J-08-28
SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETE ANONYME AVEC CONSEIL D’ADMINISTRATION – REUNION DU CONSEIL D’ADMINISTRATION – CONVOCATION – DELAI – INOBSERVATION – DOSSIER NON ANNEXE A LA CONVOCATION – REVOCATION DU DIRECTEUR GENERAL – INSCRIPTION A L’ORDRE DU JOUR (NON) – NON RESPECT DES FORMALITES PRESCRITES PAR LES STATUTS – IRREGULARITES – IRREGULARITES ENTACHANT LA REUNION ET LES DELIBERATIONS (OUI) – REINTEGRATION DU DIRECTEUR DU GENERAL.
Des irrégularités ont entaché la réunion du conseil d’administration et les délibérations qui en ont résulté, dès lors que les formalités prévues à cet effet par les dispositions statutaires n’ont pas été respectées.
Il en est ainsi lorsque :
le délai de convocation de la réunion n’a pas été respecté.
le dossier relatif à la réunion n’est pas annexé à la convocation.
la révocation du Directeur Général n’est pas inscrite à l’ordre du jour de la réunion.
Par conséquent, il y a lieu d’ordonner la réintégration du Directeur Général dans ses fonctions.
Article 1 AUSCGIE
Article 453 AUSCGIE
Article 454 AUSCGIE
Article 244 AUSCGIE
Article 246 AUSCGIE
Article 247 AUSCGIE
Article 492 AUSCGIE
Cour d’appel d’Abidjan, chambre civile et commerciale (3ème chambre b), arrêt civil contradictoire n 56 du 02 février 2007, Zehi Sébastien Gbale (Me Kouassi Henri Yao). c/ la Poste de Côte d’Ivoire (Me Koffi Kouassi Gilbert).
LA COUR d’Appel d’Abidjan, Chambre civile et Commerciale, Séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du vendredi Deux février deux mil sept à laquelle siégeaient :
– ZEBEYOUX G. AIMEE, Président de Chambre, PRESIDENT;
– Mr LOA CLAUTAIRE et Mr KOUAKOU KOUADIO GEORGES, CONSEILLERS à la Cour, MEMBRES;
– Avec l’assistance de Me S. KROKO, GREFFIER.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE : Z, né en 1952 à LAKOTA, de nationalité Ivoirienne, Administrateur des Postes et Services Financiers demeurant à Cocody – Angré, 01 BP 4385 ABIDJAN 01, lequel à élu domicile en l’Étude de Maître KOUASSI HENRI YAO, Avocat à la cour y demeurant Abidjan-Plateau, A – 046 Avenue LAMBLIN, immeuble Lamblin, 3e étage, appartement Centre, 04 BP 2976 ABIDJAN 04, Tél./Fax : (225). 20-32-05-44;APPELANT.
Représentés et concluant par Maître KOUASSI HENRI YAO, Avocat à la Cour, son conseil.
D’UNE PART.
ET : LA POSTE DE COTE D’IVORE : SOCIETE D’ETAT, créée en application des dispositions du décret n 98 – 377 du 30/06/98, sise à Abidjan-Plateau, immeuble Postel 2001, prise en la personne de son représentant légal;INTIMEE.
Représentée et concluant par Maître KOFFI KOUASSI GILBERT, Avocat à la cour, son conseil.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS : Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau statuant en la cause en matière de référé a rendu le 17/11/2006, l’ordonnance N 1735 aux qualités de laquelle il convient de se reporter.
Par exploit en date du 11/12/2006, de Maître KOUADIO K. LAZARE, Huissier de Justice à Abidjan, le sieur Z a déclaré interjeter appel de l’ordonnance sus énoncée et a par le même exploit assigné la POSTE de COTE D’IVOIRE à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du vendredi 21/12/2006 pour entendre, annuler ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le N 1383 de l’an 2006.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 12 janvier 2007 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
LA COUR a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du vendredi 02 février 2007.
Advenue l’audience de ce jour, 02 février 2007, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EXPOSE DES FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS, MOYENS DES PARTIES ET DES MOTIFS
Par acte d’Huissier de Justice en, date du 11 décembre 2006, M. Z ayant pour conseil Maître KOUASSI HENRI YAO, Avocat à la cour, a relevé appel de l’ordonnance de référé n 1735 rendue le 17 novembre 2006 par le Vice Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en premier ressort.
Recevons l’action de M. Z.
Nous déclarons cependant incompétent.
Condamnons le demandeur aux dépens ».
Aux termes de son acte d’appel valant premières conclusions, M. Z, par l’organe de son conseil, Maître KOUASSI HENRI YAO Avocat à la cour, expose que courant du mois d’Août 2006, certains administrateurs de la Poste de Côte d’Ivoire se sont assignés la mission de le démettre de sa fonction de Directeur Général.
Que le 03 Août 2006, le Président du Conseil d’Administration a convoqué un conseil d’administration extraordinaire pour révoquer le Directeur Général.
Que l’ordre du jour de cette réunion a indiqué l’examen de la situation financière et sociale de la Poste de Côte d’Ivoire et réaménagement de la Direction Générale.
Que cependant cette réunion a été ajournée suite à l’intervention du Ministre délégué auprès du Premier Ministre chargé de l’Economie et des Finances en raison de ce que les points inscrits à l’ordre du jour n’étaient accompagnés d’aucun document d’information permettant aux Administrateurs de préparer la réunion.
Que le 25 août 2006, le Conseil d’Administration a encore convoqué une autre réunion avec comme seul point à l’ordre du jour l’analyse de la situation de crise de la Poste de Côte d’Ivoire.
Que cette réunion a été encore ajournée pour défaut de communication des documents afférents à l’ordre du jour.
Que le conseil d’administration a convoqué ses membres le 01 septembre 2006 pour une réunion fixée le 04 septembre 2006.
Que sous le prétexte de statuer sur deux points inscrits à l’ordre du jour à savoir : Information et examen de la situation des documents demandés au Directeur Général relatifs au dédouanement du Don Chinois et à l’ensemble du matériel Audio Visuel, le conseil d’administration a décidé de sa révocation en tant que Directeur Général.
Que le même jour, la décision du conseil lui a été notifiée.
Que le 05 septembre 2006, il a saisi le Ministre chargé de l’Economie et des Finances, Tutelle économique et financière de la Poste de Côte d’Ivoire, pour constater l’irrégularité de la décision portant sur sa révocation et pour conduite à tenir.
Que le même jour, il a informé le Président du Conseil d’Administration de son refus de procéder à la passation des charges suite à la saisine de l’autorité de tutelle.
Que devant le silence gardé par l’autorité de tutelle, il a saisi le 08 novembre 2006, le Juge des référés pour constater l’irrégularité de la décision du conseil et être rétabli dans ses droits qui n’ont pu être valablement remis en cause.
Que le 17 novembre 2006, le Juge des référés s’est déclaré incompétent.
Qu’il a donc relevé appel de cette décision.
Qu’en cause d’appel, il relève l’irrégularité de la convocation du conseil d’administration.
Qu’il fonde ce moyen sur les articles 1 et 453 de l’acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés commerciales et l’article 14 alinéas 2 des Statuts de la Poste de Côte d’Ivoire.
Qu’il fait valoir que l’article 1 de l’acte uniforme susvisé dispose que « toute société commerciale y compris celle dans laquelle un Etat ou une personne morale de droit public est associé, dont le siège social est situé sur le territoire de l’un des Etats parties au traité Ohada est soumises aux dispositions du présent acte uniforme ».
Que l’article 453 de l’acte uniforme Ohada susvisé confère le soin aux Statuts de déterminer les règles relatives à la convocation et aux délibérations du conseil d’administration.
Que pour ce faire, l’article 14 alinéa 2 des Statuts de la poste énonce que « les convocations doivent contenir l’ordre du jour de la réunion auquel il est annexé le dossier correspondant. Les convocations et les dossiers annexés doivent parvenir aux administrations au moins 15 jours avant la date de la réunion ».
Que le délai de 15 jours entre la date de la convocation et la date de la ténue de la réunion du conseil ainsi que l’obligation de communication, à ses membres des dossiers relatifs à la réunion n’ont pas été respectés.
Que le Juge des référés doit constater que le Conseil d’Administration a été irrégulièrement convoqué.
Qu’il fait observer en outre que le conseil d’administration a violé l’ordre du jour de la réunion du 04 septembre 2006.
Que l’article 14 alinéa 2 dispose que « le conseil d’administration ne délibère que sur les questions inscrites à l’ordre du jour ».
Que la réunion du 04 septembre avait exclusivement deux points à son ordre du jour;à savoir : Information et examen des documents relatifs ou dédouanement du don Chinois et l’ensemble du matériel audio-visuel.
Qu’aucun point ne dit divers n’était inscrit à l’ordre du jour de cette réunion.
Qu’il ressort même du procès-verbal de la réunion (page 3 paragraphe 4). que cet ordre du jour a été voté à l’unanimité des Administrateurs présents.
Que dès lors aucun autre sujet ne pouvait faire l’objet de discussion et de résolution du Conseil d’administration.
Qu’en tout état de cause, il demande à la Cour de constater le caractère irrégulier de la décision de révocation du Directeur Général inséré dans l’ordre du jour de la réunion du 04 septembre 2006.
Qu’enfin, il relève le défaut du quorum requis pour délibérer.
Que l’article 454 de l’acte uniforme précité dispose que le Conseil d’administration ne délibère valablement que si la moitié au moins de ses membres sont présents.
Que l’article 14 des Statuts de la Poste reprend ses mêmes dispositions.
Qu’ainsi le Conseil d’administration de la Poste de Côte d’Ivoire comptant 09 membres, ses délibérations ne peuvent être valables que cinq au moins de ses membres sont effectivement présents.
Qu’à la réunion du 04 septembre 2006, les membres du conseil effectivement présents étaient au nombre de 06.
Que cependant, suite à la contestation de certains membres du conseil sur la décision du Président de décider, séance tenante de la révocation du Directeur Général, deux membres sont sorties de la salle de réunion et n’ont pas pris aux délibérations.
Que ce faisant, seuls, 4 membres ont effectivement délibéré.
Qu’il en déduit que le quorum requis n’étant pas atteint, le conseil d’administration a violé cette disposition.
Qu’il observe que le Juge des référés étant le Juge de l’évidence, il pouvait sans préjudicier au fond, constater ces irrégularités évidentes.
Que le fait pour la Poste de prétendre comme indiquer dans le procès-verbal de la réunion du 04 septembre 2006 que le Directeur Général est révocable à tout moment ne saurait constituer une contestation sérieuse.
Que le caractère AD Nutum de la révocation du Directeur Général n’exonère pas la poste de respecter les règles de convocation et de délibération du conseil d’administration.
Que pour toutes ces raisons, il demande à la Cour de déclarer que le Juge des référés est compétent pour connaître la présente cause;statuant à nouveau, constater les irrégularités qui ont entachées aussi bien la réunion que les délibérations;Constater que la réunion n 1 lui est inopposable et prononcer sa réintégration dans ladite fonction.
La Poste de Côte d’Ivoire, intimée représentée par son Président du Conseil d’Administration ayant pour conseil Maître KOFFI GILBERT Avocat à la cour a soulevé une exception de communication de pièces dans ses conclusions du 21 décembre 2006.
Elle a donc demandé la communication de l’ordonnance N 1735 du 17 novembre 2006, objet d’appel.
En outre, elle allègue l’incompétence de la Juridiction des référés.
En effet la conjugaison des articles 221 nouveau et 226 alinéa 1er du code de procédure civile, commerciale et administrative démontre que le Juge des référés ne peut connaître de la nullité des actes relatifs aux Sociétés Commerciales ou de deux pris par les organes dirigeants de ces Sociétés.
Elle fait valoir que les articles 244, 246 et 247 de l’acte uniforme susvisé fondent aussi l’incompétence du Juge des référés en cette matière.
Subsidiairement, elle conclut au mal fondé de la contestation de la révocation.
Elle indique que les irrégularités relevées tendent a apporter de l’aisance aux administrateurs (délai, jonction de pièces à la convocation). dans l’exercice de leur fonction.
Qu’aucun Administrateur n’a encore déféré la résolution querellée par l’appelant à la Censure d’une quelconque Juridiction.
En tout état de cause, elle note que l’article 492 de l’acte uniforme précité indique que le Directeur Général peut être révoqué à tout moment par le Conseil d’administration.
Il ressort de cette disposition que le Directeur Général est révocable ad. Nutum et le conseil peut délibérer en cas d’urgence.
Pour toutes ces raisons, elle demande à la Cour de confirmer l’ordonnance querellée en déclarant que le Juge des référés est incompétent pour connaître de cette procédure.
Subsidiairement, elle demande à la Cour de déclarer Mr Z mal fondé en son appel.
SUR CE
SUR LE CARACTERE DE LA DECISION
Les parties ont conclu;il y a lieu de statuer par arrêt contradictoire en application de l’article 144 du code de procédure civile, commerciale et administrative.
EN LA FORME
L’appel relevé le 11 décembre 2006 par Mr Z de l’ordonnance des référés rendue le 17 novembre 2006 par le Vice Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan est intervenu dans les formes et délais de la loi (articles 164 à 169 du code de procédure civile).
Il y a lieu de déclarer ledit appel recevable.
AU FOND
SUR L’EXCEPTION DE COMMUNICATION DE PIECES SOULEVEE PAR L’INTIMEE
Il résulte du courrier de Maître KOUASSI HENRI YAO Conseil de l’appelant en date du 12 janvier 2007 que l’ordonnance des référés n 1735 querellée a été communiquée à l’intimée le 15 janvier 2007 comme l’atteste le visa indiqué sur ledit courrier.
Dès lors, échet-il de rejeter cette exception infondée.
SUR LA COMPETENCE DU JUGE DES REFERES
Il résulte des pièces du dossier que le Juge es référés a été saisi pour constater les irrégularités qui auraient entaché la réunion du 04/09/06 et les délibérations qui en résultent et prononcer la réintégration du DG dans ses fonctions.
De telles demandes ne sauraient préjudicier au fond, car elles sont relatives aux règles de formes de la tenue de l’Assemblée générale extraordinaire du Conseil d’Administration prévue par les dispositions de l’article 14 des Statuts de la Poste.
Le Juge des référés sera amené à vérifier la régularité ou l’irrégularité apparente ou évidents de cette disposition et non de statuer sur la régularité des actes sociaux.
De ce qui précède c’est à tort que le Premier Juge s’est déclaré incompétent.
Il y a donc lieu d’infirmer l’ordonnance attaquée en toutes ses dispositions en déclarant le Juge des référés compétent pour connaître ces dites demandes.
SUR LES DEMANDES PORTANT SUR LES IRREGULARITES QUI ONT ENTACHE AUSSI BIEN LA REUNION ET LES DELIBERATIONS QUI EN SONT RESULTEES
Il résulte des pièces du dossier que la réunion du Conseil d’administration a été convoquée le 01 septembre 2006 alors que l’article 14 alinéa 2 des statuts de la poste prévoit un délai de 15 jours entre la date de la convocation des administrateurs et le jour de la réunion.
Il résulte toujours des pièces du dossier que le Président du Conseil d’administration n’a pas joint les dossiers relatifs de la réunion à la convocation alors que le texte précité dispose que les convocations doivent contenir l’ordre du jour de la réunion auquel il est annexé le dossier correspondant.
Il résulte en outre des pièces du dossier que le Conseil d’Administration a délibéré sur la révocation du Directeur Général alors que les statuts de la Poste de Côte d’Ivoire dispose que le Conseil d’administration ne délibère que sur les questions inscrites à l’ordre du jour.
Or il apparaît à l’examen des pièces du dossier que la révocation du Directeur Général n’était pas inscrite à l’ordre du jour de la réunion du 04 septembre 2006.
En tout état de cause, la révocation Ad Nutum n’exclut pas le respect des dispositions de l’article 14 des statuts de la Poste de Côte d’Ivoire.
De toute évidence, les formalités prévues à l’article 14 des statuts n’ont pas été respectées.
En conséquence, il y a lieu de constater les irrégularités qui ont entaché aussi bien la réunion et les délibérations qui en sont résultées et ordonner donc la réintégration du Directeur Général Mr Z dans ses fonctions.
SUR LES DEPENS
La Société la Poste de Côte d’Ivoire succombe;il y a lieu de la condamner aux dépens en application de l’article 149 du cde de procédure civile commerciale et administrative.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière des référés et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare l’appel de Mr Z recevable.
AU FOND
L’y dit bien fondé.
Infirme l’ordonnance querellée.
Statuant à nouveau.
Rejette l’exception de communication de pièces.
Dit que le Juge des référés est compétent.
Constate les irrégularités qui ont entaché la réunion du 04 septembre 2006 et les délibérations qui en sont résultées.
Ordonne la réintégration du Directeur Général Mr Z dans ses fonctions.
Condamne la société POSTE de COTE D’IVOIRE aux dépens.