J-08-213
ABSENCE D’APPLICATION DE DISPOSITION DU DROIT UNIFORME OHADA DANS LE LITIGE – Compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA au regard de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA : non.
En l’espèce, aucune disposition de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général n’ayant été appliquée au présent contentieux, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ne sont pas réunies. Il y a lieu en conséquence, de se déclarer incompétent et de renvoyer l’affaire devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, dont l’arrêt de renvoi ne lie pas la Cour de céans.
Article 14 DU TRAITE OHADA
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Arrêt n 005/2007 du 1er février 2007, Audience publique du 1er février 2007, Pourvoi n 058/2004/PC du 28 mai 2004, Affaire : Société PLAST-KIM (Conseils : la SCPA KONAN-FOLQUET, Avocats à la Cour). contre Société Océan Ivoirien de Plastique dite OCI-PLAST (Conseils : Maîtres BOKOLAL Chantal et Jour Venance SERY, Avocats à la Cour). Recueil de Jurisprudence n 9. Janvier/Juin 2007, p. 11. Le Juris Ohada n 4/2007, p. 8.
LA COUR Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique du 1er février 2007, où étaient présents :
– MM. Antoine Joachim OLIVEIRA, Président;
– Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge, rapporteur;
– Boubacar DICKO, Juge;
– Et, Maître ASSIEHUE Acka, Greffier.
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Société Plast-Kim contre Société Océan Ivoirien de Plastique dite OCI-Plast, par Arrêt n 228/03 du 08 mai 2003 de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, Chambre judiciaire, formation civile, saisie d’un pourvoi initié par exploit en date du 10 novembre 2000 de la Société Plast-Kim, dont le siège est à Abidjan, Zone industrielle de Koumassi, 05 B.P. 1127 Abidjan 05, ayant pour Conseils la SCPA KONAN-FOLQUET, dont l’étude est sise à Abidjan Plateau, 13 rue Paris Village, immeuble Mobil SOCCA, 1er étage aile gauche, 01 BP 8157 Abidjan 01.
en cassation de l’Arrêt n 969 rendu le 17 octobre 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan, et dont le dispositif est le suivant :
AU FOND
L’y déclare bien fondée.
Infirme en toutes ses dispositions, l’ordonnance attaquée.
Statuant à nouveau.
Déclare le Juge des référés incompétent pour connaître de la présente affaire.
Déboute la Société Plast-Kim de toutes ses réclamations.
La condamne aux dépens ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE :
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que la Société Plast-Kim, qui assure avoir déposé, outre sa marque de fabrique, des dessins et modèles de fabrication auprès de l’Office Africain et Malgache de la Propriété Industrielle dit OAMPI, a constaté que la Société Océan Ivoirien de Plastique dite OCI-Plast s’est livrée à la fabrication ainsi qu’à la commercialisation de récipients en plastique identiques en tous points à ceux ayant fait l’objet par elle, d’un dépôt auprès de l’OAMPI;qu’ayant estimé que l’acte de la Société OCI-Plast constitue un manquement grave aux règles de la propriété industrielle, la Société Plast-Kim a assigné celle-ci en référé devant le Président du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, lequel, par Ordonnance n 3119/2000 du 21 aoûtt 2000, a ordonné la désignation et la description détaillée, avec saisie conservatoire, des objets contrefaits, et leur mise sous main de justice dans un local de son choix;que sur actes d’appel en date des 11 et 18 septembre 2000, la Cour d’Appel d’Abidjan a, par Arrêt n 969 du 17 octobre 2000 dont pourvoi, infirmé l’ordonnance attaquée, au motif que le Juge des référés était incompétent pour statuer, les articles 36 et suivants de l’annexe IV de l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 portant création de l’OAMPI conférant cette prérogative au juge des requêtes;que sur le pourvoi formé par la Société Plast-Kim, la Cour Suprême de Côte d’Ivoire a relevé que l’affaire soulevait des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général, et s’est dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans.
Sur la compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA :
Attendu qu’il est notamment reproché à l’arrêt attaqué, d’avoir violé :
les articles 3 et 246 du Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative, en ce que l’acte d’appel est irrecevable comme formé par une entité juridique n’ayant aucun intérêt pour agir, et n’ayant même aucune existence légale, à savoir OCI-PLAST, entreprise individuelle;qu’en effet, l’article 3 du Code de Procédure Civile dispose que l’action en justice doit être initiée par une personne ayant à la fois qualité pour ester en justice et intérêt pour agir;que OCI-PLAST, entreprise individuelle, n’a assurément, ni qualité pour ester en justice, ni intérêt pour agir, elle n’a du reste aucune existence légale;que c’est donc à tort que la Cour d’Appel a déclaré l’appel recevable.
les articles 93, 247, 251 et 252 du même Code, en ce que l’arrêt attaqué a dit et jugé que les critiques formulées à l’égard de l’acte d’appel du 18 septembre 2000 sont sans objet, alors qu’en droit, il est de règle générale que « Fraus omnia corrumpit »;qu’en application de cette règle, la Cour aurait dû examiner les mérites des griefs développés contre le second acte d’appel;qu’en outre, la Cour n’ayant pas sanctionné les irrégularités commises par l’huissier, la Cour de céans doit mettre à néant l’arrêt attaqué, pour violation de la loi.
les dispositions de l’annexe IV de l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 portant création de l’Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, en ce que l’arrêt a6ttaqué a mis à néant l’Ordonnance de référé n 3119 du 21 aoûtt 2000, comme rendue par une juridiction incompétente, au motif que les actions civiles relatives aux marques sont portées devant le Président du Tribunal, et que ses ordonnances sont rendues sur simple requête;qu’en droit, il est de principe fondamental que la compétence de la juridiction présidentielle est un bloc de compétence, en ce sens que c’est la seule et même autorité qui statue suivant une procédure sommaire;que par conséquent, il convient de casser et annuler l’arrêt attaqué.
Attendu que la Chambre judiciaire de la Cour Suprême de Côte d’Ivoire s’est dessaisie du dossier de la procédure au profit de la Cour de céans, par Arrêt n 228/03 du 08 mai 2003, au motif que « la contestation soulevée est relative à l’application des Actes uniformes, précisément l’Acte uniforme relatif au Droit Commercial Général, entré en vigueur depuis janvier 1998 ».
Attendu qu’il y a lieu de constater qu’aussi bien devant le Juge des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, que devant le Juge d’appel, les parties ont essentiellement fondé leurs moyens sur la violation des dispositions du Code ivoirien de Procédure Civile, Commerciale et Administrative et sur l’Accord de Bangui du 02 mars 1977 portant création de l’OAMPI;qu’en aucun moment, le débat n’a porté sur l’application d’un Acte uniforme (..).
Attendu que l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique dispose que « La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA assure dans les Etats Parties, l’interprétation et l’application commune du présent Traité, des Règlements pris pour son application et des Actes uniformes (..).
Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions, sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats Parties dans les mêmes contentieux »;qu’en l’espèce, aucune disposition de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général n’ayant été appliquée au présent contentieux, dès lors, les conditions de compétence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ne sont pas réunies, et il y a lieu en conséquence, de se déclarer incompétent et renvoyer l’affaire devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire, dont l’arrêt de renvoi susvisé ne lie pas la Cour de céans.
Attendu qu’il y a lieu de réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Se déclare incompétente.
Renvoie l’affaire devant la Cour Suprême de Côte d’Ivoire.
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
– le Président;
– le Greffier.