J-15-194
ACTION EN JUSTICE
ACTION EXERCEE PAR UNE SOCIETE – DONT LES STATUTS ONT ETE MIS EN HARMONIE APRES LE DELAI IMPARTI PAR L’AUSCGIE – VALIDITE DE L’ACTION – RECEVABILITE DU POURVOI
SAISIE IMMOBILIERE
ANNULATION DE LA SAISIE SUR LE FONDEMENT D’UNE DISPOSITION NATIONALE APPLICABLE A LA PROFESSION DE NOTAIRE – VIOLATION DE L’ARTICLE 10 DU TRAITE OHADA : CASSATION
CONTENU DU CAHIER DES CHARGES – IDENTIFICATION DU CREANCIER : APPLICATION DE L’ARTICLE 267-5 DE L’AUPSRVE AUX PERSONNES PHYSIQUES – VALIDITE DU CAHIER DES CHARGES PERMETTANT L’IDENTIFICATION DE LA SOCIETE CREANCIERE
MISE A PRIX DE L’IMMEUBLE – PRIX FIXE APRES EXPERTISE MAIS NE CORRESPONDANT PAS A L’EVALUATION DES PARTIES : VALIDITE DU PRIX POUVANT ETRE MODIFIE A TOUT MOMENT PAR LA JURIDICTION COMPETENTE
Le fait que les statuts d’une société aient été modifiés longtemps après le délai prescrit par l’article 915 de l’AUSCGIE n’a aucune incidence sur la recevabilité du pourvoi, d’autant plus qu’en l’espèce les statuts régularisés ont été produits. Il s’ensuit que le pourvoi de cette société est recevable.
C’est en violation des articles 10 du traité OHADA et 336 de l’AUPSRVE qu’un juge s’est basé sur une disposition nationale (en l’espèce, les articles 47 et 48 du décret n°95/34 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de notaire du Cameroun) pour annuler une procédure de saisie immobilière, alors qu’à la date du jugement, l’AUPSRVE avait définitivement intégré l’ordre juridique interne de l’État concerné; cassation de l’arrêt.
L’article 267.5 de l’AUPSRVE concerne les personnes physiques. S’agissant en l’espèce d’une banque, les mentions portées dans le cahier des charges suffisent à son identification.
La mise à prix d’un immeuble, fixée à la suite d’une expertise pouvant être modifiée à tout moment par la juridiction compétente, le dire tendant à la nullité de la saisie doit être rejeté.
Article(s) 10 TRAITE OHADA
Article(s) 915 AUSCGIE
Article(s) 336 AUPSRVE
CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 103/2014 du 04 novembre 2014; Pourvoi n° 067/2007/PC du 02/08/2007 : Banque Internationale du Cameroun pour l’Épargne et le Crédit dite BICEC c/ 1) Monsieur NDENGOUE Noubissie Jean Marie, 2) Société des Établissements EMOH et Compagnie SARL.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience foraine publique tenue le 04 novembre 2014 Yaoundé au Cameroun où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA Président
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président, Rapporteur
Madame Flora DALMEIDA MELE, Second Vice-président
Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour sous le n°067/2007/PC du 02 août 2007 et formé par Maître DJEPANG Joseph, Avocat à la Cour, 503 Avenue du 27 août, BP 2252 à Douala, agissant au nom et pour le compte de la Banque Internationale du Cameroun pour l’Épargne et le Crédit dite BICEC, Société anonyme dont le siège est à l’avenue du Général De Gaulle BP 1925 Douala, dans la cause qui l’oppose au sieur NDENGOUE Noubissie Jean Marie demeurant à Douala BP 107, et à la Société des Établissements EMOH et compagnie, société à responsabilité limitée dont le siège est à Douala BP 5030, ayant tous deux pour conseil Maître Jean Marcel Job, Avocat à la Cour demeurant 99, Rue du Pasteur Edonbé Mbengue BP 1533 à Douala,
en cassation du Jugement n°04/CIV rendu en dernier ressort le 20 octobre 2005 par le Tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba et dont le dispositif est le suivant :
« - dit qu’il n’y a pas lieu en l’espèce à expertise des comptes entre les parties ni à sursis à statuer;
– Rejette par conséquent la demande formulée en ce sens;
– Annule la procédure de saisie immobilière diligentée contre les demandeurs;
– Donne mainlevée du commandement aux fins de saisie immobilière à eux délivré le 22 octobre 2004;
– Ordonne la radiation de son inscription sur le titre foncier n°9891 du département du Moungo;
– Condamne la BICEC aux dépens distraits au profit de Maitres Job et Mayang, Avocats aux offres de droit. »;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que la BICEC détentrice de la grosse notariée de la convention de crédit, servait les 22 et 28 octobre 2004, un commandement aux fins de saisie sur le titre foncier hypothéqué, n°9891 sis à Nkongsamba et appartenant au nommé NDENGOUE Noubissie Jean Marie; que ni la Société Établissements EMOH et compagnie débitrice principale, ni le sieur Ndougou, caution solidaire, ne s’étant exécuté dans les vingt jours, la procédure de saisie immobilière se poursuivait par le dépôt d’un cahier de charges auquel ont été insérés les dires et observations des mis en cause; que le 20 octobre 2005, le Tribunal de grande instance statuant en audience éventuelle annulait la saisie et ordonnait mainlevée du commandement par le jugement dont pourvoi;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que dans leur mémoire en réponse en date du 16 octobre 2009, les défendeurs au pourvoi, soulèvent l’irrecevabilité du pourvoi au motif que les statuts de la BICEC ont été modifiés longtemps après le délai prescrit par l’article 915 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique;
Mais attendu que non seulement tel retard n’a aucune incidence sur la recevabilité du pourvoi mais aussi et surtout les statuts régulièrement établis en date du 27 octobre 1999 ont été produits; qu’il échet donc de dire que le pourvoi est recevable;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et l’article 336 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé ces dispositions, en ce que le juge s’est fondé sur l’article 1987 du code civil camerounais et sur les articles 47 et 48 du Décret n°95/034 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession des notaires au Cameroun pour annuler la procédure de saisie alors que les textes visés au moyen à caractère supranational abrogent toutes les dispositions de droit interne applicable en matière du droit des affaires notamment en matière de saisie immobilière;
Attendu en effet que le juge pour parvenir à l’annulation de la procédure de saisie immobilière s’est basé sur les articles 47 et 48 du décret n°95/34 du 24 février 1995 portant statut et organisation de la profession de notaire; alors qu’à la date du jugement, l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, a définitivement intégré l’ordre juridique interne camerounais; qu’aussi c’est en violation des dispositions visées au moyen que ledit jugement a été rendu et encourt la cassation;
Sur l’évocation
Attendu que le 10 janvier 2005, Maître DJEPANG Joseph, Avocat au barreau du Cameroun agissant pour le compte de la BICEC déposait un cahier des charges relativement à l’adjudication de l’immeuble objet du titre foncier n°9891/Moungo appartenant au sieur NDENGOUE Noubissie Jean Marie;
Attendu que Maître Jean Marcel JOB et Rufin Mayang, Avocats au Barreau du Cameroun aux noms des sieurs NDENGOUE Noubissie Jean Marie et les Établissements EMOH et Compagnie ont inséré des dires et observations tendant à la nullité de la saisie immobilière, en exposant que le créancier poursuivant n’a point respecté les prescriptions de l’article 267 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution; qu’étant une personne morale il devait être indiqué dans le cahier de charges sa profession, sa nationalité, la date de sa création ou tout le moins son numéro d’immatriculation au registre du commerce et du crédit immobilier; qu’à la signature de la convention, l’immeuble était évalué à 180 000 000 francs; que selon la convention le nantissement du matériel devait faire l’objet d’une inscription au greffe du Tribunal du Nkongsamba; qu’il devait être annexé au cahier des charges l’état de tous les droit réels; que la mise à prix de 35 000 000 F ne correspond pas à l’évaluation faite par les parties, ni même au quart de la valeur de l’immeuble, et qu’enfin il apparaît que le cahier des charges a été enregistré gratuitement alors que cette mesure n’est accordée qu’aux banques en liquidation;
Attendu que la BICEC a, par ses écritures du 02 mars 2002 conclu au rejet des dires et observations;
Attendu qu’à l’examen des pièces du dossier il appert qu’au regard de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, aucun grief ne peut être relevé contre le titre exécutoire; que s’agissant d’une banque les mentions portées dans le cahier des charges suffisent à son identification et que l’article 267.5 est relatif aux personnes physiques; qu’aux termes de l’article 9 de la convention de crédit, le sieur NDENGOUE s’est porté caution jusqu’à concurrence de 300 000 000 Francs; que la mise à prix a été fixée suite à une expertise et qu’en tout état de cause elle peut être modifiée par la juridiction compétente; que dans l’ensemble aucun dire n’a un fondement légal;
Attendu donc qu’il échet de rejeter les dires et observations et ordonner la continuation des poursuites;
Attendu que le sieur NDENGOUE Noubissie Jean Marie et la Société des Établissements EMOH et Compagnie succombant seront condamnés aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi recevable;
Casse le Jugement n°04/CIV rendu en dernier ressort le 20 octobre 2005 par le Tribunal de grande instance du moungo à Nkongsamba;
Évoquant et statuant sur le fond,
Déclare les dires et observations mal fondés;
Les rejette;
Ordonne la continuation des poursuites;
Condamne NDENGOUE Noubissie Jean Marie et la Société les Établissement EMOH et compagnie aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef
Pour expédition établie en cinq pages par Nous, Paul LENDONGO, Greffier en chef de ladite Cour.
Fait à Yaoundé, le 07 novembre 2014
Maître Paul LENDONGO