J-15-232
COMPETENCE DE LA CCJA – LITIGE RELATIF A L’EXISTENCE OU NON D’UNE OBLIGATION ET NE FAISANT APPEL A AUCUN TEXTE DE L’OHADA : INCOMPETENCE
Il s’induit de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’OHADA que la CCJA n’intervient que lorsqu’est en cause l’application ou l’interprétation d’une disposition du Traité OHADA, d’un Acte uniforme ou d’un Règlement prévu au Traité. Elle est donc incompétente pour un différend ne portant que sur l’existence ou non, sur l’absence de cause d’une obligation ou sur l’inexécution d’une telle obligation.
Article(s) 14 TRAITE OHADA
Article(s) 1129 DU CODE CIVIL GABONAIS
Article(s) 1131 DU CODE CIVIL GABONAIS
CCJA, Assemblée plénière, Arrêt n° 142/2014 du 11 novembre 2014; Pourvoi n° 098/2013/PC du 16/08/2013 : Société Pharmaceutique Gabonaise dite PHARMAGABON c/ 1) Hoirs CELUTA Benjamin ZINSOU représenté par Monsieur ZINSOU Réné, 2) La Pharmacie de la Gare Routière.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue à Libreville (GABON) le 11 novembre 2014 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président, Rapporteur
Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice Président
Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice Présidente
Messieurs Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Victoriano ABOGO OBIANG, Juge
Idrissa YAYE, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge
Et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n° 098/2013/PC en date du 16 août 2013 et formé par Maître Paulette OYANE-ONDO, Avocate au Barreau du Gabon, BP 508 Libreville, agissant, diligences et poursuites de Madame Eloïse CHAMBRIER, Présidente Directrice Générale de la Société Pharmaceutique Gabonaise dite PHARMAGABON, pour le compte de ladite société pharmaceutique dont le siège est à Libreville, BP 224, dans la cause qui l’oppose à HOIRS CELUTA, ZINSOU Benjamin, demeurant à 64, rue de Longchamp 75116 Paris et la Pharmacie de la Gare Routière,
en cassation de l’Arrêt n°125/01-02 du 18 avril 2002 rendu par la Cour d’appel judiciaire de Libreville et de l’Arrêt n°32/03-04 du 12 août 2004 rendu par la Cour de cassation du Gabon dont le dispositif suit :
« PAR CES MOTIFS :
Rejette, comme non fondé, le pourvoi en cassation formé par la société PHARMAGABON et son représentant légal sieur AKEREY RASSAGUIZA Daniel contre l’arrêt du 18 avril 2002 rendu entre les parties par la Cour d’Appel Judiciaire de Libreville;
Faisant application de l’article 567 du Code de procédure civile, les condamne à une amende de 5 000 FCFA;
Les condamne aux dépens »;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que la Société la Pharmacie de la Gare Routière était dans les liens d’une relation d’affaires avec LA PHARMAGABON aux termes de laquelle celle-ci fournissait des produits pharmaceutiques à la première qui les revendait;
Que PHARMAGABON avait rompu unilatéralement l’approvisionnement de sa cliente, arguant d’abord des factures impayées, puis, malgré l’apurement de ces factures, avait persisté dans le refus de fourniture des produits à la Pharmacie de la Gare Routière, au nouveau prétexte que dame CELUTA Benjamin épouse ZINSOU, propriétaire de la Pharmacie de la gare routière, était revenue s’installer à Libreville et menacerait PHARMAGABON de concurrence déloyale;
Que la Pharmacie de la Gare Routière ayant attrait PHARMAGABON, le Tribunal de première instance de Libreville condamnait la Société PHARMAGABON, par Jugement n°636/98-99 du 05 juillet 1999, à payer à dame CELUTA Benjamin épouse ZINSOU, la somme de 900. 000. 000 FCFA à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice par elle subi du fait du refus de PHARMAGABON;
Que sur appel de PHARMAGABON et AKEREY Daniel, la Cour d'appel judiciaire de Libreville rendait le 18 avril 2002 l'Arrêt n°125/01-02, infirmant partiellement le jugement attaqué et condamnant PHARMAGABON et AKEREY Daniel à payer aux héritiers de dame ZINSOU, décédée entre temps, la somme de 425 000 000 FCFA.
Que sur un premier pourvoi en cassation de PHARMAGABON et AKEREY Daniel, la Cour de cassation du Gabon rendait le 12 août 2004 l'Arrêt n°32/03-04 rejetant le pourvoi comme non fondé;
Que sur un second pourvoi, la Cour de cassation du Gabon rendait le 09 mai 2007 l'Arrêt n°003/2006-2007, rétractant son arrêt du 12 août 2004 et cassant l'arrêt du 18 avril 2002 de la Cour d'appel judiciaire de Libreville puis renvoyant la cause devant la Cour d'appel de Port-Gentil;
Que saisies le 25 septembre 2008 par la Succession CELUTA, les Chambres réunies de la Cour de cassation du Gabon rendaient le 03 juin 2011 l'Arrêt n°03/2010-2011 rétractant l'Arrêt n°003/2006-2007 du 09 mai 2007 de ladite Cour et restituant toute sa force à l'Arrêt n°32/03-04 du 12 août 2004;
Que par exploit en date du 25 juin 2013 de Maître Agnès BIYE NGOU, épouse OLLOMO MEZUI, Huissier de justice à Libreville, la Pharmacie de la Gare Routière et la succession CELUTA faisaient signifier à la Société PHARMAGABON l'Arrêt n°125/01-02 du 18 avril 2002 de la Cour d'appel judiciaire de Libreville, avec commandement de payer sous huitaine la somme de 1.163.297.270 FCFA représentant le montant des condamnations en principal, intérêts depuis juillet 2009 et frais;
Qu’en réaction à cette signification, la Société PHARMAGABON saisissait la Cour de céans de son recours à la fois contre l'Arrêt n°32/03-04 de la Cour de cassation du Gabon et l'Arrêt n°125/01-02 du 18 avril 2002 de la Cour d'appel judiciaire de Libreville.
Sur la compétence de la Cour
Attendu que la succession CELUTA soulève in limine litis, au principal, l’incompétence de la Cour de céans et, subsidiairement, l’irrecevabilité du pourvoi, motif pris de ce que le différend ne porte sur l’application d’aucun Acte uniforme;
Attendu que l’examen des pièces du dossier de la procédure relève que le litige opposant les parties porte sur la condamnation au paiement des dommages-intérêts pour inexécution d’une obligation, en violation des dispositions des articles 1129, 1131 du Code civil gabonais;
Attendu que l’ article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires dispose : « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des États Parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des États Parties dans les mêmes contentieux »;
Attendu qu’il s’induit de cette disposition que la Cour de céans n’intervient que lorsqu’est en cause l’application ou l’interprétation d’une disposition du Traité OHADA, d’un Acte uniforme ou d’un Règlement prévu au Traité;
Que l’objet du différend en la présente espèce, ne mettant en cause ni un Acte uniforme, ni le Traité lui-même ou un Règlement prévu au Traité mais ne portant que sur l’existence ou non, sur l’absence de cause d’une obligation ou sur l’inexécution d’une telle obligation, ne saurait relever de la compétence de la Cour de céans; que dès lors, celle-ci doit se déclarer incompétente à statuer;
Attendu que la Société PHARMAGABON ayant ainsi succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente;
Condamne la Société Pharmaceutique Gabonaise dite PHARMAGON aux dépens.
Ainsi fait jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef
Pour expédition conforme établie en cinq pages, par Nous Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef de ladite Cour.
Fait à Libreville, le 12 novembre 2014
Paul LENDONGO