J-09-81
POURVOI – RECOURS EN CASSATION – REQUETE ADRESSEE AU PRESIDENT DE LA CCJA – REQUETE ADRESSEE AU NOM DE SA JURIDICTION PRESIDENTIELLE (NON) – REQUETE ADRESSEE AU PRESIDENT AU NOM DE LA CCJA (OUI).
POURVOIR – RECOURS EN CASSATION – MOYEN – MOYEN PRESENTE HORS DELAI – IRRECEVABILITE.
ARBITRAGE – CONVENTION – NULLITE – EXAMEN SUBSTANTIEL ET APPROFONDI – EXAMEN ECHAPPANT A LA COMPETENCE DU JUGE ETATIQUE (OUI) – RENVOI DE LA CAUSE ET DES PARTIES A LA PROCEDURE D’ARBITRAGE (OUI).
La requête est adressée au Président de la CCJA au nom de celle-ci et non au nom de sa juridiction présidentielle, dès lors que dans le texte dudit recours, le demandeur s’adresse plutôt à la Cour et non à la juridiction présidentielle de celle-ci. Dès lors, il y a lieu de déclarer que le recours en cassation est bien adressé à la CCJA.
Par conséquent, l’exception d’irrecevabilité soulevée n’est pas fondée et doit être rejetée.
Il y a lieu de déclarer irrecevables pour avoir été formulés largement au-delà du délai de deux mois prévus à l’article 28-1 du Règlement de procédure, les moyens présentés plus de sept mois après la signification de l’arrêt attaqué. L’éventuelle nullité de la convention d’arbitrage insérée dans le protocole transactionnel ne pouvant s’apprécier qu’après un examen substantiel et approfondi de ladite convention, au regard notamment des dispositions régissant l’administration provisoire de la MATCA, ledit examen échappe à la compétence de la juridiction étatique. C’est donc à tort que le tribunal s’est déclaré compétent.
En conséquence, il échet d’infirmer le jugement querellé et de renvoyer la cause et les parties à la procédure d’arbitrage prévu au protocole.
Article 14 TRAITE
Article 23 TRAITE
Article 28-1 REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA
Article 13 AUA (ALINEA 2)
C.C.J.A. 1ère CHAMBRE, ARRET N 43 Du 17 Juillet 2008 Affaire : Monsieur Dam SARR c/ Mutuelle d’Assurances des Taxis Compteurs d’Abidjan dite MATCA. Le Juris Ohada, n 4/2008, p.46. Actualités juridiques n 63, p. 135, note AKO Eloi, Magistrat. Recueil de jurisprudence CCJA, n° 12 juillet-décémbre 2008, p. 109
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 mai 2007 sous le no046/2007/PC et formé par la SCPA ALPHA 2000, Avocats à la Cour, demeurant Immeuble ALPHA 2000, 1er étage, porte 3, Avenue Chardy au Plateau, BP 122 POST’ENTREPRISE.
ABIDJAN-CEDEX 1, agissant au nom et pour le compte de Monsieur DAM SARR, Directeur de société, demeurant à Abidjan – Cocody – Riviera Golf, rue 01, 01 BP 6658 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à la Mutuelle d’Assurances des Taxis Compteurs d’Abidjan dite MATCA, dont le siège social est sis à Abidjan-Plateau, angle Boulevard Roume et Avenue CROZET, 04 BP 2084 Abidjan 04, prise en la personne de son Directeur général Monsieur CAMARA Moustapha et ayant pour conseil Maître AKRE- TCHAKRE Paul Evariste, Avocat à la Cour, demeurant Abidjan- Plateau, avenue Crossons Duplessis, Résidence DIANA, entrée A, 2éme étage, Porte A4, 01 BP 2228 Abidjan 01.
En cassation de l’Arrêt no170 CIV/5C rendu le 27 février 2007 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
– « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
Déclare 0 recevable en son appel relevé du Jugement no1925/CIV.3A du 12 juillet 2006; L’y dit mal fondé; L’en déboute.
Confirme le jugement querellé.
Met les dépens à la charge de l’appelante ».
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi en cassation les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête et « au mémoire complétif et en réplique du 18 janvier 2008 » annexés au présent arrêt.
Sur le rapport de Monsieur le Juge Maïnassara MAIDAGI
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique.
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA.
Vu l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par acte d’huissier en date du 23 février 2006, la Mutuelle d’Assurances des Taxis Compteurs d’Abidjan dite MA TCA, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur Général Monsieur C, avait assigné Messieurs D et M devant le Tribunal de première instance d’Abidjan pour entendre déclarer faux le protocole transactionnel signé le 11 août 2004 ou, à défaut, annuler ledit protocole ou le déclarer inapplicable; que par Jugement no1925-06-civ-3-A en date du 12 juillet 2006, le Tribunal saisi déclarait nulle protocole transactionnel du 11 août 2004 et déboutait la MATCA du surplus de ses prétentions; que sur appel de Monsieur D, la Cour d’appel d’Abidjan, par Arrêt no170 CIV/5C du 27 février 2007 dont pourvoi, confirmait le jugement querellé.
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que la MA TCA, défenderesse au pourvoi, demande à la Cour de céans de déclarer irrecevable le recours en cassation de Monsieur D pour avoir été adressé à Monsieur le Président de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage alors qu’il ressort de la combinaison des dispositions des articles 14 et 15 du Traité et 26 et 28 du Règlement de procédure que seule la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et seulement elle seule peut être saisie d’un recours en cassation de sorte que c’est à elle seule que tout recours en cassation doit être adressé, puisque le pourvoi en cassation ne peut être porté que, devant elle; qu’en l’espèce, Monsieur D a adressé, saisi et porté son pourvoi en cassation devant la juridiction présidentielle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage et plus précisément devant Monsieur le Président de ladite Cour; qu’une distinction doit être opérée entre la juridiction présidentielle de la CCJA qui a ses propres attributions et la Cour elle-même, qui a également, de son côté, ses attributions spécifiques; que le pourvoi en cassation adressé non pas à la CCJA mais à Monsieur le Président de ladite Cour, sera déclaré irrecevable pour avoir été porté devant un organe incompétent.
Mais attendu qu’il ressort de l’examen dudit recours que la « Requête en cassation de l’Arrêt civil contradictoire no170 CIV/ 5C rendu le 27 février 2007 par la Cour d’appel d’Abidjan » est adressée au Président de la Cour de céans au nom de celle-ci et non au nom de sa juridiction présidentielle; qu’en effet, dans le texte dudit recours, Monsieur D s’adresse plutôt à la Cour et non à la juridiction présidentielle de celle-ci; qu’ainsi, il conclut notamment l’exposé des faits et des procédures antérieures par la formule « que tel est l’arrêt soumis à l’appréciation et à la censure de la Haute Cour » et termine le développement de l’unique moyen de cassation par la formule « qu’il s’ensuit qu’elle a violé le texte visé au moyen et son arrêt encourt la sanction de la Haute Cour de céans »; que de ce qui précède, il y a lieu de déclarer que le recours en cassation est bien adressé à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage; qu’il s’ensuit que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la MA TCA n’est pas fondée et doit être rejetée.
Sur la recevabilité des deux moyens tirés respectivement de la violation de l’article 23 du Traité et de la violation de l’article 4 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
Attendu que dans son mémoire en duplique reçu à la Cour de céans le 28 mars 2008, la MA TCA soulève « in limine litis » l’irrecevabilité des deux moyens de cassation ajoutés au moyen unique initial par Monsieur D dans son « mémoire complétif et en duplique » du 18 janvier 2008 aux motifs que le recours en cassation contenant les moyens du requérant, notamment les Actes uniformes ou les Règlements de procédure qui auraient fait l’objet de violation définit le cadre et le contenu du litige soumis à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage; que c’est à ces moyens, issus du recours déposé dans le délai de 02 mois à compter de la signification de la décision attaquée, que le défendeur au pourvoi répond dans un délai de 03 mois; qu’il suit que le demandeur au pourvoi ne peut plus faire état d’autres moyens de cassation non invoqués dans son recours en cassation introductif d’instance; qu’en le faisant, le demandeur au pourvoi forme, en réalité et de façon détournée, un autre pourvoi en cassation contre la même décision et ce, largement au-delà du délai de 02 mois prévu par les dispositions de l’article 28 du Règlement de procédure.
Attendu qu’aux termes de l’article 28.1 du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, « lorsque la Cour est saisie par l’une des parties à l’instance par la voie du recours en cassation prévu au troisième ou quatrième alinéa de l’article 14 du Traité, le recours est présenté au Greffe dans les deux mois de la signification de la décision attaquée par l’avocat du requérant dans les conditions fixées à l’article 23 ci-dessus. Le recours contient : a) (..) b) (..) c) les conclusions du requérant et les moyens invoqués à l’appui de ces conclusions. Le recours indique les Actes uniformes ou les Règlements prévus par le Traité dont l’application dans l’affaire justifie la saisine de la Cour ».
Attendu en l’espèce, qu’après avoir introduit un recours en cassation reçu le 30 mai 2007 à la Cour de céans et invoquant un moyen unique de cassation tiré de la violation de l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’Arbitrage, Monsieur D a, dans un « mémoire complétif et en réplique » reçu le 18 janvier 2008 à la Cour de céans, déclaré présenter deux autres moyens de cassation tirés de la violation des dispositions des articles 4 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et 23 du Traité du 17 octobre 1993 relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique; que ces deux moyens ayant été présentés le 18 janvier 2008, soit plus de sept mois après la signification en date du 25 mai 2005 de l’Arrêt attaqué, il y a lieu de les déclarer irrecevables pour avoir été formulés largement au-delà du délai de deux mois prévus à l’article 28.1 susénoncé du Règlement de procédure susvisé.
Sur le moyen pris de la violation de l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage
Vu l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé ou commis une erreur dans l’application ou l’interprétation de l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, en ce que pour déclarer le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau compétent pour connaître de la nullité du protocole d’accord transactionnel comportant la convention d’arbitrage, la Cour d’appel d’Abidjan a affirmé qu’ « il ressort (..) de l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA relatif à l’arbitrage que si, comme dans le cas d’espèce où le Tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente, c’est à la condition que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle »; qu’il s’ensuit que la demande de la MA TCA, tendant à voir déclarer le protocole transactionnel nul, ressort de la compétence de la juridiction étatique en raison de ce que le Tribunal arbitral n’est pas encore saisi, alors que, selon le moyen, l’article 13, alinéa 2 susvisé pose le principe de l’incompétence des juridictions étatiques pour connaître des litiges visés dans une convention d’arbitrage lorsque l’une des parties en fait la demande; que le tribunal arbitral ait été saisi ou non, le principe demeure celui de l’incompétence des juridictions étatiques; qu’en présence d’une convention d’arbitrage alors que le tribunal arbitral n’a pas encore été saisi du litige, le principe de l’incompétence reçoit une exception constituée de la « nullité manifeste » de la convention d’arbitrage; qu’en l’espèce, en retenant la compétence de la juridiction étatique au seul motif que le tribunal arbitral ne serait pas encore saisi, sans rechercher au préalable si la convention d’arbitrage du 11 août 2004 est entachée d’une « nullité manifeste », la Cour d’appel a manifestement erré; qu’elle fait de l’exception un principe en retenant la compétence de la juridiction étatique avant de rechercher les causes de nullité du protocole transactionnel.
Attendu, en l’espèce, que pour retenir que la demande de la MA TCA tendant à voir déclarer nulle protocole transactionnel relève bien de la compétence de la juridiction étatique en raison de ce que le Tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la Cour d’appel d’Abidjan s’est bornée à affirmer qu’ il ressort également de l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme OHADA relatif à l’arbitrage que si, comme dans le cas d’espèce où le Tribunal n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente, c’est à la condition que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle » sans démontrer en quoi la convention d’arbitrage contenue dans le protocole transactionnel est manifestement nulle; qu’ainsi la Cour d’appel d’Abidjan n’a pas donné une base légale à sa décision, laquelle encourt cassation; qu’il échet, en conséquence, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer.
Sur l’évocation
Attendu que par exploit d’huissier en date du 18 décembre 2006, Monsieur D a relevé appel du Jugement no1925-06-CIV-3 A rendu le 12 juillet 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort; Rejette les moyens d’incompétence et d’irrecevabilité soulevés par Messieurs D et M; Déclare la Mutuelle d’Assurances des Taxis Compteurs d’ABIDJAN dite MATCA.
recevable en son action.
L’y dit partiellement fondée.
Déclare nulle protocole transactionnel du 11 AOÛT 2004; Déboute la MA TCA du surplus de ses prétentions; Condamne Mr. D aux dépens ».
Attendu que Monsieur D demande à la Cour de déclarer le Tribunal incompétent en raison de l’existence d’une clause compromissoire dans le protocole litigieux et en raison de ce que le juge compétent en matière de faux incident civil, ne peut connaître de l’action en annulation de leur contrat; que subsidiairement sur le fond, il fait observer que le premier juge, dans l’appréciation des pouvoirs de l’administrateur provisoire a imaginé des conditions d’autorisation expresse que l’arrêté ministériel sur le conseil de surveillance n’a pas imposé et qu’en plus ledit conseil, en ne remettant pas en cause ce protocole à la fin du mandat de l’administrateur, l’a entériné et ratifié en même temps que les autres actes de gestion pour lesquels ce dernier a obtenu le quitus de l’autorité de surveillance.
Attendu que la MATCA, intimée, soutient pour sa part, que si l’alinéa 2 de l’article 7 du protocole d’accord réserve les contestations liées à l’interprétation ou à l’exécution ou en relation avec celle-ci à une procédure de conciliation préalable puis, en cas d’échec, à la chambre arbitrale de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, il en va autrement quant aux contestations liées, comme en l’espèce, à la validité même du protocole; qu’elle soutient, en outre, qu’au regard des articles 32 et 99 du code de procédure civile, le Tribunal de droit commun saisi en l’espèce est compétent pour connaître et du faux incident civil et de la nullité du protocole; qu’elle sollicite enfin la confirmation du jugement en ce que le premier juge, contrairement aux allégations de l’appelant, n’a pas imaginé ou ajouté de nouvelles conditions de validité des pouvoirs de l’administrateur provisoire, mais a constaté que ce dernier n’a pas obtenu la délibération du conseil de surveillance avant de signer le protocole en violation de l’article 5 de l’arrêté ministériel portant attribution de l’administrateur provisoire et fonctionnement du conseil de surveillance de la MATCA.
Sur la compétence des juridictions étatiques au regard de la convention d’arbitrage insérée dans le protocole transactionnel du 11 août 2004
Vu l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
Attendu qu’aux termes de l’article 13, alinéa 2 de l’Acte uniforme susvisé, « si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle ».
Attendu qu’il résulte de la combinaison du principe de validité et de celui de compétence – compétence en matière arbitrale que le juge étatique ne peut procéder à un examen substantiel et approfondi d’une convention d’arbitrage pour se prononcer sur la nullité de celle-ci; que la nullité manifeste d’une convention d’arbitrage ne doit découler que de l’apparence de celle-ci; qu’en l’espèce, tel n’est pas le cas, l’éventuelle nullité de la convention d’arbitrage insérée dans le protocole transactionnel du 11 août 2004 ne pouvant s’apprécier qu’après un examen substantiel et approfondi de ladite convention au regard notamment des dispositions régissant l’administration provisoire de la MATCA à savoir la Décision no011/CIMA/CRCA/PDT/2001 portant suspension des organes dirigeants et nomination d’un Administrateur provisoire à la MATCA en date du 08 novembre 2001 de la Commission régionale de contrôle des assurances et de l’Arrêté no304/MEF portant attributions de l’Administrateur provisoire, composition et fonctionnement du Conseil de surveillance de la MA TCA en date du 12 novembre 2001 du Ministre de l’Économie et des Finances de COTE D’1VOIRE en vue de vérifier si l’Administrateur provisoire de la MA TCA pouvait signer le protocole transactionnel et partant la convention d’arbitrage sans en référer au Conseil de surveillance; que ledit examen substantiel et approfondi échappant à la compétence de la juridiction étatique, c’est à tort que le Tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau s’est déclaré compétent; qu’il échet en conséquence d’infirmer le jugement querellé, de se déclarer incompétent en raison de la convention d’arbitrage et de renvoyer la cause et les parties à la procédure d’arbitrage prévue au protocole transactionnel du 11 août 2004.
Attendu que la MATCA ayant succombé, il échet de la condamner aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré.
Rejette l’exception d’irrecevabilité du pourvoi soulevée par la MA TCA.
Déclare irrecevable les deux moyens de cassation tirés respectivement de la violation des articles 4 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage et 23 du Traité institutif de l’OHADA; Casse l’Arrêt no170 CIV/5C rendu le 27 février 2007 par la Cour d’appel d’Abidjan; Évoquant et statuant sur le fond.
Infirme le Jugement no1925-06-CIV-3-A rendu le 12 juillet 2006 par la 3ème chambre civile
du Tribunal de première instance d’Abidjan; Se déclare incompétente.
Renvoie la cause et les parties à la procédure d’arbitrage prévue au protocole transactionnel du 11 août 2007.
Condamne la MA TCA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et ans que dessus et ont signé :
PRESIDENT : M. JACQUES M’BOSSO
Note
L’arrêt ci-dessus rapporté marque sans doute une étape décisive dans l’interprétation des dispositions de l’article 13 alinéa 2 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) se prononce dans cette espèce sur la problématique de la compétence des juridictions étatiques à statuer sur la nullité d’un contrat faisant l’objet d’une convention d’arbitrage.
De l’examen de cet arrêt, il apparaît clairement que si le principe est la compétence des juridictions arbitrales en cas d’existence d’une convention d’arbitrage (I), les juridictions étatiques peuvent toutefois, à certaines conditions, retenir leur compétence pour connaître de tels litiges (H).
I. LE PRINCIPE DE LA COMPETENCE EXCLUSIVE DES JURIDICTIONS ARBITRALES EN, CAS D’EXISTENCE D’UNE CONVENTION D’ARBITRAGE
Qu’il soit inséré dans un contrat ou établi dans un document séparé, conclu avant la survenance du litige (clause compromissoire) ou après (compromis), l’accord par lequel les parties décident de soumettre les litiges en rapport avec leur contrat à la procédure d’arbitrage, c’est-à-dire la convention d’arbitrage constitue une clause attributive de compétence de nature spéciale. Elle a pour effet de déterminer la compétence exclusive des juridictions arbitrales à l’exclusion de celle des juridictions étatiques de droit commun.
Il en résulte que c’est à la juridiction arbitrale qu’il appartient de se prononcer sur toutes les questions touchant aussi bien à l’existence même de la convention d’arbitrage qu’à sa validité.
A. L’appréciation de la validité de la convention d’arbitrage
A la question de savoir quelle juridiction peut connaître de la validité d’une convention d’arbitrage.
Renvoie la cause et les parties à la procédure d’arbitrage prévue au protocole transactionnel du 11 août 2007; la CCJA a décidé “qu’il résulte de la combinaison du principe de validité et de celui de compétence en matière arbitrale que le juge étatique ne peut procéder à un examen substantiel et,, approfondi d’une convention d’arbitrage pour se prononcer sur la nullité de celle-ci.
Ce pouvoir appartient en effet à la juridiction arbitrale seule. L’appréciation de la validité de la convention d’arbitrage est en réalité la première mission du tribunal arbitral, car elle la conduit à statuer sur sa propre compétence, avant tout examen de la procédure soumise à son verdict’26.
Ce principe est affirmé par l’article 11 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA). Ainsi une partie qui conteste la validité de la convention d’arbitrage doit soulever cette exception devant le tribunal arbitral et ce, in limine titis. Le pouvoir de la juridiction étatique sur ce sujet n’intervient qu’ultérieurement lorsqu’un recours en annulation de la sentence arbitrale est exercé pour établir que le tribunal arbitral a statué sur une convention d’arbitrage nulle27.
Apprécier la validité de la convention d’arbitrage revient à statuer sur la question de la nullité de la convention d’arbitrage, ce qui suppose soit un vice affectant la formation même de la convention d’arbitrage tel que l’incapacité ou l’absence de pouvoir d’une partie ou le vice de consentement, soit que le litige n’est pas arbitrable 128,
Ainsi, dans le cas d’espèce, la question qui se posait de savoir si l’Administrateur provisoire de la MATCA avait, en vertu des dispositions textuelles en vigueur, le pouvoir de conclure valablement une convention d’arbitrage dans les conditions où elles l’ont été, ressortissait de la seule compétence du tribunal arbitral qui devait être mis en place, conformément à la convention d’arbitrage, par l’organisme d’arbitrage de la CCJA’29.
‘2’Philippe LEBOULANGER, “ l’arbitrage et l’harmonisation du droit des affaires en Afrique” Rev.arb. 1999 n 3.p.559.
27 Voir article 26-1er de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUA).
28 Le caractère arbitrable d’un litige est apprécié en fonction deslégislations internes des Etats membres de l’OHADA. En effet, l’article 2 al 1 AUA dispose que “ toute personne physique ou morale peut recourir à l’arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition “. Ainsi, en Côte d’Ivoire, ne peut faire l’objet d’arbitrage, les questions d’état et de capacité des personnes, de divorce, les matières intéressant l’ordre public (article 17 loi 93-671 du 9 août 93 relative à l’arbitrage).
Il est cependant utile de rappeler que l’acte uniforme a mis fin au caractère non arbitrable des litiges dans lesquels l’Etat est partie 29 Il convient de rappeler u’en l’espèce, en vertu de la convention d’arbitrage, les parties entendaient soumettre leur litige à l’organisme d’arbitrage de la CCJA.
En statuant sur la validité de la convention d’arbitrage, la juridiction arbitrale se prononce par voie de conséquence sur sa propre compétence; c’est ce qui est qualifié de “compétence-compétence “. Cela signifie que si le tribunal arbitral aboutit à l’annulation de la convention d’arbitrage pour l’un des motifs sus-invoqués, elle doit se déclarer par voie de conséquence incompétente pour statuer sur la cause car la convention d’arbitrage qui constitue le fondement de son institution n’existe plus.
L’erreur du tribunal arbitral qui consisterait à se déclarer à tort compétent, alors même que la convention d’arbitrage serait en réalité nulle, est soumise à la censure des juridictions étatiques par la voie du recours en annulation.
Retenir la compétence des juridictions arbitrales revient à exclure celle des juridictions étatiques sur la même cause, tel qu’il est indiqué à l’article 13 alinéa 2 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, et cela, que le tribunal arbitral ait été déjà ou pas encore saisi. Le Tribunal de Première Instance d’Abidjan et par la suite la Cour d’Appel d’Abidjan devaient donc se déclarer incompétents pour connaître de cette cause.
B. L’appréciation de l’existence de la convention d’arbitrage
Bien que la CCJA ne s’y soit pas expressément prononcée, la question de l’appréciation de l’existence même de la convention d’arbitrage figurait au rang des préoccupations soulevées par cette affaire.
En effet, il résulte des énonciations de l’arrêt, l’attendu suivant : “attendu que la MATCA, intimée, soutient pour sa part, que si l’alinéa 2 de l’article 7 du protocole d’accord réserve les contestations liées à l’interprétation ou à l’exécution ou en relation avec celle-ci à une procédure de conciliation préalable puis, en cas d’échec, à la chambre arbitrale de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, il en va autrement quant aux contestations liées comme en l’espèce, à la validité même du protocole “.
En soulevant cette exception, la MATCA entendait indiquer que la question de “ ta validité du protocole d’accord “conclu entre les parties se trouvait hors du champ d’application de la convention d’arbitrage, laquelle ne portait en réalité que sur “ les contestations liées à l’interprétation ou à l’exécution du protocole ou en relation avec celle-ci “. En effet, l’expression “ en relation avec celle-ci ne pouvait valablement viser que les contestations en relation avec “ l’interprétation ou l’exécution du protocole d’accord “ et ne pouvait donc concerner celles en relation avec “ le “ protocole d’accord dans son ensemble.
Cette préoccupation pose en réalité le problème de l’existence de la convention d’arbitrage.
C’est le cas lorsque la convention d’arbitrage ne recouvre pas l’intégralité des matières relatives au contrat dans lequel elle est insérée. Il s’agit donc d’établir par ce moyen, en soulevant cette exception, que le litige soumis à règlement ne fait pas partie de ceux visés par la convention d’arbitrage; l’existence de la convention d’arbitrage étant perçue ici comme l’inefficacité de la convention d’arbitrage par rapport au litige en cause’30.
Ainsi, l’on peut valablement admettre que la convention d’arbitrage qui ne vise expressément que les contestations liées à “ l’interprétation~ ou~ à l’exécution du protocole d’accord “, exclut de son champ d’application celles relatives à “la validité~” même dudit protocole d’accord.
En tout état de cause, tout comme la question de la validité, celle relative à l’existence de la convention d’arbitrage relève, encore ici, de la compétence de la juridiction arbitrale comme il résulte clairement des dispositions de l’article 11 AUA précité. C’est donc à la juridiction arbitrale de se prononcer sur l’existence de la convention d’arbitrage en disant si elle s’applique ou non au protocole d’accord, la juridiction étatique demeurant incompétente pour statuer sur cette cause. S’il est admis, comme on vient de le voir, que les juridictions étatiques restent incompétentes pour connaître de litiges pour lesquels une convention d’arbitrage existe, des exceptions à cette règle sont toutefois prévues pour permettre, dans certaines conditions, auxdites juridictions de retenir leur compétence dans ces matières.
II. L’EXCEPTION A LA REGLE DE LA COMPETENCE EXCLUSIVE DES JURIDICTIONS ARBITRALES EN CAS D’EXISTENCE D’UNE CONVENTION D’ARBITRAGE
Comme on vient de le voir, si une partie à un contrat saisit une juridiction étatique pour statuer sur un litige alors qu’il existe une convention d’arbitrage, ladite juridiction doit en principe se déclarer incompétente.
Toutefois, la loi prévoit des conditions dans lesquelles, en dépit de l’existence de la convention d’arbitrage, les juridictions étatiques qui sont saisies peuvent retenir leur compétence pour statuer sur de telles causes.
C’est le cas lorsqu’aucune partie n’invoque l’incompétence de la juridiction étatique et lorsque la convention d’arbitrage est manifestement nulle.
30 Pierre MEYER. “droit de l’arbitrage “. collection droit uniforme africain, juriscope éd. 2002, p.253
A. La juridiction étatique reste compétente lorsqu’aucune partie n’invoque son incompétence
Lorsque des parties à un contrat souhaitent régler les conflits qui en découleraient ou qui en ont découlé par la voie de l’arbitrage, elles manifestent cette volonté à travers une convention d’arbitrage qui est en principe un document écrit’31.
Il en résulte que dès qu’un conflit survient, la partie la plus diligente âe doit de saisir, comme prévu, la juridiction d’arbitrage. Mais il arrive très souvent, comme c’est le cas de l’espèce, que l’une des parties saisisse plutôt une juridiction étatique. Dans ce cas, nous l’avons vu, l’article 13 alinéa 2 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage prévoit que ladite juridiction doit se déclarer incompétente, que le tribunal arbitral ait été préalablement ou pas encore saisi.
Toutefois, en vertu de l’alinéa 3 de l’article 13 précité, “en tout état de cause, la juridiction étatique ne peut relever d’office son incompétence “. Si donc aucune partie ne soulève l’exception d’incompétence, la juridiction étatique doit, pour rester conforme à la loi, connaître de’ cette affaire, même si par ailleurs, la juridiction arbitrale était également saisie.
Cette vision du législateur trouve son explication dans le fait que traditionnellement, le pouvoir de juger est reconnu comme un service public faisant partie des attributs de l’Etat.
Ainsi par principe, c’est aux institutions judiciaires de l’Etat qu’est dévolu le règlement des conflits opposant les personnes entre elles et qu’en concédant à des particuliers le pouvoir de juger, par la voie de l’arbitrage, c’est une exception que l’Etat fait à la règle en autorisant les parties, par le fait d’un simple accord de volonté, à y recourir.
Ainsi. de même que par un accord exprès de volonté, les parties sont autorisées par la loi à déroger au principe de la compétence exclusive des institutions judiciaires étatiques à juger les litiges entre particuliers, de même, lorsque ce~ mêmes parties saisissent les juridictions étatiques pour trancher un litige portant sur un contrat faisant l’objet d’une convention d’arbitrage, sans soulever d’exception d’incompétence, le législateur considère qu’il s’agit là d’un accord de volonté tacite des parties par lequel elles entendent ainsi renoncer à leur volonté initiale de recourir à l’arbitrage.
Il s’ensuit que dans le cas d’espèce, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, saisi par la MATCA,’ et par la suite la Cour d’Appel d’Abidjan, n’auraient pu valablement retenir leur compétence et statuer sur la cause que si l’exception d’incompétence n’avait pas été soulevée par DAM SARR et MADY MADY.
“ Aux termes de l’article 3 de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, “la convention d’arbitrage doit être faite par écrit, ou par tout autre moyen permettant d’en administrer la preuve notamment par la référence à un document la stipulant
B. La juridiction étatique demeure compétente si la convention d’arbitrage est manifestement nulle
Aux termes de l’article 13 alinéa 2, “ si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d’arbitrage ne soit manifestement nulle “. C’est cette disposition qui a servi de fondement au Tribunal de Première Instance d’Abidjan, et par suite à la Cour d’Appel pour retenir leur compétence dans la cause sus-rapportée.
En effet, la Cour d’Appel a soutenu, après avoir visé ce texte qu” il s’ensuit que la demande de la MATCA tendant à voir déclarer le protocole transactionnel nul, ressort de la compétence de la juridiction étatique en raison de ce que le tribunal arbitral n’est pas encore saisi.. “.
En raisonnant ainsi, la Cour d’Appel soutient en réalité que dès lors que le tribunal arbitral n’est pas encore saisi, la juridiction étatique est compétente pour statuer sur toute demande de nullité de la convention d’arbitrage.
Or une telle interprétation de l’article 13 alinéa 2 susvisé n’est pas exacte et c’est à bon droit que la CCJA a censuré cette décision de la Cour d’appel
L’on a vu, en effet, que la question de la validité de la convention d’arbitrage relève de la compétence du tribunal arbitral, comme il est indiqué à l’article 11 alinéa 1er de l’acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage. Statuer sur la validité d’une convention, c’est vérifier si les conditions légalement prévues pour la formation de ladite convention sont réunies, à l’effet de lui permettre de produire son effet créateur d’obligations32. La sanction des conditions de validité d’une convention, c’est la nullité’33. Et c’est ce que le tribunal arbitral est chargé d’apprécier, c’est-à-dire, de dire si la convention d’arbitrage encourt ou non la nullité.
Le principe demeure donc celui de la compétence du tribunal arbitral pour connaître de cette matière, et par voie de conséquence, celui de l’incompétence des juridictions étatiques, même si le tribunal arbitral n’est pas encore saisi. C’est ce qu’affirme, très clairement d’ailleurs, l’article 13 alinéa 2 précité.
Ainsi, l’intervention de la juridiction étatique ne peut se justifier si la convention d’arbitrage encourt simplement la nullité; autrement dit, il ne suffit pas que l’une des parties invoque la nullité de la convention d’arbitrage de la juridiction étatique mais il faut en plus et surtout, que ladite nullité scii~” manifeste “. C’est donc sur ce point précis que se situe la véritable problématique. La Haute Cour, suivant en cela le moyen unique de cassation de DAM SAP~, affirme avec raison, que la Cour d’Appel n’a pas donné de base légale à sa décision, en ne démontrant pas en quoi la convention d’arbitrage en cause était manifestement nulle.
En évoquant et statuant à nouveau sur cette question, la CCJA permet de mieux cerner la notion de “ nullité manifeste de la convention d’arbitrage”; et c’est là tout l’intérêt de cet arrêt qui constitue une étape importante dans la construction progressive de la jurisprudence en matière de droit de l’arbitrage dans l’espace OHADA.
En effet dans cette oeuvre, la CCJA nous donne de retenir que “ la nullité manifeste d’une convention d’arbitrage ne doit découler que de l’apparence de celle-ci “. Poursuivant son analyse, elle nous permet de comprendre ce qu’il faut entendre par le concept d’apparence en indiquant que la nullité de la convention d’arbitrage n’est manifeste, donc ne découle pas de son apparence, dès lors que pour l’établir ou pouvoir l’affirmer, il est nécessaire de procéder préalablement à un “ examen substantiel et approfondi de ladite convention “.
La CCJA fournit, là un critère pertinent pour pouvoir apprécier le caractère manifeste ou non de la nullité de la convention d’arbitrage et qui mérite d’être retenu comme un apport essentiel au droit de l’arbitrage.
La caractéristique fondamentale de ce droit processuel qu’est l’arbitrage est son caractère dérogatoire des règles de compétence des juridictions étatiques dans la f onction de juger. Cela permet de comprendre pourquoi, même après évocation, la CCJA, juridiction de cassation, puisse elle-même “se déclarer incompétente en ‘raison de la convention d’arbitrage et renvoyer la cause et les parties à la procédure d’arbitrage prévue au protocole transactionnel du 11 août 2004 “, pour statuer sur la demande par laquelle la MATCA avait saisi le Tribunal de Première Instance d’Abidjan et qui tendait à voir déclarer faux le protocole transactionnel signé le 11 août 2004 ou à défaut annuler ledit protocole ou le déclarer inapplicable.
AKO Eloi, Magistrat