J-05-370
CCJA – COMPETENCE – RECOURS EN CASSATION – ELEMENTS DU LITIGE – APPRECIATION AU REGARD DES ACTES UNIFORMES RELATIF AU DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET GIE ET AU DROIT COMMERCIAL GENERAL – COMPETENCE DE LA COUR (OUI).
SOCIETE COMMERCIALE – SOCIETE FORMANT UNE SEULE ET MEME ENTITE JURIDIQUE AVEC SON FONDATEUR – EXISTENCE (NON) – SOCIETE FICTIVE.
OBLIGATION – COMPENSATION – CONDITIONS – DISTINCTION ENTRE PERSONNES MORALES ET PHYSIQUES (NON).
La CCJA est compétente pour connaître du recours dès lors que la question tranchée par le premier Juge comme par la Cour d'Appel est relative à l'application des Actes Uniformes relatifs, d'une part, au droit des sociétés commerciales et du GIE e,t d'autre part, au droit commercial général.
Constitue une société fictive au service de son fondateur, qui forme avec celle-ci une seule et même entité juridique, une société dont les statuts et procès-verbaux révèlent, entre autres, que le siège social et l'adresse personnelle du fondateur gérant se confondent, de même que leur patrimoine.
La société fictive et son fondateur gérant constituant une seule et même entité, la compensation est justifiée, dès lors que leurs créances et dettes réciproques se trouvent confondues, la loi n'ayant pas distingué ente les personnes morales et physiques.
Article 14 DU TRAITE OHADA
CCJA, 1ère chambre, arrêt n° 18 du 31 mars 2005, affaire 1°) Société Afrique construction et financement dite AFRICOF; 2°) Monsieur Z c/ Société générale de banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI, Le Juris Ohada, n° 3/2005, p. 1, note BROU KOUAKOU MATHURIN. – Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 5, janvier-juin 2005, volume 1, p. 68.
La cour,
Sur le pourvoi enregistré le 22 avril 2003 au greffe de la Cour de céans sous le no042/2003/PC, formé par le Cabinet NIANG & Associés, Avocats à la Cour, demeurant ROC, Immeuble JAG, face Rue LEPIC ex-route de Bingerville à Cocody-Abidjan, 06 BP 623 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de la société Afrique Construction et Financement dite AFRICOF et de Monsieur Z, dans une cause les opposant à la Société Générale de Banques en COTE D'IVOIRE dite SGBCI ayant pour conseils la SCPA AHOUSSOU, KONAN & Associés, Avocats à la Cour, demeurant 19, Boulevard Angoulvant, 1er étage aile gauche, Résidence « NEUILLY» 01 BP 2297 Abidjan 01,
en cassation de L'Arrêt no1075 rendu le 04 octobre 2002 par la Cour d'appel d'Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
«En la forme :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
Reçoit AFRICOF et Z en leur appel relevé du jugement no105 du 30 mai 2002 rendu par le Tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau;
Au fond. :
Les y déclare mal fondés;
- Les en déboute;
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris;
- Condamne les appelants aux dépens »;
Les requérants invoquent à l'appui de leur pourvoi les trois moyens de cassation tels
qu'ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI.
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure que par exploit en date du 18 juillet 2001, 1 a S GBCI a assigné 1 a Société A FRICOF et Monsieur Z, son représentant légal, devant le Tribunal de première instance d'Abidjan-Plateau pour s'entendre constater la compensation entre leurs dettes réciproques jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives; que par le Jugement nO105/CIV 1er rendu le 30 mai 2000, le Tribunal de première instance d'Abidjan a dit que la société AFRICOF et Monsieur Z sont une seule et même entité juridique, déclaré par conséquent recevable l'action de la SGBCI contre la Société AFRICOF et Monsieur Z, constaté que l'entité juridique AFRICOF-Z est débitrice de la SGBCI de la somme de 12.396.059.428 F CFA et que la SGBCI est débitrice de cette même entité de la somme de 2.068.921 .154 FCFA, dit qu'une compensation s'est opérée entre les deux dettes et que lesdites dettes sont éteintes réciproquement jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives; que sur appel de la Société AFRICOF et de Monsieur Z, la Cour d'appel d'Abidjan a, par Arrêt no1075 en date du 04 octobre 2002 dont pourvoi, confirmé le jugement sus énoncé en toutes ses dispositions;
Sur la compétence de la Cour
Attendu que la SGBCI, défenderesse au pourvoi, soulève in limine litis l'incompétence de la Cour de céans à connaître du présent recours en cassation au motif que ledit recours a été formé en violation flagrante des dispositions de l'article 14 alinéa 3 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique; que selon la SGBCI, cette violation résu1te de ce que l'Arrêt no1075 du 04 octobre 2002 de la Cour d'appel d'Abidjan n'est pas une décision rendue dans une affaire soulevant une question relative à l'application de l'un des Actes uniformes actuellement en vigueur parce que, d'une part, ledit arrêt a rendu une décision dans une affaire traitant exclusivement de la compensation de créances à opérer entre les parties en litige en se fondant sur les dispositions de l'article 1289 du code civil relatives à la compensation légale et, d'autre part, il est erroné de soutenir, comme le font les demandeurs au pourvoi, que l'arrêt a appliqué l'Acte uniforme sur les sociétés commerciales et le groupement d'intérêt économique pour constater l'une des conditions de compensation légale; que même si l'arrêt a retenu que le sieur Z et la Société AFRICOF formaient une seule et même personne pour constater finalement une compensation de créances entre la SGBCI et le sieur Z, il ne s'est référé nullement aux articles 4, 97 et 98 de l'Acte uniforme sur les sociétés mais s'est plutôt fondé sur les règles relatives à la personnalité juridique, réelle ou fictive, pour conclure que les demandeurs constituent une seule et même personne, ces règles sur la personnalité juridique réelle ou fictive n'étant contenues dans aucun des Actes uniformes en vigueur mais procédant plutôt du droit commun de la personnalité juridique;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 14, alinéa 3 du Traité susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d'appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l'application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l'exception des décisions appliquant des sanctions pénales »;
Attendu, par ailleurs, qu'il est de principe que le juge a l'obligation de trancher les litiges qui lui sont soumis conformément aux lois qui régissent la matière, alors même que l'application de ces lois n'aurait pas été expressément requise par les parties;
Attendu, en l'espèce, qu'il ressort tant de la décision du premier juge que de l'Arrêt attaqué que, pour conclure que «c'est à bon droit que sur la base de ce faisceau d'indices le premier juge a décidé que AFRICOF constitue une société fictive au service de son fondateur et que Z et celle-ci forment une seule et même entité juridique », les premiers juges ont articulé leur raisonnement autour :
du siège de la société et de l'adresse personnelle de Z;
de leurs patrimoines;
des apports en nature faits à AFRICOF par Z;
des cessions de créances faites par AFRICOF à son fondateur; du registre de commerce;
de l'assemblée générale de la société AFRICOF;
des statuts de la société AFRICOF et de la non harmonisation de ceux- ci à l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique;
Attendu que tous les éléments ci-dessus énumérés ne peuvent s'apprécier qu'au regard de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique et celui relatif au droit commercial général; que par conséquent, pour tirer la conclusion ci-dessus spécifiée, le premier juge comme la Cour d'appel, même si cette dernière n'en fait pas référence, ont nécessairement tranché une question relative à !'application desdits Actes uniformes; que du reste AFRICOF et Z se sont référés, dans l'acte d'appel, aux Actes uniformes précités en soutenant «que à cette époque, l'existence de la personnalité juridique des sociétés découlait de leur seule création et non pas de leur immatriculation au registre de commerce que les dispositions de l'article 98 du Traité OHADA sur le droit des sociétés subordonnant la personnalité juridique des sociétés à leur immatriculation au registre de commerce et du crédit mobilier sont entrées en vigueur en l'an 2000»; qu'au surplus le tribunal de première instance dans son Jugement no105/CIV 1er du 30 mai 2000 s'est référé, dans son argumentaire, à l'article 865 du même Acte uniforme; qu'il résulte de tout ce qui précède que la Cour de céans est compétente pour connaître du présent recours en cassation en application des dispositions sus énoncées de l'article 14 alinéa 3 du Traité susvisé.
Sur la demande de sursis à statuer
Attendu que AFRICOF et Monsieur Z demandent à la Cour de céans de surseoir à statuer sur leur recours en cassation jusqu'à ce que la Cour Suprême de COTE D'IVOIRE se prononce sur une difficulté au motif que la SGBCI a fondé sa demande en compensation sur la base de sa créance née de la condamnation de Z à lui payer la somme de 8.823.414.693 FCFA par Jugement no60 en date du 30 mars 1995, confirmé par Arrêt no274 du 04 mai 2000 de la chambre judiciaire de la Cour Suprême au titre du solde du compte de leurs relations d'affaires qui ont duré de 1979 à 1989 alors que cet arrêt consacre une contrariété de décisions parce que par Arrêt no42 en date du 19 février 1992, la Cour d'appel de Bouaké a condamné le même Z à payer à la même SGBCI la somme de 1.019.587.326 FCFA toujours au titre du même solde du compte de leurs relations d'affaires sur la même période, arrêt de la Cour d'appel devenu irrévocable suite au rejet, par Arrêt no130 du 18 mai 1993 de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême, du pourvoi formé à son encontre par la SGBCI; que selon les requérants, il existe désormais dans l'ordre judiciaire de l'Etat de COTE D'IVOIRE deux décisions rendues entre les mêmes parties, agissant en la même qualité, sur la même demande, portant sur le même objet et la même cause et, quoique la contrariété entre ces deux décisions est évidente et que la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée a, en vain, été opposée devant les juges du fond, l'Arrêt no274 du 04 mai 2000 de la Chambre judiciaire de la Cour Suprême ne fait aucun cas de l'Arrêt no42 rendu le 19 février 1992 par la Chambre civile et commerciale de la Cour d'appel de Bouaké, déjà exécuté;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure que l'affaire sanctionnée par l'Arrêt no1075 en date du 04 octobre 2002 de la Cour d'appel d'Abidjan, dont pourvoi, est relative à une demande de compensation de dettes jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives entre, d'une part, I~ créance de la SGBCI envers Monsieur Z s'élevant en principal et intérêts dus au 31 mai 2001 à 12.396.059.428 F CFA et, d'autre part, la créance de la société AFRICOF envers la SGBCI s'élevant à 2.068.921.154 F CFA au motif que la Société AFRICOF et Monsieur Z forment en réalité une seule et même entité juridique; qut;1 tout au long de la procédure relative à cette affaire, aussi bien devant le premier juge que le juge d'appel, aucune des parties en présence n'a fait allusion à la créance de 1.019.587.326 F CFA de la SGBCI envers Monsieur Z et découlant de l'ArrêtnO42 du 19 février 1992 de la Cour d'appel de Bouaké; qu'en tout état de cause, l'existence ou non de cette dernière créance n'a aucun rapport ni incidence sur le pourvoi en cassat.ion formé contre l'Arrêt no1075 du 04 octobre 2002, lequel s'est uniquement prononcé sur la demande en compensatiorl entre les deux créances, d'une part, de 12.396.059.428 FCFA de la SGBCI envers Z et, d'autre part, de 2.068.921.154 F CFA de la Société AFRICOF envers la SGBCI; qu'il s'ensuit que la demande de sursis à statuer sus évoquée doit être rejetée;
Sur le premier moyen
Vu les articles 4,97 et 98 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciate5 etdu groupement d'intérêt économique;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions des articles 4, 97 et 98 de l'Acte uniforme susvisé ou d'avoir commis une erreur dans leur application ou leur interprétation en ce que la Cour d'appel d'Abidjan, en décidant que la société AFRICOF n'a eu aucune existence réelle sans indiquer ce en quoi une des exigences légales ou jurisprudentielles ou doctrinaires ne serait pas remplie alors que, selon les requérants, la société AFRICOF est soumise aux dispositions de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique depuis le 1 er janvier 1998, date d'entrée en vigueur dudit Acte uniforme, parce qu'aux termes des articles 1er et 908 dudit Acte uniforme, sont soumises à ses dispositions toutes les sociétés commerciales et tous les groupements d'intérêt économique dont le siège est situé sur le territoire de l'un des Etats parties au Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique; que le siège de la société AFRICOF est situé dans l'immeuble ZAHER, Avenue NANAN Yamousso à Yamoussokro, BP 52 en COTE D'IVOIRE; que toujours selon les mêmes requérants, la loi dispose que la société doit avoir une dénomination, un objet et un siège social, une durée et un patrimoine constitué par les apports et les produits générés par ses activités et qu'elle est soumise à des formalités dont l'aboutissement est son immatriculation au registre de commerce pour être dotée de la personnalité morale; que la doctrine et la jurisprudence ont déduit de l'article 4 de l'Acte uniforme susvisé trois conditions à réunir cumulativement à savoir, des associés, des apports et l'affectio societatis; qu'en l'espèce Messieurs Z et Mont constitué une SARL dénommée AFRIQUE CONSTRUCTION ET FINANCEMENT, par abréviation AFRICOF au capital de 445.000.000 F, sise à Yamoussokro, BP 52 pour une durée de 99 ans suivant acte notarié en date des 11, 25 et 26 février 1982 avec pour objet social :
l'étude technique et financière, la réalisation et le financement de tous projets immobiliers;
la gestion, l'administration, la location et la vente pour son propre compte de tous biens immobiliers;
l'édification, tous corps d'état, de bâtiments, leur rénovation et entretien, tous travaux publics et de génie civil, d'infrastructures routières, de V.R.D.;
la production d'éléments préfabriqués, notamment pour le bâtiment, la fabrication de mobiliers et la menuiserie;
l'importation, l'exportation, l'achat, la représentation et la vente de toutes matières premières, matériaux, matériels et engins divers;
et, généralement, toutes opérations immobilières, mobilières, foncières, industrielles, commerciales et financières se rattachant directement ou indirectement à l'objet social ou à tous objets similaires ou connexes; que cette société a été immatriculée au registre de commerce sous le no4479 suivant déclaration déposée le 08 mars 1982 au greffe du Tribunal de Toumodi; qu'enfin, selon les mêmes requél~"ls, 1, : :; société AFRICOF réunissait toutes les conditions légales pour être une société commerciale dotée de la personnalité juridique au sens des textes sus énoncées et que la preuve que même pour la SGBCI, elle a existé et fonctionné en tant que société commerciale ayant une personnalité juridique distincte de celle de Monsieur Z en est que courant 1990, la SGBCI a initié deux actions distinctes en, recouvrement du solde du compte des relations d'affaires qu'elle a distinctement entretenues avec l'une et l'autre;
Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des faits que la Cour d'appel, par une décision motivée, a retenu que «les statuts de la société et les procès-verbaux de compulsion versés au débat révèlent que je siège de la société et l'adresse personnelle de Z se confondent de même que leur patrimoine en ce sens que les apports en nature faits à AFRICOF sont utilisé~par Z pour ses activités personnelles sans oublier les différentes cessions de créance faites par AFRICOF à son fondateur, gérant statutaire et principal associé Z... les pièces du dossier établissent également que depuis sa création en 1982, cette société dépourvue de registre de commerce [la copie certifiée conforme de l'extrait du registre de commerce versée au dossier de la Cour de céans datant du 02.04.2003 n'a pu être versée au dossier de la Cour d'appel qui a statué sur la cause par Arrêt n° 1075 du 04 octobre 2002 ] n'a fait l'objet d'aucune assemblée générale pour statuer sur sa gestion et ses statuts n'ont pas encore été harmonisés conformément au Traité OHADA... ainsi c'est à bon droit que sur la base de ce faisceau d'indices, le premier juge a décidé que AFRICOF constitue une société fictive au service de son fondateur et que Z et celle-ci forment une seule et même entité juridique»; que ce premier moyen est donc sans fondement et qu'il doit en conséquence être rejeté;
Sur le deuxième moyen pris en sa première branche
Attendu qu'il est également reproché à l'arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de !'absence, de l'insuffisance et de l'obscurité des motifs en ce que les premiers juges, en se fondant sur un faisceau d'indices pour décider que la Société AFRICOF est une société fictive, ont retenu, d'une part, que les statuts de la société et les procès-verbaux de compulsion versés au débat révèlent que le siège de la société et l'adresse personnelle de Monsieur Z se confondent, de même que leur patrimoine en ce sens que les apports en nature faits par Monsieur Z sont utilisés par Monsieur Z pour ses activités personnelles sans oublier les différentes cessions de créances faites par AFRlCOF à son fondateur, gérant statutaire et principal associé, Monsieur Z et, d'autre part, que les pièces du dossier établissent également que depuis sa création en 1982, cette société dépourvue de registre de commerce n'a f ait l'objet d'aucune assemblée générale pour statuer sur sa gestion et ses statuts n'ont pas encore été harmonisés conformément au traité OHADA, alors que, selon le moyen, en l'absence de motifs qui auraient caractérisé la simulation qui aurait entraîné la fictivité de la société AFRICOF, les premiers juges ne pouvaient pas apprécier dans leur décision s'ils avaient entendu annuler la société AFRICOF ou la déclarer inexistante, chacune de ces solutions entraînant des conséquences propres et, partant, n'ont pu mettre la Haute Cour Communautaire de Régulation en mesure d'apprécier l'exactitude de la qualification et de la sanction par eux retenus; que d'autre part, lesdits juges, en se bornant à ne retenir que le contenu de procès-verbaux tendancieux et établis de mauvaise foi, donc viciés et les affirmations gratuites et erronées de la SGBCI pour déclarer fictive la Société AFRICOF sans rechercher s'il y avait effectivement confusion de patrimoine et de domicile et si la société avait été immatriculée ou non au registre du commerce, était imposée ou non, absence ou perte d'affectio societatis ou autres, n'ont pas su donner de base légale à leur décision en raison de l'absence ( juger qu'une société immatriculée au Registre du commerce sous le no4479 n'a pas été immatriculée au Registre de commerce), l'insuffisance (retenir la confusion de domiciles du seul fait que la société et son gérant sont domiciliés dans le même immeuble sans rechercher s'ils sont dans le même appartement) et oscurité des motifs outre leur absence soulevée.
Mais attendu que, d'une part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la Cour d'appel, en retenant que «les statuts de la société et les procès-verbaux de compulsion versés aux débats révèlent que le siège de la société et l'adresse personnelle de Z se confondent de même que leurs patrimoines en ce sens que 1 es apports en nature faits à AFRICOF sont utilisés par Z pour ses activités personnelles sans ol,!blier les différentes cessions de créances faites par AFRICOF à son fondateur, gérant statutaire et principal associés Z », a bien caractérisé la simulation et tirer les conséquences. en déclarant fictive la société AFRICOF; que d'autre part, c'est après avoir souverainement apprécié tous le$ éléments ci-dessus spécifiés du dossier que la Cour d'appel a, après avoir déclaré fictive la Société AFRICOF.. retenu que ladite société et Z forment une seule et même entité; que de tout ce qui précède, il y a lieu de relever que la Cour d'appel a amplement motivé sa décision et qu'en conséquence le deuxième moyen, pris en sa première branche, doit être rejeté;
Sur le deuxième moyen pris en sa seconde branche
Attendu qu'il est aussi reproché à l'arrêt attaqué un manque de base légale résultant de la contrariété des motifs en ce que, selon le moyen, d'une part, les premiers juges ont retenu, au titre du faisceau d'indices, les diverses cession$ de créances pour déclarer fictive la société AFRICOF alors que ces cessions, réalisées par acte notarié, établissent si besoin était que le patrimoine de Monsieur Z ne se confond pas avec celui de la société AFRICOF et, d'autre part, les juges d'appel, en retenant la confusion de patrimoines à partir des cessions de créances alors qu'il résulte de ces dernières la preuve à la fois matérielle et formelle que le patrimoine de la Société AFRICOF est bel et bien distinct du patrimoine de Monsieur Z et, en ne relevant pas que la SGBCI a attrait devant toutes les juridictions et effectué des paiements entre les mains de la Société AFRICOF personnellement, ont péché par contrariété de motifs;
Mais attendu que le fait pour la Cour d'appel de retenir, d'une part, au titre de faisceau d'indices les diverses cessions de créances pour déclarer fictive la Société AFRICOF et, d'autre part, la confusion de patrimoines à partir desdites cessions de créances, n'est en rien contradictoire avec le fait que la Cour d'appel n'ait pas relevé que la SGBCI a attrait devant toutes les juridictions et effectué des paiements entre les mains de la Société AFRICOF; qu'en effet, le fait que la SGBCI ait, en son temps, engagé des poursuites contre la société AFRICOF et effectué des paiements entre les mains de celle-ci ne peut, à lui seul, prouver que la société AFRICOF a une personnalité juridique distincte de celle de Z; qu'il s'ensuit que le deuxième moyen, pris en sa seconde branche doit être rejeté;
Sur le troisième moyen
Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions de l'article 1289 du code civil en ce que les juges d'appel se sont bornés à déclarer que la loi n'a pas di$fin~ué entre les personnes morale ou physique sans rechercher si la Société AFRICOF et la SGBCI étaient débitrices l'une envers l'autre alors que, selon le moyen, «la jurisprudence unanimement approuvée par la doctrine retient qu'en application de l'article 1289 du code civil la compensation implique la réciprocité des créances et des dettes; qu'en d'autres ternies, pour que la compensation ait lieu, il faut que les mêmes personnes soient à la fois créancières et débitrices l'une de l'autre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dans la mesure où la Société AFRICOF qui est créancière de la SGBCI ne doit rien à celle-ci et que la créance dont la SGBCI se prévaut résulte de l'Arrêt no274 rendu le 04 mai 2000 par la Cour Suprême, lequel porte condamnation, non pas de la société AFRlCOF mais de Monsieur Z à son profit; que s'il est vrai que Monsieur Z est à la fois un associé et un gérant de la société AFRICOF, cette circonstance est impuissante à rendre ladite société débitrice de la SGBCI puisqu'il est de jurisprudence constante qu'il ne peut y avoir de compensation entre les créances de la société et les dettes d'un associé et inversement,
Mais attendu qu'à propos de l'article 1289 du code civil, la Cour d'appel a retenu que «ce texte dispose que lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opére entre elles une compensation qui éteint les deux dettes... aux termes de cette loi, la compensation suppose l'existence de deux personnes qui se trouvent débitrices l'une envers l'autre. la loi n'ayant pas distingué entre 1 es personnes morales et physiques, c'est sans fondement juridique que les appelants tentent cette distinction et qu'il échet de rejeter leur moyen »; qu'ainsi c'est seulement après avoir retenu que AFRICOF et Z constituent une seule et même entité que la Cour d'appel a confirmé le jugement en ce qu'il a ordonné la compensation entre les créances et dettes réciproques de l'entité juridique AFRICOF-Z et la SGBCI; qu'en effet, du seul fait d'avoir décidé que AFRICOF et Z constituent une seule et même entité. il en résulte que leurs créances et dettes réciproques se trouvent confondues; qu'en conséquence et contrairement aux allégations des requérants, la Cour d'appel n'a en rien violé l'article 1289 du code civil; qu'il suit que le troisième moyen doit être rejeté;
Attendu que la Société AFRICOF et Z ayant succombé, doivent être condamnés au dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi formé par la Société AFRICOF et Monsieur Z
Les condamne aux dépens.
PRESIDENT : M. JACQUES M'BOSSO
Note
A quelles conditions une société peut-elle être qualifiée de fictive? Autrement dit quels sont les éléments d'existence d'une société fictive?
Si on ne peut reprocher à des personnes de créer une personne morale pour profiter délibérément des avantages offerts par le droit positif, ou des lacunes que celui-ci pourrait comporter, en revanche la situation est différente lorsque la personne morale se présente comme un écran, un instrument juridique dénué de toute effectivité de fonctionnement, puisque détournée de sa définition légale telle que le formule l'article 4 de l'Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et au GIE.
, Un tel abus de la personnalité morale doit être dénoncé et sanctionné, car ces
sociétés. appelées sociétés de façade, sont fictives. Et il faut empêcher que les conséquences voulues et souhaitées par les parties puissent être consommées.
Les cas de fictivités des sociétés sont nombreux au regard des moyens utilisés et des buts poursuivis par les intéressés. Cependant une systématisation peut-être opérée en fonction de la réalité occultée, qui est tantôt l'activité exclusive du maître de l'affaire tantôt une situation contractuelle différente du contrat de société ostensible (sur la question, Voy, Arlette Martin - SERF : Sociétés fictives et finalement, in Juris-C/asseur société, 1, Fascicule 7 ter, avec la bibliographie citée).
C'est semble t-il le cas en l'espèce où la société fictive masque l'activité d'une seule personne, la personne physique. De la sorte, la personnalité juridique de celle-ci ne peut- être distincte de la personne morale créée par le chef d'entreprise pour bénéficier des avantages qui résulteront pour lui de l'exploitation de son entreprise sous forme sociale.
Mais quels sont les éléments de la ficitivité ?
Pour déclarer fictive la société dont monsieur Z était le fondateur, le gérant statutaire et le principal associé, la haute Cour, suivant en cela la Cour d'Appel, a constaté sur la base notamment des statuts de la société que le siège de la société et l'adresse personnelle de Z se confondraient, de même que leurs patrimoines, les apports en nature qui ont été faits à la société ont été utilisés par Z pour ses activités personnelles, sans oublier 1es différentes cessions de créance qui ont été faites par la société à son fondateur, gérant statutaire et. principal associé, en la personne de Z.
Tous ces éléments conduisant à la confusion de patrimoine de la société et de Z, ces deux personnes ne pouvaient que former une seule et même entité. (Pour la confusion de patrimoine de quatre sociétés fictives sous le couvert desquelles une personne physique a poursuivi une activité commerciales, tout en étant leur gérant commun, la fictivité a permis l'ouverture d'une procédure collective unique à leur égard; Voy, Cass, Com, 8 février 1994 Petites affiches, 24 mai 1995, p.33).
Etant une seule et même entité, AFRICOF et Z ont les mêmes créances et sont tenus des mêmes obligations. Ainsi la dette de AFRICOF est la dette de Z, et il en est de même pour toute créance. L'on comprend dès lors l'application de l'article 1289 du Code civil en l'espèce, l'entité AFRICOF - Z étant à la fois débitrice et créancière de la SGBCI et celle-ci étant par ailleurs créancière et débitrice de l'entité.
En écartant la façade de la personne morale pour prendre en compte la réalité occultée, la Cour garantit le crédit dans le monde des affaires en préservant les intérêts de tiers et des cocontractants (Voy, Yves Chartier, Droit des Affaires, Sociétés Commerciales. 1985, N°35 p.92).
BROU KOUAKOU MATHURIN