J-08-69
Voir Ohadata J-06-44
CCJA – POURVOI EN CASSATION – Délai de procédure – mémoire en réponse – dépôt C.C.J.A – défendeur résidant hors de la Côte d’Ivoire – Non – Délai de distance – Oui.
Voies d’exécution – saisie immobilière – Intervention du Ministère Public – Non.
En plus du délai ordinaire de trois mois imparti au défendeur au pourvoi qui réside en Côte d’Ivoire, pour déposer son mémoire en réponse, celui qui réside au Cameroun en Afrique Centrale, bénéficie d’une augmentation de délai, en raison de la distance, en application de l’article 25-5 du Règlement de procédure CCJA.
Dans une saisie immobilière, les réquisitions du Ministère Public ne sauraient tenir lieu de dires et observations, l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ne prévoyant pas dans une telle saisie, la communication de la cause au Ministère Public.
Article 25-5 DU REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA
Article 27-2 DU REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA
Article 30-1 DU REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA
Cour commune de justice et d’arbitrage. C.C.J.A Arrêt n 057 du 22 décembre 2005, Affaire Société Générale de Banques au Cameroun c/ ESSOH Grégoire (Esgreg Voyages). Juridis Périodique n 69 / 2007, p. 51. Note Yikam Jérémie.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A) a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 22 décembre 2005, où étaient présents :
– Messieurs Jacques M’BOSSO, Président;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur;
– Biquezil NAMBAK, Juge;
– et Maître KEHI Colombe BINDE, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n 052/2003/PC du 10 juin 2003 formé par Maître YIKAM Jérémie, Avocat au Barreau du Cameroun, B.P. 756 Nkongsamba, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques au Cameroun dite S.G.B.C, dans la cause qui l’oppose à Monsieur ESSOH Grégoire, représentant de ESGREG VOYAGES, ayant pour Conseil Maître Luc TCHOUAWOU SIEWE, B.P. 29 Nkongsamba (Cameroun), Avocat à la Cour.
En cassation du jugement n 31/Civ. rendu le 03 janvier 2002 par le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en premier ressort.
Déclare irrecevables les dires et observations de sieur ESSOH Grégoire, comme insérés tardivement dans le cahier des charges.
Cependant, annule la procédure de saisie immobilière pratiquée contre ESSOH Grégoire, car en violation de l’article 28(2) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Dépens à la charge de la S.G.B.C ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure, qu’en exécution de l’ordonnance d’injonction de payer n 226 rendue le 04 mai 1992 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Yaoundé, condamnant Monsieur ESSOH Grégoire, représentant de ESGREG-VOYAGES ès qualité, à payer la somme de 107 775.996 FCFA à la Société Générale de Banques au Cameroun (S.G.B.C), celle-ci a fait délivrer à celui-là un commandement aux fins de saisie de l’immeuble appartenant à ce dernier et faisant l’objet du titre foncier n 5292 du département du Moungo;que le débiteur ne s’étant pas exécuté dans le délai de 20 jours à lui imparti, un cahier des charges a été déposé au greffe du Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, le 1er août 2000, suivi le lendemain de la sommation de prendre communication du cahier des charges;qu’à la suite de cette sommation, Monsieur ESSOH Grégoire a inséré ses dires et observations non datés dans le cahier des charges, mais à l’audience du 1er février 2001;que le Ministère Public a pris des réquisitions écrites déposées au greffe le 05 juillet 2001 et le Tribunal, en date du 03 janvier 2002, a rendu le jugement n 31/Civ. dont pourvoi.
Sur la recevabilité du mémoire en réponse de Monsieur ESSOH Grégoire
Attendu que la S.G.B.C, demanderesse au pourvoi, demande à la Cour de céans de déclarer le mémoire en réponse de Monsieur ESSOH Grégoire irrecevable, au motif que le recours en cassation lui ayant été signifié à son domicile le 27 novembre 2003, son mémoire en réponse en date du 18 février 2004 n’a été reçu au greffe de la Cour, que le 05 mars 2004;que ledit mémoire a été déposé tardivement, au regard des articles 27-2 (in fine) et 30 (1) du Règlement de Procédure de la Cour.
Attendu qu’aux termes des articles 25-5 du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, et 1er de la décision n 002/99/CCJA du 04 février 1999 de la même Cour, « les délais de procédure, en raison de la distance, sont établis par une décision de la Cour publiée au Journal officiel de l’OHADA », et « sauf si les parties ont leur résidence habituelle en Côte d’Ivoire, les délais de procédure sont augmentés, en raison de distance, comme suit :
– en Afrique Centrale, vingt et un jours;
(..) ».
Attendu qu’en l’espèce, Monsieur ESSOH Grégoire étant domicilié à Mélong au Cameroun, il y a lieu d’ajouter, en application des dispositions sus-énoncées, au délai de trois mois prévu à l’article 30.1 du Règlement de Procédure pour le dépôt du mémoire en réponse, celui de vingt et un jours prévu par la décision n 002/99/CCJA du 04 février 1999 sus-indiquée;qu’ayant reçu signification du recours en cassation le 27 novembre 2003 et ayant déposé à la Cour son mémoire en réponse le 05 mars 2004, Monsieur ESSOH Grégoire se trouve largement dans les délais légaux;qu’en conséquence, il y a lieu de déclarer recevable le mémoire en réponse déposé par celui-ci.
Sur le deuxième moyen
Vu l’article 311 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est reproché à la décision attaquée, une violation ou une inapplication de l’article 311 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que le premier juge a reçu un moyen de nullité de la procédure de saisie immobilière introduit par le Ministère Public, après l’audience éventuelle, alors que, selon le moyen, suivant l’article 311 de l’Acte uniforme sus-indiqué, tous les moyens de ladite procédure doivent être introduits cinq jours avant l’audience éventuelle;qu’en l’espèce, tous les moyens de nullité devant être soulevés au plus tard le 02 septembre 2000, aussi bien Monsieur Essoh Grégoire que le Ministère Public, ont soulevé le même moyen de nullité, après l’audience éventuelle;que si le Tribunal a, à juste titre, déclaré les dires et observations de Monsieur ESSOH Grégoire irrecevables, pour avoir été introduits hors délai, il a paradoxalement déclaré recevables les réquisitions du Ministère Public et annulé la saisie immobilière, au fallacieux motif que cette institution bénéficie d’un régime spécial, alors que la généralité de l’article 311 précité ne permet à aucune demande d’échapper à la rigueur du délai, quels que soient son origine ou son auteur;que si malgré l’abrogation des articles 36 du Code de Procédure Civile et Commerciale et 23 de l’Ordonnance n 72/4 portant organisation judiciaire par les articles 10 du Traité et 336 de l’Acte uniforme précité, le Ministère Public était toujours qualifié pour soulever les moyens de nullité de la procédure de saisie immobilière, il était tenu de se conformer aux conditions de délai fixées par l’article 311 visé au moyen, sans qu’il puisse exciper d’un prétendu statut spécial, qui ne trouve sa source dans aucun texte de droit communautaire;qu’enfin, le juge camerounais, en accordant un régime de faveur au Ministère Public, introduit dans les Actes uniformes, une disparité que les auteurs desdits Actes voulaient éviter en adoptant les règles communes applicables de la même manière dans tous les Etats Parties.
Attendu qu’aux termes de l’article 311 de l’Acte uniforme susvisé, « les moyens de nullité, tant en la forme qu’au6 fond, à l’exception de ceux visés par l’article 299 alinéa 2 ci-dessus, contre la procédure qui précède l’audience éventuelle, doivent être soulevés, à peine de déchéance, par un dire annexé au cahier des charges, cinq jours au plus tard avant la date fixée pour cette audience;s’ils sont admis, la poursuite peut être reprise à partir du dernier acte valable, et les délais pour accomplir les actes suivants, courent à la date de la signification de la décision judiciaire qui a prononcé la nullité. S’ils sont rejetés, la procédure est continuée sur ses derniers errements ».
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions sus-énoncées, qu’à l’exception des moyens de nullité visés par l’article 299 alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, à savoir ceux fondés sur un fait ou un acte survenu ou révélé postérieurement à l’audience éventuelle et ceux tendant à faire prononcer la distraction de tout ou partie des biens saisis, les autres moyens de nullité, tant en la forme qu’au fond contre la procédure qui précède l’audience éventuelle, doivent être soulevés, à peine de déchéance, par un dire annexé au cahier des charges, cinq jours au plus tard, avant la date fixée pour ladite audience éventuelle;qu’en l’espèce, bien que l’audience éventuelle ait été fixée au 07 septembre 2000, Monsieur ESSOH Grégoire n’avait inséré ses dires et observations, que plusieurs mois après ladite audience éventuelle;qu’il suit qu’en annulant la procédure de saisie immobilière pratiquée contre Monsieur ESSOH Grégoire, bien qu’ayant déclaré irrecevables ses dires et observations, comme insérés tardivement dans le cahier des charges, au seul motif « que c’est à bon droit que le Ministère Public a requis dans la présente cause, et ses arguments méritent d’être retenus », alors que, d’une part, les réquisitions que ledit Ministère Public a été amené à prendre dans la présente procédure de saisie immobilière, en application de la législation interne, ne sauraient s’assimiler aux dires et observations au moyen desquels les cas de nullité prévus à l’article 311 sus-énoncé doivent être soulevés dans les délais requis et, d’autre part, l’Acte uniforme précité ne prévoit dans une telle procédure, aucune communication de la cause au Ministère Public, le Tribunal du Moungo à Nkongsamba a violé les dispositions sus-énoncées de l’Acte uniforme susvisé;qu’il échet en conséquence, de casser le jugement attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de cassation.
Sur l’évocation
Attendu que le 02 aoûtt 2000, la S.G.B.C. a, suivant exploit d’huissier, fait sommation à Monsieur ESSOH Grégoire d’avoir à prendre connaissance du cahier des charges, au greffe du Tribunal du Moungo à Nkongsamba.
Attendu que Monsieur ESSOH Grégoire a inséré dans le cahier des charges, des dires et observations non datés, en vue d’être examinés à l’audience du 1er février 2001, et dans lesquels il sollicite la nullité des procédures;qu’il fait valoir que la sommation de prendre connaissance du cahier des charges ne lui a été signifiée ni à domicile, ni à personne, comme l’exige l’article 269 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, mais plutôt à un certain Daniel PRISO, inconnu de lui;que c’est de manière fortuite qu’il a eu connaissance de la procédure, longtemps après le délai à lui imparti pour déposer les dires et observations;qu’il estime par conséquent, que pour cette raison, ses dires et observations sont recevables en la forme;qu’il ajoute que la saisie querellée est irrégulière, comme pratiquée en violation de l’article 28 (2) de l’Acte OHADA sus évoqué, qui dispose que « sauf s’il s’agit d’une créance hypothécaire ou privilégiée, l’exécution est poursuivie en premier lieu sur les biens meubles et, en cas d’insuffisance de ceux-ci, sur les immeubles ».
Attendu que réagissant à cet argumentaire, la S.G.B.C, par l’organe de son Conseil, Maître Nana Jean-Jules, conclut à l’irrecevabilité des dires et observations de Monsieur ESSOH Grégoire, d’une part, pour n’avoir pas été formés par acte d’avocat, comme l’exige l’article 298 de l’Acte uniforme OHADA précité et, d’autre part, comme déposés moins de 08 jours avant l’adjudication, en violation de l’article 299 du même acte.
Attendu que le Ministère public requiert, d’une part, que les dires et observations du saisi soient déclarés irrecevables, et d’autre part, que les poursuites soient annulées pour violation de l’article 28 de l’Acte uniforme OHADA.
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels le jugement attaqué a été cassé, il y a lieu de déclarer irrecevables lesdits dires et observations de Monsieur ESSOH Grégoire, comme déposés hors délai, de rejeter par conséquent sa demande tendant à l’annulation de la procédure de saisie immobilière engagée, d’ordonner la continuation des poursuites, et de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, pour y procéder.
Attendu qu’il y a lieu, en l’espèce, de réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse le Jugement n 31/Civ. rendu le 03 janvier 2002 par le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba.
Évoquant et statuant à nouveau.
Déclare irrecevables les dires et observations insérés dans le cahier des charges par Monsieur ESSOH Grégoire.
Rejette en conséquence, sa demande tendant à l’annulation de la procédure de saisie immobilière engagée.
Ordonne la continuation des poursuites et renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, pour y procéder.
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
– le Greffier, Le Président.
Observations de YIKAM Jérémie et TEPPI KOLLOKO Fidèle, Avocats au Barreau du Cameroun
Encore de la saisie immobilière ! La question mérite d’être davantage évoquée, l’instruction des procédures y afférentes par les juridictions nationales traduisant par leurs disparités, l’absence de maîtrise des règles communes mises en place par le législateur OHADA. C’est bien cet enseignement qu’on peut tirer de l’arrêt ci-dessus rapporté dans l’affaire opposant la Société Générale de Banques au Cameroun dite S.G.B.C, à Monsieur Essoh Grégoire. En vertu d’une ordonnance d’injonction de payer la somme de 107 775.996 francs rendue le 4 mai 1992 par le Président du Tribunal de Grande Instance de Yaoundé, la S.G.B.C a fait délivrer à Essoh Grégoire, un commandement aux fins de saisie de l’immeuble, objet du titre foncier n 5292 du Département du Moungo, appartenant à ce dernier.
Le 1er août 2000, un cahier des charges a été déposé au. greffe du Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba, par l’Avocat de la S.G.B.C, suivi le lendemain, de la sommation d’en prendre communication.
Alors que l’audience éventuelle avait été fixée au 07 septembre de cette même année, ce n’est qu’à l’audience du 1er février 2001, que Essoh Grégoire a déposé des dires et observations tendant à l’annulation de la procédure. Le Ministère Public a, dans la même cause, déposé des réquisitions aux mêmes fins, au greffe, le 05 juillet 2001.
LE TRIBUNAL, après avoir déclaré les dires et observations de Essoh Grégoire irrecevables comme déposés hors délai, a reçu les réquisitions du Ministère Public et annulé le commandement et les poursuites. La S.G.B.C s’est pourvue en cassation et a soutenu que non seulement le Ministère Public n’est pas qualifié pour intervenir dans une saisie immobilière, mais encore, que ses réquisitions ont été déposées hors délai, au regard de l’article 311 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Elle a poursuivi et demandé en cours de procédure, que la Cour déclare le mémoire en réponse de Essoh Grégoire, irrecevable, comme déposé plus de trois mois à compter de sa signification, en violation de l’article 30 du Règlement de Procédure de la Cour Commune.
Statuant sur ces deux points, la Cour a, d’une part, jugé qu’en plus du délai ordinaire de trois mois imparti au défendeur au pourvoi qui réside en Côte d’Ivoire, pour déposer son mémoire en réponse, Essoh Grégoire, qui réside au Cameroun en Afrique Centrale, bénéficie d’une augmentation de délai, en raison de la distance, en application de l’article 25-5 du Règlement précité. D’autre part, elle a fait entièrement droit à la demande de la S.G.B.C, au double motif que les réquisitions du Ministère Public ne sauraient tenir lieu de dires et observations, et que l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ne prévoit pas dans une saisie immobilière, la communication de la cause au Ministère Public.
Cet arrêt a donc résolu deux problèmes : d’une part, le délai de dépôt d’un acte de procédure, tant devant la Cour Commune que devant le juge du fond (I);d’autre part, le sort du Ministère Public dans la nouvelle procédure de saisie immobilière (II).
I. Le délai de dépôt des actes de procédure
Afin de préserver les droits de la défense et d’assurer la célérité des instances, les actes de procédure doivent être déposés dans un certain délai. Mais les plaideurs ne sont pas toujours domiciliés à égale distance du siège de la juridiction devant laquelle se déroule le procès. Pour mettre tous les acteurs de la justice au même pied d’égalité, le législateur, dans la distribution des délais, tient compte de l’éloignement ou du rapprochement des parties, par rapport à la juridiction saisie. Le présent arrêt est un cas classique d’augmentation des délais, au profit d’un plaideur résidant hors de la Côte d’Ivoire, lorsque l’acte doit être déposé devant la C.C.J.A (A).
LA COUR rappelle également dans l’arrêt commenté, le délai de dépôt des dires et observations devant le juge national, en cas d’incident de saisie immobilière (B).
A. Délai de dépôt des recours en cassation et des mémoires devant la C.C.J.A, lorsque le plaideur réside ou est signifié hors de la Côte d’Ivoire
Les délais de dépôt des recours en cassation et des mémoires devant la Cour Commune sont fixés par les articles 28, 30 et 31 du règlement ci-dessus, pour ceux qui ont une résidence habituelle en Côte d’Ivoire. Lorsque le destinataire de l’acte n’a pas sa résidence habituelle en Côte d’Ivoire, la situation est régie par l’article 25-5 du règlement de procédure qu’il faut compléter avec la décision de la Cour n 002/99/C.C.J.A du 04 février 1999, aux termes de laquelle « sauf si les parties ont leur résidence habituelle en Côte d’Ivoire, les délais de procédure sont augmentés, en raison de la distance, comme suit :
En Afrique Centrale : de 21 jours. ». Cette décision a été à bon droit appliquée dans le cas d’espèce, pour un justiciable résident à Mélong au Cameroun. Cependant, la situation peut se compliquer pour un plaideur qui, bien que résidant habituellement en Côte d’Ivoire, est signifié à personne hors de la Côte d’Ivoire (1), ou pour celui qui, résidant hors de la Côte d’Ivoire, est signifié en Côte d’Ivoire (2).
1). Délai de procédure pour un résident en Côte d’Ivoire, mais signifié à sa personne hors de la Côte d’Ivoire
Bien que traditionnellement réservé à la notification d’un acte par un huissier de justice, le terme signification est utilisé par les articles 24 et 29 du Règlement précité, même pour les notifications faites par le greffier en chef de la Cour Commune.
Ceci étant, l’hypothèse envisagée suppose qu’un résident habituel en Côte d’Ivoire est surpris, à son passage dans un autre Etat partie ou situé hors de la zone de compétence des actes uniformes, par la signification d’un recours en cassation ou d’un mémoire.
Cela peut arriver lorsque son adresse indiquée en Côte d’Ivoire est inopérante, son domicile ou sa résidence inconnu, ou que l’avocat qui l’a défendu devant le juge national s’est déconstitué entre temps et l’a perdu de vue, comme dans le cas d’espèce, où en l’absence de l’Avocat de Essoh Grégoire, le recours en cassation lui a été signifié à la requête de la S.G.B.C. De quel délai doit bénéficier un tel plaideur ?.
Bien que signifié à sa personne hors de la Côte d’Ivoire, ce plaideur ne doit pas bénéficier de l’augmentation de délai en raison de la distance, parce que le critère retenu est la résidence habituelle en Côte d’Ivoire et non le lieu de la signification. Il suffit donc de prouver que l’intéressé a une résidence habituelle en Côte d’Ivoire, même si ses coordonnées dans ce pays sont inconnues, pour qu’il perde le bénéfice de l’augmentation des délais.
2). Délai de procédure pour un résident hors de la Côte d’Ivoire, mais signifié en Côte d’Ivoire
Le destinataire de l’acte, sans résidence en Côte d’Ivoire, peut être signifié à sa personne ou au domicile élu en Côte d’Ivoire. Dans cette hypothèse, quel est le délai qui lui sera applicable ?.
En application du critère de résidence habituelle en Côte d’Ivoire, ce plaideur, bien que signifié à sa personne en Côte d’Ivoire, doit bénéficier de l’augmentation des délais, puisqu’il réside hors de la Côte d’Ivoire. Le règlement de procédure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage combiné à la décision de la même Cour n 002/C.C.J.A du 04 février 1999 précitée, ont adopté une position contraire à celle des articles 16 du Code de Procédure Civile et Commerciale camerounais et 647 du Code de Procédure Civile français, qui, dans l’hypothèse de la signification à personne au siège de la juridiction compétente d’un non résident, soumet celui-ci au régime des délais ordinaires.
Pour ce qui est du plaideur signifié au domicile élu en Côte d’Ivoire, cette signification ne signifie pas que le destinataire de l’acte soit en mesure d’être aussitôt informé de la procédure suivie contre lui, et le mandataire chez qui domicile est élu n’a pas nécessairement faculté de défendre utilement les intérêts de son mandant. La signification à domicile élu doit donc laisser subsister les délais de distance, au profit du non résident signifié au domicile élu en Côte d’Ivoire.
Il s’ensuit que quelle que soit l’hypothèse envisagée, pour bénéficier de l’augmentation de délai en raison de la distance, il faut résider hors de la Côte d’Ivoire, indépendamment du lieu de signification du recours.
B. Délai de dépôt des dires et observations devant le juge national
Il existe deux catégories des dires et observations, en matière de saisie immobilière : les moyens de nullité de la procédure antérieure à l’audience éventuelle, qui doivent être introduits dans le délai de 5 jours précédant l’audience éventuelle, prévus à l’article 311 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, et les moyens de nullité de la procédure concomitante ou postérieure à l’audience éventuelle de l’article 299 du même Acte uniforme. Dans les deux cas, l’inobservation du délai de dépôt des dires et observations emporte déchéance. Dans l’arrêt commenté, Essoh Grégoire a déposé à l’audience du 1er février 2001, ses dires et observations tendant à faire annuler la procédure antérieure à l’audience éventuelle fixée au 07 septembre 2000. A bon droit, la Cour a déclaré ces dires et observations irrecevables, pour cause de déchéance. Il y a lieu de s’interroger sur le régime juridique de cette sanction (1). et sur la condition d’opposabilité de celle-ci (2).
1). Régime juridique de la déchéance
L’article 311 de l’acte uniforme ci-dessus ne précise pas si la déchéance peut être soulevée d’office par le juge, ou si celui-ci ne peut la constater que lorsque le défendeur, c’est-à-dire dans la saisie immobilière, la partie poursuivante, le requiert. Dans le cas de l’arrêt commenté, la S.G.B.C a demandé au juge d’instance de déclarer les dires et observations hors délai, en application de l’article 299 ci-dessus. La Cour, à la suite du Tribunal, a déclaré les dires et observations de Essoh Grégoire irrecevables, comme déposés hors délai, en application non pas de l’article 299, mais de l’article 311 précité. Il s’ensuit que le juge peut soulever d’office, la déchéance résultant du non respect du délai institué par cet article. Ce faisant, elle confirme la tendance jurisprudentielle déjà exprimée autour de l’article 727 du Code de Procédure Civile français repris en termes quasi identiques par l’article 311 ci-dessus.
Il reste que le moyen qui avait justifié la nullité des poursuites par le premier juge, c’est-à-dire la violation de l’art. 28 de l’Acte uniforme ci-dessus, est suffisamment grave pour qu’on se demande si l’office du juge ne peut pas parfois être tempéré par l’inexécution préalable de certaines formalités. A cela, la jurisprudence longtemps établie répond que la déchéance prévue par l’article 727 du Code de Procédure Civile français ne comporte pas d’exception, et s’applique à tous les moyens susceptibles d’exercer une influence sur la saisie, quand bien même la partie saisie prétendrait que la nullité de la poursuite, pour non accomplissement de la formalité escamotée, serait d’ordre public. La rigueur de la déchéance de l’article 311 a permis à la jurisprudence, de déclarer irrecevable comme introduite hors délai, l’exception tirée de l’absence de signature d’un exploit d’Huissier, ou du défaut de qualité du poursuivant.
Autant dire qu’aucun moyen de fond ou de forme n’échappe à la déchéance, sauf toutefois cas de fraude ou de force majeure ayant empêché le débiteur de déposer ses dires dans les délais prescrits. Il en est notamment ainsi, lorsque la fraude émane du créancier poursuivant déclaré adjudicataire, ou lorsque les héritiers du saisi ont ignoré son décès et n’ont pu faire valoir, avant l’audience éventuelle, la nullité tirée de ce que la saisie a été pratiquée contre leur auteur déjà décédé.
2). L’opposabilité de la déchéance
L’opposabilité de la déchéance est soumise à une condition préalable : la sommation de prendre communication du cahier des charges.
Cet acte, aux termes de l’art. 269 de l’Acte uniforme précité, doit être signifié au saisi à personne ou à domicile, à peine de nullité. Essoh Grégoire soutient qu’il n’a été signifié ni à personne, ni à domicile, mais par un certain Daniel PRISO, inconnu de lui. Dans ces conditions, poursuit-il, la déchéance de l’art. 311 précité ne peut lui être opposable. La Cour, sans répondre expressément à cet argument, a prononcé la déchéance contre Essoh Grégoire. En réalité, la Cour aurait trouvé superflu de répondre à cette prétention, sans doute parce que le juge national avait, à bon droit, relevé que malgré ses dénégations, le saisi avait été effectivement signifié à son domicile, suivant thermocopie de l’exploit de signification versé au dossier.
Lorsqu’il s’agit des créanciers inscrits, la sommation est faite au domicile élu suivant le même article 269. Mais cette disposition n’est pas impérative. La doctrine estime, en effet, qu’il s’agit d’une simple facilité accordée au poursuivant, qui a la latitude de les sommer au domicile réel ou à personne, sans que l’acte soit nul.
Le tiers détenteur ne figure pas sur la liste des personnes à sommer de l’art. 269 ci-dessus. Cependant, il doit être sommé dans le commandement, suivant l’art. 255 de l’Acte uniforme précité, dans les mêmes conditions que le débiteur (art. 254).
Il résulte de ce qui précède, que la loi a fixé limitativement la liste des personnes à sommer et qui peuvent en conséquence, soulever les moyens de nullité dans les délais de l’art. 311 précité. Le Ministère Public ne figurant pas sur cette liste, n’est plus, comme par le passé, habilité à demander par voie de réquisition, la nullité des poursuites, dans une saisie immobilière.
Dans ces conditions, il y a lieu de s’interroger sur le sort à lui réservé dans la nouvelle Procédure de saisie immobilière.
II. Le sort du Ministère Public dans la nouvelle procédure de saisie immobilière
Si l’intervention du Ministère Public dans la procédure de saisie immobilière était automatique dans la plupart des Etats membres, avant l’avènement de l’OHADA, cette question ne cesse de préoccuper, lorsqu’on observe, encore aujourd’hui, la pratique de la saisie immobilière dans certaines juridictions nationales. On comprend qu’il est difficile de se départir de certains réflexes qui pourtant, se doivent d’être actualisés. L’arrêt de la C.C.J.A vient ainsi, interpeller pour le rappeler, les acteurs judiciaires à une remise en question et à une lecture attentive et intéressée des dispositions de l’article 10 du Traité OHADA, aux termes desquelles « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure ». Cette disposition fondamentale du Traité, réitérée par l’article 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, a déjà fait l’objet d’avis et de précisions jurisprudentielles par la C.C.J.A. L’Arrêt commenté en constitue une illustration. Par cet arrêt, la C.C.J.A vient ainsi, pour briser la témérité des juridictions nationales qui persistent à communiquer les dossiers de procédure de saisie immobilière au parquet pour solliciter leur avis, rappeler la nature juridique des réquisitions du Ministère Public, d’une part, et l’interdiction de la communication au parquet de la procédure de saisie immobilière, d’autre part.
A. Nature juridique des réquisitions du Ministère Public
Les réquisitions du Ministère Public peuvent-elles s’assimiler aux dires et observations en matière de saisie immobilière ?.
La question n’est pas sans intérêt. En l’espèce, les dires et observations déposées par sieur Essoh Grégoire l’ayant été hors délais, l’interrogation demeurait de savoir si le juge pouvait néanmoins examiner les arguments, bien que pertinents, soulevés par le Ministère Public dans ses réquisitions. Le premier juge a estimé qu’il n’y avait aucun obstacle à ce que ceux-ci soient examinés. Du coup, il était curieux, dès lors que les dires et observations du débiteur avaient été présentés hors délai, de savoir en quelle qualité le Ministère Public devait intervenir en cette matière, et quel serait le fondement de son intervention. Les contestations en matière de saisie immobilière ne devant être présentées qu’au moyen des dires et observations ou de requête, selon le cas, dans quelle catégorie le premier juge situait-il les réquisitions prises par le Ministère Public ? C’est bien cette préoccupation légitime qui avait certainement déterminé le Conseil de la S.G.B.C, demanderesse au pourvoi, à solliciter la cassation du jugement déféré à la censure de la C.C.J.A, au motif que les réquisitions du Ministère Public, au cas où elles tiendraient lieu de dires et observations, avaient été également prises hors délai. L’occasion était ainsi donnée à la C.C.J.A, de fixer définitivement la jurisprudence sur ce point. Elle a affirmé, de façon péremptoire, que les réquisitions du Ministère Public ne sont pas des dires et observations au moyen desquels les cas de nullité prévus à l’article 311 de l’Acte uniforme doivent être soulevés. La solution ainsi dégagée a conduit la C.C.J.A à réitérer l’irrecevabilité des dires et observations déposés par Monsieur Essoh Grégoire, puis à ordonner la continuation des poursuites, après avoir rejeté sa demande tendant à l’annulation de la procédure de la saisie immobilière engagée.
Il faut dire que si la décision d’irrecevabilité et la continuation des poursuites ordonnée par la C.C.J.A. est juste en Droit, celle-ci n’avait pas davantage besoin de dire en son dispositif, qu’elle rejetait la demande tendant à l’annulation de la procédure de saisie immobilière. Le Procès étant terminé sur la forme, l’irrecevabilité prononcée était suffisante pour ordonner la continuation des poursuites. Le rejet de la demande en annulation donne l’impression que la C.C.J.A a examiné les moyens soulevés au soutien de la demande en annulation, ce qui n’était pourtant pas le cas.
L’autre point d’ombre auquel la C.C.J.A a tenu à apporter des précisions, était relatif à la communication du dossier de procédure de saisie immobilière au Ministère Public.
B. L’interdiction de communication de la procédure de saisie immobilière au Ministère Public
LE TRIBUNAL de Grande Instance du Moungo était-il en droit de communiquer la procédure de saisie immobilière au Ministère Public ?.
La question beaucoup plus générale de la place du Ministère public dans la procédure de saisie immobilière en droit OHADA, se trouve ainsi, à nouveau posée. Elle constitue d’ailleurs, le centre d’intérêt d’une vive controverse.
Il faut se souvenir que dans la procédure applicable avant l’avènement de l’OHADA, la communication au Ministère Public était obligatoire et automatique. Cette pratique fondée sur les articles 407 et 409 du Code de Procédure Civile, avait le mérite de solliciter l’avis d’un autre technicien du Droit sur l’ensemble des questions qui étaient présentées, et sur le respect de la délicate et redoutable procédure de saisie immobilière. On comprend donc qu’il faut du temps pour certains praticiens, de se départir des réflexes de l’époque et de s’arrimer à la modernité. C’est, entre autres, l’enseignement qu’on peut tirer de l’arrêt commenté.
Les dispositions, aussi bien du Traité OHADA que des actes uniformes, doivent être interprétées de manière rigoureuse. Le législateur communautaire donne le ton à l’article 10 du Traité, en consacrant la suprématie des dispositions communautaires sur les dispositions de droit interne antérieures ou postérieures. C’est dans cette optique qu’il faut situer le sens du présent arrêt. L’acte uniforme, n’ayant prévu dans la procédure de saisie immobilière, aucune communication de la cause au Ministère Public, le Tribunal de Grande Instance du Moungo à Nkongsamba n’en avait pas le droit. En le faisant, il a pêché, et en cela, a exposé sa décision à la censure. L’arrêt de la C.C.J.A dont analyse s’inscrit dans la suite de son arrêt n 003/2002 du 10 janvier 2002, aux termes duquel, l’Acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution contient aussi bien les dispositions de forme que de fond, qui ont seules vocation à s’appliquer aux mesures conservatoires, mesures d’exécution forcée et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur. En cela, il ne peut qu’être approuvé.
YIKAM Jérémie et TEPPI KOLLOKO Fidèle.
Avocats au Barreau du Cameroun.