J-09-72
CCJA – COMPETENCE – RECOURS EN CASSATION – ORDONNANCE DE SUSPENSION D’UN ARRET DE COUR D’APPEL – ORDONNANCE FONDEE SUR DES DISPOSITIONS DE DROIT INTERNE.
ORDONNANCE ENTRANT DANS LA CATEGORIE DES DECISIONS PREVUES PAR L’ARTICLE 14 ALINEA 4 DU TRAITE OHADA (NON) – INCOMPETENCE DE LA CCJA.
L’ordonnance attaquée n’entre pas dans la catégorie des décisions spécifiées à l’alinéa 4 de l’article 14 du traité institutif de l’OHADA et ne peut donc faire l’objet d’un recours en cassation devant la Cour de céans, dès lors que c’est en usant de dispositions du droit interne le lui permettant que le Président de la Cour Suprême a ordonné la suspension de l’exécution d’un arrêt à l’effet d’empêcher que ladite exécution ait lieu.
Par conséquent, la CCJA doit se déclarer incompétente.
Article 14 TRAITE OHADA (ALINEA 4)
C.C.J.A. 2ème CHAMBRE, ARRET N 33 Du 03 Juillet 2008 Affaire : P C/ CENTRE PASTEUR DU CAMEROUN. Le Juris Ohada, n 4/2008, p. 18. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n 12, juillet-décembre 2010, p. 26.
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 janvier 2004 sous le no004/2004/PC et formé par Maîtres Kamdem Matchouandem Pauline et Twengembo, Avocats à la Cour, demeurant à Yaoundé, immeuble CNR, 2éme étage porte 202 à 205, BP 7136, agissant au nom et pour le compte de Madame P, domiciliée à Yaoundé, BP 7136, dans la cause qui oppose celJe-ci au Centre Pasteur du Cameroun, Établissement public dont le siège social est à Yaoundé, BP 1274, ayant pour conseil Maître Guy Noah, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 1913 Yaoundé.
En cassation de l’Ordonnance no55 rendue le 19 novembre 2003 par le Président de la Cour Suprême du Cameroun et dont le dispositif est le suivant :
– « Déclarons régulière et recevable en la forme la requête dont s’agit.
Au fond : Ordonnons, jusqu’à l’issue du pourvoi, la suspension de l’exécution de l’arrêt no182/S0C rendu le 13 août 2003 par la Cour d’appel du Centre.
Disons que notre ordonnance sera exécutoire sur minute, dès notification et avant enregistrement ».
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique d’annulation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que dans le cadre de la restructuration du Centre Pasteur décidé par l’Etat du Cameroun, un plan social, approuvé par le conseil d’administration dudit Centre, avait prescrit la compression de 35 personnes dont 05 délégués du personnel parmi lesquels Madame P dont le licenciement survint à la suite d’une autorisation de l’Inspecteur du travail de Yaoundé et, ce, par lettre no73/IPTC du 13 décembre 1996; que six mois plus tard, à la suite d’une intervention de Monsieur le Ministre du Travail, l’Inspecteur du Travail reformait son autorisation en ce qui concerne Madame P, par décision no394/97/METPS du 18 juin 1997; que le Centre Pasteur attaquait cette décision devant la Chambre Administrative de la Cour Suprême du Cameroun laquelle, par Jugement no56/99 – 2000 du 29 juin 2000, rétractait ladite décision; que dans le même temps, Madame P saisissait le Tribunal de grande instance de Yaoundé statuant en matière sociale pour solliciter et sa réintégration et le paiement de ses salaires jusqu’à la date de reprise effective de service; que par Jugement no347/S0C du 18 septembre 2000, ledit Tribunal faisait droit à sa requête en ordonnant « sa réintégration au sein de l’entreprise » et « le paiement des salaires échus à compter du 16 décembre 1996 au prononcé de ladite décision »; que, sur l’appel du Centre Pasteur du Cameroun, la Cour d’appel de Yaoundé, par Arrêt no182/S0C du 13 août 2003, annulait le jugement précité, puis évoquant et statuant à nouveau, déclarait notamment « le licenciement de dame P nul et de nul effet », ordonnait en conséquence « sa réintégration au sein du Centre Pasteur du Cameroun » et condamnait celui-ci « à payer à dame P les salaires dus à compter du 16 décembre 1996 jusqu’à la date de sa réintégration effective »; que sur la base de la « copie certifiée conforme de la copie grosse en forme exécutoire » à l’arrêt précité, Madame P faisait servir au Centre Pasteur du Cameroun, le 24 octobre 2003, « une signification commandement » d’avoir « dans un délai de 08 (huit) jours à compter de la signification du présent commandement » de « réintégrer Madame P au sein du Centre Pasteur du Cameroun » et de lui payer diverses sommes d’argent estimées à 41 020.308 francs CFA et comprenant en principal ses salaires mensuels échus du 16 décembre 1996 au 16 octobre 2003 et les montants du droit de recette, de la TVA/DR et du coût de l’acte; que ladite signification s’étant avérée infructueuse, Madame P initiait, par exploit en date du 03 novembre 2003, des saisies-attribution de créances à l’encontre du Centre Pasteur du Cameroun entre les mains de divers banques et établissements financiers de la place de Yaoundé susceptibles de détenir des fonds pour le compte de celui-ci; que par exploit également en date du 03 novembre 2003, le Centre Pasteur du Cameroun signifiait à Madame P « une requête aux fins de suspension d’exécution » en date du 31 octobre 2003 et « un certificat de dépôt de requête aux fins de sursis à exécution » délivré le 03 novembre 2003 par Monsieur le Greffier en chef de la Cour Suprême du Cameroun; que sur la base de cette requête, le Président de ladite Cour rendait au profit du Centre Pasteur du Cameroun l’Ordonnance no55 en date du 19 novembre 2003, sus-énoncée, dont l’annulation est demandée par Madame P à la Cour de céans.
Sur le moyen unique d’annulation
Attendu que la requérante énonce qu’en statuant comme elle l’a fait, l’Ordonnance présidentielle no55 du 09 novembre 2003 attaquée a méconnu les prescriptions des articles 49, 169 et suivants de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce qu’en vertu de l’Arrêt no182/S0C du 13 août 2003 de la Cour d’appel de Yaoundé dûment revêtu de la formule exécutoire et de la signification commandement du 24 octobre 2003 de Maître MAH EBENEZER Paul, Huissier de Justice, une saisie-attribution des créances a été pratiquée contre le Centre Pasteur du Cameroun entre les mains de diverses banques (tiers saisis) le 03 novembre 2003 respectivement à 12 heures 10 minutes (Crédit Lyonnais Cameroun, 12 heures 40 minutes et 13 heures 18 minutes); que la Banque Crédit Lyonnais Cameroun (l’un des tiers saisis) a fait sa déclaration le même jour; que ce même 03 novembre 2003 à 13 heures 20 minutes, le saisi lui a fait notifier, par exploit de Maître Bilong Minka Jeannette, Huissier de justice, avec la requête aux fins de suspension d’exécution datée du 31 octobre 2003, le certificat de dépôt de requête aux fins de sursis à exécution daté du 03 novembre 2003; que l’article 5, alinéa 5, de la loi camerounaise no92/008 du 14 août 1992 fixant certaines dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice, disposant que « l’exécution des décisions querellées est suspendue dès présentation du certificat de dépôt, jusqu’à l’intervention de l’ordonnance visée à l’alinéa 4 paragraphe 2 ci- dessus (le Président fait droit à la demande de suspension ou la rejette) et, le cas échéant, jusqu’à expiration du délai de trente (30) jours visé aux même alinéa et paragraphe », la requête du Centre Pasteur du Cameroun, telle que présentée au Président de la Cour Suprême du Cameroun, tendait à la suspension d’une exécution forcée déjà engagée; que plutôt que de rejeter la mesure sollicitée comme ne rentrant pas dans sa compétence en vertu de l’article 49 de l’Acte uniforme précité, le Président de ladite Cour a, par l’ordonnance susvisée, ordonné la suspension de l’exécution entreprise en vertu de l’Arrêt no182/S0C rendu le 13 août 2003 par la Cour d’appel de Yaoundé, jusqu’à ce qu’il soit statué sur les mérites du pourvoi par la Cour Suprême du Cameroun; qu’en rendant l’ordonnance attaquée, alors que la juridiction compétente pour connaître des difficultés nées de l’exécution de l’Arrêt n 182/S0C dont s’agit était préalablement le Président du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif ou le Magistrat délégué par lui, le Président de la Cour Suprême du Cameroun a méconnu les dispositions des articles 49, 169 et suivants de l’Acte uniforme précité et exposé sa décision à l’annulation; que du reste, le Centre Pasteur du Cameroun est d’autant plus conscient de l’inefficacité du certificat de dépôt, voire de l’ordonnance faisant droit à la demande de suspension d’exécution, qu’il a, suivant exploit de Maître Bilong Minka Jeannette, Huissier de justice à Yaoundé, fait opposition à saisie-attribution de créances avec assignation devant la juridiction compétente, à savoir le Président du Tribunal de première instance de Yaoundé Centre Administratif; qu’il échet en conséquence d’annuler l’Ordonnance no55 rendue le 19 novembre 2003 par le Président de la Cour Suprême du Cameroun pour cause de violation de la loi.
Mais attendu en l’espèce qu’il convient de relever que la requête aux fins de suspension d’exécution du Centre Pasteur du Cameroun consécutive au pourvoi qu’il a formé devant la Cour Suprême du Cameroun contre l’Arrêt no182/S0C rendu le 13 août 2003 par la Cour d’appel de Yaoundé se fondait notamment sur la violation de dispositions du droit interne camerounais, en l’occurrence, l’Ordonnance no72/4 du 26 août 1972 et l’article 130 du Code du Travail; que c’est après visa et analyse de ce dernier article que le Président de la Cour Suprême du Cameroun a jugé que « la première autorisation de l’Inspecteur du Travail relative au licenciement de dame P reste et demeure la seule légale et valable » et « qu’en statuant comme il l’a fait, le juge d’appel n’a pas donné une base légale à sa décision.. et il échet en conséquence de faire droit à la mesure [de suspension] sollicitée »; qu’il apparaît que ni le contenu ni le sens de cette décision, qui ne soulève au demeurant l’application ou l’interprétation d’aucune disposition de l’Acte uniforme précité mais plutôt celles relatives au Code du Travail du Cameroun, n’ont pu violé les articles 49, 169 et suivants dudit Acte uniforme visés au moyen; que par ailleurs, même à supposer vrai le fait que l’exécution fut, en l’occurrence, engagée, il apparaît toutefois que la créance invoquée qui fonde celle-ci est étroitement liée à la réintégration de la requérante dans le personnel du Centre Pasteur du Cameroun, ce qui ressort implicitement du dispositif de l’Arrêt no182/S0C du 13 août 2003 de la Cour d’appel de Yaoundé ayant condamné ledit Centre « à payer à Dame P les salaires dus à compter du 16 décembre 1996 jusqu’à la date de sa réintégration effective »; que cette réintégration n’étant pas effective, il ne saurait être valablement soutenu que la créance dont se prévaut la requérante ait les caractères de liquidité et d’exigibilité requis par l’article 153 de l’Acte uniforme précité pour autoriser la mise en œuvre d’une saisie-attribution des créances.
Attendu que de ce qui précède, il appert que c’est en usant de dispositions du droit interne le lui permettant, en particulier, celles de la loi camerounaise no92/008 du 14 août 1992 fixant certaines modalités relatives à l’exécution des décisions de justice, que le Président de la Cour Suprême du Cameroun a ordonné la suspension de l’exécution de l’Arrêt no182/S0C du 13 août 2003 de la Cour d’appel de Yaoundé à l’effet d’empêcher que ladite exécution ait lieu; que dès lors, dans ce contexte, l’ordonnance attaquée n’entre pas dans la catégorie des décisions spécifiées à l’alinéa 4 de l’article 14 du Traité institutif de l’OHADA et ne peut donc faire l’objet d’un recours en cassation devant la Cour de céans; d’où il suit que celle-ci doit se déclarer incompétente.
Attendu que Madame P ayant succombé, doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Se déclare incompétente.
Condamne la requérante aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. ANTOINE JOACHIM OLIVEIRA.