J-07-215
VOIES D’EXECUTION – RECOUVREMENT FORCE DES IMPOTS – SAISIE DE VEHICULE – ASSIGNATION EN REFERE – ORDONNANCE – PROCEDURE DE SAISIE – REGULARITE (OUI) – APPEL – RECEVABILITE (OUI) – MISE EN DEMEURE CONTENANT SOMMATION DE PAYER – CONTRAINTE ADMINISTRATIVE – CONFUSION DES ACTES – OPERATION DE SAISIE – ABSENCE DE CONTRAINTE ADMINISTRATIVE – VIOLATION DES CONDITIONS DES ARTICLES 419 BIS ET 420 NOUVEAUX CODE DES IMPOTS BURKINABE – INFIRMATION DE L’ORDONNANCE – ANNULATION DE LA SAISIE – MAINLEVEE ET RESTITUTION DU VEHICULE.
En considérant que les dispositions de l’article 420 in fine nouveau du code des impôts renvoient, pour l’exercice des voies d’exécution par l’administration fiscale, à l’application de celles du code des impôts, il y a lieu de conclure à une violation de la loi pour absence de mise en demeure rendue exécutoire ou de contrainte administrative avant l’opération de saisie qui est un acte d’exécution forcée. L’inobservation de cette procédure rend nulle la saisie pratiquée.
Article 2 AUPSRVE
Article 33 AUPSRVE
Article 91 AUPSRVE ET SUIVANTS
Article 29 AUPSRVE
Article 100 AUPSRVE
Article 103 AUPSRVE
Article 2 TRAITE OHADA
Article 10 TRAITE OHADA
Article 13 TRAITE OHADA
Article 54 TRAITE OHADA
Article 405 NOUVEAU CODE DES IMPOTS BURKINABE
Article 419 NOUVEAU CODE DES IMPOTS BURKINABE
Article 419 BIS NOUVEAU CODE DES IMPOTS BURKINABE
Article 420 NOUVEAU CODE DES IMPOTS BURKINABE
Article 426 NOUVEAU CODE DES IMPOTS BURKINABE
Article 409 CODE DES IMPOTS BURKINABE
Article 414 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 41 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
(COUR D’APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Ordonnance de référé n 64/2003 du 21 août 2003, FARAMA Prosper c/ Ministère des Finances et du Budget).
Attendu que par ordonnance n 299 du 26 décembre 2002, le président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou déboute maître FARAMA Prosper de sa demande et dit « que la procédure de saisie opérée par l’administration fiscale en l’espèce est régulière au regard de la nature de la créance et des dispositions des articles 2 et 33 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 405 nouveau du code des impôts »; que contre cette ordonnance, appel est relevé le 27 décembre 2002 par le succombant et la cause, après renvoi pour production de l’ordonnance, est retenue à l’audience du 26 juin 2003 et mise en délibéré au 17 juillet 2003, délibéré prorogé au 7 août 2003 et 21 août 2003, date à laquelle elle est vidée.
Attendu que l’appelant conclut à l’infirmation ou à l’annulation de l’ordonnance déférée en ce que la saisie suivie de l’enlèvement de son véhicule opérée le 22 novembre 2002 par l’agent de poursuite du Trésor public encourt « annulation pure et simple pour violation des articles 91 et suivants, 29, 33, 100 et 103 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution rendue applicables au Burkina Faso en vertu des dispositions des articles 2, 10, 13 et 54 du Traité OHADA ratifié par le Burkina Faso et 151 de la Constitution promulguée le 11 juin 1991; que l’administration des Impôts poursuivante et le premier juge reconnaissent que la procédure de saisie mise en œuvre par l’agent judiciaire du Trésor a dérogé à celle du droit commun prescrit par les articles 91 et suivants de l’Acte uniforme OHADA sans en accepter la conséquence logique et légale qui est son annulation.
Qu’aux termes des articles 419, 419 bis et 420 nouveaux du code des impôts tels que modifiés par la loi n 38-98/AN du 30 juillet 1998, pour le recouvrement des impôts directs, le contribuable qui ne s’en est pas acquitté est premièrement prévenu par un avis de mise en recouvrement (AMR) lui impartissant un délai de quinze (15) jours pour se mettre en règle (art 419 N), deuxièmement sommé d’avoir à payer son imposition dans le délai de cinq (5) jours par un avis de mise en demeure (art 419 bis N al 1er) et troisièmement l’avis de mise en demeure est rendu exécutoire et envoyé au contribuable dans les mêmes conditions que l’avis de mise en recouvrement (art 419 bis N al 2); que cette troisième formalité a été omise dans la procédure diligentée ou été confondue à la seconde, toute chose rendant nulle la saisie pratiquée.
Que l’avis de mise en demeure rendu exécutoire, pour être mis à exécution forcée, doit être transformé en contrainte administrative décernée par le directeur général des Impôts et par délégation les comptables publics et agents dûment habilités par eux (art 420 N al 2) puis revêtu de la formule exécutoire selon le régime commun à toute contrainte administrative soumise pour son exécution aux prescriptions de l’article 414 du code de procédure civile selon lesquelles « nul jugement, nul acte ne peut être mis à exécution s’il ne porte la formule exécutoire » que cette étape a également été omise.
Que si l’article 420 nouveau in fine édicte que « les voies d’exécution forcée dont dispose l’administration (fiscale) pour parvenir au paiement des sommes dont elle est créancière, sont tant du point de vue du fond que de la forme, celles prévues par les présentes dispositions », aucune disposition du code des impôts ne régit les formes des voies d’exécution, notamment la saisie vente, qui demeurent en conséquence soumises au droit commun qui en l’état de notre droit positif est l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le Burkina Faso ayant ratifié le Traité OHADA ayant vocation à réglementer dans le domaine du recouvrement des créances et des voies d’exécution et dont les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne (art 2 et 10); que même si l’avis de mise en demeure valait titre exécutoire au Burkina Faso parce qu’une loi nationale lui attacherait « les effets d’une décision judiciaire » (art 33-5 AUPSVE), il demeurerait qu’ès qualité de décision judiciaire, il devrait, pour recevoir exécution être revêtu de la formule exécutoire (art 33-1er AUPSVE et 41 C.P.C).
Attendu que l’intimé conclut à la confirmation de l’ordonnance entreprise qui a tenu compte de la spécialité du droit fiscal réglementé par le code des impôts; que la procédure de recouvrement de l’impôt comporte une phase amiable, consistant en la notification de l’avis d’imposition et prenant fin dans le délai d’exigibilité de deux (2) mois (art. 409 ancien) et une phase contentieuse qui débute avec la notification de l’avis de mise en recouvrement (AMR) et se poursuit avec la sommation de mise en demeure, et s’achevant avec la saisie vente des biens (art. 419, 419 bis et 420 N) - que dès l’émission « des impôts directs et taxes assimilés qui sont matérialisés par l’établissement de fiches d’imposition exécutoires tenant lieu de rôle », ceux-ci ont un caractère exécutoire (art. 405 N); que de par la volonté du législateur, ils conservent ce caractère tout au long de la procédure de recouvrement sans être en contradiction avec l’Acte uniforme OHADA qui reconnaît ce caractère aux décisions auxquelles la loi nationale de l’Etat partie attache les effets d’une décision judiciaire (art. 33-5 AUPSVE).
Que la mise en demeure contenant sommation de payer est en matière fiscale la contrainte administrative visée à l’article 420 nouveau autorisant l’exécution forcée, sans qu’il soit besoin d’établir à nouveau un acte portant contrainte administrative, ni de recourir à l’apposition de la formule exécutoire en ce que « les voies d’exécution forcée dont dispose l’administration pour parvenir au paiement des sommes dont elle est créancière sont, tant du point de vue du fond que de la forme, celles prévues par les présentes dispositions » (art. 420 in fine N).
Que du reste, la matière fiscale, élément de souveraineté des Etats est hors du champ d’application de la réglementation OHADA tel qu’il résulte de l’article 2 du Traité.
MOTIFS DE LA DECISION
Attendu que l’appel relevé le 27 décembre 2002 contre une ordonnance de référé contradictoirement rendue le 26 décembre 2002 remplit les conditions de forme et de délai de la loi et mérite en conséquence d’être déclaré recevable.
Attendu qu’à la lecture des articles 419 bis nouveau et 420 nouveau du code des impôts, il apparaît que la mise en demeure contenant sommation de payer dans les cinq (5) jours et la contrainte administrative sont des actes distincts en ce que la première est établie par les comptables du Trésor, les receveurs des Impôts ou des agents dûment habilités, alors que la seconde est décernée par le directeur général du Trésor, le directeur général des Impôts et par délégation par des comptables publics et agents dûment habilités - que la mise en demeure contenant sommation de payer est rendue exécutoire par les mêmes autorités que celles habilités à décerner la contrainte administrative en matière fiscale; qu’une confusion semble entretenue entre cette contrainte et la mise en demeure rendue exécutoire alors que l’article 420 nouveau se contente de désigner les personnes habilitées à procéder au recouvrement forcé des impôts et taxes assimilées et celles disposant du pouvoir de décerner la contrainte administrative qu’il caractérise sans préciser comme le faisait l’article 420 ancien que les poursuites sont exercées à partir (procèdent) d’une contrainte administrative; qu’à titre interprétatif, il peut être retenu que la mise en demeure contenant sommation de payer vaut contrainte administrative lorsqu’elle est rendue exécutoire, les mêmes autorités ayant pouvoir d’en disposer ainsi dans l’un et l’autre cas, que la mise en demeure rendue exécutoire est remise au contribuable par lettre recommandée avec accusé de réception ou par notification directement faite aux soins des personnes établissant les avis de mise en recouvrement (art. 419 al. 2 N et 419 bis al. 2 N, dernière phrase).
Qu’en considérant que les dispositions de l’article 420 in fine nouveau, renvoient pour l’exercice des voies d’exécution par l’administration fiscale à l’application de celles du code des impôts, il y a lieu de conclure à une violation de la loi pour absence de mise en demeure rendue exécutoire ou de contrainte administrative avant l’opération de saisie qui est un acte d’exécution forcée; que l’inobservation de cette procédure rend nulle la saisie pratiquée; que le fait pour les agents de poursuite, agissant sous l’autorité de leurs chefs hiérarchiques, d’être autorisés à procéder à des opérations de contrôle de recouvrement pouvant donner lieu à des fermetures administratives, saisies et ventes ne dispense pas de l’application de la loi en ces occasions (art. 426 N, 420 N in fine); que le caractère exécutoire des impôts et taxes assimilées acquis dès l’établissement des fiches d’imposition tenant lieu de rôle (art. 405) ne saurait être d’un secours déterminant dans l’exercice des poursuites d’exécution, qu’admettre ce raccourci rendrait sans objet les procédures amiable et contentieuse de recouvrement de l’impôt.
Attendu que les articles 419, 419 bis et 420 nouveaux déterminent la procédure de recouvrement des impôts directs et taxes assimilées quant aux actes à accomplir; qu’ils restent muets sur les règles de fond et de forme des actes de poursuites ou d’exécution, même si sur ces points il est renvoyé à l’application de « celles prévues par les présentes dispositions » (art. 420 in fine N); que le législateur semble vouloir écarter l’application des « règles du droit commun fixées par le code procédure civile et le code civil » inscrite à l’article 420 ancien du code des impôts et sans élaborer une législation dérogatoire au droit commun; que le vide juridique ainsi créé ne peut être comblé que par l’application des dispositions de droit commun, qui en l’état de notre droit positif, sont gouvernés par le code de procédure civile et l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, pour ce qui est des voies d’exécution forcées (saisies mobilières ou immobilières, ventes.. ); que le recouvrement des dettes fiscales ne peut y déroger que par une législation propre du code des impôts; que l’analyse de l’application de ces dispositions est sans objet du fait de la nullité encourue pour absence de mise en demeure rendue exécutoire ou de contrainte administrative.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en matière de référé et en dernier ressort.
En la forme.
Déclare recevable l’appel de maître Prosper FARAMA.
Au fond.
Infirme l’ordonnance querellée.
Annule la saisie pratiquée le 22 novembre 2002 par l’administration fiscale sur le véhicule de marque NISSAN SUNNY, immatriculé 11 P 3595 BF appartenant à maître Prosper FARAMA.
Ordonne la mainlevée de la dite saisie et la restitution du véhicule à son propriétaire.
Condamne l’Etat BURKINABE aux dépens.