J-12-60
ARBITRAGE — CONVENTION D’ARBITRAGE — CONTENTIEUX — APPEL — POURVOI — SAISINE DE LA COUR SUPREME NATIONALE — COMPETENCE DE LA COUR SUPREME A CONNAITRE DU CONTENTIEUX (NON) — RENVOI A LA CCJA (OUI).
Saisie d’un pourvoi suite à un contentieux relatif à l’interprétation d’une convention d’arbitrage conclue en application de l’acte uniforme OHADA relatif au droit de l’arbitrage, c’est à bon droit qu’une Cour Suprême nationale se déclare incompétente et renvoie les parties devant la CCJA
Article 12 AUA
Article 16 AUA
Article 26 AUA
Article 10 TRAITE
Article 14 TRAITE
Article 15 TRAITE
Cour suprême du Cameroun, Chambre judiciaire, section commerciale, Arrêt n° 02/Com du 22 juillet 2010, Affaire SODECAO SA C/ Société SHELL Cameroun S.A.)
LA COUR
– Après avoir entendu en la lecture du rapport Monsieur Christophe YOSSA, Conseiller à la Cour Suprême, substituant Monsieur Jean Jacques BIKOUE, empêché;
– Vu les conclusions de Monsieur Martin RISSOUK à MOULONG, Procureur Général;
– Et après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Vu le mémoire ampliatif déposé le 21 mai 2008 par Maître FOTSING, avocat à Yaoundé;
– Sur les moyens de cassation réunis et ainsi présentés;
– « 1) Sur la violation de l’article 12 de l’acte Uniforme OHADA sur le droit de l’arbitrage :
– « Attendu qu’aux termes du texte susvisé, la mission des arbitres ne peut excéder le délai de 06 (six) mois sauf sa prorogation conventionnelle par les parties ou judiciaire par le juge compétent dans l’Etat partie;
– « Qu’il ressort de l’exploitation et de l’analyse de la sentence arbitrale et des pièces du dossier de procédure que :
– « Les arbitres ont été désignés en janvier 2001 par la société SHELL CAMEROUN S.A.;
– « Le Tribunal ad hoc a été effectivement mis en place le 02 mai 2001, bien sûr postérieurement à la désignation des arbitres suivant la lettre du 02 mai 2001 notifiée à la SODECAO et SHELL CAMEROUN par exploit du 09 mai 2001 par ce Tribunal;
– « La convention d’arbitrage du 09 mai 2001 et portant précision des arbitres désignés ou leur redésignation;
– « La première audience arbitrale a eu lieu le 17 janvier 2002 et la dernière, celle à laquelle la sentence a été prononcée, le 28 août 2002;
– « Attendu qu’en se reportant à une quelconque des dates ci-dessus visées pour évaluer le temps ou la période régulière des missions des arbitres, on s’aperçoit que la période d’exercice de leur mission est de loin supérieure à 06 (six) mois, temps et délai visés par l’article 12 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit de l’arbitrage;
– « Qu’il n’est nulle part justifié ni prouvé que c’est en vertu d’une prorogation des délais que les Arbitres ont poursuivi leur mission au-delà de 06 (six) mois, délai légal d’exercice de leur mission;
– « Qu’il s’ensuit que l’expiration du délai de mission des Arbitres, sans que ceux-ci aient rendu leur sentence arbitrale emporte pour eux déchéance, effondrement et caducité de leur qualité d’Arbitre;
– « Qu’une sentence arbitrale rendue dans ces conditions encourt nullité pour désignation illégale et irrégulière des Arbitres et pour constitution illégale et irrégulière du Tribunal Arbitral ad hoc et enfin, pour défaut de qualité et de capacité des Arbitres du Tribunal Arbitral à continuer à connaître de l’affaire par application de l’article 12 ci-dessus dont violation;
– « Qu’au regard de tout ce qui précède, il échet d’annuler purement et simplement la sentence arbitrale du 28 août 2002 pour vice de forme, défaut de qualité et capacité des Arbitres et du Tribunal Arbitral en application de l’article 12 de l’Acte Uniforme OHADA sur l’arbitrage;
– « Attendu qu’en déboutant la SODECAO de son appel en faisant siens les motifs de la sentence arbitrale, la Cour d’Appel du Centre a violé le texte visé au moyen : ce qui expose son arrêt dont querellé à la cassation de la haute juridiction;
– « 2) Sur la violation de l’article 16 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit de l’arbitrage :
– « Attendu qu’aux termes de ce texte, « l’instance arbitrale prend fin par l’expiration du délai d’arbitrage sauf prorogation convenue ou ordonnée »;
– « Que ce délai, lorsque les parties ne l’ont pas défini se confond et se rapporte au délai de 06 (six) mois de l’article 12 du même Acte Uniforme;
– « Attendu que dans le cas d’espèces, les parties n’ont pas défini conventionnellement ce délai, ouvrant ainsi porte à l’application du délai légal qui est de 06 (six) mois;
– « Que l’acte le plus récent relatif à la désignation d’Arbitre est la convention d’arbitrage du 09 mai 2001;
– « Qu’entre le 09 mai et le 28 août 2002, date à laquelle les arbitres ont rendu leur sentence, il s’est écoulé au moins 15 (quinze) mois- ce qui s’entend de l’expiration du délai légal de 06 (six) mois- ce qui s’entend de l’expiration du délai légal de 06 (six) mois qui marque la fin de l’instance arbitrale;
– « Qu’en statuant dans ces conditions de tardiveté manifeste et avérée, le Tribunal Arbitral a rendu une sentence arbitrale hors délai et forclose en tout cas sur une convention expirée;
– « Que toute sentence arbitrale rendue dans ces conditions est frappée de nullité absolue;
– « Attendu qu’en déboutant la SODECAO de son appel et faisant siens les motifs de la sentence arbitrale, la Cour d’Appel du Centre a violé le texte susvisé au moyen : ce qui expose son arrêt dont querelle à la cassation de la haute juridiction;
– « 3) Violation de l’article 26 de l’Acte Uniforme OHADA sur le droit de l’arbitrage et l’article 1134 du Code Civil,, ensemble violation de la volonté et loi des parties;
– « Attendu qu’aux termes de l’article 1134 du Code Civil, seules les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites;
– « Que la convention d’arbitrage du 09 mai 2001 qui a servi de base à la désignation d’Arbitres et partant n’a été signée que par la SODECAO, alors qu’elle a été contradictoirement rédigée avec SHELL CAMEROUN qui est abstenue et a refusé de signer;
– « Que la non signature de cette convention par SHELL CAMEROUN la rendait nulle et inopérante en ce qu’elle ne pourrait en aucun cas tenir lieu de loi pour elle qui ne l’a pas signée;
– « Que cette thèse est d’autant vraie que la signature dans les actes est un élément substantiel et ad validitatem;
– « Qu’il en résulte que toute convention non signée par les parties est nulle de nullité d’ordre public;
– « Qu’il échet de constater par voies de conséquence la nullité de la sentence arbitrale du 28 août 2002 avec toutes les conséquences de droit;
– « Attendu qu’en déboutant la SODECAO de son appel et en faisant siens les motifs de la sentence arbitrale, la Cour d’Appel du Centre a violé le texte au moyen : ce qui expose son arrêt dont querelle à la cassation de la haute juridiction;
– « Attendu surabondamment qu’aux termes de l’article 26 susvisé, « le recours en annulation n’est recevable que dans les cas suivants :… si le Tribunal a statué sans convention d’arbitrage ou sur une convention nulle ou expirée… »;
– « Attendu qu’il transpire de la sentence arbitrale dont querelle que la cause a été retenue et débattue le 07 mai 2002 (dépôt des conclusions et pièces) et que la sentence arbitrale a été rendue le 28 août 2002 soit 03 (03) mois et 03 semaines après sa retenue;
– « Que conformément à cette convention d’arbitrage, la sentence arbitrale devait intervenir entre le 07 mai 2002 et le 07 août 2002;
– « Qu’en rendant la sentence 03 (trois) semaines c'est-à-dire 21 (vingt et un) jours après l’expiration du délai imparti par la convention d’arbitrage, le juge arbitral a statué non seulement hors délai, mais sur une convention expirée;
– « Que la sanction de toute sentence arbitrale rendue sur une convention expirée est la nullité de la sentence;
– « Qu’il échet et ce sera bon droit d’annuler purement et simplement la sentence arbitrale du 28 mai 2002 pour violation de l’article 26 de l’Acte Uniforme OHADA sur le Droit d’Arbitrage;
– « Attendu qu’en déboutant la SODECAO de son appel et en faisant siens les motifs de la sentence arbitrale, la Cour d’Appel du Centre a violé le texte visé au moyen : ce qui expose son arrêt dont querelle à la cassation de la haute juridiction;
– « 4) Violation de l’article 10 du traité portant harmonisation du droit des affaires signé à Port Louis le 17 octobre 1993 à l’Ordre Public International;
– « Attendu que l’article 10 du traité susdit dispose :
– « Les Actes Uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure;
– « Qu’en ratifiant ce Traité, le Cameroun l’a intégré dans son ordonnancement juridique interne et de ce fait s’impose à quiconque se trouve sur son territoire;
– « Que cette règle est consacrée et réitérée par l’article 3 du Code Civil qui dispose « les lois de police et sûreté obligent tous ceux qui habitent sur le territoire camerounais »;
– « Qu’ainsi en rendant une sentence arbitrale au mépris de l’article 10 du Traité dur l’Harmonisation du Droit des Affaires et Afrique et l’article 3 du Code Civil, le Tribunal ad hoc et les arbitres ont violé l’article 26 de l’Acte Uniforme sur le Droit de l’Arbitrage relatif à « l’ordre public international des Etats signataires du Traité » et national en ce sens que les textes susvisés ont un caractère d’ordre public mais sont des lois de police;
– « Qu’en droit, la sanction d’une sentence arbitrale pour violation de l’ordre public international est la nullité de ladite sentence;
– « Qu’il échet en conséquence eu égard à tout ce qui précède d’annuler purement et simplement la sentence arbitrale du 28 août 2002;
– « Attendu qu’en déboutant la SODECAO de son appel et en faisant siens les motifs de la sentence arbitrale, la Cour d’appel du Centre a violé le texte visé au moyen : ce qui expose son arrêt dont querelle à la cassation de la haute juridiction »;
– « Attendu que selon les articles 14 et 15 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique :
– Article 14 : « La Cour Commune de justice et d’Arbitrage assure dans les Etats parties l’interprétation et l’application commune du présent Traité, des règlements pris pour son application et des Actes Uniformes;
– « La Cour peut être consultée par tout Etat partie ou par le Conseil des Ministres sur toutes questions entrant dans le champ de l’alinéa précédent. La même faculté de solliciter l’avis consultatif de la Cour est reconnue aux juridictions nationales saisies en application de l’article 13 ci-dessus;
– « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent au présent traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales;
– « Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux;
– « En cas de cassation, elle évoque et statue au fond »;
– Article 15 : « Les pourvois en cassation prévus à l’article 4 sont portés devant la Cour Commune de justice et d’Arbitrage, soit directement par l’une des justices à l’instance, soit sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des Actes Uniformes »;
– Attendu qu’en l’espèce non seulement le mémoire ampliatif invoque la violation des dispositions de l’Acte Uniforme OHADA sur l’arbitrage;
– Qu’en outre, l’arrêt énonce : « la violation alléguée de l’article 10 du traité OHADA-procède d’un esprit de chicane »;
– D’où il suit que la Cour Suprême est incompétente et qu’il convient de renvoyer les parties et la cause devant la Cour Commune de justice et d’Arbitrage;
PAR CES MOTIFS
– Se déclare incompétente;
– Renvoie la cause et les parties devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (…).