J-08-127
SAISIE CONSERVATOIRE – CREANCE FONDEE EN SON PRINCIPE ET MENACEE DE PERIL – SAISIE CONSERVATOIRE JUSTIFIEE.
DIFFULTE D’EXECUTION – JUGE COMPETENT – COMPETENCE TERRITORIALE – ACTE UNIFORME SUR LES VOIES D’EXECUTION ET DROIT PROCEDURAL INTERNE – COMBINAISON.
L’article 45 du code burkinabé de procédure civile permet au demandeur de saisir à l’option, hormis le tribunal du domicile du défendeur, celui de la formation ou de l’exécution de l’obligation;en reprenant alors la règle de compétence du droit communautaire tout en y apportant des précisions tendant à la compléter, il y a lieu de déclarer que l’article 45 ci-dessus cité n’est aucunement contraire à l’article 54 de l’Acte uniforme susmentionné.
Le débiteur étant un résident de Hambourg (Allemagne), n’a ni son domicile ni sa demeure à Bobo-Dioulasso où il n’est que de passage;cependant, le contrat objet du présent litige ayant été conclu à Bobo-Dioulasso, conformément à l’article 45 du Code de Procédure Civile, il sied dès lors, dire le juge des référés de Bobo-Dioulasso compétemment (sic) saisi de l’affaire.
Aux termes des dispositions de l’article 54 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».
Il résulte aussi de l’audience du juge des référés que le requérant de la saisie conservatoire a livré une quantité de cacao à Saïd MEMENE acheminée par l’intermédiaire de la SDV qui, par correspondance, a demandé à la Société H.C.C.O, la conduite à tenir pour ce qui est de l’acheminement du cacao;que suivant correspondance KAISER Werner, en réponse, a fourni à la SDV, affréteur, l’adresse d’une société américaine (Transmar Commodity Group Ltd). à laquelle devait être convoyée la marchandise, et pour le compte de la Société H.C.C.O.;il s’ensuit que le cacao dont le requérant réclame le paiement de reliquat du prix, a été acheminé à la Société H.C.C.O. par l’entremise de KAISER Werner, qui en est le représentant;qu’en outre, il ressort de façon très apparente des diverses pièces jointes à la procédure, que KAISER Werner, dans son activité, procède à l’achat du cacao pour le compte de la Société H.C.C.O.;qu’ainsi, il ne peut valablement soutenir qu’il n’est pas lié par la dette née du rachat du cacao qu’il a entrepris pour le compte de la Société H.C.C.O. Ainsi, la créance dont se prévaut KIEMTORE Rasmané paraît fondée en son principal.
Par ailleurs, que l’autorisation de pratiquer la mesure conservatoire est subordonnée à l’existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance;que KIEMTORE Rasmané fait état de ce que KAISER Werner est en transit à Bobo-Dioulasso;que dès lors, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’existence d’une telle situation est de nature à menacer le recouvrement de créance.
Au regard donc de tout ce qui précède, il convient de déclarer que la créance de KIEMTORE Rasmané à l’égard de KAISER Werner, dans son principe, parait fondée;qu’il échet dès lors, déclarer la saisie conservatoire pratiquée en date du 27 juin 2006 sur 35 tonnes de cacao, bonne et valable.
Article 45 DU CODE BURKINABE DE PROCEDURE CIVILE
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO, JUGE DES REFERES, Ordonnance du 05 juillet 2005, affaire KAISER Werner c/ KIEMTORE Rasmané.
L’an deux mil six
Et le cinq juillet
Nous, Mathias NIAMBA, Président du Tribunal de Grande Instance de Bobo-Dioulasso, siégeant en matière de référé en notre Cabinet sis au Palais de Justice de ladite ville, assisté de Maître KISSANA Adama, Greffier en Chef, avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
DANS L’AFFAIRE.
Monsieur KAISER Werner, résidant à Hambourg (Allemagne), de passage à Bobo-Dioulasso, pour lequel domicile est élu en la SCPA KARAMBIRI-NIAMBA, Avocats à la Cour, Bobo-Dioulasso.
CONTRE.
Monsieur KIEMTORE Rasmané, commerçant demeurant à Bobo-Dioulasso, ayant pour Conseil Maître SISSOKO Boubacar, Avocat à la Cour, Bobo-Dioulasso.
Vu les pièces du dossier.
Vu les dispositions de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution.
Par acte d’huissier en date du 22 juin 2006 et en vertu de l’ordonnance n 145/2006 permettant d’assigner à bref délai, placée au pied d’une requête datée du 22 juin 2006, KAISER Werner assignait KIEMTORE Rasmané devant le Président du Tribunal de céans statuant en matière de référé, à l’effet de voir rétracter l’ordonnance n 133/2006 du 16 juin 2006, ordonner la mainlevée de la saisie et condamner KIEMTORE Rasmané aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, KAISER Werner fait valoir que suivant procès-verbal du 20 juin 2006, KIEMTORE Rasmané a fait pratiquer une saisie conservatoire sur ses six (06) camions;que pour parvenir à cette saisie, KIEMTORE Rasmané a obtenu préalablement l’autorisation du Président de la juridiction de céans suivant ordonnance n 133/2006 du 16 juin 2006;qu’il expliquait à cet effet, qu’il est créancier de la société H.C.C.O, dont le représentant est Monsieur KAISER Werner, de la somme de seize millions (16 000 000) de francs CFA représentant le prix de marchandises livrées, justifiant le bien-fondé de sa créance.
C’est ainsi que KAISER Werner, par le biais de son Conseil, soulève In limine litis, l’incompétence du juge des référés de Bobo-Dioulasso, au motif que ni la société H.C.C.O, ni sa personne ne possèdent de domicile à Bobo-Dioulasso, ou une simple représentation;il invoque alors le bénéfice de l’article 54 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, pour demander à la juridiction de céans de se déclarer incompétente pour en connaître.
KAISER Werner soutient au fond que les pièces que KIEMTORE Rasmané a obtenu de la SDV ne mentionnent nulle par le nom de celui-là, et mieux encore, il n’a jamais représenté la société H.C.C.O. dans cette opération;qu’il n’a simplement fait que répondre à une sollicitation de la SDV pour l’affrètement des marchandises;qu’il est donc une tierce personne à la transaction du requérant faite avec la SDV;il explique en outre, que les marchandises dont KIEMTORE Rasmané réclame le prix ont été livrées à Saïd MEMENE;qu’en l’absence de relation juridique étant intervenue entre Saïd MEMENE et lui, il conclut que la créance du requérant à son égard n’est pas fondée en son principe;il invoque alors l’article 54 précité et l’article 62 du même Acte uniforme, pour solliciter la rétractation de l’ordonnance n 133/2006 du 16 juin 2006.
KAISER Werner soutient également que les biens objet de la présente saisie ne sont ni la propriété de la société H.C.C.O, ni sa propriété;il sollicite en conséquence, le prononcé de la distraction des biens saisis.
En réplique, KIEMTORE Rasmané, par le biais de son Conseil, expose qu’il a livré une quantité de cacao à Saïd MEMENE, qui a fait affréter le cacao par la SDV à la société H.C.C.O, représentée par KAISER Werner;que le reliquat du paiement du prix est de seize millions (16 000 000) francs CFA, dont il réclame le remboursement;que toutes les démarches entreprises à ce sujet auprès de KAISER Werner sont restées vaines, ce dernier niant avoir reçu de son intermédiaire Saïd MEMENE, ladite quantité de cacao;que suivant ordonnance n 129/2006, il a obtenu de la SDV, la communication des pièces établissant que KAISER Werner a procédé à l’exportation du cacao de KIEMTORE Rasmané pour le compte de la société H.C.C.O.;que c’est ainsi qu’en vertu d’une autorisation préalable de la juridiction de céans, il a saisi six (06) camions avec KAISER Werner, par procès-verbal daté du 20 juin 2006;qu’il a procédé à une mainlevée d’office de la saisie querellée, par acte d’huissier du 23 juin 2006 et notifiée au requérant, motif pris de ce que les camions n’appartenaient pas à KAISER Werner.
KIEMTORE Rasmané explique qu’il a dès lors, procédé à une nouvelle saisie conservatoire portant sur trente-cinq (35) tonnes de cacao appartenant cette fois à son débiteur KAISER Werner, par acte d’huissier du 27 juin 2006, et dont il sollicite que le juge des référés déclare bonne et valable, et déboute le requérant de toutes ses prétentions.
Il demande par ailleurs à ce que KAISER Werner soit condamné à lui payer la somme de cinq cent mille (500 000) francs CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en vertu de l’article 6 de la loi portant organisation judiciaire au Burkina Faso.
DISCUSSION
Attendu qu’aux termes de l’article 2 du Traité OHADA, « pour l’application du présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires, l’ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d’exécution, au régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de l’arbitrage, de la vente et des transports, et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l’unanimité, d’y inclure, conformément à l’objet du présent traité et aux dispositions de l’article 8 ci-après ».
Attendu qu’il en résulte qu’en l’absence de toute autre disposition émanant du Conseil des Ministres, il y a lieu de retenir que le droit procédural, non pris en compte dans les matières entrant dans le champ d’application du droit OHADA, est régi suivant les différentes législations internes des Etats parties.
Attendu que l’article 10 du même Traité poursuit que « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition de droit interne, antérieure ou postérieure ».
Qu’il en résulte qu’en présence d’une disposition interne contraire à une disposition du droit OHADA, la disposition communautaire est seule applicable;qu’il s’ensuit donc a contrario que lorsque la disposition de droit interne n’est pas contraire à la disposition du droit OHADA, elle se trouve alors être applicable.
Attendu de première part, qu’aux termes de l’article 54 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».
Attendu qu’il ressort de cette disposition, que le présent Acte uniforme, sans régler de façon complète la procédure applicable devant les juridictions nationales, apporte néanmoins des précisions sur la juridiction compétente, en désignant celle du « domicile ou du lieu où demeure le débiteur ».
Attendu de seconde part, qu’aux termes de l’article 45 premièrement du Code de Procédure Civile, « le demandeur peut saisir à son choix, outre le tribunal du domicile du défendeur, en matière contractuelle, le tribunal du lieu où le contrat s’est formé ou celui du lieu où l’obligation doit être ou a été exécutée ».
Que cette disposition de droit interne retient comme chef de compétence, le principe du domicile du défendeur.
Attendu qu’en l’espèce, le défendeur dans la présente procédure est KAISER Werner, qui se trouve être le débiteur saisi;qu’il s’ensuit que le tribunal du défendeur et le tribunal du débiteur désignent la même juridiction compétente pour en connaître;que sur ce point, il convient de retenir que notre droit interne est conforme au droit OHADA.
Qu’en outre, l’article 45 précité permet au demandeur de saisir à l’option, hormis le tribunal du domicile du défendeur, celui de la formation ou de l’exécution de l’obligation;qu’il s’agit là d’une faculté qui est offerte au demandeur, mais qui n’exclut cependant pas la règle de compétence retenue par notre droit interne et par le droit OHADA;qu’en reprenant alors la règle de compétence du droit communautaire tout en y apportant des précisions tendant à la compléter, il y a lieu de déclarer que l’article 45 ci-dessus cité n’est aucunement contraire à l’article 54 de l’Acte uniforme susmentionné;qu’en l’absence donc de contrariété entre la règle de droit interne et la règle de droit communautaire, il convient de dire que les dispositions de notre Code de Procédure Civile sont applicables dans la présente procédure.
Attendu que dans le cas d’espèce, le défendeur, KAISER Werner est un résident de Hambourg (Allemagne), et est de passage à Bobo-Dioulasso;qu’il n’a ni son domicile ni sa demeure à Bobo-Dioulasso.
Que cependant, le contrat objet du présent litige a été conclu à Bobo-Dioulasso, tel qu’il ressort des pièces versées au dossier;que Bobo-Dioulasso étant le lieu de conclusion du contrat, conformément à l’article 45 du Code de Procédure Civile, il sied dès lors, dire le juge des référés de Bobo-Dioulasso compétemment saisi de l’affaire.
Attendu par ailleurs, qu’aux termes des dispositions de l’article 54 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution ci-dessus cité, que « toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête, solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu où demeure le débiteur, l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».
Attendu qu’en l’espèce, il résulte aussi bien à l’audience du juge des référés, que le requérant KIEMTORE Rasmané a livré une quantité de cacao à Saïd MEMENE;que le cacao a été acheminé par l’intermédiaire de la SDV;que la SDV, par correspondance, a demandé à la Société H.C.C.O, la conduite à tenir pour tenir pour ce qui est de l’acheminement du cacao;que suivant correspondance datée du 07 septembre 2005, KAISER Werner, en réponse, a fourni à la SDV, affréteur, l’adresse d’une société américaine (Transmar Commodity Group Ltd) à laquelle devait être convoyée la marchandise, et pour le compte de la Société H.C.C.O.;qu’il s’ensuit que le cacao dont le requérant réclame le paiement de reliquat du prix, a été acheminé à la Société H.C.C.O. par l’entremise de KAISER Werner, qui en est le représentant;qu’en outre, il ressort de façon très apparente des diverses pièces jointes à la procédure, que KAISER Werner, dans son activité, procède à l’achat du cacao pour le compte de la Société H.C.C.O.;qu’ainsi, il ne peut valablement soutenir qu’il n’est pas lié par la dette née de rachat du cacao qu’il a entrepris pour le compte de la Société H.C.C.O.
Qu’ainsi, la créance dont se prévaut KIEMTORE Rasmané paraît fondée en son principal.
Attendu par ailleurs, que l’autorisation de pratiquer la mesure conservatoire est subordonnée à l’existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance;que KIEMTORE Rasmané fait état de ce que KAISER Werner est en transit à Bobo-Dioulasso;que dès lors, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’existence d’une telle situation est de nature à menacer le recouvrement de créance.
Qu’au regard donc de tout ce qui précède, il convient de déclarer que la créance de KIEMTORE Rasmané à l’égard de KAISER Werner, dans son principe, parait fondée;qu’il échet dès lors, déclarer la saisie conservatoire pratiquée en date du 27 juin 2006 sur 35 tonnes de cacao, bonne et valable.
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement en matière de référé et en premier ressort.
Déclarons KAISER Werner mal fondé en son action.
Déclarons par conséquent, la saisie conservatoire pratiquée en date du 27 juin 2006 sur 35 tonnes de cacao embarquées à bord d’un camion, bonne et valable.
Condamnons KAISER Werner à payer la somme de 200 000 F CFA au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Condamnons KAISER Werner aux dépens.
Ainsi ordonnée le jour, mois et an susdits.
Et ont signé le Président et le Greffier.
LE PRESIDENT.
LE GREFFIER.