J-08-149
ARBITRAGE – ARBITRAGE AD HOC – CONVENTION – CLAUSE COMPROMISSOIRE – INEXECUTION DE LA CONVENTION – LITIGE – COMPETENCE – JUGE ETATIQUE (NON) – APPLICATION DE LA CLAUSE COMPROMISSOIRE (OUI).
En cas d’existence d’une clause d’arbitrage expresse et valable insérée dans une convention hypothécaire signée des parties, le juge étatique devient incompétent pour statuer à titre principal sur tout litige né de l’exécution de cette convention. Ainsi, en cas de saisine aux fins de saisie immobilière de l’immeuble hypothéqué, le juge doit se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir.
Article 2 AUA
Article 10 AUA
Article 12 AUA
Article 13 AUA
Article 249 AUPSRVE
Article 250 AUPSRVE
Article 254 AUPSRVE
Article 255 AUPSRVE
Article 282 AUPSRVE
Article 10 TRAITE OHADA
Article 13 TRAITE OHADA
Tribunal de Grande Instance de Bafoussam, jugement n 33/CIV du 03 avril 2007, affaire COFINEST SA c/ SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe.
LE TRIBUNAL
Vu les lois et règlements en vigueur.
Vu les pièces du dossier de la procédure.
Ouï le ministère public en en ses réquisitions écrites.
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions.
Attendu que par exploit du 21 Décembre 2005 du ministère de Maître NGUETSOP Paul Prosper, huissier de justice à Bafoussam, la Compagnie financière de l’estuaire (COFINEST), agissant poursuites et diligence de son directeur général sieur KAMDEM Michel, et ayant pour conseil Maître SIMO Emmanuel, avocat à Bafoussam, en vertu de la grosse en forme exécutoire de la convention de crédit avec affectation hypothécaire n 5292/Rep du 10 Septembre 2003 passée entre ladite banque et sieur SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe a fait commandement aux fins de saisie d’un immeuble appartenant à ce dernier, sis à Bafoussam, quartier Bamendzi d’une contenance superficielle de 419 M², objet du titre foncier n 7592 du département de la Mifi en vue du paiement des sommes suivantes : 32 364 243 Francs en principal, 1.630.139 Francs de droit de recette, 313.801 francs de TVA, 3750 francs de droit gradué sans préjudice de tous autres frais de droit dû ou à devoir, représentant le montant du solde débiteur de son compte dans ses livres en son agence de Bafoussam.
Attendu que Maître TSAMO Etienne, conseil de SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe a déposé au greffe du Tribunal de céans des dires et observations datés du 24 Décembre 2005 a inséré dans le cahier des charges de ladite vente.
Attendu que dans ses écritures, sieur SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe soulève par l’organe de son conseil quatre moyens de défense tirés :
1) de la violation combinée des articles 1134 du code civil, 2, 10 et 12 de l’Acte Uniforme OHADA sur l’arbitrage et 16 de la convention des parties.
2) de la violation combinée des articles 1399 et 1402 du code civil, 249 et 250 de l’Acte Uniforme OHADA sur les voies d’exécution.
3) de la violation des articles 254 et 255 de l’Acte Uniforme OHADA sur les voies d’exécution.
4) de la violation des articles 1134 du code civil et 1er de la loi N 90/028 du 10 Août 1990 fixant le taux d’intérêt en matière civile, commerciale et conventionnelle.
Attendu s’agissant du premier moyen que tant dans ses dires et observations que dans ses conclusions ultérieures, SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe a fait valoir qu’aux termes de l’article 16 de la convention liant les parties, tout litige né de son exécution, s’il n’est pas réglé par voie de négociation ou par tout autre moyen agréé par les parties sera soumis à un arbitre unique choisi d’un commun accord par les parties.
Qu’il a en conséquence décliné la compétence du Tribunal de Grande Instance de céans en se basant sur l’article 13 de l’Acte Uniforme OHADA sur l’arbitrage qui prévoit cette incompétence en cas d’existence d’une convention arbitrale chaque fois qu’une juridiction étatique est saisie ou non étant donné que la clause compromissoire s’impose tant aux parties qu’au Tribunal.
Attendu qu’en réplique la COFINEST a soutenu qu’aucune disposition de la convention des parties ne pose comme condition préalable le recours à un arbitre avant réalisation de l’hypothèque étant entendue que l’article 16 évoqué par le débiteur ne prévoit le recours à l’arbitrage que lorsque le litige n’est pas réglé par voie de négociation ou tout autre moyen agréé par les parties.
Qu’au surplus l’article 12 de cette même convention a envisagé la vente du bien hypothéqué à défaut du paiement et ce conformément à l’article 282 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Que le débiteur ne s’étant pas exécuté et étant demeuré de marbre face à toute offre de négociation, la vente de l’immeuble hypothéqué peut valablement être poursuivie devant la juridiction saisie.
Qu’en outre, l’article 17 de ladite convention a expressément prévu que toutes les actions immobilières relatives à l’immeuble hypothéqué seront soumises au Tribunal du lieu de situation dudit immeuble et qu’aux termes de l’article 13 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, le contentieux relatif à l’application des actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties.
Attendu que concernant le deuxième moyen que le disant a exposé qu’il est polygame de quatre épouses et que l’immeuble litigieux a été acquis le 13 Février 1989 bien après la célébration de tous ses mariages.
Qu’en l’absence de tout contrat de mariage, ce bien tombe ipso facto dans la communauté légale telle que réglementée par les articles 1399 et suivants du code civil.
Qu’il a sollicité en conséquence la nullité du commandement du 21 Décembre 2005 au motif que ses conjointes, co-propriétaires n’ont pas été mises en cause comme l’exigent les articles 249 et 250 de l’Acte Uniforme OHADA n 6.
Attendu qu’en réaction la COFINEST a soutenu qu’aux termes de l’article 1421 du code civil, le mari administre seul les biens de la communauté, qu’il peut vendre, aliéner ou hypothéquer sans le concours de la femme.
Que l’indivision en l’espèce est inexistante, les épouses du débiteur n’étant pas parties ni à la convention, ni au procès.
Attendu que sur ce point le conseil de SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe a tenu à préciser qu’en vertu de l’article 10 du traité OHADA, les actes uniformes priment sur les dispositions contraires du droit interne des Etats parties.
Attendu que s’agissant du troisième moyen, le débiteur a argué de ce que le commandement du 21 Décembre 2005 ne contient pas la sommation faite soit au débiteur, soit au tiers détenteur de l’immeuble soit de payer l’intégralité de la dette en principal et intérêts, soit de délaisser l’immeuble hypothéqué, soit enfin de subir la procédure d’expropriation comme l’exige l’article 255 de l’Acte Uniforme OHADA n 6.
Que dans le cas d’espèce, les détentrices de son immeuble n’ont ni reçu signification du commandement, ni été sommées de libérer.
Qu’en conséquence ce commandement encourt nullité.
Attendu que dans ses répliques, la COFINEST soutient la régularité du commandement signifié personnellement au débiteur, les occupants de l’immeuble ne pouvant être concernés que le cas échéant.
Que du reste, l’existence juridique de ces occupants reste hypothétique, leur contrat de bail n’ayant pas été produit au dossier.
Attendu concernant le dernier moyen que SOKOUNDJOU Rameau Jean Philippe a évoqué que la clause de la convention hypothécaire relative aux taux d’intérêts de ce prêt est illégale parce que violant l’article 1er de la loi N 90/028 du 10 Août 1990 fixant le taux d’intérêt en matière civile, commerciale et conventionnelle.
Que cette clause ne peut être considérée comme loi des parties comme le prévoit l’article 1134 du code civil parce qu’elle n’a pas été légalement formée.
Attendu que la COFINEST a fait valoir que ce taux d’intérêt est celui applicable dans la zone CEMAC et aucune disposition de la loi sus évoquée ne sanctionne son non respect par la nullité de la convention.
Attendu qu’il convient d’examiner préalablement le premier moyen développé tiré de la violation d’une règle de procédure avant d’analyser le cas échéant les autres moyens liés au problème de fond.
Attendu qu’il résulte de l’article 1134 du code civil que la convention hypothécaire du 10 septembre 2003 constitue la loi des parties et que la clause d’arbitrage qui y est insérée à l’article 16 n’est entachée d’aucune irrégularité.
Que cette clause compromissoire est bel et bien conforme aux dispositions de l’Acte Uniforme OHADA du 11 Mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu toutefois que les articles 12 et 17 de cette convention ont prévu le recours à la juridiction étatique compétente pour tous différends pouvant intervenir entre les parties dans leurs rapports d’affaires ou pour tous litiges liés à l’exécution de ladite convention et de ses suites.
Que dans le cas d’espèce il est évident que tant l’organe arbitral que la juridiction étatique ont été prévus pour statuer sur le présent litige lié à l’inexécution de ses obligations par le débiteur.
Attendu qu’aux termes de l’article 13 de l’Acte Uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage, l’incompétence de la juridiction étatique est d’ordre public et peut être soulevée en tout état de cause par une partie en cas d’existence d’une clause d’arbitrage expresse et valable.
Qu’au surplus et conformément à l’article 1162 du code civil, dans le doute, la convention s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation.
Qu’il échet en conséquence de se déclarer incompétent en l’état et de renvoyer les parties à se mieux pourvoir ainsi qu’elles aviseront.
Attendu que toutes les parties ont comparu et ont conclu;qu’il y a lieu de statuer par jugement contradictoire à leur égard.
Attendu que la partie qui succombe en supporte les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et commerciale, en premier et dernier ressort et à l’unanimité des membres de la collégialité, se déclare incompétent en l’état et renvoie les parties à se mieux pourvoir ainsi qu’elles aviseront (…).