J-09-01
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – DECHEANCE (OUI) – APPEL – ARRET CONFIRMATIF – POURVOI EN CASSATION.
EXCEPTION D’INCOMPETENCE DE LA JURIDICTION NATIONALE – POURVOI DE MOYENS MIXTES – APPLICATION DES ACTES UNIFORMES – APPLICATION DES REGLES DU DROIT NATIONAL – HYPOTHESE NON PREVU PAR LE TRAITE – PLENITUDE DE COMPETENCE DES JURIDICTIONS NATIONALES (OUI).
ACTE D’OPPOSITION – NON SIGNIFICATION AU CREANCIER – DECHEANCE DU DROIT D’OPPOSITION – VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 11 AUPSRVE (NON).
PRETENTIONS DU REQUERANT – ARTICLE 21 CPC – OBLIGATIONS DU JUGE – ARTICLE 11 AUPSRVE – DECHEANCE DU DROIT D’OPPOSITION – EXAMEN AU FOND (NON) – VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L’ARTICLE 21 CPC (NON).
ARTICLE 145 CPC – DECHEANCE – DEFAUT DU DROIT D’AGIR – FIN DE NON-RECEVOIR (OUI) – VIOLATION DES ARTICLES 145 ET 148 CPC (OUI) – ARRET CONFIRMATIF – CONFIRMATION DU JUGEMENT EN TOUTES SES DISPOSITIONS – CASSATION ET ANNULATION (OUI) – RENVOI (NON).
Le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions nationales des Etats parties (art. 13 Traité Ohada), et en cassation par la CCJA (art. 14 al. 3 Traité Ohada). Par ailleurs, l’article 2 du Traité a exclut du domaine du droit des affaires les règles de procédure qui relèvent du domaine souverain des Etats d’où la compétence d’attribution des juridictions nationales de cassation.
Dans le cas d’espèce, le pourvoi porte à la fois sur la violation des dispositions de l’article 11 AUPSRVE et l’article 21 CPC burkinabè. Cette hypothèse de pourvoi de moyens mixtes n’ayant pas été visée par les dispositions du Traité, et par aucune disposition du droit communautaire, la Cour de cassation retrouve alors sa plénitude de compétence pour statuer par une même décision aussi bien sur la violation des dispositions de l’Acte uniforme que sur les règles du droit national invoqués.
En instituant la déchéance à l’égard du demandeur à l’opposition, l’article 11 AUPSRVE a, conformément au sens de l’article 145 CPC, institué également une fin de non recevoir dont la conséquence juridique, lorsqu’elle est accueillie, prive le demandeur à l’opposition de son droit d’agir. Ainsi, le rejet de l’opposition par la fin de non recevoir, empêche le juge de statuer sur d’autres chefs de demandes. En confirmant le jugement en toutes ses dispositions et en ne relevant pas donc la violation des articles 145 et 148 CPC, la Cour d’appel a non seulement violé les dits textes, mais également s’est contredite dans ses motifs et son dispositif. Par conséquent, l’arrêt critiqué encourt cassation et annulation.
Article 14 ALINEAS 3 ET 4 TRAITÉ OHADA
Article 21 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 145 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
Article 148 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABÈ
(COUR DE CASSATION, Chambre commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n 22 du 14 décembre 2006, Société LAFCHAL (S.A.R.L) c/ COMPAORE K. Saïdou).
LA COUR
Statuant sur le pourvoi formé le 15 mars 2004 par maître Mamadou OUATTARA, avocat à la Cour, conseil de la Société LAFCHAL (S.A.R.L), contre l’arrêt n 15 rendu le 16 janvier 2004 par la Cour d’appel de Ouagadougou, dans une instance qui oppose sa cliente à monsieur COMPAORE K. Saïdou.
Vu la loi organique n 013-2000/AN du 09 mai 2000 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour de cassation et procédure applicable devant elle.
Vu la loi n 22-99/AN du 18 mai 1999 portant code de procédure civile.
Vu les conclusions du ministère public.
Ouï le conseiller en son rapport.
Ouï monsieur l’avocat général en ses réquisitions orales.
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prescrit par la loi.
Qu’il est recevable.
AU FOND
Attendu, selon les énonciations des faits de l’arrêt confirmatif attaqué, que la Société LAFCHAL S.A.R.L attributaire d’un marché pour la construction d’écoles primaires, a, par un contrat de sous-traitance confié l’exécution des travaux de construction d’une école type 3 CIL et d’une latrine à l’Entreprise COMPAORE K. Saïdou; le 03 avril 2001, COMPAORE K. Saïdou pour recouvrer sa créance reliquataire estimée à cinq millions cent trente sept mille quatre cent seize (5.137.416) francs sur la Société LAFCHAL SARL, faisait signifier à sa débitrice une ordonnance dite d’injonction de payer rendue le 26 février 2001.
Que le 12 avril 2006, la Société LAFCHAL SARL formait opposition contre l’ordonnance n 237/01 du 26 février 2001. Le tribunal par jugement n 659 du 19 juin 2002 condamnait la Société LAFCHAL à payer à COMPAORE K. Saïdou la somme principale de cinq millions quatre cent trente sept mille quatre cent seize (5.437.416) francs outre les intérêts de droit pour compter du jour de la demande.
La Cour d’appel de Ouagadougou par l’arrêt critiqué n 15 du 16 janvier 2004/002 confirmait le jugement.
Que c’est contre cet arrêt que la Société LAFCHAL s’est pourvu en cassation en invoquant deux moyens de cassation fondés sur les dispositions de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et l’article 21 du code de procédure civile.
COMPAORE K. Saïdou pour sa part a soulevé l’exception d’incompétence de la Chambre commerciale de la Cour de cassation.
Sur l’exception d’incompétence
Attendu que le défendeur au pourvoi soulève in limine litis, l’incompétence de la Chambre commerciale de la Cour de Cassation en se fondant sur les dispositions des articles 10, 13, 14 al. 3 et 4, 15 du Traité OHADA. Il soutient que le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions des Etats parties tel que prévoit l’article 13 du Traité; et que le juge de cassation des décisions rendues par les juridictions nationales dans le cadre des Actes uniformes est la Cour commune de justice et d’arbitrage. Il demande à la Cour de se déclarer incompétente.
Attendu que s’il n’est pas contesté que l’article 13 du Traité OHADA, précise que le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les juridictions nationales des Etats parties; que l’article 14 al. 3 donne compétence à la CCJA pour connaître des pourvois formés dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales; Il est aussi constant que l’article 2 du Traité qui définit le domaine du droit des affaires relevant de la compétence de la CCJA, a exclut les règles de procédure qui relèvent du domaine souverain des Etats d’où la compétence d’attribution des juridictions nationales de cassation.
Attendu que le pourvoi introduit par la Société LAFCHAL SARL, porte à la fois sur la violation des dispositions de l’article 11 de l’Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées et l’article 21 du code de procédure civile du Burkina Faso. Que cette hypothèse de pourvoi de moyens mixtes n’ayant pas été visée par les dispositions du Traité, et par aucune disposition du droit communautaire, la Cour de cassation retrouve alors sa plénitude de compétence pour statuer par une même décision aussi sur la violation des dispositions de l’Acte uniforme que les règles du droit national invoqués.
Qu’ainsi l’exception d’incompétence soulevée est à rejeter.
Sur le moyen de cassation tiré de l’article 11 de l’Acte uniforme
Attendu que le demandeur au pourvoi reproche à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré la Société LAFCHAL déchu de son droit d’opposition, en application de l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, alors même que l’exploit d’opposition à l’ordonnance d’injonction de payer a été régulièrement signifiée à la personne de COMPAORE K. Saïdou à qui copie de l’acte a été délaissée et qui a comparu parce qu’il a reçu l’acte.
Que l’arrêt confirmatif en sanctionnant son opposition par la déchéance a fait une appréciation erronée et une fausse application de l’article 11 sus cité et de ce fait encourt cassation.
Mais attendu que l’article 11 en précisant que l’opposant est tenu, à peine de déchéance, et dans le même acte précise que celui de l’opposition, de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d’injonction de payer, a mis à la charge de l’opposant, l’obligation de signifier son recours non seulement au greffe, mais également au créancier, à peine de déchéance. Que l’arrêt attaqué a souverainement relevé qu’il ressort de la copie de l’original de l’acte d’opposition du 12 avril 2001 que la Société LAFCHAL n’a signifié son recours qu’au greffe du tribunal de grande Instance de Ouagadougou et non à COMPAORE K. Saïdou.
Que la Cour d’appel en tirant la déchéance comme conséquence des faits constatés à parfaitement justifiée sa décision et le moyen de cassation invoqué est à écarter.
Sur le moyen de cassation tiré de la violation de l’article 21 du code de procédure civile
Attendu que le requérant au pourvoi fait grief à l’arrêt déféré d’avoir appliqué d’office les dispositions de l’article 11 de l’Acte uniforme, alors même que l’article 21 du code de procédure civile lui fait obligation de se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé, et qu’en statuant comme il a fait, l’arrêt qui a confirmé le jugement n’a pas donné une base légale à sa décision, et qu’il encourt cassation.
Mais attendu que l’arrêt critiqué relève que le requérant pour avoir été déclaré déchu de son droit d’opposition n’avait plus droit de soutenir une quelconque prétention que la déchéance ainsi prononcée met définitivement fin au procès et à l’action de l’opposition. Qu’en décidant comme elle l’a fait la Cour d’appel a justifié sa décision et le moyen de cassation invoqué est à rejeter.
Sur le moyen de cassation d’office tiré de la violation des articles 145, 148 du code de procédure civile et 11 de l’Acte uniforme
Attendu qu’au sens de l’article 145 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond pour défaut de droit d’agir, tels que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la péremption, l’expiration d’un délai préfixe, la chose jugée; Que l’article 11 de l’Acte uniforme en instituant la déchéance à l’égard du demandeur à l’opposition, a institué également une fin de non recevoir dont la conséquence juridique, lorsqu’elle est accueillie prive le demandeur à l’opposition de son droit d’agir.
Attendu que l’arrêt critiqué, en accueillant et en prononçant la déchéance de la Société LAFCHAL dans son opposition ne pouvait plus se prononcer sur la demande de paiement du créancier. Le rejet de l’opposition par la fin de non recevoir, empêche le juge de statuer sur d’autres chefs de demandes. Or l’arrêt retient dans son dispositif, qu’il « confirme le jugement en toutes ses dispositions », lequel jugement après avoir déclaré la Société LAFCHAL déchue de son droit d’opposition est tout de même entré en voie de condamnation alors même que la fin de non recevoir prononcée avait définitivement paralysé le procès.
Que la Cour d’appel en ne relevant pas cette violation des articles 145 et 148 du code de procédure civile, non seulement a violé les dits textes mais également s’est contredite dans ses motifs et son dispositif.
Ainsi l’arrêt encourt cassation et annulation.
PAR CES MOTIFS
En la forme
Reçoit le pourvoi.
rejette l’exception d’incompétence.
se déclare compétent.
Au fond
casse et annule l’arrêt confirmatif n 15 du 16 avril 2004, sans qu’il y a lieu à renvoi.
met les dépens à la charge du défendeur.