J-08-259
arbitrage – sentence arbitrale – execution forcee – juge competent pour prononcer l’execution.
La juridiction compétente pour prononcer l’exequatur d’une sentence arbitrale est la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA). et non le Tribunal d’Abidjan.
Article 23 TRAITE OHADA
Article 25 TRAITE OHADA
Cour d’Appel d’Abidjan. Arrêt n 741 du 02 juillet 2004. SCI PLAZA-CENTER (Me Mohamed Lamine FAYE). c/ Société de Coordination et d’Ordonnancement Afrique de l’Ouest (Me Agnès OUANGUI). Actualités Juridiques n 48 / 2005, p. 124. Observations KOMOIN François.
LA COUR
Vu les pièces du dossier.
Ouï les parties en leurs conclusions.
Ouï le Ministère Public en ses écritures du 08 mai 2004 concluant à l’incompétence du Tribunal d’Abidjan.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
Considérant que suivant exploit en date du 14 mai 2003, la Société Civile Immobilière PLAZA CENTER, représentée par son directeur général NEDJAR Gilbert, et ayant pour Conseil Maître Mohamed Lamine FAYE, Avocat à la Cour, a relevé appel du jugement civil n 1411 rendu le 31 juillet 2002 par la 3e Chambre Civile du Tribunal de Première Instance d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Déclare la Société de Coordination et d’Ordonnancement d’Afrique de l’Ouest dite « SCO » recevable en son action.
L’y dit partiellement fondée.
Déclare exécutoire la sentence arbitrale rendue le 26 avril 2001 par Monsieur BAMBA Moussa.
Déboute la SCO du surplus de ses prétentions.
Condamne la SCI PLAZA CENTER aux dépens ».
Considérant qu’aux termes de son acte d’appel valant premières conclusions, la SCI PLAZA CENTER expose que, par lettre n 970214 en date du 02 avril 1997, le Ministère du Logement lui a accordé une parcelle de terrain d’une superficie de 2.416 m², sise au Plateau, objet du titre foncier n 18501, en vue de la réalisation d’un centre commercial, et ce, avec promesse de bail emphytéotique.
Que c’est en exécution de cette attribution, qu’elle a entrepris de constituer le dossier technique préalablement requis pour l’obtention de l’arrêté de concession provisoire, avant d’entamer la réalisation de l’opération.
Que s’agissant du dossier technique confié à la société S.CO.A.O. suivant convention en date du 17 juillet 1998, elle a réglé dès la présentation de la première facture, un acompte de 18 millions;que la S.C.O. n’ignore pas qu’à ce jour, aucune pièce technique ne lui a été remise, ni que l’opération n’a pu être entamée, faute d’autorisation administrative préalable;qu’ainsi, elle aura déboursé à ce jour, 18 millions, en ce qui concerne seulement les études techniques, pour une opération dont la réalisation est encore incertaine;que se référant aux articles 11 et 14 de leur convention du 17 juillet 1998, la S.C.O. a requis un arbitrage, alors que les conditions requises à cet effet n’étaient pas réunies;que cependant, le Tribunal d’Abidjan, malgré l’exception d’incompétence par elle soulevée, a rendu par le jugement querellé, exécutoire la sentence arbitrale.
Qu’en effet, l’article 25 du Traité OHADA énonce en son alinéa 2, que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) a seule, compétence pour rendre la décision d’exequatur.
Considérant qu’en réplique, la Société de Coordination d’Ordonnancement Afrique de l’Ouest dite S.C.O.A.O. conclut par le canal de son Conseil, Maître Agnès OUANGUI, Avocat à la Cour, à la confirmation de la décision querellée, au rejet de l’exception d’incompétence soulevée par l’appelante, et à la validité de la sentence arbitrale, en ce qu’elle a précisé les règles de forme et de fond qui la sous-tendent.
Que s’agissant de la procédure d’exequatur, elle est diligentée par voie d’assignation, selon les règles de droit commun, devant le tribunal du domicile ou de la résidence du défendeur en Côte d’Ivoire, ou à défaut, celui du lieu de l’exécution;que le siège de la SCI PLAZA CENTER étant au Plateau, le Tribunal du Plateau est naturellement comptent.
Qu’en ce qui concerne la nullité de la sentence arbitrale, en ce qu’elle n’a pas indiqué les règles de procédure et de fond sur lesquelles s’est fondé l’arbitre, elle demande le rejet de cet argument;qu’en effet, il ressort de la sentence, que l’arbitre a respecté toutes les mentions légales devant y figurer.
Considérant que toutes les parties ont conclu;qu’il y a lieu de statuer par décision contradictoire.
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l’appel de la SCI PLAZA CENTER, intervenu dans les forme et délai légaux, doit être déclaré recevable.
Sur l’exception d’incompétence
Considérant qu’il résulte des pièces du dossier, que l’appelante a excipé de l’incompétence du Tribunal d’Abidjan à connaître de la procédure d’exequatur de la sentence arbitrale querellée.
Que devant une telle situation, le Tribunal d’Abidjan devait se déclarer incompétent, conformément aux dispositions de l’article 23 du Traité de l’OHADA relatif à l’arbitrage, ainsi libellé : « tout tribunal d’un Etat Partie saisi d’un litige que les parties étaient convenues de soumettre à l’arbitrage, se déclarera incompétent, si l’une des parties le demande, et renverra, le cas échéant, à la procédure d’arbitrage prévue au présent Traité ».
Que par ailleurs, aux termes de l’article 25 du même Traité, les sentences arbitrales ne peuvent faire l’objet d’une exécution forcée, qu’en vertu d’une décision d’exequatur, dont a seule compétence, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.).
Qu’au regard de ce qui précède, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de dire que le Tribunal d’Abidjan est incompétent pour connaître de la demande.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort :
Déclare l’appel de la SCI PLAZA CENTER recevable.
L’y dit bien fondée.
Infirme le jugement entrepris.
Statuant à nouveau :
Dit que le Tribunal d’Abidjan est incompétent.
Met les dépens à la charge de l’intimé.
Président : M. KOUAME Krah (Rapporteur).
Conseillers : M. DAFFOT Jonas.
M. KOUASSI Kouakou.
Greffier : Me OUATTARA Karim.
Note
L’arrêt ci-dessus reproduit concerne la détermination du juge compétent pour connaître de l’exequatur d’une sentence arbitrale. L’une des parties, la SCI PLAZA CENTER, estimait que cette compétence était exclusivement réservée par l’article 25 du Traité OHADA, à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, tandis que l’autre, la S.C.O.A, en attribuait la compétence au Tribunal d’Abidjan, tribunal du domicile du défendeur. Pour les départager, la Cour d’Appel a épousé le point de vue de la SCI PLAZA CENTER et attribué la connaissance de la procédure d’exequatur à la CCJA, sur le fondement des articles 23 et 25 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage improprement appelé Traité de l’OHADA relatif à l’arbitrage.
Cette décision appelle les observations suivantes :
1) - Les textes visés semblent erronés. En effet, l’article 23 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage avancé par la Cour, n’a pas le contenu qu’elle lui a prêté. Il est plutôt ainsi libellé : « la sentence arbitrale a, dès qu’elle est rendue, l’autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu’elle tranche ».. Il en va de même pour l’article 25, qui est plutôt relatif aux recours susceptibles d’être exercés à l’encontre de la sentence arbitrale. Les articles 23 et 25 visés par la Cour sont plutôt ceux contenus dans le Traité instituant l’OHADA.
2) - La décision, au delà du caractère erroné de son fondement légal, semble vouloir ne reconnaître qu’à la seule CCJA, la compétence pour connaître des instances d’exequatur. Il convient de faire observer que si tel est le cas pour les sentences arbitrales rendues sous l’égide de cette haute juridiction, il n’en va ainsi pour les sentences rendues sous l’égide d’une institution nationale d’arbitrage, ou suivant une procédure d’arbitrage ad hoc. A l’égard de celle-ci, l’exequatur n’a pas été réservé à la CCJA.
Dr KOMOIN François.
Magistrat.