J-08-146
1) – VOIES D’EXECUTION – SAISIE – CONTESTATION – CONTENTIEUX DE L’EXECUTION – COMPETENCE – JUGE DE L’URGENCE (OUI) – APPLICATION D’UNE LOI NATIONALE CONTRAIRE (NON).
2) – VOIES D’EXECUTION – SAISIE – SAISIE IMMOBILIERE – ADJUDICATION – ACTION EN DISCONTINUATION DES POURSUITES– IRRECEVABILITE.
1). La juridiction compétente pour connaître de toutes contestations relatives à une mesure d’exécution est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence. Cette disposition du droit communautaire s’applique nonobstant toute disposition contraire du droit national des Etats membres.
2). Dans la procédure de saisie immobilière, l’action en discontinuation des poursuites devient sans objet lorsqu’elle intervient après l’adjudication de l’immeuble saisi.
Tribunal de Première Instance de Bafoussam, ORDONNANCE DE REFERE N 70 DU 13 AVRIL 2007, affaire WAFO Simon contre Afriland First Bank SA.
LE TRIBUNAL
Nous, Juge de l’Urgence
Statuant en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant voies d’exécution.
Vu l’exploit introductif d’instance.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Vu les textes applicables en la matière.
Ouï les parties an leurs demandes, moyens de défense, fins et conclusions.
Et après en avoir délibéré conformément à la loi.
Attendu que par exploit du 03 Janvier 2007 de Me CHEDJOU Alain, Huissier de Justice à Bafoussam, acte en cours d’enregistrement, sieur WAFO Simon ayant pour conseil Me BOUOBDA, Avocat au Barreau du Cameroun, a fait donner assignation à Afriland First Bank S.A. et à Me GUEGANG, Notaire à Bafoussam, d’avoir à se trouver et à comparaître devant le président du Tribunal de Première Instance de Bafoussam, statuant en vertu de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution pour est-il dit dans cet exploit.
« Vu la règle « le criminel tient le civil en l’état ».
Vu les articles 49, 299 et 300 (2) de l’acte OHADA N 6.
Bien vouloir ordonner la discontinuation des poursuites à tort initiées contre l’immeuble du requérant.
Condamner Afriland First Bank aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître BOUOBDA, Avocat aux offres de droit ».
Attendu que toutes les parties ont comparu.
Qu’il y a lieu de statuer contradictoirement a leur égard.
Attendu qu’au soutien de son action, le demandeur a exposé que suite à une convention intervenue entre le nommé TCHIENANG Martin, agent immobilier et lui, il a déposé en garantie du remboursement de sa dette son titre foncier n 2579/Mifi.
Que sur la base d’une supercherie savamment orchestrée par le sus – nommé, son immeuble dont titre foncier sus visé a été régulièrement cédé au sieur DJUMBONG Apollinaire par devant Me TCHINDA Joseph, Notaire à Bafoussam.
Que cet état des choses a donné lieu à une procédure pénale par lui initiée devant le Tribunal de Grande Instance de la Mifi.
Que cette juridiction ayant acquitté ses bourreaux par jugement n 98/crim du 20 Mars 2006, il a relevé appel contre cette décision.
Que sieur DJUBONG Apollinaire se prévalant de cette décision a hypothéqué ledit immeuble au profit de Afriland First Bank S.A.
Que réalisant ladite hypothèque, l’institution bancaire a initié une procédure de saisie immobilière devant le Tribunal de Grande Instance de la Mifi.
Qu’étant intervenue volontairement dans ce procès, lui, WAFO Simon a été débouté de son action par cette juridiction statuant en matière civile et commerciale suivant jugement n 12/Civ du 07 Novembre 2006, contre lequel il a du reste relevé appel.
Que fort de ces deux recours régulièrement exercés, il a ainsi sollicité la discontinuation des poursuites relatives à la saisie immobilière.
Attendu que pour faire échec aux prétentions de sieur WAFO Simon, les défendeurs sous la plume de leurs conseils, la Société civile professionnelle NOUGWA et KOUONGUENG, Avocats au Barreau du Cameroun, ont conclu a l’incompétence de la juridiction saisie en se fondant sur les dispositions des articles 15 (2) et 18 al (2) de la loi n 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire du Cameroun.
Attendu qu’en réplique le demandeur a fait valoir l’article 10 du traité du 17 Octobre 1993, relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique qui relève le caractère supra national des actes uniformes qui de ce fait ont une primauté sur les lois internes des Etats parties.
Attendu qu’en réaction, les défendeurs ont en outre argué que la discontinuation des poursuites sollicitée était désormais inopportune au motif que la saisie immobilière querellée a fait l’objet des procès-verbaux d’adjudication n 1825 et 1826 du 14 Décembre 2006, du Ministère de Me GUEGANG, Notaire à Bafoussam.
I. SUR LA COMPETENCE DE LA JURIDICTION SAISIE.
Attendu que l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution dispose; » la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui.
Qu’à l’analyse de ce texte, il appert que le législateur communautaire a fait du président de la juridiction « statuant en matière d’urgence » la juridiction compétente pour connaître du contentieux de l’exécution.
Que ceci est d’autant plus vrai que la jurisprudence communautaire est constante sur ce point : arrêt n 011/2003 du 19 Juin 2003, Affaire Murielle contre Christet KOFFI, Sahouot Cédric KOFFI contre Société Lotery Telecom, RJCCJA n 1, Janvier-Juin 2003;P. 33, ohadata J 04-107.
Arrêt n 017/2003 du 09 Décembre 2003 Affaire Société Ivoirienne dite SI contre complexe industriel d’Élevage et de Nutrition Animale dite CIENA, RJCCJA N Juillet-Décembre 2003 ,P 19, Ohadata J. 02-166.
Attendu par ailleurs qu’aux termes des articles 182 et suivants du code de procédure civile et commerciale encore applicable au Cameroun, le président du Tribunal de Première Instance (ou le juge qui le remplace) est seul compétent pour connaître de tous les cas d’urgence.
Qu’ainsi, il serait de bon droit de reconnaître par application des dispositions de l’article 49 de l’Acte Uniforme OHADA suscité au Président du Tribunal de Première Instance, vu l’urgence, la compétente du contentieux d’exécution.
Attendu au demeurant que la loi N 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire, détermine les juridictions compétentes en matière du contentieux de l’exécution, mais cette loi ne fait aucunement allusion à l’urgence prévue à l’article 49 de l’acte uniforme N 6.
Attendu cependant que cet acte uniforme est une législation communautaire.
Que conformément aux dispositions de l’article 10 du traité du 17 Octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les états parties, nonobstant toute disposition contraire du droit interne antérieur ou postérieur.
Que bien plus, la constitution camerounaise du 18 Janvier 1996 entérine cette disposition lorsqu’elle énonce à son article 45 que les traités ou accords internationaux régulièrement approuvés ou ratifiés ont dès leur publication une autorité supérieure à celle des lois sous réserve pour chaque accord ou traité de son application par l’autre partie.
Que de ce qui précède il y a lieu dès lors de constater la primauté de l’Acte Uniforme OHADA portant voies d’exécution sur la loi n 2006/015 du 29 Décembre 2006 sus visé.
Attendu qu’en l’espèce, il s’agit bel et bien d’un litige portant sur une mesure d’exécution forcée;qu’il échet en conséquence de nous déclarer compétent conformément aux dispositions de l’article 49 de l’acte uniforme sus visé.
II. SUR LA DISCONTINUATION DES POURSUITES.
Attendu qu’il a été produit au dossier de procédure expédition des procès-verbaux d’adjudication n 1825 et 1826 du 14 Décembre 2006, du répertoire de Me GUEGANG, Notaire à Bafoussam, tous relatifs à la saisie immobilière querellée.
Que l’adjudication ainsi réalisée étant cette conséquence que le demandeur voulait contrecarrer, la discontinuation des poursuites sollicitée par ce dernier s’avère dès lors sans objet.
Attendu que la partie qui succombe au procès, en supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière d’urgence et en premier ressort.
Constatons la primauté de l’Acte Uniforme OHADA portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et Voies d’exécution sur la loi N 2006/015 du 29 Décembre 2006 portant organisation judiciaire du Cameroun.
Nous déclarons en conséquence compétent en vertu des dispositions de l’article 49 de l’acte uniforme sus visé.
Recevons sieur WAFO Simon en son action.
Disons par contre sans objet la discontinuation des poursuites par lui sollicitée du fait de l’adjudication intervenue le 14 Décembre 2006 suivant procès-verbaux n 1825 et 1826 de Ministère de Maître GUEGANG, Notaire à Bafoussam, suite à la saisie immobilière pratiquée;(…).