J-08-68
Voir Ohadata J-04-298
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE – CCJA – Voies d’exécution – saisie immobilière – mesures d’instruction – autorité – créance objet de la saisie – conditions.
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – VENTE – JURIDICTION COMPETENTE – JURIDICTION AYANT PLENITUDE DE JURIDICTION DANS LE RESSORT TERRITORIAL OU SE TROUVE L’IMMEUBLE.
SAISIE IMMOBILIERE – COMMANDEMENT – ACTE NOTARIE REVETU DE LA FORMULE EXECUTOIRE – TITRE EXECUTOIRE – CARACTERE LIQUIDE DE LA CREANCE – CONTINUATION DES POURSUITES – OBLIGATION – DETTE – CONTESTATION DU MONTANT PAR LE DEBITEUR – PREUVE CONTRAIRE (NON).
SAISIE IMMOBILIERE- – DIRES ET OBSERVATIONS FORMULES.
POSTERIEUREMENT A LA DATE DE L’AUDIENCE EVENTUELLE – INOBSERVATION DES PRESCRIPTIONS LEGALES – IRRECEVABILITE.
En application des dispositions de l’article 248 all de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la juridiction devant laquelle la vente de l’immeuble peut être poursuivie est celle ayant plénitude de juridiction sur le département où se trouve situé ledit immeuble, en l’occurrence le Tribunal de grande instance de Moungo à Nkongsamba. Par conséquent l’exception d’incompétence doit être rejetée.
La procédure de saisie immobilière engagée est, en tous points, conformes aux dispositions des articles 33 et 247 de l’Acte susvisé, dès lors que d’une part la créance est constatée par la grosse en forme exécutoire de la convention de compte courant qui est un titre exécutoire, et d’autre part que la créance est liquide, c’est-à-dire d’un montant déterminé s’agissant d’un solde de compte courant et exigible conformément à l’article VI de la convention dudit compte.
Par conséquent, il y a lieu d’ordonner la continuation des poursuites.
La contestation du montant de la dette par le débiteur doit être rejetée dès lors qu’elle ne repose sur aucune pièce contredisant le montant tel qu’arrêté par le créancier à travers les pièces produites.
En formulant ses dires et observations relatifs à la caducité de l’hypothèque et du commandement, postérieurement à la date de l’audience éventuelle, le débiteur poursuivi n’a pas observé les prescriptions de l’article 270.3 de l’Acte uniforme précité.
Par conséquent, les dires et observations doivent être déclarés irrecevables.
Article 28 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
Article 32 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
Article 33 AUPSRVE
Article 247 AUPSRVE
Article 248 AUPSRVE
Article 259 AUPSRVE
Article 269 AUPSRVE
Article 270 AUPSRVE
Article 281 AUPSRVE
Cour commune de justice et d’arbitrage, C.C.J.A Arrêt n 013 du 18 mars 2004, Affaire : Fotoh Fonjungo Tobias c/ Société Générale de Banques au Cameroun. S.G.B.C. Juridis Périodique n 62 / 2005, p. 86. Note YIKAM Jérémie. Le Juris Ohada, n 2/2004, juin-août 2004, p. 27, note BROU Kouakou Mathurin. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 3, janvier-juin 2004, p. 101.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 18 mars 2004, où étaient présents :
– Messieurs : Seydou Ba, Président;
– Jacques Mbosso, PremierVice-Président, rapporteur;
– Antoine Joachim Oliveira, Second Vice-président;
– Doumssinrinmbaye Bahdje, Juge;
– Maïnassara Maïdagi, Juge;
– Boubacar Dicko, Juge;
– Biquezil Nambak, Juge;
– Et, Maître Pascal Edouard Nganga, Greffier en chef.
Sur le pourvoi enregistré le 15 mai 2002 au greffe de la Cour de céans sous le n 022/2002/PC et formé le 24 avril 2002 par Maître Teppi Kolloko Fidèle, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 030 Nkongsamba (Cameroun), au nom et pour le compte de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, commerçant demeurant à Tiko (Cameroun), dans la cause qui l’oppose à la Société Générale de Banques au Cameroun S.A. (SGBC) dont le siège est à Douala, 10, Rue Joss B.P. 4042 Douala (Cameroun), laquelle a pour Conseil, Maître Yikam Jérémie, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 756 Nkongsamba (Cameroun), en annulation du jugement n 47/Civ. rendu le 21 mars 2002 par le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort.
Passe outre le jugement préalable du 03 mai 2001 ordonnant une expertise comptable dans la cause, en raison de l’impossibilité de l’exécuter, du fait du sieur Fotoh Fonjungo Tobias.
Rejette comme mal fondés, les dires et observations de sieur Fotoh Fonjungo Tobias.
Ordonne la continuation des poursuites.
Fixe la vente au 02 mai 2002 par-devant le Tribunal de Grande Instance de céans.
Dit qu’il sera à nouveau procédé à l’apposition des placards prévue par la loi, mais sans qu’il y ait lieu à dénonciation.
Dépens à la charge de Fotoh Fonjungo Tobias dont distraction au profit de Maître YIKAM Jérémie, Avocat aux offres de droit ».
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi, deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’bosso, Premier Vice-Président
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.
Vu le règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que le 21 novembre 1985, la Société Générale de Banques au Cameroun dite SGBC, société anonyme au capital de six milliards deux cent cinquante millions (6.250 000 000) de francs CFA, dont le siège est situé au n 10 Rue Joss, B.P 4042 Douala, a conclu par-devant Maître Senghor Lankeuh, Notaire, B.P 36 Nkongsamba (Cameroun), une convention d’ouverture de compte courant avec Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, commerçant demeurant à Tiko, B.P. 9 Cameroun;qu’en sûreté du fonctionnement dudit compte courant, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias a consenti une hypothèque en premier rang sur un immeuble rural non bâti, objet du titre foncier n 4765 du département du Moungo, hypothèque destinée à garantir au profit de la SGBC, la somme de vingt millions (20 000 000) de francs CFA en principal, plus les intérêts que produirait le solde du compte après clôture;que par lettre en date, à Limbé, du 14 février 1993, la SGBC avait dénoncé ladite convention de compte courant la liant à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias;que le 05 avril 1999, la SGBC, par le ministère de Maître Blandine Sop Fonkoua, Huissier de justice à Limbé, notifia à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias l’original de la lettre n NY/REF/TB/JUR n 5559/P541 en date du 05 janvier 1999 et l’historique des comptes de celui-ci dans ses livres;que le 08 septembre 1999, la même SGBC, agissant poursuites et diligences de son directeur général Michel Sauvagnac, donna pouvoir à Maître Jean Penda, Huissier de justice à Nkongsamba, pour procéder à la saisie de l’immeuble rural précité qui avait été spécialement hypothéqué en vertu de la grosse de la convention d’ouverture de compte courant du 21 novembre 1985, à la garantie des engagements de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, lesquels selon le requérant, s’élevaient à la date du 5 novembre 1998, sauf erreur ou omission et sous réserve des frais de recouvrement, à soixante dix millions neuf cent cinquante quatre mille deux cent quatorze (70.954.214) francs CFA;qu’exécutant le mandat ainsi reçu, Maître Jean Penda avait servi le 04 octobre 1999 à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, un commandement aux fins de saisie immobilière par lequel d’une part, il demandait à ce dernier de payer à la SGBC la somme de 70.954.214 FCFA en principal, 2.135.626 FCF A de TVA sur le droit de recette, 85 582 FCFA de coût d’exploit, soit soixante treize millions cinq cent soixante quatorze mille sept cent quatre vingt quatre (73.574.784) FCFA au total, et lui faisait savoir qu’à défaut de s’exécuter dans un délai maximum de 20 jours, il verrait ledit commandement transcrit à la conservation foncière pour valoir saisie à compter de sa publication, et d’autre part, il l’informait de ce que le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba est la juridiction où l’expropriation de son immeuble hypothéqué sera poursuivie;que dès réception de ce commandement aux fins de saisie immobilière, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias avait saisi le Tribunal de Grande Instance du Moungo d’une requête en contestation de la créance de la SGBC et en nullité de la procédure de saisie immobilière engagée à son encontre;que faisant droit à sa requête, le Tribunal saisi a rendu le 03 mai 2001, un jugement avant-dire droit par lequel il ordonnait une expertise comptable dans la cause, aux fins de déterminer le montant exact de la dette dont le paiement était réclamé à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias;que constatant que durant plusieurs mois, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias n’avait pas payé le supplément de consignation nécessaire à la réalisation de l’expertise qu’il avait lui-même sollicitée, le tribunal saisi décidait de passer outre son jugement préalable du 03 mai 2001 et rendait le jugement n 47 /Civ. du 21 mars 2002, objet du présent pourvoi.
Sur la recevabilité du pourvoi
Vu l’article 32.1 du règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage.
Attendu que dans son mémoire en duplique reçu au greffe de la Cour de céans le 10 juin 2003, la SGBC, défenderesse au pourvoi, déclare soulever « In limine litis » et à titre principal, l’irrecevabilité du présent pourvoi aux motifs qu’aux termes de l’article 28 (2) du règlement de procédure susvisé, « mention doit être faite de la date à laquelle la décision attaquée a été signifiée au requérant »;que selon le moyen, le recours de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias ne contient pas la copie de l’exploit de signification du jugement attaqué;que conformément à la jurisprudence constante de la Cour, il échet de déclarer ce pourvoi irrecevable; » que la Cour soulevant d’office cette fin de non-recevoir, il y a lieu d’en déduire qu’elle peut être soulevée en tout état de cause ».
Mais attendu qu’aux termes de l’article 32.1 du règlement de procédure susvisé, « toute exception à la compétence de la Cour ou à la recevabilité du recours doit être présentée dans le délai fixé pour le dépôt de la première pièce de procédure émanant de la partie soulevant l’exception. La Cour peut statuer distinctement sur l’exception ou la joindre au fond ».
Attendu qu’en l’espèce, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias affirme dans son mémoire en cassation, que le jugement attaqué n’avait encore pas fait l’objet de signification à la date de saisine de la Cour de céans;que ledit mémoire en cassation a été signifié à la SGBC par le greffier en chef de la Cour de céans par lettre n 327/2002/G5 du 27 septembre 2002, en vue de recueillir les observations y relatives que pourrait faire la SGBC;que dans la lettre sus indiquée, le Greffier en chef de la Cour de céans a fait savoir à la SGBC, qu’un délai de trois mois à compter de la date de réception de ladite lettre lui était accordé pour présenter, par le ministère d’un avocat, son mémoire en réponse;qu’à la lumière des ses propres écritures, la SGBC a reçu la lettre dont s’agit le 31 octobre 2002;que dès lors, elle avait jusqu’au 1er février 2003 pour, non seulement communiquer à la Cour de céans son mémoire en réponse, mais aussi, faire connaître à celle-ci les exceptions de procédure qu’elle entendait soutenir relativement au pourvoi;que si le mémoire en réponse est parvenu à la Cour de céans le 20 janvier 2003, soit dans le délai requis, ledit mémoire ne s’est limité qu’à répondre aux moyens du pourvoi, sans soulever une quelconque exception de procédure;que l’exception d’irrecevabilité soulevée ne l’a été que dans le mémoire en duplique daté du 06 juin 2003 et reçu au greffe de la Cour de céans le 10 juin 2003.
Attendu qu’en application des dispositions sus énoncées de l’article 32.1 du règlement de procédure précité, la SGBC aurait dû présenter l’exception d’irrecevabilité du présent pourvoi qu’elle soulève, dans le délai à lui imparti par la Cour de céans pour le dépôt de sa première pièce de procédure;que faute pour la SGBC d’avoir observé ces prescriptions, l’exception d’irrecevabilité qu’elle a soulevée hors délai doit être déclarée irrecevable.
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est fait grief au jugement attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article 247 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que, selon le moyen, le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, dans l’espèce en cause a, par jugement avant-dire droit n 41/ADD/Civ. du 03 mai 2001, constaté à bon droit « qu’en l’espèce, il apparaît des contestations des parties que la liquidité, c’est-à-dire la certitude de créance quant à son montant, n’est pas établie »;que c’est en violation du texte visé au moyen et aux termes duquel « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible. »;que par jugement de fond n 47/Civ. du 21 mars 2002, ce même tribunal a ordonné la continuation des poursuites et fixé la date de la vente, alors et surtout que, selon le requérant, l’alinéa 2 du texte visé au moyen édictant que « l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation », la convention d’ouverture de compte dont se prévaut la SGBC ne peut fonder une poursuite et donc tenir lieu de titre exécutoire, que lorsqu’une expertise comptable régulière et contradictoire a déterminé lequel des cocontractants est devenu créancier à la suite des opérations réciproques de débit et de crédit enregistrées dans ledit compte.
Attendu qu’aux termes de l’article 247 de l’Acte uniforme susvisé, « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
La poursuite peut également avoir lieu en vertu d’un titre exécutoire par provision, ou pour une créance en espèce non liquidée;mais l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation ».
Attendu que par jugement avant-dire droit n 41/ADD/Civ. en date du 03 mai 2001, le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba a, après avoir retenu, « qu’en l’espèce, il apparaît des contestations des parties que la liquidité, c’est-à-dire la certitude de la créance quant à son montant n’est pas établie », ordonné une expertise comptable dans la cause aux fins de déterminer le montant exact de la dette de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias envers la SGBC, ceci à la date du 04 octobre 1999, date du commandement, et pour y procéder, désigné Momo Jean Marie, expert comptable agréé.
Attendu que par jugement n 47/Civ. du 21 mars 2002, le même tribunal est passé outre le jugement préalable du 03 mai 2001 ordonnant une expertise comptable dans la cause, en raison de l’impossibilité de l’exécuter, du fait de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, rejeté comme non fondés les dires et observations de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, ordonné la continuation des poursuites et fixé la vente au 02 mai 2002 par-devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba.
Attendu cependant, qu’en statuant ainsi sans se prononcer sur les contestations relatives à la créance qui l’avaient déterminé à ordonner une expertise comptable, se bornant simplement à affirmer que « la somme d’argent destinée à couvrir les frais d’expertise ne fut jamais consignée et l’expertise comptable jamais faite. Que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias n’offrait même pas de la verser, il y a lieu de penser qu’il y trouve un moyen dilatoire dolosif de paralyser la procédure », le Tribunal n’a pas permis à la Cour de céans d’exercer son contrôle;qu’il y a lieu de casser le jugement attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit utile de se prononcer sur le second moyen.
Sur l’évocation
Attendu qu’après le commandement aux fins de saisie immobilière à lui servi par la SGBC le 04 octobre 1999 et la sommation à lui faite par la même SGBC le 29 octobre 1999, de prendre communication du cahier des charges relatif à la vente de son immeuble, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias a, dans l’acte du ministère de son Conseil Maître Richard Charley Sone, en date du 26 novembre 1999, par 1equel il fait « opposition à la sommation » sus-indiquée, demandé au Président du Tribunal que soit ordonné l’arrêt immédiat de l’acte exécutoire, en attendant qu’une décision de justice établisse son endettement réel vis-à-vis de la SGBC et que le Tribunal de Grande Instance de Nkongsamba soit déclaré incompétent pour une hypothèque domiciliée à Tiko et à Yaoundé;que le 02 février 2000, par le ministère d’un second avocat, Maître Teppi Kolloko Fidèle, Avocat au Barreau du Cameroun, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias a également demandé aux juges du fond de constater que l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie n’a pas été renouvelée dans les 10 ans et que dans ces conditions, celle-ci est frappée de caducité et ne peut servir de fondement à une saisie immobilière;que jusqu’à ce jour, le commandement n’est pas inscrit à la conservation foncière pour valoir saisie;que conformément aux articles 262 et 259 alinéa 3 de l’Acte uniforme n 06, ce commandement est également frappé de caducité ainsi que les poursuites subséquentes;que par conséquent, il convient d’annuler tout le commandement du 04 octobre 1999 ainsi que les présentes poursuites et « d’ordonner par voie de conséquence, mainlevée dudit commandement ».
Attendu que, pour sa part, la SGBC, répondant aux dires et observations de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, a notamment demandé aux juges du fond « de dire et juger que la clause d’élection de domicile insérée à l’article 21 de la Convention de compte courant ne saurait s’assimiler à une clause attributive de compétence.
En conséquence, dire et juger que les parties n’ont pas dérogé aux règles de compétence territoriale édictées par l’article 248 de l’Acte uniforme n 6 ou par les textes antérieurs à son entrée en vigueur.
Se déclarer par suite, compétent territorialement à connaître de la présente procédure.
Dire et juger que seule une décision peut suspendre l’exécution d’un acte revêtu de la formule exécutoire.
En conséquence, rejeter la demande du requérant tendant à suspendre la présente poursuite.
Dire et juger que les contestations relatives au fond du droit, notamment à l’existence de la créance, n’ont pas le caractère d’un incident de saisie immobilière.
En conséquence, les rejeter comme non fondées.
Constater que les conditions de remise de la vente de l’article 281 ne sont pas réunies et ordonner la continuation des poursuites ».
Sur la compétence du Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba
Vu l’article 248 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias soutient que « l’hypothèque étant domiciliée à Tiko et à Yaoundé, selon l’article XXI de l’hypothèque, seul le tribunal de [son] lieu est compétent pour statuer sur cette affaire d’endettement ».
Attendu qu’aux termes de l’article 248 alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé, « la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie est celle ayant la plénitude de juridiction dans le ressort territorial où se trouvent les immeubles ».
Attendu que l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie par la SGBC porte sur un immeuble rural non bâti situé à Dibombari au lieu dit Bomono-gare, dans le département du Moungo à Nkongsamba, et faisant l’objet du titre foncier n 4765/Moungo;qu’ainsi et en application des dispositions sus-énoncées de l’article 248 alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé, la juridiction devant laquelle la vente de l’immeuble sus-indiqué peut être poursuivie est celle ayant plénitude de juridiction sur le département du Moungo à Nkongsamba, où se trouve situé ledit immeuble, en l’occurrence le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba;qu’il y a lieu dès lors, de rejeter l’exception d’incompétence.
Sur la demande d’arrêt immédiat du commandement aux fins de saisie immobilière
Vu les articles 33 et 247 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias demande que soit ordonné l’arrêt immédiat du commandement aux fins de saisie immobilière à lui servi par la SGBC, le 04 octobre 1999, motif pris de ce qu’il conteste le montant de son endettement tel qu’établi par la SGBC, et qui s’élève à 70.954.214 FCFA intérêts compris.
Attendu que les articles 247 et 33 de l’Acte uniforme susvisé disposent respectivement que « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible.
La poursuite peut également avoir lieu en vertu d’un titre exécutoire par provision ou pour une créance en espèce non liquidée;mais l’adjudication ne peut être effectuée que sur un titre définitivement exécutoire et après la liquidation », et « constituent des titres exécutoires : (…) les actes notariés revêtus de la formule exécutoire (..) ».
Attendu qu’en l’espèce, l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que la réalisation de l’hypothèque consentie par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias est poursuivie en vertu d’un acte notarié revêtu de la formule exécutoire, à savoir la grosse en forme exécutoire de la convention de compte courant avec affectation hypothécaire conclue le 21 novembre 1985 par la SGBC et Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias par-devant Maître Senghor Lankeuh, Notaire;que la convention de compte courant dont s’agit a été dénoncée par lettre en date, à Limbé, du 14 février 1993, ayant pour objet la « dénonciation du compte courant et déchéance du terme »;qu’à ladite date, les trois comptes de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias étaient débiteurs de 29 031.528 FCFA, non compris les intérêts;que c’est après deux mises en demeure infructueuses adressées à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias les 19 février 1998 et 05 janvier 1999 et tendant à obtenir le remboursement de ses concours financiers, principal et intérêts compris, que la SGBC a décidé de réaliser l’hypothèque consentie par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias.
Attendu qu’aux termes de l’article 247 sus-énoncé de l’Acte uniforme susvisé, la vente forcée d’immeuble peut être poursuivie en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible;que la grosse en forme exécutoire de la convention de compte courant liant la SGBC à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias est un titre exécutoire au sens de l’article 33 précité de l’Acte uniforme susvisé;que la créance constatée par ledit titre exécutoire est liquide, c’est-à-dire d’un montant déterminé s’agissant d’un solde de compte courant, et exigible conformément à l’article VI de la convention dudit compte, qui dispose que « (…) le solde sera exigible aussitôt le compte clôturé »;qu’ainsi, la procédure de saisie immobilière engagée par la SGBC est, en tous points, conforme aux dispositions des textes précités;qu’il n’y a donc pas lieu à en suspendre la poursuite;qu’il échet en conséquence, de rejeter la demande comme non fondée et d’ordonner la continuation des poursuites.
Sur la détermination du montant de la dette de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias
Vu la convention de compte courant du 21 novembre 1985.
Attendu que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias conteste le montant de son endettement vis-à-vis de la SGBC et demande qu’une décision de justice en établisse le montant exact.
Attendu que les articles II, VII et XIX de la Convention de compte courant susvisé disposent respectivement que « jusqu’à la clôture du compte, les intérêts et commissions dus à la Banque y seront portés et en deviendront des articles.
Après la clôture du compte, les intérêts courront sur le solde et sur tous les accessoires, aux derniers taux appliqués lors de la clôture. Ils seront exigibles à tout instant (..) ».
« Le montant du solde exigible et, d’une manière générale, toutes les opérations du compte courant, pourront être établies, même vis-à-vis des tiers, par tous les moyens de preuve, notamment par correspondance, par toutes pièces comptables et par les livres des parties. ».
« Tous impôts ou taxes quelconques présents et à venir, sur les intérêts ou le principal des sommes portées au compte courant, seront à la charge du client (…).
Il en sera de même de tous frais, droits et émoluments quelconques afférents au présent acte ou à ses suites, notamment de ceux de tout renouvellement d’inscriptions ».
Attendu qu’il est de règle que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure révèle que par lettre en date, à Limbé, du 14 février 1993 ayant pour objet la « dénonciation du compte courant et déchéance du terme », la SGBC faisait savoir à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias qu’en raison du gel de son compte en dépit de nombreuses correspondances et entretiens, elle se voyait dans l’obligation de dénoncer la convention de compte courant liant leurs deux établissements et de prononcer la déchéance du terme de son crédit à moyen terme;que ladite lettre indiquait pour chacun des trois comptes mouvementés dans le cadre de la convention de compte courant, le solde débiteur dont le total s’élevait à 29 031.528 FCFA, non compris les intérêts;que par une autre lettre en date du 05 janvier 1999 et ayant pour objet les engagements de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias en ses livres, la SGBC disait constater avec regret, « qu’après notre mise en demeure du 19 février 1998 et malgré le long délai de 10 mois que nous avons unilatéralement accordé pour vous organiser, vous n’avez cru devoir effectuer aucun versement en remboursement de vos engagements en nos livres.
Votre attitude prouve ainsi que vous avez rejeté notre proposition d’un règlement amiable de votre dette.
Nous prenons acte de votre position et vous informons en retour, de notre ferme détermination à récupérer la totalité de notre créance, laquelle s’élève à ce jour à FCFA 70.954.214 intérêts compris au 05 novembre 1998, et ainsi décomposée :
– Principal de votre dette : FCFA 35.649 079.
– Intérêts du 01 avril 1993 au 05 novembre 1998 : FCFA 35.305.135 (..) pour le calcul de notre créance telle que ci-dessus, nous avons tenu compte :
– de tous vos versements.
- – des intérêts débiteurs générés par votre dette, calculés au taux favorable de 14 % à compter du 14 février 1993 (date de clôture juridique de votre compte), jusqu’au 01 novembre 1998 »;
Que jusqu’au 26 novembre 1999, date de ses dires et observations formulés à la suite de la sommation à lui faite par la SGBC de prendre communication du cahier des charges relatif à la vente de son immeuble hypothéqué, Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias n’a pas rapporté la preuve de l’extinction de son obligation de rembourser à la SGBC, le montant de ses concours financiers;
Qu’en outre, accédant à la demande du même Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias de voir évaluer par un expert comptable le montant exact de sa dette, le Tribunal a ordonné une expertise comptable de ladite dette, désigné un expert comptable agréé pour y procéder et fixé une consignation de 1.500 000 FCFA pour ce faire;que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, qui avait intérêt à cette évaluation et qui l’avait sollicitée, n’a point payé la consignation exigée pour cette expertise comptable, rendant la réalisation de celle-ci impossible.
Attendu qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la contestation par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias du montant de sa dette ne repose sur aucune pièce contredisant le montant de celle-ci tel qu’arrêté par la SGBC à travers les pièces produites;qu’il échet en conséquence, de rejeter ladite contestation comme étant non fondée.
Sur la caducité de l’hypothèque, la nullité du commandement du 04 octobre 1999 et de la procédure de saisie immobilière initiée par la SGBC
Vu l’article 270 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias demande également aux juges du fond de constater que l’hypothèque dont la réalisation est poursuivie est frappée de caducité, pour n’avoir pas été renouvelée dans les 10 ans et ne peut de ce fait, servir de fondement à une saisie immobilière;qu’en outre, le commandement aux fins de saisie immobilière ne peut valoir saisie, pour n’avoir pas été inscrit à la conservation foncière;qu’il est aussi frappé de caducité ainsi que les poursuites subséquentes;que par conséquent, il convient d’annuler tout le commandement du 04 octobre 1999 ainsi que les présentes poursuites et d’ordonner par voie de conséquence, mainlevée dudit commandement.
Attendu qu’aux termes de l’article 270 (3) de l’Acte uniforme susvisé, « les dires et observations [sur le cahier des charges] seront reçus, à peine de déchéance, jusqu’au cinquième jour précédant l’audience éventuelle ».
Attendu qu’en l’espèce, il résulte des productions, notamment de la « sommation de prendre communication du cahier des charges » signifiée à la personne même de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias le 29 octobre 1999, que dans ladite « sommation. », la SGBC, par le ministère de Maître Jean Penda, Huissier de justice, demandait expressément à Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias d’insérer au cahier des charges, « .. ses dires et observations qui seront reçus, à peine de déchéance, jusqu’au cinquième jour précédant l’audience éventuelle prévue pour le 02 décembre 1999 »;que les dires et observations de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias relatifs à la caducité de l’hypothèque et du commandement du 04 octobre 1999, ont été formulés le 02 février 2000, soit postérieurement à la date de l’audience éventuelle fixée au 02 décembre 1999;qu’ainsi et faute par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias d’avoir observé les prescriptions de l’article 270(3) sus-énoncé, il y a lieu de déclarer irrecevables les présents dires et observations de Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias sur la caducité de l’hypothèque, la nullité du commandement du 04 octobre 1999 et de la procédure de saisie immobilière entreprise par la SGBC.
Sur les dépens
Attendu que Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette l’exception d’irrecevabilité du pourvoi soulevée par la SGBC.
Casse et annule le jugement n 47/Civ. rendu le 21 mars 2002 par le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba.
Évoquant et statuant sur le fond.
Rejette l’exception d’incompétence soulevée par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias.
Le déboute de tous ses chefs de demande.
Déclare irrecevables les dires et observations formulés par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias postérieurement à la date de l’audience éventuelle.
Ordonne la continuation des poursuites et, pour y procéder, renvoie devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba.
Condamne Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
- –le Greffier en chef
- –le Président.
Observations de Me YIKAM Jérémie, Avocat au Barreau du Cameroun
L’arrêt ci-dessus rapporté s’est prononcé sur un certain nombre de questions juridiques liées à la nouvelle procédure de saisie immobilière, notamment les conditions d’application de l’art. 247 al.1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le tribunal territorialement compétent pour connaître de ladite saisie, le moment où les exceptions et les dires et observations doivent être introduits. Si les trois dernières questions n’appellent pas d’observations particulières, dans la mesure où la Cour s’est contentée d’appliquer strictement les dispositions légales en vigueur, il en va autrement en ce qui concerne les conditions de la créance recouvrable par voie de saisie immobilière, dans une espèce où les faits sont les suivants :
Le 21 novembre 1985, un certain Fotoh Fonjungo Tobias avait conclu avec la S.G.B.C, une convention d’ouverture de compte courant assortie d’une garantie hypothécaire. A la date du 14 février 1993, suite à la défaillance du co-contractant d’approvisionner régulièrement son compte, la S.G.B.C prononça la clôture juridique du compte. Mais en application de l’art. VII de la convention, les intérêts ont continué à courir au point qu’au 5 novembre 1998, le solde du compte s’élevait à 70.954.214 francs CFA en faveur de la S.G.B.C qui, le 4 octobre 1999, a fait servir à son adversaire, un commandement aux fins de saisie immobilière, d’avoir à payer la somme de 73.574.784 FCFA, principal et intérêts compris.
Fotoh Fonjungo Tobias a déposé des dires pour contester le montant de sa dette et solliciter la désignation d’un expert comptable. Le tribunal a fait droit à sa demande et a nommé un expert comptable par jugement n 41/ADD/Civ. du 3 mai 2001, pour déterminer le montant exact de la dette du disant.
En dépit de plusieurs renvois, ce dernier n’a pu acquitter le montant de la consignation. Le tribunal, tirant les conséquences de cette incurie, a rendu la décision suivante :
« Passe outre le jugement préalable du 3 mai 2001 ordonnant une expertise comptable dans la cause, en raison de l’impossibilité de l’exécuter, du fait du sieur Fotoh Fonjungo Tobias.
Rejette comme non fondés, les dires et observations du sieur Fotoh Fonjungo Tobias.
Ordonne la continuation des poursuites ». Ce dernier s’est pourvu en cassation. Entre autre moyen, le pourvoi reproche au premier juge, la violation de l’art. 247 de l’Acte uniforme précité. La Cour a cassé le jugement entrepris, au motif « qu’en statuant sans se prononcer sur les contestations relatives à la créance qui l’avaient déterminé à ordonner une expertise comptable,., le tribunal n’a pas permis à la Cour d’exercer son contrôle ».
Au regard de l’art. 247 al.1 ci-dessus et de la jurisprudence classique sur les mesures d’instruction, les motifs de cassation de cet arrêt présentent une double originalité : par rapport à l’autorité des jugements avant-dire droit (I). et par rapport aux conditions de la créance dont le recouvrement peut être poursuivi par la saisie immobilière (II).
I. L’autorité des jugements ordonnant une mesure d’instruction
Afin de mieux comprendre la solution de la Cour (B), il est nécessaire d’exposer d’abord la solution de principe (A).
A. La solution de principe
La jurisprudence admet que si le juge n’est pas lié par un jugement avant-dire droit ordonnant une mesure d’instruction, il ne saurait cependant juger le fond avant que la mesure d’instruction ordonnée à titre préparatoire n’ait été exécutée, à moins que l’exécution de cette mesure soit devenue impossible par suite d’un cas de force majeure, de la carence des parties ou de leur renonciation à s’en prévaloir. Cette solution des tribunaux français a été également consacrée par la Cour Suprême du Cameroun.
D’après cette solution classique, les jugements ordonnant une mesure d’instruction ne sont pas revêtus de l’autorité de la chose jugée. Cette absence d’autorité de la chose jugée des jugements incriminés permet au juge de s’en affranchir, à condition de relever l’une des trois causes de l’impossibilité d’exécuter son A.D.D que sont : la force majeure, la carence ou la renonciation des parties.
En l’espèce, le premier juge a considéré que le fait pour Fotoh Fonjungo Tobias de n’avoir pas consigné après 10 mois de renvois multiples pour ce faire, rend l’exécution de l’avant-dire droit impossible par suite de la carence de l’une des parties. Cette solution classique à laquelle le juge du fond s’est conformé est heureuse, en ce sens qu’elle évite des renvois interminables pouvant s’assimiler à un déni de justice. Elle aurait entraîné le rejet du pourvoi, si la Cour n’avait pas d’avis contraire.
B. La solution de la Cour Commune
LA COUR Commune, faut-il le rappeler, a cassé le jugement n 47/Civ. du 21 mars 2002, au motif qu’en passant outre le jugement ADD du 3 mai 2001.. « en raison de l’impossibilité de l’exécuter, du fait de Fotoh Fonjungo Tobias, sans se prononcer sur les contestations relatives à la créance qui l’avaient déterminé à ordonner une expertise comptable., le tribunal n’a pas permis à la Cour, d’exercer son contrôle ». En d’autres termes, pour la Cour, quelle que soit l’attitude des parties relativement au jugement A.D.D, le tribunal est tenu d’attendre les résultats de l’exécution de son AD.D pour se prononcer. Elle n’admet aucune réserve, notamment la force majeure, la carence ou la renonciation des parties, de nature à justifier que le tribunal puisse passer outre cet AD.D.
Cette solution rigide de la Cour, complètement à l’opposé de la solution classique, confère au jugement ordonnant une mesure d’instruction, la même autorité qu’un jugement au fond.
La question est cependant de savoir ce que doit faire le juge, si pour l’une des raisons énumérées ci-dessus, la mesure incriminée ne peut être exécutée. Doit-il continuer à remettre indéfiniment la cause, au risque de commettre un déni de justice, à la grande satisfaction du saisi, qui n’a aucun intérêt à voir vendre son immeuble ?.
Dans les motifs de l’arrêt, la Cour reproche au jugement attaqué, de se borner « simplement à affirmer que la somme d’argent destinée à couvrir les frais d’expertise ne fut jamais consignée et l’expertise comptable jamais faite », comme s’il y avait mieux pour constituer la carence des parties.
En tout cas, l’arrêt est suffisamment muet pour qu’on en déduise que pour la Cour, cette carence même peut justifier que le juge passe outre son ADD. A vrai dire, cet arrêt laisse le lecteur sur sa faim quant à l’attitude du juge en cas de carence des parties. Il y a là, une impasse à laquelle la Cour doit apporter quelque tempérament, sous peine d’ouvrir une voie royale au dilatoire. En l’état donc, chaque saisi n’aura qu’à contester le montant de sa dette, faire ordonner par le juge une expertise comptable, pour être sûr que tant qu’il ne consigne pas les frais d’expertise, la procédure n’avancera jamais.
En réalité, le tribunal pouvait faire l’économie des difficultés liées à l’exécution d’une mesure d’instruction, s’il s’en tenait aux termes stricts de l’art. 247 de l’Acte uniforme précité, dont il convient à présent d’examiner l’originalité d’application par la Cour Commune.
II. La créance dont le recouvrement peut être poursuivi par la saisie immobilière
Les conditions de la créance dont le recouvrement peut être poursuivi par la procédure de saisie immobilière sont fixées par l’art. 247 al.1 de l’Acte uniforme précité, aux termes duquel : « la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible ».
D’après ce texte, deux conditions sont nécessaires pour qu’une créance fasse l’objet d’un recouvrement par la procédure de saisie immobilière : la créance doit être constatée par un titre exécutoire;elle doit aussi être liquide et exigible. L’application de ces deux conditions n’a posé aucune difficulté particulière à l’arrêt rapporté. En revanche, la Cour, en consacrant plus d’une page entière pour déterminer le montant de la dette du saisi, admet implicitement que la créance doit également être certaine.
Cette troisième condition, étrangère à l’art. 247 ci-dessus, semble aussi contraire à la doctrine et à la jurisprudence classiques, qui considèrent que la contestation relative à la créance n’a pas le caractère d’incident de saisie (A), encore que rechercher en l’espèce si la créance était certaine, revient en réalité à enfoncer une porte ouverte (B).
A. La contestation relative à la créance n’a pas le caractère d’incident de saisie
Il y a incident dans le déroulement de la saisie immobilière lorsque, après le dépôt du cahier des charges au greffe du tribunal compétent et la sommation du saisi et des tiers inscrits éventuels, ceux-ci annexent audit cahier des charges, des dires et observations.
L’Acte uniforme précité énumère au titre VIII, chapitre V, les incidents susceptibles d’être soulevés au cours de la procédure de saisie immobilière. Cette catégorie d’incidents ne soulève aucune difficulté liée à l’arrêt commenté. D’autres sont d’origine prétorienne. En raison de leur variété et de leur nombre, la jurisprudence a élaboré un critère en vue d’écarter les contestations qui seraient dépourvues du caractère d’incident de saisie.
Doit être considérée comme incident de saisie, toute contestation née de la procédure de saisie immobilière et qui s’y réfère directement. Ce critère n’est pas d’application aisée. Il a cependant permis à la Cour de Cassation, d’écarter la demande en nullité du titre de créance, la demande d’expertise comptable présentée par le saisi, en vue de vérifier si la créance est éteinte.
Il a même été jugé, s’agissant spécialement du compte courant, qu’une saisie était valablement pratiquée pour une créance résultant d’un compte courant non accepté et contesté en partie, si l’existence de la dette est constante en partie.
Les tribunaux français sont ainsi intervenus, bien que l’art. 2213 du C.C. ait toujours exigé que pour une vente forcée d’immeuble, la créance soit certaine, à plus forte raison l’art. 247 précité qui, en abrogeant implicitement l’art. 2213 ci-dessus, ne contient plus cette condition.
On a soutenu que celle-ci était sous-entendue parce que le caractère certain de la créance résulte du titre exécutoire, ou que c’est par souci d’espace et de temps que le législateur n’a pas cru devoir ajouter cette condition à l’art. 247 précité.
Aucun de ces arguments ne paraît fondé. D’abord, quand bien même la créance serait contenue dans un titre exécutoire, elle pourrait donner lieu à contestation. C’est le cas d’une grosse de la convention d’ouverture de crédit, comme en l’espèce, ou d’une décision de justice, lorsque le condamné prétend avoir déjà payé au créancier une partie de la dette sur le montant de laquelle les parties ne s’accordent pas. Ensuite, il serait difficile de soutenir que le mot « certaine » occupe plus d’espace dans une phrase que « liquide et exigible ».
En réalité, c’est à dessein que le législateur n’a pas repris cette condition à l’article 247 ci-dessus pour ainsi réaffirmer le caractère spécial de la créance dont le recouvrement peut être poursuivi par la procédure de saisie immobilière par rapport aux conditions générales de la créance fixées à l’art. 31 de l’AUVE.
Fotoh Fonjungo Tobias, s’il voulait contester sa dette, avait la voie d’action principale en désignation d’expert prévue par les articles 116 et s du Code de Procédure Civile et Commerciale, alors surtout, qu’en l’espèce, il s’est écoulé plus de 10 mois entre la date de la notification du solde du compte courant (janvier 1999). et celle de la signification du commandement (octobre 1999). La désignation d’expert ne peut être ordonnée par voie d’incident par le juge de la saisie immobilière, qui se contente de vérifier si les règles édictées au titre VIII précité ont été respectées par le poursuivant. Les questions liées au fond du droit, non seulement ne ressortiraient pas des dispositions ci-dessus, mais encore, auraient pour effet d’allonger anormalement la saisie, ce qui serait contraire à l’esprit du législateur communautaire qui, en réglementant rigoureusement ladite procédure sur la remise de l’audience éventuelle et de l’adjudication, a entendu réduire les délais de recouvrement.
En vérité, le premier juge n’avait pas à recourir à l’expertise pour la détermination du montant de la dette de Fotoh Fonjungo Tobias parce que, quand bien même ce critère aurait été exigé, la créance en l’espèce était certaine, ce qui rendait la contestation sans objet.
B. La contestation est sans objet.
La contestation relative au montant de la créance n’avait pas de raison d’être en l’espèce, parce que ce montant se trouvait établi suivant les pièces du dossier et le droit.
1). Argument de fait
L’argument de fait est celui que la Cour a utilisé pour déterminer le montant de la dette de Fotoh Fonjungo Tobias. En effet, elle relève : « attendu qu’au regard de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la contestation par Monsieur Fotoh Fonjungo Tobias, du montant de sa dette, ne repose sur aucune pièce contredisant le montant de celle-ci, tel qu’arrêté par la S.G.B.C, à travers les pièces produites ». Pour aboutir à cette conclusion, la Haute Juridiction n’a pas eu besoin de recourir au service d’un expert, elle s’est contentée de puiser les arguments des pièces produites.
2). Argument de droit
L’argument de droit découle du silence gardé par le débiteur, entre le moment de la connaissance du solde définitif de son compte et la signification du commandement aux fins de saisie immobilière. Au terme de l’arrêt, la S.G.B.C. avait notifié par acte d’huissier de justice à son client, en date du 5 janvier 1999, le montant du solde débiteur du compte, soit 70.954.214 francs. Jusqu’à la signification du commandement, le 4 octobre 1999, soit 10 mois plus tard, le saisi n’a manifesté aucun geste tendant à contester sa dette, malgré les termes de la lettre de la banque, qui ne laissait aucun doute sur son intention d’engager une procédure judiciaire de recouvrement forcé de sa créance.
Il est admis que le silence gardé par le client d’une banque pendant un certain délai (un mois au moins), sans protester, à compter de la notification de l’arrêté de compte, vaut acceptation dudit compte. Le saisi resté muet 10 mois après notification du solde de son compte, est censé l’avoir accepté. Cette acceptation rend la créance certaine, c’est-à-dire incontestable. Dès lors, la demande de redressement du compte, introduite d’ailleurs par voie d’action principale, ne peut être recevable, selon l’art. 282 du Code de Procédure Civile et Commerciale (art. 541 de l’ancien Code de Procédure Civile française), que si le demandeur justifie d’erreurs, omissions, faux ou doubles emplois. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Sans doute ferait-on valoir que le Code de Procédure Civile et Commerciale camerounais et le Code de Procédure Civile et Commerciale français ne sont pas applicables devant la Cour Commune. C’est exact. Mais la Haute Juridiction a utilisé l’art. 1315 des Codes Civil camerounais et français, comme un principe général de droit (attendu qu’il est de règle que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »), pour fixer le montant de la dette de Fotoh Fonjungo Tobias. Il n’y a pas de raison qu’elle n’utilise pas la même astuce, s’agissant des articles 282 et 541 précités, pour déclarer irrecevable la contestation du saisi. Au lieu de cela, la Cour, sur évocation, en consacrant plus d’une page pour déterminer le montant de la dette du saisi, a au contraire, admis que dans une saisie immobilière, le débiteur, en dépit de l’art. 247 précité, peut toujours contester le montant de sa dette, voire solliciter une expertise comptable, peu importe que le solde du compte soit ou non accepté.
Au terme de ce commentaire, il apparaît que la Cour Commune se démarque des solutions classiques, tant en ce qui concerne l’autorité des jugements ordonnant une mesure d’instruction, qu’en ce qui concerne les contestations à caractère d’incident de saisie. Mais, le tout n’est pas d’innover, encore faut-il être en conformité avec les dispositions légales, et indiquer la voie à suivre au juge, pour continuer la procédure, si le demandeur de l’expertise ne consigne pas. Le silence de la Cour sur ce point ouvre au saisi, un large boulevard pour le dilatoire.