que la STIL, demanderesse au recours en tierce opposition, soutient qu’elle forme ledit recours contre l’Arrêt n 10/2003 rendu le 19 juin 2003 par la Cour de céans en raison de ce que cette décision préjudicie à ses droits alors qu’elle n’a pas été appelée; que, selon la requérante, en rejetant le recours en annulation de la SOTACI, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage condamne ladite SOTACI à payer aux époux DELPECH la somme de 115.206.421F CFA dont 100.209.189 F CFA au titre du complément de prix de cession de leurs actions détenues dans la STIL alors que ce complément de prix n’est pas dû, au regard des états comptables de la STIL, au moment de cette opération et qu’un tel paiement, qui alourdit le coût de l’investissement et, par voie de conséquence, la dette de la STIL au regard de la société mère, la SOTACI, affecte inéluctablement sa rentabilité financière puisque le ratio rentabilité ou bénéfice/prix d’acquisition ou capitaux investis va être plus faible qu’il ne devait l’être, avec comme conséquences inévitables, des mesures de restriction comme celles annoncées : par la société mère, lesquelles menacent la survie même de la STIL.
Attendu qu’aux termes de l’article 47-1du Règlement de procédure susvisé, « toute personne physique ou morale peut présenter une demande en tierce opposition contre un arrêt rendu sans qu’elle ait été appelée, si cet arrêt préjudicie à ses droits ».
Attendu, en l’espèce, que l’arrêt n 10/2003 du 19 juin 2003, objet de la présente tierce opposition ,a eu à trancher, après cassation de l’arrêt de la Cour d’appel d’Abidjan, l’unique point de contestation portant sur le respect ou non par les arbitres de leur mission et la validité conséquente de la sentence qu’ils ont rendue; que sur ce point de droit, la Cour de céans a, après l’examen de leur mission au regard de la convention des parties et du dispositif de la sentence arbitrale qu’ils ont rendue, conclu que « les arbitres, qui s’étaient fondés sur des solutions légales pour régler le différend qui oppose la SOTACI et les époux DELPECH et qui n’avaient pas l’obligation, comme le soutient la SOTACI, de statuer uniquement en amiable compositeur, sont restés dans le cadre de la mission qui leur est confiée »; que pour ce motif en raison duquel est apparu non fondé l’unique moyen d’annulation de la sentence tiré du non-respect par les a arbitres de leur mission, la Cour de céans a rejeté le recours en annulation de ladite sentence arbitrale.
Attendu que pour se prononcer comme elle l’a fait, la Cour de céans s’est limitée et ne pouvait se limiter qu’à l’examen de la mission des arbitres à la lumière de la convention des parties et du dispositif de la sentence arbitrale; qu’à aucun moment elle n’a eu à se prononcer sur le fond du litige notamment son le fait de savoir si la SQTACI devait payer aux époux DELPECH un complément de prix de cession des actions au regard des états comptables de la STIL; qu’elle n’a pas pu, en conséquence, contrairement à ce que soutient la STIL, condamner la SOTACI à payer aux époux DELPECH la somme de 115.206.425 F CFA dont 100.209.189 F CFA au titre de complément de cession de leurs actions détenues dans la STIL; qu’il s’ensuit que l’Arrêt n 010/2003 du 19 juin 2003 de la Cour de céans n’a pu causer un quelconque préjudice à la STIL sur le point allégué par celle-ci et qu’en conséquence, il y a1ieu de déclarer irrecevable le recours en tierce opposition exercé par elle.
Attendu que la STIL ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Déclare irrecevable le recours en tierce opposition exercé par la STIL.
La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé.
– le Greffier;
– le Président.