J-13-125
VOIES D’EXECUTION — DECISIONS EXECUTOIRES — SAISIE — ATTRIBUTION — CONTESTATION — REQUETE AUX FINS DE MAINLEVEE — ORDONNANCE DE MAINLEVEE — EXECUTION PROVISOIRE — APPEL — RECEVABILITE (OUI)
ARRET CONFIRMATIF — REQUETE SPECIALE AUX FINS DE SURSIS DEVANT LA COUR SUPREME — PROCEDURE DE CASSATION (NON) — ARTICLE 113 CPCCAF — INAPPLICABILITE (OUI) — POURVOI EN CASSATION DEVANT LA CCJA — ARTICLE 16 TRAITE OHADA — PROCEDURES D’EXECUTION — EFFET SUSPENSIF DU POURVOI (NON) — INFIRMATION DE L’ORDONNANCE DE MAINLEVEE
ACTE DE SAISIE — CONTENU — ARTICLE 157 ALINEA 3 AUPSRVE — DECOMPTE DES SOMMES RECLAMEES — CONTESTATION — DEBOURS ET EMOLUMENTS — ARTICLE 171 AUPSRVE — DEFAUT DE JUSTIFICATION — SOMME DUE (NON) — COUT DE L’ACTE — PAIEMENT (OUI)
MAINLEVEE DE LA SAISIE (NON) — POURSUITE DE L’EXECUTION (OUI)
Aux termes de l’article 16 du traité OHADA « la saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution ».
Ainsi, en disposant que « cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution », l’article 16 précité énonce le principe que le pourvoi devant la CCJA n’est pas suspensif d’exécution de l’arrêt attaqué.
En effet, il est bien question dans la présente cause de l’effet du pourvoi de l’intimée devant la CCJA, et de sa requête spéciale aux fins de sursis à exécution déposée devant la Cour suprême du Congo, sur la procédure d’exécution de l’arrêt attaqué entreprise par les appelants. Et s’il est vrai qu’aucune procédure de cassation n’a été engagée devant la Cour suprême du Congo, la requête spéciale aux fins de sursis à exécution ne pouvant être assimilée à un pourvoi, il n’en demeure pas moins vrai que l’article 16 précité s’applique bien en l’espèce.
Dès lors, en ordonnant la mainlevée de la saisie-attribution, le premier juge a fait une mauvaise application des dispositions du traité susvisée, et il y a lieu d’infirmer l’ordonnance en toutes ses dispositions.
Article 14 ET 16 DU TRAITE OHADA
Article 157, 171 AUPSRVE
Article 66, 89, 90 ET SUIVANTS, 113 CPCCAF
(Cour d’appel de Pointe-Noire, Arrêt n° 144 du 30 juillet 2004, Consorts BAMBI Jean Augustin c/ Société ABB LUMMUS GLOBAL SPA)
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
Ouï, monsieur le président Edouard TATY-MAKAYA, en son rapport;
Ouï, les parties en leurs conclusions respectives;
Ouï, le Ministère public entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EN LA FORME
Considérant que suivant acte à Pointe-Noire en date du 17 décembre 2003, maître Marcel Brice BANZOUZI, avocat à la Cour, agissant au nom et pour le compte de BAMBI Jean Justin, BASSEYILA Jean Robert, BOUKA Bernard et TOMBE Jean, a relevé appel de l’ordonnance rendue le 17 décembre 2003 par le Président du Tribunal de grande instance de Pointe-Noire statuant en matière des référés, dans la cause les opposant à la Société ABB LUMUS GLOBAL SPA, et dont le dispositif est suivant :
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en référé, en matière civile et en premier ressort;
Au principal;
Nous renvoyons les parties à mieux de pourvoir ainsi qu’elles en aviseront;
Mais dès à présent vu l’urgence et par provision;
Ordonnons la mainlevée de la saisie-attribution du 09 octobre 2003 pratiquée par maître Bienvenue SAFOU huissier de justice;
Ordonnons l’exécution provisoire de la présence ordonnance nonobstant toutes voies de recours;
Mettons les dépens à la charges des concours DAIL Jean Augustin;
Considérant qu’aux termes de l’article 172 de l’AUPSRVE, la déclaration pour faire appel est de 15 jours à compter de la notification de la décision;
Que cet appel aux termes de l’article 66 du CPCCAF doit se faire au greffe de la juridiction qui a rendu la décision;
Considérant qu’en l’espèce l’appel de la Société ABB LUMUS a été formé au greffe du Tribunal de commerce (juridiction ayant rendue la décision attaqué) et ce le 17 décembre 2003, jour même du prononcé de la décision;
Que cet appel est donc régulier qu’il sied de la recevoir;
AU FOND
Considérant qu’il résulte les pièces du dossier que en exécution de l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour d’appel de céans en date du 13 juin 2003, confirme le jugement du Tribunal de commerce de Pointe-Noire rendue en date du 18 octobre et condamnant la société ABB LUMUS GLOPAL SPA à leur payer respectivement les sommes de F.CFA 1.517.384 F.CFA, 1.057.202, 1.003.445, 1.644.217 BAMBI Jean Justin, BASSEYISSILA Jean Robert, BOUKA Bernard, TOMBET Jean a fait pratiquer suivant le procès-verbal en date du 09 octobre 2003 de maître Bienvenue SAFOU, huissier de justice, saisie attribution entre les mains de la société ENI CONGO S.A sur la somme de 6.807.472 F.CFA due par celle-ci à la société ABB LUMUS GLOBAL SPA leur débitrice;
Que celle-ci par requête à Pointe-Noire en date du 20 octobre 2003 reçue au greffe le 03 novembre 2003 contestait le bien-fondé de cette saisie attribution et en sollicitait la mainlevée devant le Président du Tribunal de la grande instance de Pointe-Noire statuant en référé au motif que d’une part le jugement 18 octobre 2002 et l’arrêt confirmatif du 13 juin 2003, ne pouvait être exécutés en ce qu’ils ont fait l’objet d’un pourvoi devant la Cour commune de justice et d’arbitrage d’ADIDJAN et d’une requête en surséance devant la Cour suprême du Congo;
Que d’autre part la somme de 6.807.472 comprend des débours et les émoluments arrêtés à la somme de 953.000 F.CFA par l’huissier de justice sans la moindre justification;
Que faisant droit à ces moyens le juge saisi rendait le 17 décembre 2003 l’ordonnance dont appel en retenant que « l’arrêt de la Cour d’appel, en exécution de laquelle la saisie attribution contestée a été pratiquée n’étant pas assortie d’une exécution provisoire, a pour avoir fait l’objet d’un pourvoi assorti d’une requête aux fins de sursis devant la Cour suprême qui n’a pas encore statué, son exécution en l’espèce paraît être en violation de la loi »;
Considérant qu’en cause d’appel BAMBI Jean Justin et autre conclu a l’infirmation de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et demande à la Cour, statuant a nouveau, de dire que l’arrêt du 13 juin 2003 est exécutoire nonobstant toutes voies de recours et que son exécution doit être poursuivie jusqu’a son terme;
Qu’ils soutiennent que c’est à tort que le premier juge a ordonné la mainlevée de la saisie attribution qu’ils ont fait pratiquer en exécution de l’arrêt confirmatif du 13 juin 2003 de la Cour d’appel de Pointe-Noire;
Qu’en effet le recours en cassation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage dont prétend avoir formé l’intimée contre cet arrêt, n’est pas suspensif d’exécution;
Qu’en outre au terme des articles 14 et 16 du traité du 17 octobre 1993 relatif a l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, la Cour suprême de Brazzaville en raison de ce pourvoi, ne peut être saisie que si la Cour commune de justice s’est déclarée incompétente;
Que par ailleurs et concernant l’article 113 du CPCCAF, ils ont relevé que la requête spéciale aux fins de sursis prévus par cet article n’est recevable que lorsqu’elle est formulée accessoirement à un pourvoi formé devant la Cour suprême du Congo;
Que cet article est inapplicable, s’agissant d’un pourvoi formé devant la Cour commune de justice et d’arbitrage;
Que de même la Cour suprême du Congo ne peut être saisie à titre principal d’une telle requête sur le fondement d’un pourvoi formé devant la Cour commune de justice;
Qu’enfin affirme-t-il, l’intimée n’a pas rapporté la preuve de recours allégués;
Considérant que la société ABB LUMUS GLOBAL SPA soutient en réponse, que s’est à tort que les appelants invoquent les articles 14 et 16 du traité relatif a l’harmonisation du droit des affaire en Afrique;
Qu’en effet l’article 16 qui pose le principe que la saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée ne saurait s’appliquer en l’espèce en ce qu’il est question n’ont pas de la suspension de la procédure en cassation mais plutôt d’une procédure d’exécution qui n’affecte pas les règles édictées par cet article;
Qu’en outre elle rappelle que parallèlement à la saisine de la Cour commune de justice et d’arbitrage, elle a saisi la Cour suprême du Congo d’une requête spéciale aux fins de sursis à exécution de l’arrêt du 13 juin 2003 en exécution duquel la saisie attribution contestée à été pratiquée;
Qu’elle précise que même si les dispositions du traité de l’OHADA n’ouvrent pas aux parties la possibilité de saisir la Cour suprême d’une telle requête, il revient à la Cour suprême du Congo de fixer le plaideur sur la possibilité qui lui est laissée d’obtenir ou non devant elle, le sursis a exécution des décisions exécutoires, accessoirement au pourvoi déposé devant la Cour commune de justice et d’arbitrage d’ABIDJAN;
SUR QUOI, LA COUR
Considérant que BAMBI Jean Justin et autre font grief à l’ordonnance attaquée d’avoir ordonné la mainlevée de la saisie attribution pratiquée en exécution de l’arrêt confirmatif du 13 juin 2003, de la Cour d’appel de Céans en se fondant sur le pourvoi en cassation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage et la requête en surséance devant la Cour suprême du Congo, qu’aurait formés et déposé l’intimée, alors que d’une part celle-ci n’ayant pas rapporté la preuve de ce que ces recours ont été effectivement formé et d’autre part que les termes de l’article 14 et 16 du traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, le recours en cassation devant la Cour commune de justice et d’arbitrage n’est pas suspensif d’exécution de la décision attaquée et que par ailleurs la requête spéciale aux fins de sursis à exécution prévue par l’article 113 du CPCCAF dans la seul cadre d’un pourvoi exercé devant la Cour suprême nationale, n’est pas possible s’agissant d’un pourvoi devant la Cour commune de justice et d’arbitrage, aucun texte du traité ne l’ayant prévu;
Considérant que l’intimée pour sa part argue de l’inapplicabilité en l’espèce de l’article 16 du traité invoqué par les appelants en ce que ledit article précise bien que « cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution »;
Mais considérant que s’il est vrai qu’aucune procédure de cassation n’a été engagée devant la Cour suprême du Congo, la requête spéciale aux fins de sursis à exécution ne pouvant être assimilée à un pourvoi, il n’en demeure pas moins vrai que l’article 16 du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique dans la partie disposant que « cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution » s’applique bien en l’espèce en ce que d’une part il est bien question dans la présente cause, de l’effet du pourvoi de l’intimée devant la Cour commune de justice et d’arbitrage, et de sa requête spéciale en surséance déposée devant la Cour suprême du Congo, sur la procédure d’exécution de l’arrêt attaqué entreprise par les appelants;
Considérant en disposant que « cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution » l’article 16 précité énonce le principe que le pourvoi devant la Cour commune de justice et d’arbitrage n’est pas suspensif d’exécution de l’arrêt attaqué;
Considérant par ailleurs qu’aucune disposition du traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, ou le règlement de procédure au demandeur au pourvoi, la possibilité de solliciter devant une Cour suprême nationale le sursis à exécution de l’arrêt attaqué devant la Cour Commune de justice et d’arbitrage;
Qu’il s’ensuit que la procédure de la requête spéciale aux fins de sursis à exécution prévue à l’article 113 du CPCCAF dont se prévaut l’intimée et qui suppose un pourvoi formé devant la Cour suprême du Congo qu’elle n’a pas formé est inapplicable dans le cadre d’un pourvoi formé devant la Cour commune de justice et d’arbitrage;
Que dès lors le premier juge en statuant comme indiqué plus haut a fait une mauvaise application des dispositions du traité susvisée et qu’il y a lieu d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuer à nouveau sans qu’il soit besoin d’examiner le moyen des appelants fondé sur l’absence de preuve des recours allégués par l’intimée;
Considérant que devant le premier juge outre le moyen non fondé tiré de son pourvoi et de la requête spéciale aux fins de sursis à exécution l’intimée s’est prévalue de ce que l’huissier de justice, en faisant figurer dans le décompte les sommes réclamées, des débours et émoluments d’un montant de 953.000 F.CFA et en fixant le coût de son acte à la somme de 100.000 F.CFA qui est exorbitant eu égard à la tarification des actes d’huissier, a inobservé les dispositions de l’article 157 alinéa 2 et 3 de l’AUPSRVE;
Mais considérant que l’article 157 alinéa 3 qui prescrit que l’acte de saisie contient entre autres, le décompte distinct des sommes réclamées en principal frais et intérêts ne précise pas de quel frais il s’agit;
Que dans l’acte imprécision le fait que l’huissier ait réclamé le paiement des sommes au titre des débours et émolument non justifiés et taxé excessivement son acte ne peut à lui seul justifier la mainlevée de la saisie ni constituée une violation de l’article susvisé;
Que plutôt en application de l’article 171 de l’AUPSRVE, il revient au juge saisi de la contestation portant sur les frais réclamés de dire s’ils sont dû et dans la négative, de ne donner effet à la saisie que pour le principal les intérêts et frais non contestés et justifiés;
Considérant la somme de 953.000 F.CFA réclamées au titre de débours et émoluments n’est pas justifiée qu’elle n’est donc pas due;
Que par ailleurs la preuve de ce que la somme de 100.000 F.CFA réclamée au titre de coût de l’acte est exagérée n’ayant pas été rapporté par l’intimée qui du reste n’a pas produit la tarification des actes d’huissier alléguée; il y a lieu de considérer qu’elle est due et que c’est à juste titre que l’huissier en réclame le paiement au titre des frais;
Considérant que de ce qui précède il y a lieu de débouter la Société ABB LUMUS GLOBAL SPA de sa demande en mainlevée de la saisie, d’ordonner la poursuite de l’exécution de l’arrêt du 13 juin 2003 et de donner effet à la saisie uniquement pour la somme en principal, les frais d’huissier les frais d’enregistrement et le coût de l’acte;
Considérant que la Société ABB LUMUS a succombé qu’il sied de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
En la forme
Reçoit l’appel;
Au fond
Infirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau :
Déboute la Société ABB LUMUS GLOBAL SPA de sa demande en mainlevée de la saisie attribution pratiquée entre les mains de la société ENI CONGO S.A suivant procès-verbal du 09 octobre 2003 de maître Bienvenu SAFOU huissier de justice;
Ordonne la poursuite de l’exécution de l’arrêt du 13 juin 2003;
Donne effet à la saisie pour la somme en principal, les frais d’huissier, les frais d’enregistrement et coût de l’acte, excepté les débours et émoluments fixés à 953.000 F.CFA;
Condamne la Société ABB LUMUS GLOBAL SPA aux dépens.