J-08-30
COMPOSITION IRREGULIERE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION – ACTION EN NULLITE DE LA COMPOSIITON – JUGE DES REFERES – COMPETENCE (NON).
La juridiction des référés est manifestement incompétente lorsque les demandes à elle soumises portent sur des objets qui, dans leur variété et complexité, obligent celle-ci à préjudicier au fond du litige.
Il en est ainsi lorsque les demandes portent notamment sur la nullité du conseil d’administration d’une société pour cause de composition irrégulière.
Article 85 AUPSRVE ET SUIVANTS
Cour d’appel d’Abidjan, Chambre civile et commerciale (5e Chambre A), arret civil contradictoire n 823 du 26 juillet 2005, Affaire Mr Mouangue Lobe (Me Vai Gogbe Jean-Claude). C/ Mr Sigaudo Michel (Me Amon Severin).
LA COUR d’Appel d’Abidjan, 5e Chambre civile et Commerciale, Séant au Palais de Justice de ladite ville, en son audience publique ordinaire du mardi 26 juillet deux mille cinq à laquelle Siégeaient :
– Mr KANGA MATHURIN, Président de Chambre, PRESIDENT;
– Mme TAMIMOU BOUAH et Mme KOUASSI MARCELLE, Conseillers à la Cour, MEMBRES;
– Avec l’assistance de Me KOUADIO FULGENCE GREFFIER.
A rendu l’arrêt dont la teneur suit dans la cause.
ENTRE : Mr MOUANGUE LOBE GEDEON, de nationalité camerounaise, né le 16/11/1958 au CAMEROUN, médecin, 17 BP 882 ABIDJAN 17, Actionnaire à Abidjan Catering;APPELANT.
Représenté et concluant par Maître VAI GOGBE JEAN CLAUDE, Avocat à la Cour, son conseil;D’UNE PART.
ET : 1 / Mr S, Directeur Général de société ABIDJAN –CATERING.
2) / Mr F, Président du Conseil d’Administration de la Société Abidjan-Catering;INTIMEE.
Représentée et concluant par Maître AMON SEVERIN, Avocat à la cour, leur conseil.
D’AUTRE PART.
Sans que les présentes qualités puissent nuire ni préjudicier en quoi que ce soit aux droits et intérêts respectifs des parties en cause, mais au contraire et sous les plus expresses réserves des faits et de droit.
FAITS : La juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan statuant en la cause en matière civile a rendu le 15 mars 2005, une ordonnance de référé N 419 enregistré a Abidjan le 28 juin 2005 reçu quarante mille francs aux qualités duquel il convient de se reporter.
Par exploit en date du 25 mai 2005, de Maître THERESE DILOU FECIEZI, Huissier de Justice à Abidjan, Mr M, déclare interjeter appel de l’ordonnance sus-énoncé et a, par le même exploit assigné les sieurs S et F à comparaître par devant la Cour de ce siège à l’audience du mardi 03 juin 2005, pour entendre annuler, ou infirmer ladite ordonnance.
Sur cette assignation, la cause a été inscrite au rôle général du Greffe de la Cour sous le N 723 de l’an 2005.
Appelée à l’audience sus indiquée, la cause après des renvois a été utilement retenue le 19 juillet 2005 sur les pièces, conclusions écrites et orales des parties.
DROIT : En cet état, la cause présentait à juger les points de droit résultant des pièces, des conclusions écrites et orales des parties.
LA COUR a mis l’affaire en délibéré pour rendre son arrêt à l’audience du 26 juillet 2005, délibéré qui a été vidé.
Advenue l’audience de ce jour, 26 juillet 2005, la Cour vidant son délibéré conformément à la loi, a rendu l’arrêt suivant :
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
OUI les parties en leurs conclusions.
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et des motifs ci-après.
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit d’huissier daté du 25 mai 2005, comportent ajournement au 03 juin 2005, M. M, ayant pour conseil Maître VAI GOGBE JEAN CLAUDE, Avocat près la Cour d’Appel, a relevé appel de l’ordonnance de référé n 419 rendue le 15 mars 2005 par la juridiction Présidentielle du Tribunal de première Instance d’Abidjan qui, en la cause, a statué comme suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé ordinaire et en premier ressort.
– Nous nous déclarons incompétent pour statuer sur la demande de saisie conservatoire.
– Déclarons la demande tendant à la désignation d’un mandataire chargé de nommer les administrateurs irrecevable et recevable tous les autres chefs de demande.
– Disons M mal fondé de tous ces chefs de demande déclarés recevable.
L’en déboutons.
Et le condamnons aux entiers dépens.
Il ressort des énonciations de cette décision, que par exploit d’huissier en date du 8 février 2005, M. M assigné la société Abidjan CATERING M. F, Président du Conseil d’Administration de ladite société, et M. S, Directeur Général de la Société ABIDJAN CATERING, à comparaître devant le Juge des référés pour s’entendre condamner, sous astreinte de 500 000 F par jour de retard à compter du prononcé de la décision, à lui remettre divers documents administratifs et financiers de la Société.
Entendre nommer un administrateur provisoire chargé de composer un nouveau conseil d’Administration de la société Abidjan catering, de gérer ou administrer cette société jusqu’à la décision qui sera prise par le juge du fond relativement à la révocation des Administrateurs actuels désignés sans que l’article 417 de l’Acte Uniforme soit observé.
Dire et juger que la société Abidjan catering devra avancer la somme de 500 000 F à titre de frais de procédure comme le prescrit l’article 171 de l’acte Uniforme.
En cours d’audience, M. M a formulé une demande additionnelle tendant à obtenir la saisie conservatoire des biens meubles de la société Accor Afrique à hauteur de quatre milliards de francs et la saisie conservatoire des biens meubles de M. F à hauteur de 100 000 000 F.
Au soutien de son action, il a exposé qu’il est actionnaire de la société Abidjan catering en affirmant que les dirigeants de la société, notamment le Président du conseil d’Administration et le Directeur Général, n’ont jamais mis à la disposition des actionnaires les documents importants visés aux articles 525 et 526 de l’Acte Uniforme susmentionnés et que ses efforts pour en avoir communication sont vains.
Il a poursuivi en déclinant que le conseil d’administration de ladite société est irrégulièrement composé dans la mesure où il est composé de neuf membres dont seulement deux sont des actionnaires et ce, au mépris des dispositions impératives de l’article 417 de l’Acte Uniforme relatif aux sociétés commerciales, de sorte qu’il est nécessaire de la recomposer.
Les défendeurs ont soulevé In limine litis l’irrecevabilité de la demande de désignation d’un mandataire chargé de convoquer l’Assemblée Générale, aux motifs que conformément aux articles 424 et 546 de l’Acte Uniforme portant droit des sociétés commerciales, les administrateurs sont élus par l’Assemblée Générale ordinaire des actionnaires, de sorte que la désignation des membres du conseil ou de quelques uns d’entre eux ne saurait relever de la compétence d’un mandataire de Justice.
Ils ont ajouté que cette hypothèse n’est cependant possible que si l’actionnaire qui prend l’initiative de cette procédure détient au moins le dixième du capital social, conformément aux dispositions de l’article 516 de l’Acte Uniforme précité, alors que M. M n’en dispose que 0,01 % ses deux actions d’un montant total de 70 000 F.
Pour ce qui concerne la remise des documents, ils ont soutenu qu’ils ne sont jamais opposés à leur communication et que le demandeur ne peut rapporter la preuve contraire.
Ils se sont également opposés à la nomination d’un administrateur provisoire en ce sens qu’il n’existe aucune mésintelligence caractérisée entre les actionnaires susceptibles d’entraîner une paralysie de la société ou un disfonctionnement des organes l’Administration.
Ils ont estimé qu’une action, éventuelle et hypothétique que M. M entend engager devant le juge du fond pour obtenir la révocation de certains administrateurs ne saurait justifier la désignation d’un administrateur provisoire.
Par ailleurs, ils ont soutenu que la demande d’avance de frais formulée par M. M est mal fondé au sens de l’article 171 de l’Acte Uniforme susmentionné en ce que son action est individuelle et met en exergue un préjudice qu’il aurait personnellement subi et non un préjudice qu’aurait subi la société du fait de ses dirigeants.
Relativement à la demande tendant à obtenir des saisies conservatoires les défendeurs ont articulé que le juge des référés est incompétent parce que celle-ci relève de la compétence exclusive de la juridiction présidentielle saisie par voie de requête à l’appui des justificatifs des titres de créances.
Pour statuer comme il l’a fait, le juge des référés a indiqué qu’en application des dispositions de l’article 49 alinéa 1 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, il est compétent pour statuer sur une demande d’autorisation à pratiquer saisie conservatoire.
Cependant, a-t-il précisé, la saisie conservatoire des droits d’associés et des valeurs mobilières, comme en l’espèce, obéit à une procédure bien précisé prévue par les articles 85 et suivants de l’Acte Uniforme précité et ne peut se faire directement devant le juge des référés et a conclu en se déclarant incompétent.
Il a estimé qu’en application de l’article 516 de l’Acte Uniforme portant organisation des sociétés commerciales et des GIE M. M qui ne dispose que de deux actions d’un montant de 70 000 F représentant 0,1 % du capital social, n’est pas habilité à former une demande tendant à la désignation d’un mandataire chargé de nommer les Administrateurs, et doit être déclaré irrecevable.
Le premier juge a souligné qu’il n’est pas établi que les dirigeants aient refusé de communiquer les documents sociaux ou aient fait obstruction à l’accès de M auxdits documents.
Pour rejeter la demande de nomination d’un administrateur provisoire, le juge des référés a relevé qu’il n’existe aucune crise grave de nature à entraîner une mésintelligence caractérisée entre les actionnaires et risquant de paralyser la société et le fonctionnement de ses organes.
Il a, en outre, fait état de ce que l’action par laquelle le demandeur sollicite la condamnation de la société Abidjan CATERING à lui faire l’avance des frais n’est pas une action sociale, mais qu’il s’agit d’une action personnelle résultant du défaut de communication de documents sociaux et qu’il ne peut se prévaloir de l’article 171 de l’Acte Uniforme sus-indiqué.
Au soutien de son appel relevé contre cette décision, M.M fait valoir qu’en raison de la composition irrégulière du conseil d’Administration, ses nominations et délibérations doivent être déclarées nulles en vertu de l’article 424 de l’Acte Uniforme sur les sociétés commerciales et qu’il en découle une paralyse de la direction de l’entreprise nécessitant la désignation d’un mandataire chargé de recomposer le conseil d’Administration et palier à la vacance du corps dirigeant.
Il a repris tous les autres chefs de demande présentée devant le premier juge, tout en spécifiant qu’il s’agit d’une action sociale dont les frais doivent être avancés à un million de francs, et que les saisies conservatoires doivent être autorisées pour la somme de un milliards de francs sur les biens meubles et immeubles d’Accor-Afrique, 250 millions pour les commissions sur les comptes Deloi et Touche.
Il sollicite, par ailleurs, la condamnation de M. F à la restitution de la somme de 56.701 000 F perçu indûment de la société Abidjan-Catering en application de l’article 1376 du code civil et la saisie conservatoire pour ce même montant sur les biens meubles et immeubles.
Il fait grief au premier juge d’avoir mal apprécié ses différentes demandes fondées essentiellement sur des dispositions des Actes Uniformes dont la pertinence est incontestable, en rendant une décision approximative et juridiquement contestable.
Il persiste à soutenir qu’il y a eu obstruction à la communication des documents par le fait qu’il a été invité à se rendre hors siège social de la société pour avoir accès à des documents qui sont censés s’y trouver et le fait qu’il n’a pu prendre copie au bout de huit mois d’attente sous prétexte que la photocopieuse est en panne.
Il reproche au premier juge de n’avoir pas statué sur sa demande tendant à voir prononcer la nullité des nominations des Administrateurs de la société et de toutes les délibération du conseil d’Administration irrégulièrement composé.
L’appelant explique que les personnes morales, membres du conseil d’Administration de la société n’ont pas désigné de personne physique devant les représenter, comme l’impose l’article 421 de l’Acte Uniforme et qu’en vertu de l’article 446 dudit Acte Uniforme il a la qualité pour exercer l’action en nullité.
Il indique, également, que les employés de la société Abidjan CATERING qui détiennent 30% du capital social ne sont pas représentés au conseil d’Administration, et que les privés de l’UEMOA détenant 15% du capital social n’y sont pas, non plus, représentés.
Il fait noter que contrairement à l’opinion du premier juge, l’article 429 ne fixe aucun quota d’action pour solliciter la nomination d’un mandataire judiciaire.
Il conclut à l’infirmation de l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions.
L’appel ayant été signifié à M. S et au siège social de la société ABIDJAN CATERING, il échet de statuer contradictoirement.
DES MOTIFS
EN LA FORME
L’appel ayant été interjeté dans les forme et délai légaux, il y a lieu de le déclarer recevable.
AU FOND
De l’analyse des éléments du dossier, il ressort que les demandes soumises à l’appréciation de la juridiction des référés portant sur des objets qui, dans leur variété et complexité, obligent celle-ci à préjudicier au fond du litige opposant de façon générale M. M à ses partenaires de la société Abidjan CATERING de sorte que ladite juridiction est manifestement incompétente;il convient donc d’infirmer l’ordonnance entreprise et statuant à nouveau déclarer la juridiction des référés incompétente.
M. M, qui succombe en la cause doit être condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort.
EN LA FORME
Déclare recevable l’appel de M. M relevé de l’ordonnance de référé N 419 rendue le 15 mars 2005 par la juridiction présidentielle du Tribunal de première Instance d’Abidjan.
AU FOND
Infirme ladite ordonnance en toutes ses dispositions.
STATUANT A NOUVEAU.
Déclare le juge des référés incompétent.
Renvoie les parties à se pourvoir devant le juge du fond compétent.
Condamne l’appelant aux dépens.