J-09-83
ARBITRAGE – ARBITRAGE INSTITUTIONNEL DE LA CCJA – ACTES JURIDIQUES APPLICABLES – REGLEMENT D’ARBITRAGE – AUDA FIGURANT PARMI CES ACTES (NON).
ARBITRAGE – REDACTION DE LA SENTENCE – COMPLEMENT D’INFORMATION PAR LE TRIBUNAL ARBITRAL – PROROGATION DU DELAI (OUI).
ARBITRAGE – TRIBUNAL ARBITRAL – CALENDRIER DU DEROULEMENT DE LA PROCEDURE – CARACTERE PREVISIONNEL (OUI) – PREVISION DE LA DATE SUSCEPTIBLE DE MODIFICATION – MODIFICATION DU CALENDRIER – VIOLATION DES TERMES DE LA MISSION (NON).
ARBITRAGE – DROIT APPLICABLE – LITIGE OPPOSANT DEUX SOCIETES DE DROIT BENINOIS – APPLICATION DU DROIT INTERNE – VIOLATION DE L’ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL (NON).
ARBITRAGE – SENTENCE – MENTIONS DES DISPOSITIONS DES ARTICLES 23 DU REGLEMENT D’ARBITRAGE ET 24 DU TRAITE – OBLIGATIONS (NON) – NON ACCOMPLISSEMENT DES FORMALITES FIGURANT AU NOMBRES DES CAS D’OUVERTURE DE CONTESTATION DE VALIDITE (NON).
ARBITRAGE – SENTENCE – CAS D’OUVERTURE DE CONTESTATION DE VALIDITE – MODIFICATION DE CALENDRIER – REUNION OBLIGATOIRE PREALABLE (NON).
L’annulation de la sentence pour cause de violation de l’article 16 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage n’est pas fondée et doit être rejetée, dès lors que ledit Acte ne figure pas au nombre des actes juridiques prévus par l’article 10.1 du Règlement d’arbitrage qui sont applicables à l’arbitrage institutionnel spécifique de la CCJA.
L’annulation de la sentence pour cause de violation des articles 10 de l’AUA et 15 du Règlement d’arbitrage n’est pas davantage fondé et doit être rejetée, dès lors que lors de la rédaction de la sentence en cours de délibéré, le Tribunal s’est vu confronté à la nécessité de demander un complément d’information pour asseoir sa décision et a été amené à rabattre ledit délibéré pour solliciter et obtenir de la CCJA, conformément à l’article 15.4 du Règlement d’arbitrage, la prorogation du délai dans l’intervalle duquel il devait rendre la sente attaquée.
Le calendrier du déroulement de la procédure, établi par le tribunal arbitral, a un caractère personnel. S’agissant d’une prévision de date, celle-ci est susceptible de modification. Dès lors le fait de le modifier ne saurait être valablement considéré comme une violation des termes de la mission du tribunal arbitral.
Le litige opposant les parties ayant été soumis à l’arbitrage, le droit applicable au fond du litige est le droit béninois.
Le litige relève de l’arbitrage intervenu dès lors qu’il oppose deux sociétés de droit béninois relativement au commerce interne. Dès lors c’est à tort qu’est invoqué la violation de l’ordre public international comme moyen d’annulation de la sentence arbitrale.
L’annulation de la sentence par violation des articles 23-1 du Règlement d’arbitrage et 24 du traité ne peut être accueilli dès lors que d’une part les dispositions desdits articles ne prescrivent nulle part l’obligation pour le Tribunal arbitral de faire mention dans la sentence à peine de nullité de celle-ci, de l’accomplissement de la formalité dont il s’agit, et que d’autre part le non accomplissement de ladite formalité de soumission à l’examen préalable de la CCJA des projets de sentence ne figure pas au nombre des cas d’ouverture de contestation de validité des sentences tels que prévus aux articles 25 du Traité et 30 du Règlement’ d’arbitrage.
L’annulation de la sentence pour non tenue de la réunion obligatoire avant l’établissement d’un nouveau calendrier ne saurait prospérer dès lors que ce moyen ne figure pas au nombre des cas d’ouverture de contestation de validité de sentence arbitrale rendue sous l’égide de la CCJA.
Article 10 REGLEMENT D’ARBITRAGE
Article 15 REGLEMENT D’ARBITRAGE
Article 23 REGLEMENT D’ARBITRAGE
Article 30 REGLEMENT D’ARBITRAGE
C.C.J.A. ASSEMBLEE PLENIERE, ARRET N 45 Du 17 Juillet 2008 Affaire : Société Nationale pour la Promotion Agricole dite SONAPRA CI Société des Huileries du BENIN dite SHB Le Juris Ohada, n 4/2008, p. 60. Actualités juridiques, n 63, p. 142, note François KOMOIN, Magistrat. Recueil de jurisprudence de la CCJA, n0 12, juillet-décembre 2008, p. 66.
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 26 décembre 2006 et formé par Maître Abdon DEGUENON, Avocat au Barreau du BENIN, demeurant Carré 1209 Gbedjromede, villa « chez l’avocat », BP 969 Jéricho 03, Cotonou, BENIN agissant au nom et pour le compte de la Société Nationale pour la Promotion Agricole dite SONAPRA, dont le siège social est sis à Akpakpa, PK 3 route de Porto-Novo, 01 B.P. 933 Cotonou, BENIN, dans la cause qui l’oppose à la Société des Huileries du BENIN (SHB), dont le siège social est sis à Bohicon, B.P. 08, route d’Abomey, zone industrielle, République du BENIN, ayant pour Conseils Maîtres Karim FADIKA- DELAFOSSE, K. FADIKA, C. KACOUTIE, A. ANTHONY-DIOMANDE (Cabinet FDKA), Avocats à la Cour, Abidjan, y demeurant, Immeuble les Harmonies, Rue Docteur Jamot B.P. 2297 Abidjan 01.
En contestation de validité de la sentence rendue le 26 septembre 2006 par le Tribunal arbitral constitué dans l’affaire Société des Huileries du BENIN contre la Société Nationale de Promotion Agricole et dont le dispositif est le suivant :
– « Déclare que l’action arbitrale de la SHB est recevable en la forme.
Dit que la demande en dommages intérêts de la SHB pour l’exercice 2000 est prescrite par application des articles 274 et 275, alinéa 1er de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général.
Au fond :
Déclare la SONAPRA responsable de la non livraison de 41.839 T à la SHB en 2001 et 47.626,179 T en 2003.
Dit que la SONAPRA doit réparation à la SHB du préjudice du surcoût représenté par l’achat auprès des fournisseurs autres qua la SONAPRA de 15.293,691 T en 2001 et de 13.284,247 T en 2003.
Dit que la SONAPRA doit réparation à la SHB du préjudice de manque à gagner pour l’insuffisance d’approvisionnement de 26.545,309 T en 2001 et de 34.341,932 T en 2003.
Avant dire droit :
Ordonne une expertise pour chiffrer, sur la base des tonnages indiqués dans le dispositif, les deux préjudices de surcoût et de manque à gagner subis par la SHB.
Dit que l’expert devra être désigné, d’accord parties, dans un délai de deux (2) mois à partir de la signification à celles-ci de la présente sentence par le Secrétariat général de la CCJA à défaut de quoi, le Tribunal procédera à cette désignation.
Dit que l’expert devra accomplir sa mission en respectant le principe du contradictoire entre les parties et remettre son rapport deux (2) mois après sa saisine.
Dit que les frais et honoraires de l’expert seront avancés par la SHB et feront masse avec les dépens.
Dit qu’après la remise de son rapport par l’expert, la procédure suivra son cours selon les dispositions de l’article 15-5 du Règlement d’arbitrage de la CCJA ».
La requérante invoque à l’appui de son recours les cinq (05) moyens d’annulation tels qu’ils figurent au « recours en contestation de validité contre la sentence arbitrale rendue le 26 septembre 2006 » Annexé au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur Jacques M’BOSSO, Premier Vice-Président
Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique en ses articles 21 à 26.
Vu le Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la Société Nationale pour la Promotion Agricole dite SONAPRA et la Société des Huileries du BENIN dite SHB avaient conclu entre elles le 08 mars 1999 une convention-cadre d’approvisionnement (CCA) en graines de coton; qu’aux termes de ladite Convention – cadre d’approvisionnement, la SONAPRA s’obligeait à fournir à la SHB de façon prioritaire des graines de coton pour des quantités fixées par celle-ci (SHB) et pour un prix déterminé d’accord parties; que selon !’article 2.2 de la même Convention – cadre, des contrats annuels devaient être conclus pour préciser les modalités pratiques et les conditions de cet approvisionnement qui devait être réalisé conformément à un planning arrêté d’un commun accord par les deux parties; que lors de l’exécution de la convention cadre sus-indiquée, la SHB s’était plainte d’avoir subi durant les années 2000, 2001 ! et 2003 un préjudice évalué à quatre milliards quatre cent soixante huit millions trois cent vingt et : neuf mille neuf cent quatre vingt cinq (4.468.329.985) F CFA en raison du manque à gagner consécutif à l’insuffisance d’approvisionnement en graines de coton de la part de la SONAPRA par rapport aux besoins qu’elle avait exprimés conformément à ce que lui permettait ladite convention – cadre d’approvisionnement; qu’ainsi, pour obtenir de la SONAPRA réparation du préjudice qu’elle dit avoir subi, la SHB avait saisi la CCJA d’une demande d’arbitrage enregistrée au Secrétariat général de ladite Cour sous le numéro 001/2004/ARB du 06 octobre 2004; que le Trjbunal arbitral constitué pour connaître de ladite demande ayant choisi de statuer par sentence distincte sur les exceptions soulevées par la défenderesse, la SONAPRA, notamment l’exception d’incompétence, avait rendu le 10 mars 2006 une sentence avant dire droit par laquelle il avait retenu sa compétence; que statuant par la suite sur le fond, ledit Tribunal arbitral avait rendu le 26 septembre 2006 une sentence partielle, objet du présent recours en contestation de validité formé par la SONAPRA qui invoque cinq moyens d’annulation.
Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches
Attendu qu’il est fait grief à la sentence attaquée d’avoir été rendue en violation, d’une part, de l’article 12 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage en ce que les arbitres ont statué sur une convention expirée alors que, selon cette première branche du premier moyen, aux termes de l’article 12 précité, « si la convention d’arbitrage ne fixe pas de délai, la mission des arbitres ne peut excéder six mois à compter du jour où le dernier d’entre eux l’a acceptée. Le délai légal ou conventionnel peut être prorogé soit par accord des parties, soit à la demande de l’une d’elles ou du Tribunal arbitral par le juge compétent dans « Etat partie »; qu’entre le 08 novembre 2005 et le 26 septembre 2006, il s’est écoulé plus de 10 mois sans qu’il n’y ait eu de demande de prorogation; qu’il s’ensuit que la sentence dont la validité est contestée encourt annulation pour violation de l’article 12 précité; que, d’autre part, ladite sentence a été rendue en violation de l’article 16 dudit Acte uniforme en ce que, les arbitres ont statué après l’expiration du délai conventionnel d’arbitrage, alors que, selon ledit article 16, « l’instance arbitrale prend fin par l’expiration du délai d’arbitrage, sauf prorogation convenue ou ordonnée. Elle peut prendre fin également en cas d’acquiescement à la demande, de désistement, de transaction ou de sentence définitive »; qu’à la réunion d’arbitrage du 08 novembre 2005, les parties et les arbitres avaient clairement précisé que la sentence arbitrale devrait être rendue au plus tard le 02 août 2006; que jusqu’à la date du 02 août 2006, les parties n’ont été informées d’aucune difficulté pouvant empêcher le respect du calendrier établi; qu’il s’ensuit que passé le 02 août 2006, le Tribunal arbitral a cessé d’exister, le délai d’arbitrage ayant expiré en l’absence de toute prorogation convenue ou ordonnée dans les conditions prévues par l’Acte uniforme et le Règlement d’arbitrage; qu’il suit, selon cette seconde branche du premier moyen, que la sentence dont la validité est contestée encourt également annulation pour cause de violation de l’article 16 sus énoncé.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 10.1 du Règlement d’arbitrage susvisé de la Cour de céans, « lorsque les parties sont convenues d’avoir recours à l’arbitrage de la Cour, elles se soumettent par là-même aux dispositions du Titre IV du Traité de l’OHADA, au présent règlement, au règlement intérieur de la Cour, à leurs annexes et au barème des frais d’arbitrage dans leur rédaction en vigueur à la date de l’introduction de la procédure d’arbitrage »; que l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ne figure pas au nombre des actes juridiques précités qui sont applicables en l’espèce à l’arbitrage institutionnel spécifique de la CCJA; qu’il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Sur le premier moyen pris en sa troisième branche
Attendu qu’il est également fait grief à la sentence attaquée d’avoir violé les articles 10 de « l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage » et 15 du Règlement d’arbitrage de la Cour de céans pour n’avoir pas été rendue, comme prévu par le calendrier prévisionnel, au plus tard le 02 août 2006 alors que, selon le moyen, les articles 10 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et 15 du Règlement d’arbitrage précités disposent respectivement que « le fait pour les parties de s’en remettre à un organisme d’arbitrage les engage à appliquer le règlement d’arbitrage de cet organisme sauf pour les parties à en écarter expressément certaines dispositions » et « le calendrier prévisionnel de l’arbitrage figurant dans le procès-verbal prévu à l’article 15.2 peut, en cas de nécessité, être modifié par l’arbitre à son initiative après observations des parties ou à la « demande de celles-ci »; que, jusqu’à la date du 02 août 2006, les parties n’ont été informées d’aucune difficulté pouvant empêcher le respect du calendrier établi; que le Tribunal arbitral n’a aucunement reçu les parties en leurs observations sur la nécessité de modifier le calendrier prévisionnel avant la date du 02 août 2006 à laquelle le lien processuel a été rompu entre les parties; qu’en matière d’arbitrage, lorsque les parties ont organisé le déroulement de la procédure par un calendrier précis, les délais prévus par la loi ou les règlements d’arbitrage s’effacent, la procédure d’arbitrage étant une procédure essentiellement consensuelle et conventionnelle.
Mais attendu qu’aux termes de l’article 15.4 du Règlement d’arbitrage susvisé, « l’arbitre rédige et signe la sentence dans les 90 jours au plus qui suivent la clôture des débats. Ce délai peut être prorogé par la Cour à la demande de l’arbitre si celui-ci n’est pas en mesure de le respecter »; que tel est le cas en l’espèce; que c’est lors de la rédaction de la sentence en cours de délibéré que le Tribunal arbitral s’est vu confronté à la nécessité de demander un complément d’information à la SONAPRA pour asseoir sa décision et a été amené à rabattre ledit délibéré pour solliciter et obtenir, de la Cour de céans, la prorogation du délai dans l’intervalle duquel il devait rendre la sentence attaquée; qu’au demeurant, et contrairement à ce que soutient la SONAPRA, le Tribunal arbitral avait fait connaître aux parties, avant le 02 août 2006, les motifs pour lesquels il ne pouvait rendre sa sentence à ladite date du 02 août 2006; qu’en effet, par lettre du 31 juillet 2006 adressée, entre autres, à la SONAPRA, le Tribunal arbitral faisait savoir qu’ » après examen des dossiers et écritures des parties et audition de leurs plaidoiries, [il] a décidé de rabattre le délibéré et demander un complément d’informations à la SONAPRA »; que c’est ainsi qu’il a demandé à celle-ci de produire, relativement aux exercices 1999 à 2004, les états financiers, l’état des achats de matières premières auprès des paysans par tonnages et par valorisation – prix, l’état de la production par tonnages, le chiffre d’affaires au titre des mêmes exercices et les tonnages correspondants, la liste de ses clients, l’éclatement du chiffre d’affaires par produits (graines, coton, autres), par clients en ventes locales et en ventes d’exportation; que pour ce faire, le Tribunal a accordé un délai de 30 jours à compter de la réception de ladite lettre à la SONAPRA et un délai de 15 jours à compter de la réception des documents précités à la SHB pour ses observations; qu’il découle de tout ce qui précède que le moyen n’est pas davantage fondé et doit être rejeté.
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est aussi, reproché à la sentence attaquée « un manque de validité pour violation [par les arbitres] des termes de leur mission » en ce que, selon le moyen, les arbitres ont statué sans se conformer à la mission qui leur avait été confiée dans le délai qui leur avait été imparti et qu’ils avaient accepté, leur mission étant censée s’achever le 02 août 2006; qu’en ne rendant pas leur sentence au plus tard le 02 août 2006, les arbitres n’ont pas respecté les termes de leur mission et ont ainsi exposé ladite sentence à l’annulation.
Mais attendu que le calendrier du déroulement de la procédure, établi par le Tribunal arbitral au cours de la réunion durant laquelle, entre autres, est défini l’objet du litige, a un caractère prévisionnel; que s’agissant d’une prévision de date, celle-ci est susceptible de modification; que dès lors, le fait de modifier un tel calendrier, qui n’avait qu’un caractère prévisionnel ou indicatif, ne saurait être valablement considéré comme une violation par le Tribunal arbitral des termes de sa mission; qu’il suit que ce moyen, qui manque de pertinence, doit être rejeté.
Sur le troisième moyen pris en ses quatre branches
Attendu qu’il est également reproché à la sentence attaquée une violation de l’ordre public international pour mauvaise interprétation de la clause de règlement amiable, mauvaise application de l’article 274 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général notamment la prescription en matière de vente commerciale, mauvaise interprétation de la notion de force majeure et violation du principe du contradictoire; que ladite violation de l’ordre public international ainsi caractérisée expose la sentence attaquée à l’annulation.
Mais attendu qu’aux termes de la clause compromissoire en vertu de laquelle le litige opposant la SHB à la SONAPRA a été soumis à l’arbitrage, le droit applicable au fond du litige est le droit béninois; que ledit litige, qui oppose deux sociétés de droit béninois relativement au commerce interne, relève de l’arbitrage interne; que dès lors, c’est à tort qu’est invoquée la violation de l’ordre public international comme moyen d’annulation de la sentence rendue dans un tel arbitrage et qu’il échet de rejeter ledit moyen.
Sur le quatrième moyen
Attendu, par ailleurs, qu’il est fait grief à la sentence attaquée d’avoir violé l’article 23.1 du Règlement d’arbitrage et l’article 24 du Traité susvisés en ce qu’elle ne porte nulle part la mention de l’accomplissement de la formalité prescrite par les dispositions desdits articles aux termes desquels les projets de sentence sur la compétence, de sentence partielle qui mettent un terme à certaines prétentions des parties et de sentences définitives sont soumis à l’examen préalable de la Cour avant signature par l’arbitre; que ladite sentence encourt annulation de ce chef.
Mais attendu que les dispositions des articles 23 du Règlement d’arbitrage et 24 du Traité visés au moyen ne prescrivent nulle part l’obligation pour le Tribunal arbitral de faire mention dans la sentence, à peine de nullité de celle-ci, de l’accomplissement de la formalité dont il s’agit; qu’en outre, le non accomplissement de ladite formalité de soumission à l’examen préalable de la Cour de céans des projets de sentence ne figure pas au nombre des cas d’ouverture de contestation de validité des sentences tels que prévus aux articles 25 et 30 du Traité et du Règlement d’arbitrage susvisés; qu’en tout état de cause, ladite formalité a été accomplie par le Tribunal arbitral le 21 septembre 2006; qu’il suit que le moyen ne peut être accueilli.
Sur le cinquième moyen
Attendu, enfin, qu’il est reproché à la sentence attaquée la violation de l’article 15.5 du Règlement d’arbitrage de la Cour de céans, en ce que, « après avoir rendu la sentence partielle en date du 26 septembre 2006, les arbitres n’ont pas cru devoir convoquer une réunion avant que d’imposer aux parties une expertise ainsi qu’un nouveau calendrier pour l’exécution de cette mesure » alors que, selon le moyen, « ce procédé est vertement en contradiction avec les dispositions de l’article 15.5 du Règlement d’arbitrage, lequel impose un préalable obligatoire de réunion des parties avant l’établissement d’un nouveau calendrier ».
Mais attendu que ce moyen, comme le précédent, ne figure pas au nombre de cas d’ouverture de contestation de validité de sentence arbitrale rendue sous l’égide de la Cour de céans; qu’il suit qu’il ne saurait prospérer.
Attendu que la SONAPRA ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré.
Rejette le recours en contestation de validité de sentence formé par la Société Nationale pour la Promotion Agricole dite SONAPRA; La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. NDONGO FALL.
NOTES
L’arrêt ci-dessus publié rendu le 17juillet 2008 par la CCJA est riche en renseignement. Survenu à l’occasion de l’exécution d’une convention conclue entre la Société Nationale pour la Promotion Agricole (SONAPRA) et la société des Huileries du Benin (SHB), contenant une clause compromissoire, le litige a donné l’occasion à la CCJA de se prononcer sur un certain nombre de questions que nous passerons en revue en nous permettant de ne nous attarder que sur celles qui nous semblent essentielles.
1 La SONAPRA reproche à la sentence arbitrale d’avoir violé l’article 12 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage en ce que les arbitres ont statué plus de 10 mois après l’introduction de l’instance sans que celle-ci ait été légalement prorogée. Que répond la CCJA à ce moyen ? Selon elle ce moyen ne peut prospérer parce que l’acte uniforme sur le droit de l’arbitrage ne fait pas partie des actes juridiques auxquelles les parties ont entendu se soumettre lorsqu’elles ont convenu recourir à l’arbitrage de la CCJA, ces actes étant “le titre 4 du traité de I’OHADA, le règlement de la CCJA, le règlement intérieur de LA COUR, leurs annexes et le barème des frais d’arbitrage “. Doit-on alors penser que du fait que l’acte iniforme sur le droit de l’arbitrage n’ait pas été cité dans les instruments juridiques de la CCJA. celui-ci ne doit pas s’appliquer aux instances d’arbitrage qui s’y déroulent ? La CCJA nous donne à le penser sans que cette position apparaisse incontestable sauf à considérer que les différents actes produits par les centres d’arbitrage se substituent audit acte uniforme que l’on peut pourtant considérer légitimement comme le cadre général dans lequel tout arbitrage doit se dérouler.
2 La SONAPRA a reproché à la sentence d’avoir été rendue par des arbitres qui ne se sont pas conformés à la mission qui leur avait été assignée en rendant leur sentence au-delà de la date qui leur avait été fixé. A ce moyen, la CCJA énonce d’abord le principe suivant le calendrier du déroulement de la procédure a un caractère prévisionnel, d’où il suit que s’agissant d’une prévision de date, elle est susceptible de modification et que le fait de modifier un tel calendrier, qui n’a qu’un caractère prévisionnel ou indicatif ne constitue pas une modification par les arbitres des termes de leur mission. Cette position n’appelle pas d’observation particulière sauf à rappeler que cette modification ne peut être le résultat de la fantaisie des arbitres mais doit se faire en accord avec les parties et le secrétariat de la Cour.
3 La SONAPRA, et c’est là l’intérêt principal de l’arrêt de la CCJA, reproche à la sentence d’avoir violé l’ordre public international. Ce grief donne l’occasion à la CCJA de préciser la notion d’ordre public international. Elle estime, que c’est à tort que la SONAPRA allègue cela dans la mesure où le droit applicable au fond du litige est le droit béninois et que le litige oppose deux sociétés de droit béninois relativement au commerce interne, un tel litige relevant de l’arbitrage interne. Pour apprécier la justesse de la décision de la CCJA, il importe de définir la notion d’ordre public international.
La matière de l’ordre public international revêt une complexité connue de ceux qui s’y approchent, à commencer par sa définition. Des auteurs, juristes confirmés comme Mme NIBOYET et M. GEOUFF’RE de la Pradelle ont pu écrire “ qu’il est impossible de donner une définition précise de l’ordre public international “, présenté comme “ un ensemble de valeurs intangibles et supérieurs qui mêle des intérêts généraux (ou publics), comme des intérêts politiques, moraux, économiques et sociaux “ (NIBOYET ET GEOUFFRF2 de la PRADELLE Droit International Privé LGDJ 2007 N 30 7). A partir de là l’on peut concevoir comme faisant partie de l’ordre public international des règles qui sauvegardent les principes de justice universelle, les principes d’organisation politique et sociale des Etats sans que cette énumération soit limitative – Apprécions quelque peu la décision de la CCJA au regard de ce qui précède. Le demandeur invoque la violation d’une règle de l’ordre public international (on aurait bien voulu savoir laquelle, ce dont le CCJA nous frustre). La CCJA rejette du revers de la main cette prétention parce qu’il s’agit de deux sociétés nationales, d’un litige survenu dans le commerce interne et d’un droit interne applicable au litige selon la clause compromissoire signée par les parties. Doit-on applaudir des deux mains une telle position qui évacue l’ordre public international dans les litiges de commerce interne auxquels s’applique le droit interne?
Voyons quel est le régime de l’exception d ordre public international Il est admis de tous que I exception d’ordre public est susceptible d’être soulevée par les parties a relevée d’office par le juge soit dans le cadre d’un procès a titre principal (dans le cadre d un conflit de lois) soit au cours d’une instance en exequatur (conflit de juridiction) visant à conférer force exécutoire ou à faire reconnaître une décision de justice rendue par une juridiction étrangère – Des deux hypothèses sus indiquées, apparaît un élément essentiel pour l’applicabilité de l’exception d’ordre public international, à savoir l’élément d’extranéité, qui peut être soit une loi étrangère soit une décision de justice rendue par une juridiction étrangère – Cela manquait cruellement en l’espèce. Il est à regretter, que bien que la position de la CCJA soit juste, les mots sus utilisés n’aient pas comporté les éléments sus-indiquées. On pouvait certes les déduire a contrario. Il revient cependant aux juridictions d’être explicites dans leur motivation afin qu’à la lecture de leurs décisions, l’on appréhende aisément et sans recherche savante les raisons de fait et de droit qui les sous-tendent.
Dr. KOMOIN François
Magistrat