J-08-102
COUR COMMUNE DE JUSTICE ET D’ARBITRAGE – CCJA – SAISINE DE LA CCCJA – Exception de litispendance FONDEE SUR LA SAISINE ANTERIEURE DE LA COUR SUPREME NATIONAL – rejet DE L’EXCEPTION EN VERTU DE L’ARTICLE 16 DU TRAITE OHADA.
BAIL COMMERCIAL – NON RENOUVELLEMENT DU BAIL – BAILLEUR N’AYANT PAS DROIT A L’INDEMNITE D’EVICTION – CUMUL DES INDEMNITES DES IMPENSES PREVUES PAR LES ARTICLES 94 ET 99 AUDCG : NON – cassation.
Il ressort de l’analyse de l’article 16 du Traité constitutif de l’OHADA, que la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale de cassation contre la décision attaquée, même si la saisine de la juridiction nationale est antérieure à celle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, et que ladite juridiction nationale ne peut reprendre l’examen de la procédure que lorsque la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se sera déclarée incompétente pour connaître de l’affaire.
Il ressort de l’analyse des dispositions des articles 94, alinéa 2 et 99, alinéa l, de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général que, d’une part, lors de la fixation du montant de l’indemnité d’éviction, suite à l’opposition au droit au renouvellement du bail par le preneur et, d’autre part, lorsque le preneur n’a pas droit au renouvellement du bail, quel qu’en soit le motif, il a droit néanmoins au remboursement des constructions et aménagements qu’il a réalisés dans les locaux loués, à la condition que ces constructions et aménagements aient été réalisés avec l’autorisation du bailleur.
En l’espèce, la Cour d’Appel ayant tenu compte, dans la motivation de sa décision relativement au montant de l’indemnité d’éviction, des investissements réalisés sur le local loué, ne pouvait par conséquent allouer une seconde fois, de manière distincte, une somme au titre de remboursement des investissements réalisés. En tout état de cause, le remboursement des investissements sous forme de constructions et aménagements réalisés dans les locaux loués ne peut être accordé qu’au preneur sans droit au renouvellement du bail, en application de l’article 99 de l’Acte uniforme sus indiqué. Il suit qu’en accordant une somme au titre d’indemnité d’éviction en tenant compte, entre autres, des investissements réalisés sur le local loué, et une autre somme au titre des investissements réalisés, la Cour d’Appel a fait une mauvaise application des articles 94, alinéa 2 et 99, alinéa 1 de l’Acte uniforme sus indiqué.
Article 16 DU TRAITE OHADA
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Arrêt n 017/2006 du 26 octobre 2006, Audience publique du 26 octobre 2006, Pourvoi : n 039/2003/PC du 03 avril 2003. Affaire : SOCIETE NATIONALE DES TELECOMMUNICATIONS du SENEGAL dite SONATEL (Conseils : SCPA N’GOAN, ASMAN & Associés, Avocats à la Cour; Maîtres Papa Mouhamadou LO et Serigne Babacar KAMARA, Avocats Associés, Avocats à la Cour; Maîtres Guédel NDlAYE & Associés, Avocats à la Cour) c/ SOCIETE D’EXPLOITATION DE LA CLINIQUE SOKHNA FATMA (Conseils : Maîtres Mayacine TOUNKARA & Associés, Avocats à la Cour; Maître Mamadou SAMASSI, Avocat à la Cour). Recueil de Jurisprudence N 8 / 2006, p. 52. Le Juris Ohada n 1/2007, p. 4.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.) a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 26 octobre 2006, où étaient présents :
– Messieurs. Jacques M’BOSSO, Président;
– Maïnassara MAIDAGI, Juge, rapporteur;
– Biquezil NAMBAK, Juge;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 avril 2003 sous le n 039/2003/PC et formé par la SCPA N’GOAN, ASMAN & Associés demeurant au 37, rue de la Canebière, Cocody, 01 BP 3361 Abidjan 01, Maîtres Papa Mouhamadou LO et Serigne Babacar KAMARA, Avocats associés et Maîtres Guédel NDIAYE & Associés, Avocats à la Cour, agissant au nom et pour le compte de la Société Nationale des Télécommunications du SENEGAL dite SONATEL, dans la cause l’opposant à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, ayant pour Conseils Maîtres Mayacine TOUNKARA & Associés et Maître Mamadou SAMASSI, Avocats à la Cour demeurant 17, rue Marchand, Immeuble Longchamp, 1er étage, 05 BP 982 Abidjan 05.
en cassation de l’Arrêt n 557 rendu le 20 décembre 2002 par la Chambre Civile et Commerciale de la Cour d’Appel de Dakar, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort.
EN LA FORME.
Déclare recevables les appels tant principaux qu’incidents.
AU FOND.
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité d’éviction due par la SONATEL à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, à la somme de 65 000 000 francs, en application des dispositions de l’article 94 alinéa 2 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général de l’OHADA et a condamné la SONATEL à payer en conséquence, ladite somme à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA.
Infirmant et statuant à nouveau.
Condamne également la SONATEL à payer à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, la somme de 25.315.688 francs au titre du remboursement des investissements réalisés.
Condamne la SONATEL aux dépens d’instance et d’appel ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAÏDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte de l’examen des pièces du dossier de la procédure, qu’un bail d’une durée de trois ans renouvelable avait été passé le 17 avril 1975, pour prendre effet à compter du 1er juillet 1975, entre la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA et Madame MBACKE Mame Diarra Bousso DIOP et portant sur un immeuble à usage de clinique sis au Km 4 de la route de Ouakam, devenue Avenue Cheick Anta Diop;que par acte notarié en date du 06 6avril 1978, passé en l’Étude de Maître Mamadou Moustapha NDIAYE, Notaire à Dakar, la SONATEL avait acquis la propriété de l’immeuble précité;que par exploit d’huissier en date du 24 avril 1998, la SONATEL avait donné congé à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA pour le terme du 30 octobre 1998;que la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, contestant le congé, avait saisi le Juge des loyers aux fins de voir fixer le montant de l’indemnité d’éviction auquel elle avait droit;que par Jugement n 647 du 13 avril 1999, le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar déclarait l’action de la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA recevable et bien fondée, fixait l’indemnité d’éviction à la somme de 65 000 000 FCFA, condamnait en conséquence la SONATEL à payer ladite somme à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA;que sur appel principal relevé par la SONATEL et sur appel incident relevé par la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, la Chambre Civile de la Cour d’Appel de Dakar confirmait, par l’arrêt dont pourvoi, le jugement entrepris en ce qu’il a fixé l’indemnité d’éviction à 65 000 000 FCFA et condamnait également la SONATEL à payer à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, la somme de 25.316 688 au titre du remboursement des investissements réalisés.
Sur l’exception de litispendance
Vu l’article 16 du Traité susvisé.
Attendu que la Clinique SOKHNA FATMA, défenderesse au pourvoi, soutient qu’en l’espèce, il y a litispendance, au motif que la SONATEL a saisi la Cour de Cassation du Sénégal aux fins de cassation de l’arrêt de la Cour d’Appel du 20 décembre 2002 par pourvoi en date du 27 mars 2003, et que les parties ont échangé des mémoires;que ce n’est que le 03 avril 2003, donc postérieurement à la saisine de la juridiction sénégalaise, que la SONATEL a formé un autre pourvoi devant la Cour de céans et tendant à la cassation du même arrêt de la Cour d’Appel;que la Cour de Cassation du Sénégal et la Cour de céans étant saisies en même temps de la même affaire, la Cour de céans devra se dessaisir au profit de la Cour de Cassation du Sénégal, ou à tout le moins surseoir à statuer jusqu’à ce que celle-ci se prononce.
Attendu qu’aux termes de l’article 16 du Traité susvisé, « la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois, cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution. Une telle procédure ne peut reprendre qu’après arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se déclarant incompétente pour connaître de l’affaire ».
Attendu qu’il ressort de l’analyse de l’article 16 sus énoncé du Traité susvisé, que contrairement à ce que soutient la Clinique SOKHNA FATMA, la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée, même si la saisine de la juridiction nationale est antérieure à celle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, et que ladite juridiction nationale ne peut reprendre l’examen de la procédure que lorsque la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se sera déclarée incompétente pour connaître de l’affaire;qu’en l’espèce, bien que le pourvoi en cassation formé devant la Cour de Cassation du Sénégal soit antérieur à celui introduit devant la Cour de céans, il incombe à la Cour de Cassation du Sénégal de suspendre l’examen du pourvoi en cassation engagé devant elle, jusqu’à ce que la Cour de céans se prononce sur le présent recours introduit devant elle;qu’il s’ensuit que l’exception de litispendance soulevée par la Clinique SOKHNA FATMA n’est pas fondée et doit en conséquence être rejetée.
Sur le quatrième moyen
Vu les articles 94, alinéa 2 et 99, alinéa 1 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé l’article 94 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que la Cour d’Appel, après avoir condamné la SONATEL au paiement d’une indemnité d’éviction, a en plus condamné celle-ci au remboursement des prétendus investissements, alors que, selon le moyen, l’alinéa 2 de l’article 94 de l’Acte uniforme sus indiqué énumère, parmi les éléments à prendre en considération dans la détermination de l’indemnité d’éviction, le montant des investissements réalisés par le preneur;que pour fixer l’indemnité d’éviction, la Cour d’Appel a, dans le terme de l’alinéa 2 de l’article 94 susvisé, considéré « qu’il n’est pas discuté que la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNAFATMA a réalisé des investissements sur le local loué, pour le rendre fonctionnel pour sa destination..;qu’ainsi, la Cour possède des éléments d’appréciation pour dire et juger que la somme retenue par le juge d’instance au titre de l’indemnité d’éviction est suffisamment justifiée dans son montant. »;que toutefois, ce même élément a été repris par la Cour pour servir de base à une autre condamnation en paiement au titre des mêmes investissements, puisque la Cour condamne de manière spécifique la SONATEL à payer le montant prétendu des investissements réalisés par la Clinique SOKHNA FATMA, en plus de l’indemnité d’éviction;que ce faisant, la Cour a violé le texte visé au moyen, en ce qu’elle a indûment et spécifiquement condamné la SONATEL à payer une somme qui est censée avoir déjà été prise en compte dans le cadre de l’évaluation de l’indemnité d’éviction.
Attendu qu’aux termes des articles 94, alinéa 2 et 99 alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé, « … A défaut d’accord sur le montant de cette indemnité [indemnité d’éviction], celle-ci est fixée par la juridiction compétente, en tenant compte notamment du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur, et de la situation géographique du local » et « le preneur sans droit au renouvellement, quel qu’en soit le motif, pourra néanmoins être remboursé des constructions et aménagements qu’il a réalisés dans les locaux avec l’autorisation du bailleur ».
Attendu qu’il ressort de l’analyse des dispositions sus énoncées des articles 94, alinéa 2 et 99, alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé que, d’une part, lors de la fixation du montant de l’indemnité d’éviction, suite à l’opposition au droit au renouvellement du bail par le bailleur, la juridiction compétente doit tenir compte, entre autres, des investissements réalisés par le preneur et, d’autre part, lorsque le preneur n’a pas droit au renouvellement du bail, quel qu’en soit le motif, il a droit néanmoins au remboursement des constructions et aménagements qu’il a réalisés dans les locaux, à la condition que ces constructions et aménagements aient été réalisés avec l’autorisation du bailleur.
Attendu qu’en l’espèce, la Cour d’Appel de Dakar a condamné la SONATEL à payer à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, la somme de 65 000 000 francs au titre d’indemnité d’éviction, aux motifs « qu’à l’appui de sa demande, l’intimée a produit les états financiers des années 1995, 1996 et 1997;desquels il ressort des chiffres d’affaires respectifs de 31.303.176 francs, 52.374 049 francs et 7.973.569 francs…;qu’il n’est pas discuté que la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA a réalisé des investissements sur le local loué, pour le rendre fonctionnel pour sa destination…;que la Clinique est située sur la route de Ouakam dans une zone très fréquentée dans le quartier résidentiel du Point E…;qu’il y a lieu de relever l’existence de difficultés réelles pour l’intimée, de retrouver la même zone géographique, une perte de clientèle, ainsi que des investissements réalisés et du chiffre d’affaire. »;qu’en conséquence, la Cour d’Appel a tenu compte, dans la motivation de sa décision relativement au montant de l’indemnité d’éviction, des investissements réalisés sur le local loué par la Clinique SOKHNA FATMA;qu’elle ne pouvait par conséquent, allouer une seconde fois, de manière distincte, la somme de 25.315.688 francs au titre de remboursement des investissements réalisés;qu’en tout état de cause, le remboursement des investissements sous forme de constructions et aménagements réalisés dans les locaux loués ne peut être accordé qu’au preneur sans droit au renouvellement du bail, en application de l’article 99 de l’Acte uniforme susvisé;qu’il suit qu’en accordant à la Clinique SOKHNA FATMA, d’une part la somme de 65 000 000 francs au titre d’indemnité d’éviction, en tenant compte entre autres, des investissement réalisés sur le local loué et, d’autre part, la somme de 25.315.688 francs au titre des investissements réalisés, la Cour d’Appel a fait une mauvaise application des articles 94, alinéa 2 et 99, alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé;qu’il échet en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens.
Sur l’évocation
Attendu que par exploit d’huissier en date du 01 juin 1999, la SONATEL a relevé appel du Jugement n 347 rendu le 13 avril 1999 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort.
Déclare l’action recevable en la forme.
AU FOND
Vu la signification de congé du 24 avril 1998.
Vu la contestation de congé du 29 avril 1998.
Vu l’acte d’opposition au renouvellement du bail du 14 septembre 1998.
Vu le désaccord des parties sur le montant de l’indemnité d’éviction.
FIXONS l’indemnité d’éviction due par la SONATEL à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, à la somme de 65 000 000 de francs, en application des dispositions de l’article 94, alinéa 2 de l’Acte Uniforme portant sur le Droit Commercial Général.
CONDAMNONS, en conséquence la SONATEL à payer à la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA, ladite somme.
ORDONNONS l’exécution provisoire à hauteur de 500 000 francs.
CONDAMNONS la SONATEL aux dépens ».
Attendu que la SONATEL demande d’infirmer le jugement attaqué et, à titre principal, débouter la Société d’Exploitation de la Clinique SOKHNA FATMA de toutes ses demandes et subsidiairement, réduire dans de larges proportions, en fixant au franc symbolique, le montant de l’indemnité d’éviction;qu’à l’appui de sa demande, la SONATEL soutient que la Clinique SOKHNA FATMA était locataire d’un immeuble à usage de clinique géré par la Société Dakar Immobilier, pour un bail d’une durée de trois ans renouvelable passé le 17 avril 1975 pour prendre effet à compter du 1er juillet 1975;que par le ministère de Maître Mamadou Moustapha NDIAYE, Notaire à Dakar, elle a acquis l’immeuble précité;que dans l’acte de vente, il a été stipulé que le vendeur s’engage à initier et à supporter les frais d’expulsion du locataire, si à l’expiration du congé, celui-ci ne libérait pas les lieux;que par exploit en date du 24 avril 1998 de Maître Ndeye Teugue FALL LO, Huissier de justice à Dakar, elle a donné congé à la Clinique SOKHNA FATMA pour le terme du 30 octobre 1998;que par exploits de Maître Jacques d’ERNEVILLE, Huissier de justice, en date des 29 avril et 12 mai 1998, la Clinique SOKHNA FATMA a contesté le congé, mais a quitté volontairement les lieux, pour ensuite l’assigner devant la juridiction compétente pour fixation de l’indemnité d’éviction.
Que la SONATEL ajoute qu’elle critique la décision attaquée sur le principe de l’indemnité d’éviction et sur le montant de celle-ci;que selon elle, le bail liant les parties est à durée déterminée de trois (3) ans ayant pris effet le 1er juillet 1975, qui doit arriver à expiration le 1er juillet 1999;qu’ainsi, aux termes de l’article 92 de l’Acte uniforme, l’intimée doit demander le renouvellement de son bail au plus tard trois (3) mois avant le 1er juillet 1999;que la Clinique SOKHNA FATMA ne l’ayant pas fait, est déchue de son droit au renouvellement du bail et ainsi, elle ne peut plus prétendre à une indemnité d’éviction;qu’en outre, l’intimée ayant libéré les lieux de son propre chef a, de manière unilatérale, rompu le bail liant les parties;que l’intimée ne remplit pas les conditions de l’article 91 de l’Acte uniforme pour bénéficier du droit au renouvellement de son bail, puisque ne justifiant pas avoir exploité pendant une durée minimale de deux années l’activité prévue audit bail, conformément aux stipulations du bail.
Qu’en outre, la SONATEL soutient que l’intimée reste lui devoir la somme de 2.670.967 francs représentant les loyers de mars à septembre 1998;qu’ainsi, en application de l’article 95 de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, justifiant d’un motif grave et légitime à l’encontre de l’intimée, elle peut s’opposer au droit au renouvellement du bail sans règlement d’une indemnité d’éviction;que la SONATEL ajoute que l’intimée ne pouvait prétendre à une indemnité, d’autant qu’aucune activité n’était exercée dans les locaux occupés, l’indemnité devant réparer un préjudice subi par le locataire, qu’elle précise aussi que l’indemnité d’éviction incombe au précédent propriétaire de l’immeuble.
Qu’enfin, s’agissant du montant de l’indemnité d’éviction, la SONATEL soutient que les états financiers produits par l’intimée sont fictifs, car il est de notoriété publique que la Clinique SOKHNA F ATMA était en déconfiture depuis des années.
Attendu que la SOCIETE D’EXPLOITATION DE LA CLINIQUE SOKHNA FATMA, après avoir interjeté appel incident, soutient l’irrecevabilité de la prétention de la SONATEL, en ce qu’elle (CLINIQUE SOKHNA FATMA) n’avait pas formulé de demande de renouvellement de son bail, conformément à l’article 92 de l’Acte uniforme;qu’elle fait valoir que cette prétention est une demande nouvelle non plaidée en première instance;qu’elle conclut au rejet de cette demande, car à l’origine, le bail était conclu pour une durée de trois (3) ans renouvelable qui a continué sans être renouvelé;que sa demande de renouvellement faite par exploits en dates des 29 avril et 12 mai 1998 est bien fondée;qu’elle déclare également avoir volontairement quitté les locaux, du fait que la SONATEL a rejeté sa demande de renouvellement;qu’elle affirme, contrairement à ce que soutient l’appelante, être en règle au niveau de ses engagements.
Que s’agissant de sa demande de remboursement des investissements réalisés sur les lieux loués, elle soutient avoir investi la somme de 25.315.688 francs pour rendre les lieux fonctionnels, avec l’accord de l’ancien propriétaire.
Sur le principe du paiement d’une indemnité d’éviction
Attendu qu’aux termes de l’article 72, alinéa 2 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « à défaut d’écrit ou de terme fixé, le bail est réputé conclu pour une durée indéterminée ».
Attendu qu’il est de principe que, d’une part, si à l’expiration d’un bail écrit, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail aux conditions d’un bail non écrit et, d’autre part, en cas de tacite reconduction, le bail ancien se poursuit en totalité, sauf en ce qui concerne sa durée, les stipulations du bail ancien ne pouvant influer sur la durée du bail ainsi constitué, lequel devient à durée indéterminée et peut de ce fait prendre fin à tout moment par un congé donné et délivré au moins six mois à l’avance.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que si le bail signé le 17 avril 1975 par la Clinique SOKHNA FATMA et Madame MBACKE Mame Diarra Bousso DIOP a été conclu pour une durée de trois ans renouvelable, il a été par la suite renouvelé par tacite reconduction, puisqu’à la date du 24 avril 1998, date à laquelle la SONATEL, devenue nouvel acquéreur de l’immeuble loué, a donné congé à la Clinique SOKHNA FATMA pour le terme du 30 octobre 1998, il n’existait aucun autre bail écrit;qu’en conséquence, la Clinique SOKHNA FATMA a droit au renouvellement du bail, en application de l’article 91 de l’Acte uniforme sus indiqué, pour avoir exploité dans les lieux loués, conformément aux stipulations du bail, l’activité prévue par celui-ci, pendant plus de vingt (20) ans.
Attendu que, comme elle l’a soutenu dans ses écritures, la Clinique SOKHNA FATMA a quitté les lieux loués, du fait que la SONATEL a refusé le renouvellement de son bail et aussi de la nature de son activité qui lui interdisait de se hasarder à rester sur les lieux de peur d’exposer ses malades aux risques d’une expulsion;que par conséquent, le moyen tiré du fait que la Clinique SOKHNA FATMA a volontairement quitté les lieux n’est pas fondé.
Attendu que la SONATEL prétend justifier d’un motif grave et légitime à l’encontre de la Clinique SOKHNA FATMA, pour s’opposer au droit au renouvellement du bail sans règlement d’une indemnité d’éviction, dans le non paiement des loyers de mars à septembre 1998, mais n’apporte pas la preuve du non paiement desdits loyers;qu’au surplus, elle n’apporte pas non plus la preuve d’une mise en demeure faite au preneur par acte extrajudiciaire, d’avoir à faire cesser les faits et que lesdits faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après la mise en demeure;que n’ayant mis en œuvre une telle procédure, la SONATEL n’est pas fondée à s’opposer au droit au renouvellement du bail sans paiement d’une indemnité d’éviction.
Sur le montant de l’indemnité d’éviction
Attendu qu’à l’appui de sa demande d’indemnité d’éviction, la Clinique SOKHNA FATMA a produit les états financiers des années 1995, 1996 et 1997, desquels il ressort des chiffres d’affaires respectifs de 31.303.176 francs, 52.374 059 francs et 7.973.569 francs;qu’il n’est pas non plus discuté que la Clinique SOKHNA FATMA a réalisé des investissements sur le local loué pour le rendre fonctionnel pour sa destination, investissements qu’elle chiffre à 25.315.688 francs;qu’en plus, ladite Clinique était située sur la route de Ouakam, dans une zone fréquentée dans le quartier résidentiel du Point E et qu’il existe des difficultés réelles pour la Clinique de trouver un local approprié dans la même zone géographique, avec pour conséquence une perte de clientèle;qu’il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal a fait une saine appréciation des faits de la cause et qu’il y a lieu de confirmer le jugement attaqué, en ce qu’il a alloué à la Clinique SOKHNA FATMA la somme de 65 000 000 francs au titre de l’indemnité d’éviction.
Sur le remboursement des investissements réalisés sur le local loué
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus lors de l’examen du quatrième moyen de cassation, il y a lieu de déclarer la demande de la Clinique SOKHNA FATMA tendant au remboursement des investissements réalisés non fondée, et en conséquence, de la rejeter.
Attendu que la Clinique SOKHNA FATMA ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Casse l’Arrêt n 557 rendu le 20 décembre 2002 par la Cour d’Appel de Dakar.
Évoquant et statuant sur le fond.
Confirme le Jugement n 647 rendu le 13 avril 1999 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, en ce qu’il a condamné la SONATEL à payer à la Clinique SOKHNA FATMA, la somme de 65 000 000 francs au titre d’indemnité d’éviction.
Rejette la demande de la Clinique SOKHNA FATMA tendant au remboursement des investissements réalisés sur le local loué.
Condamne la Clinique SOKHNA FATMA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
– le Président;.