J-15-146
COMPETENCE DE LA CCJA – EXCEPTION D’INCOMPETENCE DE LA CCJA INTERFERANT AVEC UN MOYEN DU POURVOI – JONCTION AU FOND – SUSPENSION D’UNE EXECUTION FORCEE ENTAMEE – COMPETENCE DE LA CCJA
SOCIETES COMMERCIALES – SOCIETE EN COURS DE LIQUIDATION – SUBSISTANCE DE LA PERSONNALITE JURIDIQUE – RECEVABILITE DE L’ACTION INITIEE PAR CETTE SOCIETE EN L’ABSENCE DE PREUVE DE LA CLOTURE DE LA LIQUIDATION
VOIES D’EXECUTION – SUSPENSION DE L’EXECUTION FORCEE SUR LE FONDEMENT D’UNE DISPOSITION NATIONALE – VIOLATION DE L’ARTICLE 32 DE L’AUPSRVE – CASSATION DE L’ORDONNANCE ET POURSUITE DE L’EXECUTION ENTAMEE
Une exception d’incompétence de La CCJA interférant avec un moyen de cassation doit être jointe au fond. Il en est ainsi par exemple lorsque dans ses mémoires, l’un des défendeurs a soulevé l’incompétence de la CCJA aux motifs qu’en l’espèce, le Président de la cour d’appel n’avait été saisi que de la question relative à la suspension de l’exécution d’arrêt, question qui n’est traitée par aucun des Actes uniformes, mais par le Code de Procédure civile qui en son article 217 ne prévoit que le recours en rétractation devant le même président.
En l’absence de preuve de la clôture de la liquidation d’une société, dont l’inexistence est alléguée, le pourvoi formé par ladite société est recevable, conformément à l’article
201 de l’AUSCGIE.
C’est à juste titre que La CCJA a été saisie, dès lors que l’ordonnance rendue par le président de la cour d’appel de Lomé a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée entamée par la requérante, laquelle a fait commandement à l’assureur, et que des saisies-attributions ont été pratiquées entre les mains de différentes banques. Il en est ainsi car ladite ordonnance a eu une incidence sur l’exécution en cours.
L’ordonnance attaquée, qui a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée entreprise sur l’unique fondement de l’article 215 du Code de procédure civile togolais, a violé l’article
32 de l’AUPSRVE. Elle doit être cassée et la requérante doit être d’autorisée à poursuivre l’exécution entreprise, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens.
Article(s) 217 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE DU TOGO
CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 055/2014 du 23 avril 2014; Pourvoi n° 090/2011/PC du 14/10/2011 : Société TOGOCRUS Sarl c/ 1) Procureur Général près la Cour d’appel de Lomé (État Togolais), 2) Société Omnium Togolaise d’Assistance Maritime (OTAM), 3) Société Togolaise de Consignation Maritime (STCM).
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine tenue à Lomé le 23 avril 2014 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président,
Rapporteur
Madame Flora DALMEIDA MELE, Second-Vice-président
Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Mamadou DEME Juge
Idrissa YAYE, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le recours enregistré le 14 octobre 2011 au greffe de la Cour de céans sous le n°090/2011/PC et formé par Maître Galolo SOEDJEDE, Avocat à la Cour, 3473, Boulevard du 13 janvier, BP 3893 à Lomé, agissant au nom et pour le compte de la Société TOGOCRUS, SARL ayant son siège à Lomé, 511, Rue Okemedji à Tokoin, quartier Ramco dans la cause qui l’oppose à l’État Togolais ayant pour conseil, Maître Edah N’Djelle, Avocat au Barreau du TOGO, Rue de la Gare routière de Agbalépédo, BP 30225 Lomé- TOGO, à la Société Omnium Togolaise d’Assistance Maritime dite OTAM SARL ayant son siège à Lomé, port de pêche, BP 7778 et ayant pour conseil Maître Amekoudi Koffi Agbo, Avocat à la Cour, Place Anani-Santos, BP 1278 Lomé-TOGO, et à la Société Togolaise de Consignation Maritime dite STCM, société anonyme ayant son siège à Lomé, zone portuaire, BP 996, ayant pour conseil Maître TOBLE Yawo Gagnon, Avocat à la Cour 10, Rue de France,
en cassation de l’Ordonnance n°458/11 rendue le 19 août 2011 par le Président de la Cour d’appel de Lomé et dont le dispositif est le suivant :
« Disons qu’il sera sursis à l’exécution de l’arrêt n°253/2003 rendu le 18 décembre 2003 par la Cour d’appel de Lomé… »;
La demanderesse invoque à l’appui de son recours les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le 19 décembre 1993, le navire dénommée PLAYA de Lourido qui était sous la garde juridique de la Société OMNIUM Togolais d’Assurance Maritime (OTAM), heurtait le bateau M/V Shrimpy-1, appartenant à TOGOCRUS; que pour la réparation du préjudice à elle ainsi causé, la Société Togocrus assignait la Société Togolaise de Consignation Maritime (STCM) créancier saisissant, la Société OTAM ainsi que son assureur l’Union des Assurances de Paris (UAP) devenue l’Union des Assurances du Togo (UAT); que par Jugement n°313 du 14 mars 2000, le Tribunal de Lomé mettait hors de cause la STCM, condamnait la Société OTAM à payer à Togocrus la somme de 31.169.165 F et reconventionnellement a condamné Togocrus à verser à UAT des dommages-intérêts pour procédure abusive; que par Arrêt n°253 en date du 18 décembre 2003, la Cour d’appel infirmait le jugement entrepris relativement à la condamnation de Togocrus, déboutait UAP devenue UAT de sa demande et confirmait le jugement pour le surplus tout en déclarant UAP garante de la condamnation prononcée contre OTAM; que le pourvoi formé par UAP a été déclaré irrecevable le 19 avril 2011; qu’après certains actes tendant à l’exécution, le Président de la Cour d’appel de Lomé, sur réquisition du procureur général près la même Cour, rendait le 19 août 2011, l’Ordonnance n°458 mettant un sursis à l’exécution de l’Arrêt n°253 suscité; que c’est contre cette ordonnance de sursis, qu’est dirigé le présent pourvoi;
Sur la compétence de la Cour de céans
Attendu que dans ses mémoires du 4 juillet 2012 et du 15 décembre 2012, l’État Togolais a soulevé l’incompétence de la Cour de céans aux motifs qu’en l’espèce, le Président de la Cour d’appel n’avait été saisi que de la question relative à la suspension de l’exécution de l’arrêt du 18 décembre 2003, laquelle question n’est traitée par aucun des Actes uniformes, mais par le Code de Procédure civile qui en son article 217 ne prévoit que le recours en rétractation devant le même président;
Attendu que cette exception doit être jointe au fond en raison de son interférence avec le premier moyen de cassation;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans les mêmes mémoires, l’État Togolais conclut à l’irrecevabilité du pourvoi en raison du fait que la société Togocrus n’existe plus juridiquement du fait du retrait de son agrément par arrêté ministériel du 8 avril 1999 et que subséquemment le mandat donné par le gérant Oskar Crameri au conseil est nul;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 201 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, «la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation et jusqu’à la clôture de celle-ci…»; que la preuve de cette clôture n’est pas rapportée; il échet de dire que le pourvoi formé par TOGOCRUS est recevable;
Sur la recevabilité du mémoire de l’État Togolais du 07 septembre 2012
Attendu que dans son mémoire du 8 octobre 2012, la demanderesse au pourvoi a soulevé l’irrecevabilité du mémoire de l’État Togolais déposé le 07 septembre 2012 alors que le pourvoi lui a été notifié le 28 octobre 2011; que donc le délai de trois mois prévu à l’article 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans a été largement dépassé;
Mais attendu que la date de la réception du courrier du 28 octobre 2011, n’ayant pas été portée, il ya lieu de dire que le mémoire est recevable;
Sur le premier moyen tiré de la violation des article 31, 32 et 33 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance déférée d’avoir violé les dispositions susvisées en ce que lorsque l’exécution forcée est entreprise en vertu d’une créance certaine liquide et exigible, l’exécution est poursuivie aux risques du créancier à charge pour celui-ci, si le titre est ultérieurement modifié de réparer intégralement le préjudice causé par cette exécution sans qu’il y ait lieu de relever de faute de sa part;
Attendu en effet que l’Ordonnance n°458/11 rendue le 19 août 2011 par le Président de la Cour d’appel de Lomé a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée entamée par la requérante, laquelle a fait commandement à l’assureur UAT, le 10 juin 2011; que même des saisies-attributions ont été pratiquées les 18, 19 et 22 août 2011 entre les mains de différentes banques; que ladite ordonnance ayant eu une incidence sur l’exécution en cours c’est à bon droit que la Cour de céans a été saisie;
Attendu que l’ordonnance attaquée, qui a eu pour effet de suspendre l’exécution forcée entreprise sur l’unique fondement de l’article 215 du Code de procédure civile togolais, a dès lors violé l’article 32 de l’Acte uniforme susvisé aux termes duquel « à l’exception de l’adjudication des immeubles, l’exécution forcée peut être poursuivie jusqu’à son terme en vertu d’un titre exécutoire par provision… »; Qu’il échet de casser l’ordonnance querellée et d’autoriser la requérante à poursuivre l’exécution entreprise, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens;
Attendu qu’il y a lieu de mettre les dépens à la charge de l’État Togolais;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré;
Se déclare compétente;
Déclare le pourvoi recevable;
Reçoit le mémoire en réponse de l’État Togolais;
Casse et annule l’Ordonnance n°458/11 rendue le 19 août 2011 par le Président de la Cour d’appel de Lomé;
Dit et juge que l’exécution forcée entreprise pourra être poursuivie jusqu’à son terme;
Met les dépens à la charge de l’État Togolais.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef